D'Asimov à Star Wars
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D'Asimov à Star Wars

Représentations politiques dans la science-fiction

Isabelle Lacroix, Karine Prémont

  1. 268 pages
  2. French
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D'Asimov à Star Wars

Représentations politiques dans la science-fiction

Isabelle Lacroix, Karine Prémont

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La science-fiction prend de plus en plus d'espace dans la culture populaire. Le phénomène planétaire que représente Star Wars, ou encore les séries télévisées iconiques telles Star Trek, constituent des preuves convaincantes de la popularité du genre. Comme toutes les formes d'art populaire, la science-fiction a le formidable talent de parler franchement de la société qui la con-çoit et la consomme. Qui plus est, parce qu'elle permet de voir ce qui pourrait être, elle se fait le miroir de nos craintes collectives les plus criantes?; elle est éminemment politique.Les auteurs de cet ouvrage, des amateurs de science-fiction spécialistes de la politique, de l'éthique ou des technologies, se penchent sur les représentations politiques portées par des œuvres de science-fiction afin de faire ressortir les rapports de force et les relations de pouvoir — existants ou anticipés — qui s'exercent dans le monde occidental contemporain. D'Isaac Asimov à Andrew Scott Card, en passant par les superhéros de Marvel ainsi que les mondes de Star Wars et de Star Trek, et inspirés par ce qu'ont fait certains éthiciens et philosophes, les auteurs offrent un éclairage nouveau sur les enjeux sociaux, politiques et éthiques soulevés par la science-fiction.Que nous disent ces interprétations de notre monde?? Quels avenirs projettent-elles?? Reflètent-elles les luttes réelles de pouvoir au sein de nos sociétés occidentales?? Que nous disent-elles sur nos craintes, nos inquiétudes politiques, nos dilemmes éthiques?? Comment interpréter les différentes visions du monde présentées dans ces œuvres?? L'ouvrage offre un portrait détaillé des liens entre les œuvres de science-fiction et la science politique.

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PARTIE 1 /

LES FONDEMENTS POLITIQUES

La science-fiction est un méta-monde fermé sur une méta-humanité, une nouvelle dimension de nous-mêmes et une extension de notre sphère de réalité tout entière; elle ne connaît de ce point de vue aucune limite.
PHILIP K. DICK1
1Cité dans L. MURAIL, Les maîtres de la science-fiction, Paris, Bordas, 1993, p. 15.

CHAPITRE 1 /

Nouvelles sociétés, nouveaux régimes politiques

L’apport paradigmatique de la science-fiction dans l’observation des régimes politiques actuels
Thierry Dominici
Une des principales difficultés rencontrées lors de toute approche de la représentation des démocraties actuelles, ou plus exactement des régimes politiques pluralistes actuels2 – que cela soit en sciences sociales en général ou en sciences politiques en particulier –, est l’énigme que constitue sa figure centrale: le pouvoir citoyen et donc sa représentation dans un système politique.
Pourtant, que cela soit pour le savant, le politique ou le profane, jamais la question n’a semblé aussi importante, voire cruciale qu’aujourd’hui. En effet, avec la fin de la bipolarisation idéologique du monde du XXe siècle, nous assistons, chaque jour un peu plus, à une sorte d’ «hiver de la démocratie3». En science du politique, cette nouvelle posture des systèmes représentatifs actuels rend quasi inopérants les repères taxinomiques classiques inhérents à l’analyse des régimes politiques. Cette obsolescence des concepts théoriques ou paradigmatiques résulte peut-être d’un fait simple: les typologies classiques ne permettent pas de saisir dans leurs filets la multiplicité des variantes des systèmes démocratiques ou pluralistes actuels (et futurs).
En revanche, si les spécialistes parlent de plus en plus d’un nouveau régime, c’est qu’au cœur des démocraties actuelles, la nature même de l’idée du pouvoir a évolué4. Cette évolution (ou révolution) est visible aussi bien sur le plan de la légitimité des représentants et de la domination politique qui découle de cette fonction, que sur le plan de la nature de la représentation sociétale de celle-ci.
Aussi, force est d’admettre que l’idée (ou l’idéal) de démocratie paraît être arrivée à un nouvel âge politique, certains spécialistes s’aventurant à parler d’une ère postdémocratique aux variantes de plus en plus bureaucratiques5 (on parle notamment de démocraties grises, de régimes mixtes, hybrides, polyarchiques, autoritaires, post-totalitaires, populistes, etc.6) et d’autres s’inquiétant des formes utopiques et surtout dystopiques (voire uchroniques et antiutopiques7) que ce nouveau régime propose en se focalisant notamment sur des principes de gouvernance plus économiques que politiques8.
Selon Norbert Elias, une utopie est, sur le plan du social,
une représentation imaginaire d’une société qui contient des suggestions de solutions à certains de ses problèmes non encore résolus, une représentation imaginaire de solutions désirables ou indésirables selon le cas, à un problème. Une utopie peut même contenir des rêves où des désirs et des peurs se mêlent les uns aux autres9.
En fait, le sociologue et philosophe allemand oppose deux formes d’utopies distinctes et intimement liées, ce que nous pouvons appeler les utopies-rêve (wish-dreams utopies, c’est-à-dire littéralement des utopies qui traduisent des rêves désirables) et les utopies-cauchemar ou noires (fear-dream utopies) que nous pouvons associer, aujourd’hui, au vocable de dystopie.
En utilisant ce vocable, au sens premier que lui confère la science-fiction, genre littéraire tant apprécié par une grande majorité d’individus (sans distinction de genre, d’âge, ou de classe) et en l’étudiant dans ce qu’il a de politique et de social, autrement dit, de possible, ne pourrions-nous pas trouver des réponses au présent – et au(x) futur(s) – de nos régimes politiques? Selon la formule de Christian Grenier, la science-fiction «interroge l’avenir pour mieux éclairer le présent10»; dès lors, ne pourrions-nous pas ainsi tenter, comme l’imaginait Herbert G. Wells, de «domestiquer l’impossible11»?
Autrement dit, nous sommes convaincus que l’utilisation de la science-fiction en sciences du politique pourrait nous fournir des indices ou des pistes pour comprendre notre réalité politique et systémique actuelle et future. D’autant que la science-fiction est localisable dans le temps: elle voit le jour au XIXe siècle, au moment où le monde bascule dans l’ère industrielle. Véritable terrain d’expression du monde moderne (et postmoderne) et
d’origine populaire, la science-fiction est devenue au fil des années une littérature exigeante et sophistiquée. Souvent accusée de n’être qu’une évasion, elle peut également creuser le réel. Car loin de ne s’intéresser qu’à une certaine image du futur, elle ne cesse de proposer une lecture du présent12.
En effet, comme l’explique le sociologue Alexandre Hougron,
la science-fiction fait désormais partie de notre univers quotidien. Comme appréciée des seuls amateurs il y a encore [34] ans, et ce, sous une forme essentiellement littéraire, elle a bénéficié d’un boom sans précédent grâce, notamment, à des productions audiovisuelles mondialement célèbres, dont la première fut la Guerre des étoiles (1977) […] Aujourd’hui, la plupart [des gens savent] ce qu’est la science-fiction et [peuvent] la rapporter, même s’ils n’en consomment pas eux-mêmes, à ce que regardent et (plus rarement) lisent leurs enfants et petits-enfants13.
Certes, il est difficile de circonscrire la science-fiction autour d’une seule et unique définition. Cependant, force est d’admettre qu’il existe, selon plusieurs spécialistes, une multitude de définitions et de courants littéraires14. Outre les multiples propositions, le romancier et professeur de littérature comparée à l’Université du Massachusetts, Samuel Delany, proposait une définition claire et précise à ses étudiants, notamment aux plus sceptiques, à laquelle nous adhérons pleinement ici: «La science-fiction est un langage15.» Un langage du possible, un langage de l’impossible... un langage de l’avenir.
Dès lors, l’objectif nodal de ce chapitre est de tenter de montrer comment la science-fiction pourrait, d’un point de vue méthodologique et didactique, éclairer l’analyse politique des régimes et des systèmes représentatifs passés, actuels et, pourquoi pas, futurs. Pour ce faire, nous avons choisi, dans un premier temps, d’étudier le phénomène uniquement par le biais de la perspective littéraire. Nous rappelons brièvement que le lien méthodologique ou paradigmatique entre la littérature et la science politique a été mis au jour dès le début des années 1960. Par exemple, le professeur et pionnier de la science politique française Jean Meynaud émettait l’hypothèse que la description littéraire pouvait (ou devait) être ajoutée à l’arsenal méthodologique et paradigmatique du chercheur en analyse politique16. En fait, Meynaud nous soufflait méthodiquement l’idée que l’emploi de la description littéraire offre au chercheur des possibilités d’abstraction que les théories de la science politique seules ne permettent pas. En d’autres termes, que cela soit le «roman comme procédé de combat politique», le polar17 ou la science-fiction, nous pouvons noter, en suivant la proposition de lecture de Meynaud, que le propre de tout littérateur est de faire reposer sa vision du réel sur du concret. Tout son art reposerait sur une fragile alchimie entre imaginaire et description littéraire basée sur des cas précis (société, civilisation, individus, comportements, développement, etc.). En conséquence, il s’agira ici de montrer que cette littérature spécialisée est (et a peut-être toujours été) un outil épistémologique et méthodologique sérieux et opérationnel en sciences sociales et en science politique.
Dans un deuxième temps, nous montrerons qu’outre des intérêts explicatifs du réel, la littérature de science-fiction permet aussi sur le plan pédagogique d’expliquer ou de présenter à des fins didactiques aux générations actuelles (élèves, étudiants et profanes) comment les sciences politiques abordent cette question classique des régimes politiques et de la crise de la représentation politique des individus (et des citoyens).
Afin d’illustrer le phénomène de domination d’une société imaginaire ou imaginée par un pouvoir légitime, nous tenterons, dans un troisième temps, de mettre au jour deux variantes dystopiques tirées de deux nouvelles différentes (éloignées dans le temps et si proches dans la vision prophétique) basées sur cette situation, et si peu étudiées ensemble, soit «La caverne» d’Evgueni Zamiatine et «Matin brun» de Franck Pavlov qui, depuis plusieurs années, nous servent d’éléments ou d’outils de base à l’analyse pédagogique pour aborder en substance des régimes au pluralisme limité que nous qualifierons ici de dystopiques.

1.1 /L’intérêt méthodologique de la dystopie en sciences sociales (et politiques)

Littérature protéiforme, la science-fiction a marqué l’histoire littéraire et sociale du XXe siècle. Écriture engagée, de plus en plus prophétique et pessimiste, ce genre littéraire est peut-être celui qui a su (à tout le moins mieux que le conte merveilleux et le roman fantastique), sorte de pouvoir de résilience, émerveiller les lecteurs et s’adapter à son environnement (nos sociétés) et donc à la modernité sociale. Nous remarquons aisément que la science-fiction s’inscrit de plus en plus comme un domaine ou un fait sociétal, voire civilisationnel construisant et modelant la vision (ou la représentation sociale) de notre propre modernité18. Aussi une question s’impose-t-elle au champ scientifique des sciences sociales et de la science du politique d’aujourd’hui: peut-on faire de cette culture de la science-fiction un outil méthodologique objectif?
Certes, dans le domaine des sciences sociales, ce n’est pas une nouveauté en soi. Déjà des spécialistes, à l’instar de Paul Feyerabend19, pour mieux appréhender les faits sociaux et politiques, préconisaient l’utilisation des cultures populaires. L’écriture dystopique, en science-fiction comme en littérature classique, est peut-être le genre littéraire le plus intéressant pour tenter de saisir ce thème de choix de la science politique qu’est le pouvoir au cœur des sociétés pluralistes ou non. Au début des années 1980, dans le cadre d’un programme de recherche inhérent au statut intrinsèque des sciences, le sociologue et philosophe allemand Norbert Elias s’attelle à une analyse des utopies20. Prenant comme pierre d’achoppement l’Utopie de Thomas More et plusieurs romans de H. G. Wells diffusés entre 1885 et 1901, Elias donne une lecture paradigmatique de l’utopie et montre ainsi pourquoi, finalement, cette dernière doit faire partie de l’analyse sociologique des savoirs21, mais aussi (plus intéressant en science politique) des représentations collectives.
Si nous reprenons à la lettre la proposition de base de Norbert Elias,
il ne s’agit pas ici […] de proposer une définition déductive des utopies […] Ce qui apparaît nécessaire, c’est une hypothèse de travail pour l’utilisation du concept d’utopie, sur laquelle on puisse peut-être s’accorder et qui puisse servir de base commune aussi bien aux travaux de recherche littéraires qu’aux autres disciplines représentées ici [sciences sociales et politique]. En ce sens, on pourrait donc dire, pour synthétiser, que l’utopie est la représentation imaginaire d’une société, représentation contenant des propositions de solutions à des problèmes non résolus, bien particuliers, de la société d’origine, à savoir des propositions de solutions qui indiquent les changements que les auteurs ou les porteurs de cette utopie souhaitent ou bien les changements qu’ils redoutent, voire peut-être les deux à la fois. On pourrait encore aller plus loin [et dire] que toutes les utopies, en tant que constructions effrayantes ou souhaitables, se rapportent à des conflits aigus de la société d’origine. Elles renseignent sur les moyens envisagés par leurs concepteurs comme souhaitables ou non pour résoudre ces conflits. C’est certainement l’un des aspects centraux du topo social des utopies qu’il importe de déterminer; si on ne le fait pas, l’étude des utopies sera dépourvue de fondement solide et de structure claire22.
Ainsi, observe Elias, «on suppose que les utopies sont des anticipations qui font l’objet de livres à caractère scientifique ou artistique. La question est la suivante: dans quelle mesure ces utopies livresques peuvent-elles avoir une influence significative sur le développement des sociétés elles-mêmes?23».
Aussi sur le plan méthodologique, Elias souligne
qu’en répondant à la question: les utopies peuvent-elles avoir une influence significative sur l’avenir?, on ne peut pas oublier que chaque société, ou chaque ensemble de sociétés à un instant donné, est soumise à une force qui la pousse au-delà de son état présent, une dynamique de groupe intrinsèque qui lui est propre. Cette dynamique peut être stoppée, mais même dans ce cas elle fait partie intégrante de la structure de la société. Cependant, cela ne signifie pas que cette dynamique structurée est programmée une fois pour toutes de manière unidirectionnelle. Cela signifie que, même s’il existe plusieurs futurs possibles, ces possibilités de développement futur sont clairement circonscrites: elles ne sont pas illimitées24.
Subséquemment, cette limitation permet d’échafauder des lectures et des prospectives sur notre avenir proche ou possible:
Par conséquent, si les utopies d’anticipation ont la moindre influence sur le développement futur d’une société, cela n’est possible que si elles sont en harmonie avec les futurs possibles inhérents à sa structure et à sa dynamique à une étape donnée de son développement. Il se peut bien que les utopies livresques soient des anticipations de futurs impossibles. [Mais] elles ne peuvent avoir une influence réelle sur le développement de la société qu’à condition de s’accorder avec les futurs possibles de celle-ci25.
En revanche, sel...

Table of contents

  1. Couverture
  2. Page légale
  3. Table des matières
  4. Introduction / La science-fiction comme outil d’analyse politique
  5. Partie 1 / LES FONDEMENTS POLITIQUES
  6. Partie 2 / LES REPRÉSENTATIONS POLITIQUES ET LES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES
  7. Partie 3 / LES ENJEUX IDENTITAIRES, SÉCURITAIRES ET ÉTHIQUES
  8. Bibliographie /
  9. Notices biographiques /
  10. Quatrième de couverture