Ernest Renan : la science, la métaphysique, la religion et la question de leur avenir
Jacques Bouveresse
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Ernest Renan : la science, la métaphysique, la religion et la question de leur avenir
Jacques Bouveresse
Ă propos de ce livre
On croit souvent que, pour Renan, l'avenir appartiendrait Ă la seule science; la religion n'en aurait, au contraire, Ă peu prĂšs aucun. Mais mĂȘme un lecteur simplement superficiel ne tarde cependant pas Ă se rendre compte que sa position est bien diffĂ©rente. La prĂ©face du PrĂȘtre de Nemi (un drame philosophique qu'il a publiĂ© en 1885) commence de la façon suivante: « J'ai voulu, dans cet ouvrage, dĂ©velopper une pensĂ©e analogue Ă celle du messianisme hĂ©breu, c'est-Ă -dire la foi au triomphe dĂ©finitif du progrĂšs religieux et moral, nonobstant les victoires rĂ©pĂ©tĂ©es de la sottise et du mal. J'ai essayĂ© de montrer la bonne cause gagnant du terrain malgrĂ© les amertumes, les disgrĂąces, les dĂ©faillances mĂȘme de ses apĂŽtres et de ses martyrs. » Ce n'est pas du progrĂšs scientifique, mais du progrĂšs religieux et moral qu'il est question ici. Contrairement Ă ce que l'on croit souvent, il n'y a pas pour Renan que la science qui soit capable de progresser, la religion l'est aussi. C'est lui-mĂȘme qui parle Ă ce propos de « religion progressive »; et ce dont il rĂȘve n'est sĂ»rement pas de voir la religion disparaĂźtre une fois pour toutes, mais plutĂŽt de la voir se transformer graduellement pour prendre, au moins chez les gens qui sont suffisamment Ă©clairĂ©s pour ĂȘtre capables d'accepter cette Ă©volution, une forme plus Ă©purĂ©e, plus intĂ©riorisĂ©e et plus universelle. De Dieu, Renan dit qu'il peut ĂȘtre considĂ©rĂ© sous deux aspects: (1) celui de l'existence totale en train de se faire et qui sera complĂšte lorsque le monde sera gouvernĂ© entiĂšrement par un seul pouvoir, Ă savoir celui de la science et de l'esprit; (2) celui de l'absolu. Il est donc tout Ă fait logique, de sa part d'identifier pour finir, Ă peu de chose prĂšs, la croyance en Dieu et la dĂ©votion envers lui avec le culte du seul objet auxquelles elles peuvent, selon lui, lĂ©gitimement se rapporter, Ă savoir l'idĂ©al lui-mĂȘme. De ce point de vue, la dĂ©mocratie, Ă laquelle il reproche ce que l'on pourrait appeler son caractĂšre « matĂ©rialiste » et son incapacitĂ© de reconnaĂźtre la primautĂ© du spirituel et de l'idĂ©al, et la nĂ©cessitĂ© pour la sociĂ©tĂ© de consacrer Ă la recherche de celui-ci une partie essentielle de ses ressources et de ses forces, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme irrĂ©ligieuse.