Engagement, fiction, vérité : Pasolini, Kalisky, Sciascia, Mertens
eBook - ePub

Engagement, fiction, vérité : Pasolini, Kalisky, Sciascia, Mertens

  1. 96 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Engagement, fiction, vérité : Pasolini, Kalisky, Sciascia, Mertens

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

«Un petit " Rashomon " critique, dans lequel le regard de Méduse de Pasolini puisse être morcelé en plusieurs miroirs, correspondant chacun à l'interprétation de Kalisky, Sciascia et Mertens.»Cet essai est consacré à la comparaison de quatre écrivains et intellectuels: les Italiens Pier Paolo Pasolini (1922-1975) et Leonardo Sciascia (1921-1989) et les Belges francophones René Kalisky (1936-1981) et Pierre Mertens (1939). En partant des affinités explicites entre ces auteurs, mais aussi en les dépassant, nous aimerions comparer leurs positions différentes face à une question essentielle pour l'histoire intellectuelle du XXe siècle: la déchirure du lien entre réalité et vérité. Pasolini s'inscrit dans une attitude tragique en tant qu'il oscille entre deux pôles inconciliables: ne reconnaissant pas cette déchirure, il ondule entre l'acceptation totale de l'idée de réalité comme vérité et son refus, tout aussi totalisant. Les trois autres écrivains reconnaissent en revanche cette situation de crise, et de là partent en quête de solutions temporaires. Leur posture dialectique les pousse à dépasser le plan de la négation. Selon Kalisky, Sciascia et Mertens, l'oeuvre peut encore racheter la réalité – selon des modalités bien différentes d'un auteur à l'autre. Pour Kalisky, la fiction tend à prendre la place de la réalité. Sciascia et Mertens postulent au contraire que l'invention et le réel s'entrecroisent sans cesse. Selon Mertens cependant, il convient de renforcer, de confirmer ce mélange à travers une écriture qui le sur-mobilise et le magnifie – tandis que chez Sciascia, l'univers de la fiction se justifie entièrement par ses rapports vivants avec les mouvements de l'histoire, dans la mesure où il est capable de démasquer les mensonges du réel.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Engagement, fiction, vérité : Pasolini, Kalisky, Sciascia, Mertens par Fichera Gabriele en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literature et Literary Criticism. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Quodlibet
Année
2017
ISBN
9788874629923
LA VÉRITÉ HUMORISTIQUE. LE NŒUD ENTRE RÉALITÉ ET FICTION CHEZ MERTENS
L’Italie représente pour Mertens ce qu’était l’Amerique pour Kafka : le lieu par excellence de l’hybridation humoristique entre le réel et l’imaginaire, les faits divers et l’invention. En tant que « pays sans verité » (Mertens 1989, p. 189) l’Italie incarne, malgré elle, cette forme de réalité hallucinée que Mertens adore. Dans le conte Collision, un des plus importants de l’écrivain, l’Italie se fait pôle magnétique qu’indique sans cesse l’aiguille de l’imagination. Le protagoniste André a l’habitude, voire le vice, de rêvasser en déformant le réel. Par exemple, il italianise les prénoms de ses maîtresses. Ce n’est pas par hasard si, dans le cadre de cette fiction, la destination du trajet, qui sera interrompu tragiquement, s’appelle « Avenue d’Italie ». La « collision » du titre nous renvoie sans doute à l’accident mortel qui bouleversera les vies des personnages. Mais elle représente aussi l’accrochage entre la rêverie et la réalité, qui constitue le thème proéminent de cette narration. La femme de l’homme tué, elle-même protagoniste de la nouvelle, possède un nom italien.
Sur la question des rapports entre réel, vérité et fiction, Mertens adopte une perspective humoristique. Selon Kalisky la fiction dessinait par elle-même un espace de vérité – quitte à employer l’expression « vérité » au pluriel. Quant à Sciascia, la vérité lui apparaissait comme un but historique, que la littérature peut atteindre en reversant et en démasquant les mensonges du réel. Chez Mertens, nous sommes confrontés à une conception hybride : la littérature prend sa place dans une région ambiguë, de nature bifide, dans laquelle la réalité et l’imagination s’entremêlent d’une manière compliquée. D’où une fiction perturbante, avec laquelle l’essayiste confère un sens à la réalité. Parmi les nombreux morceaux dans lesquels l’écrivain aborde cette question, on pourrait sélectionner celui-ci, tiré d’un essai sur Tynianov : il faut « préserver ce mystère qui seul, assure le coup de théâtre de cette dialectique qui réconcilie réalité et fiction » (Mertens 2009, p. 92). Nous nous retrouvons ici face à deux notions-clés : la dialectique entre invention et réel, et l’idée de la réconciliation. Dans ce contexte, il faut noter que Kafka constitue un point de repère décisif pour Mertens, qui lui a consacré un très long essai. L’écrivain se montre bien capable d’observer le côté irréel de la vie ; mais aussi de percevoir d’avance ce qui reste invisible au plus grand nombre, ce qui est encore en gestation. Les prismes mobilisés par Mertens pour lire Kafka sont multiples et diversement polis. Nous en distinguons deux : ceux de Sartre et de Bataille. Commençons par le deuxième. Dans l’œuvre de Bataille La Littérature et le mal, Kafka est envisagé comme l’écrivain qui mêle enfantillage, souveraineté et transgression. On doit encadrer cette idée dans un horizon théorique qui relie la littérature à la notion de « dépense ». L’essayisme de Mertens est bien influencé par cet aspect de Bataille. Le lien entre la littérature et le mal se veut, chez lui, très solide. On peut le remarquer aux auteurs choisis par Mertens pour ses essais. Il s’agit souvent d’artistes stigmatisés et tourmentés. On pourrait penser à des persécutés politiques provenant de latitudes diverses – Cortázar, Kundera, Pasolini – ou à des maudits comme Lowry et Benn. Au suicide de Pavese, à l’hérétique Sciascia. Mertens recommande en effet d’évaluer non seulement les mots d’un artiste, mais aussi ses gestes. Le plan de la vie réelle lui paraît décisif pour interpréter les œuvres. Dans ce sens, la question du faits divers prend un relief particulier. Mertens a écrit des pages assez frappantes sur Malraux. Elles contiennent des indications méthodologiques sur la pensée de notre écrivain. Le littéraire doit prêter attention au réel en l’abordant dans son immédiateté. Si Mertens prend position en faveur de Malraux et contre Sartre, c’est qu’il préfère l’intellectuel qui participe « aux événements en chair et en os » (Mertens 2009, p. 38). Malraux intègre la catégorie de Zola, Gide, Lawrence, Régis Debray : « tous ceux qui […] ont incarné une cause plutôt que de l’analyser à grande distance du champ de bataille » (c’est moi qui souligne ; Mertens 2009, p. 38). Mais chez Mertens, l’idée d’une parole s’incarnant est donc tout sauf marginale. Cette pensée peut aussi frôler le fétichisme lorsqu’elle pousse l’auteur à connaître des ses propres yeux les endroits où les combats tragiques de certains écrivains se sont produits. En témoignent ses voyages vers Rome et Turin, en quête des lieux où ont péri Pasolini et Pavese. Soulignons que dans le deux cas, la mort de ces écrivains ressort du domaine du fait divers. Régis Debray avait lui aussi pointé du doigt l’importance du nœud entre fiction et réalité immédiate, que Mertens récupère comme point de repère. Debray a même dédié à Mertens un essai à part entière, qui traite du rapport entre l’histoire et le roman. Selon l’auteur, l’œuvre de Mertens Les Bons Offices aborde la crise du sujet dans le cadre négatif de la fin de l’histoire et de la dialectique : « La mort de Hegel s’est donc mise en roman » (Debray 1986b, p. 187). Dans le même recueil critique, l’écrivain français propose des pages très intéressantes à propos de Malraux. Il est assez probable que Mertens les ait connues. Le titre se réfère à « l’impératif du mensonge » (Debray 1986a, p. 109). Selon Debray, l’œuvre et la vie de Malraux se sont développées en réaction aux nouveaux besoins littéraires de lecteurs modernes, qui avancent de plus en plus des prétentions d’authenticité : « La terreur littéraire a changé de signe. Ce n’est plus la hauteur d’une écriture qui intimide, mais l’immédiateté d’une transposition qui mesure la qualité littéraire » (Debray 1986a, p. 114-115). Les marques sur la peau de l’écrivain martyrisé se sont faites plus importantes que celles imprimées sur papier. Les liens entre la fiction et la réalité deviennent dès lors decisifs. L’essayiste écrit : « Le mythe moderne est un produit composite mais non pas arbitraire, ni artificiel. Il surgit à l’intersection du réel et de l’imaginaire, et s’il ne salimentait pas de faits et de forces positives, il serait lui-même sans force » (c’est moi qui souligne ; Debray 1986a, p. 140). Si Malraux « n’avait pas fait sa part au réel, la fabulation artistique n’aurait jamais acquis force de mythe » (Debray 1986a, p. 141). On peut rapprocher les points de vue de Mertens et de Debray tantôt sur la question de l’authenticité de l’écriture, tantôt sur l’importance accordée aux faits réels – des faits par rapport auxquels ni Malraux, du fait de son « réalisme de la féerie », ni Mertens, en vertu de son réalisme fantastique et transfiguré, ne peuvent faire abstraction. À ce propos on pourrait rappeler, chez Mertens, la prégnance de la biographie littéraire, qui retravaille le vécu réel d’un écrivain – par exemple, Les Éblouissements, un livre axé sur la vie de Gottfried Benn – ou bien, le recours continu au genre de l’autofiction – par exemple, la trilogie Paysage avec la chute dIcare. C’est pourtant d’une façon peu banale que Mertens aboutit à la catégorie complexe du fantastique. Dans son essai sur Cortázar, il fait référence à des passages sartriens, dans lesquels sont analysés des contes de Blanchot très proches de la réalité visionnaire de Kafka. Ici le fantastique ne se présente plus comme exception, mais en tant que règle. Examinons ce que Sartre indique par cette notion. Tout d’abord, le « fantastique » chez Sartre ne se limite pas au seul detail, mais englobe l’univers entier de la représentation. Il construit une réalité cohérente et complète. Selon Sartre, la véritable matière du fantastique est l’homme dans son immanence et son intériorité. Mais ce dernier, dans ce moment historique, nous semble souvent méconnaissable, du fait d’une inversion étonnante et perturbante : « Le fantastique offre l’image renversée de l’union de l’âme et du corps : l’âme y prend la place du corps, et le corps celle de l’âme » (Sartre 1993, p. 115). Après celui du mensonge s’impose ici un autre imperatif, tout aussi crucial : celui du fantastique. Ce dernier nous préconise : « Agis toujours de telle sorte, nous dit-il, que tu traites l’humain en toi-même et dans la personne des autres comme un moyen et jamais comme une fin » (Sartre 1947, p. 122). Ce renversement anti-kantien est lourd de conséquences, car le lecteur, mis en face d’œuvres qui campent, forcément depuis lextérieur, des héros inhumains, continue à vouloir connaître l’homme tel qu’il est dedans. Kafka et Blanchot donnent une réponse précise à cette question : « Ils ont plongé le lecteur dans le monde, avec K., avec Thomas ; mais, au sein de cette immanence, ils ont laissé flotter comme un fantôme de transcendance » (Sartre 1993, p. 127). Ces fantômes infestent également l’univers expressif de Mertens. Chez lui, tout nous semble familier et étrange à la fois. D’après Sartre, ce type de fantastique nous pousse à saisir nos buts « comme des fins pour d’autres ; ces fins aliénées, médusées, on ne nous montre que leur face externe, celle qu’elles tournent vers le dehors et par quoi elles sont des faits. Fins pétrifiées » (Sartre 1993, p. 127). La dialectique entre les faits réels et l’irréalité se fait, derechef, cruciale. Des nouvelles de Mertens comme Auto-stop et Collision reconduisent, dans cette dialectique, une clé interprétative privilégiée. Sartre évoque le rôle des moyens qui se font fins, et par conséquent l’importance croissante de ce qu’il appellera, dans sa Critique de la raison dialectique, la sphère du « pratico-inerte ». Mais ici déjà, toute chose paraît ensorcelée et les objets se changent en énigmes : « La brosse apparaît comme un ustensile indéchiffrable » (Sartre 1993, p. 127). On pourrait faire référence de nouveau à Auto-stop et Collision, et notamment à la fonction de pièges meurtriers qu’y assument des objets comme le téléphone et la voiture, miroirs véritablement méchants, reflétants des rapports humains désormais épuisés. Il n’est pas accidentel que Mertens souligne lui-même dans ces nouvelles la similitude tragique entre les choses et les hommes, et le destin automatisé qu’ils ont en commun : il avait d’ailleurs un temps formé le vœu de recueillir ces récits sous le titre Des autos et des hommes (Mertens 1995b, p. 351). Les personnages fantastiques de Blanchot, Kafka et Mertens ne font pas autrement : ils s’observent du dehors sans cesser de demeurer à l’intérieur d’eux-mêmes. Un peu comme le Mattia Pascal de Pirandello, qui se brise en plusieurs identités, afin de regarder sa vie de l’extérieur. Au début de l’essai dédié à ses nouvelles Auto-stop et Collision, Mertens évoque précisément Pirandello. Il se reporte à la note que l’écrivain a ajoutée à la réédition du roman Il fu Mattia Pascal, dans laquelle il affirmait le haut degré d’invraisemblance que les faits divers, encore plus que la fiction, peuvent atteindre (Mertens 1995b, p. 351). Le sujet de la vérité de l’invraisemblable, et son lien avec Pirandello, réapparaît de façon explicite dans l’essai de Mertens sur Sciascia. L’essayiste belge y fait de nouveau référence à ces pages de Pirandello, et les tisse à nouveau au récit de Sciascia Il mare color del vino, où un enfant, « contre toute vraisemblance » (Mertens 1989, p. 192), réalise la métaphore étonnante du titre. Bien que moqué par les adultes, cet enfant a saisi d’une manière bizarre une vérité poétique universelle, à l’ar...

Table des matières

  1. Copertina
  2. Indice
  3. Un préambule nécessaire
  4. Réalité en tant que vérité : Pasolini dans le non-sens du monde
  5. Fiction en tant que substitution : Kalisky et l’art qui séduit
  6. La vérité en tant qu’histoire. Sciascia et la fiction qui démasque
  7. La vérité humoristique. Le nœud entre réalité et fiction chez Mertens
  8. Remerciements
  9. Bibliographie
  10. Abstract
  11. Notice biographique