2. Pourquoi faut-il envisager le retour ?
Si tu veux enlever Ă un Homme
sa dignité et son humanité,
donne-lui chaque jour de quoi se nourrir.
Ă la longue tu feras de lui un animal.
Kocc Barma Fall
Aujourdâhui, en occident le systĂšme est Ă bout de souffle. Nombre des Ătats europĂ©ens ne veulent ni ne peuvent rembourser leurs dettes ; il paraĂźt que les banques centrales ont injectĂ© plus de monnaies dans le systĂšme quâelles nâen avaient crĂ©Ă© en un siĂšcle ; lâĂ©difice tout entier est au bord de la rupture. Selon certains spĂ©cialistes pessimistes, tĂŽt ou tard, le socle fragile sur lequel repose cette pyramide de dettes, la valeur des monnaies, va cĂ©der et emporter avec lui non seulement la dette des Ătats, mais aussi le systĂšme bancaire, les capacitĂ©s de financement des Ă©conomies et lâĂ©pargne de quelques millions de citoyens europĂ©ens. Lâoccident, paraĂźt-il, est au bord dâun gouffre abyssal.
Quâimporte, quoi quâil en soit, la rĂ©cente crise Ă©conomique a dĂ©jĂ fait assez de dĂ©gĂąts. Pour les expatriĂ©s africains en occident, bon nombre dâentre eux nâarrivent plus Ă trouver un emploi, donc nâenvoient plus dâargent. Certains ont de plus en plus du mal Ă supporter les charges des loyers, des factures et des dĂ©penses quotidiennes. Jamais il nây a eu autant de sans-abri et de mendiants dâorigine africaine en Europe.
MĂȘme pour ceux qui ont un travail rĂ©gulier, la vie nâest pas simple, car ils nâarrivent plus Ă subvenir Ă tous leurs besoins comme avant, encore moins Ă©pargner un peu dâargent pour le futur. Ils sont obligĂ©s de faire beaucoup dâefforts pour payer leurs charges, tout en continuant Ă transfĂ©rer de lâargent en Afrique. Ils souffrent de ce manque dâĂ©quilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, gagnĂ©s de plus en plus par ces maux quâon appelle stress, fatigue, dĂ©couragement, anxiĂ©tĂ©, dĂ©sespoir, et mĂȘme radicalisation.
Ă cela, il faut ajouter un autre phĂ©nomĂšne qui prend de plus en plus de lâampleur : la montĂ© de lâextrĂ©misme en Europe. Ce sont ces groupuscules qui inquiĂštent les dĂ©mocraties occidentales et qui sont une des consĂ©quences de la crise Ă©conomique et du chĂŽmage. Cette vague dĂ©ferle sur toute lâEurope et la mode est devenue : «les immigrĂ©s nous prennent nos emplois».
Ainsi des immigrĂ©s sont stigmatisĂ©s, agressĂ©s et mĂȘme assassinĂ©s. Des SĂ©nĂ©galais ont Ă©tĂ© froidement abattus Ă Florence en Italie en 2011 par un nĂ©o-nazi, dâautres ont perdu la vie en Espagne dans des conditions presque semblables.
Partout en Europe, exceptĂ© lâEspagne et le Portugal qui ont encore en mĂ©moire les rĂ©gimes dictatoriaux, lâextrĂȘme droite a fait une percĂ©e considĂ©rable aux Ă©lections. Les discours xĂ©nophobes et racistes prennent de plus en plus dâampleur et de plus en plus de jeunes EuropĂ©ens y adhĂšrent. Ce nâest pas forcĂ©ment de leur faute, car les chefs de ces partis utilisent la crise et la fibre patriotique pour raconter des contrevĂ©ritĂ©s sur lâimmigration, ce qui mĂšne forcĂ©ment parfois Ă des dĂ©rives.
Ce phĂ©nomĂšne a rendu encore plus difficile lâintĂ©gration des expatriĂ©s, surtout ces enfants dâexpatriĂ©s africains qui sont nĂ©s sur place et qui ne sây retrouvent plus, car ne se sentant pas acceptĂ©s comme cela se devait.
En 2013, alors que je vivais encore Ă Milan, le journal italien Metro a publiĂ© un article intitulĂ© : «lâUniversitĂ© uniquement pour certains» dans lequel il faisait allusion aux frais des Ă©tudes universitaires qui devenaient de plus en plus chĂšres, et sur le fait que lâobtention dâun diplĂŽme supĂ©rieur Ă©tait de plus en plus une aspiration rĂ©servĂ©e aux riches. En effet, selon toujours le mĂȘme journal, les frais dâinscription avaient encore augmentĂ© en Italie. Les fils dâouvriers, de chĂŽmeurs, les fils des plus nantis doivent sâacquitter de la mĂȘme somme.
Si les Ă©tudes supĂ©rieures deviennent de plus en plus chĂšres, comment les expatriĂ©s africains, qui pour la plupart, vivent dans des conditions modestes, sây prendront-ils pour financer celles de leurs enfants ? Cela veut dire tout simplement, que beaucoup de jeunes, fils dâimmigrĂ©s, seront obligĂ©s dâarrĂȘter leurs Ă©tudes plus tĂŽt pour trouver un travail qui demandera moins de qualifications. De ce fait, ils seront dans les mĂȘmes conditions de vie que leurs parents, pour ne pas dire dans des conditions encore plus difficiles. Cet Ă©tat de fait nâest pas seulement rĂ©servĂ© Ă lâItalie. Dans tous les pays dâEurope, les Ă©carts continuent de se creuser entre les Ă©trangers et les populations autochtones, mĂȘme si ces derniĂšres ne sont pas non plus dans une situation reluisante.
Sur les dĂ©combres de cette crise qui sâintensifie, crise Ă©conomique et crise des valeurs, nous sommes amenĂ©s en tant quâAfricains Ă choisir dans quel type de monde nous souhaitons vivre. Contrairement Ă ce que lâon veut nous faire croire, il y a bel et bien une alternative : lâAfrique.
Kocc Barma Fall, de son vrai nom Birima MakhourĂ©dia Demba KholĂ© Fall, Ă©tait un philosophe et un grand penseur sĂ©nĂ©galais, certainement lâun des plus grands en Afrique. Ce sage utilisait des maximes mĂ©taphoriques qui font partie de la culture Wolof (ethnie majoritaire au SĂ©nĂ©gal). Parmi ses cĂ©lĂšbres citations, il y avait celle-ci : «Si un peuple pense quâil doit quĂ©mander tout ce qui le nourrit Ă lâextĂ©rieur et quâil en prenne lâhabitude, toutes les gĂ©nĂ©rations de ce peuple ne connaĂźtront quâun seul mot dans leur langage. Ce mot est : Merci».
Il pose ici effectivement le problĂšme de la dĂ©pendance de lâAfrique envers lâoccident. Ce qui a fait q...