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- 275 pages
- French
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Ă propos de ce livre
Octave de Malivert sort de Polytechnique. Il est jeune, brillant, Ă©lĂ©gant mais son caractĂšre Ă©trange inquiĂšte sa mĂšre. Celle-ci l'invite Ă frĂ©quenter le salon de mandame de Malivert pour le sortir de son isolement. Il y retrouve sa cousine, Armance de Zohiloff. Mais si la «loi d'indemnité» qui vient d'ĂȘtre votĂ©e pour indemniser les nobles s'estimant spoliĂ©s par la rĂ©volution fait d'Octave un parti intĂ©ressant, Armance semble rester insensible aux attraits du jeune homme. Octave rĂ©alise qu'il est amoureux d'Armance, malgrĂ© sa volontĂ© et le serment qu'il s'est fait de ne jamais aimer. DerriĂšre ce comportement Ă©tange, il y a le mal d'Octave, condamnĂ© au seul amour platonique...
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Informations
Jamais livre nâeut plus besoin de prĂ©face. On ne le comprend pas sans explication. Lâauteur y parle sans cesse dâun secret quâil ne rĂ©vĂšle jamais, afin de raconter honnĂȘtement une histoire assez scabreuse. Il se fĂ©licitait de sa dĂ©cence, mais il lâexagĂ©ra Ă tel point quâelle apparaĂźt comme une sorte de dĂ©faut dans une Ćuvre par ailleurs pleine dâintĂ©rĂȘt. Amusante erreur quâil faut bien relever une fois de plus : ce Stendhal que les Manuels reprĂ©sentent comme un cynique effrontĂ©, pĂšche ici encore par excĂšs de pudeur.
Il est vrai quâen 1827 on imprimait un peu moins crĂ»ment quâaujourdâhui, ce qui avait rapport Ă certains dĂ©tails physiologiques. Ce nâest exactement quâun siĂšcle aprĂšs la publication dâArmance que son thĂšme initial, sous un titre fort clair empruntĂ© Ă TĂ©rence et Ă La Fontaine, fit les beaux jours dâune scĂšne parisienne : le drame Ă©tait travesti en bouffonnerie, et le dialogue dâune telle transparence que pas un spectateur ne pouvait ignorer la disgrĂące dâun mari vouĂ© auprĂšs de son Ă©pouse Ă lâabstention la plus obligĂ©e.
QuâeĂ»t dit Henri Beyle, lorsque dans ses rĂȘveries de jeunesse, il se voyait Ă Paris Ă©crivant des comĂ©dies comme MoliĂšre, si quelquâun fĂ»t venu lui proposer ce sujet mĂȘme quâil devait plus tard aborder dans son premier roman ? Sans doute eĂ»t-il rĂ©pondu quâil ne voyait point la matiĂšre Ă quelque Ă©tude de mĆurs ou de caractĂšre comme celles quâil goĂ»tait dans le Misanthrope ou dans les PrĂ©cieuses. En revanche, Ă quarante-deux ans, devenu homme de lettres parce que la chute de NapolĂ©on lui faisait des loisirs, il dĂ©testa moins jouer la difficultĂ©. Il savait par surcroĂźt que le roman, genre le plus libre qui soit et oĂč toutes les prĂ©parations sont permises, peut souffrir des audaces partout ailleurs trop pĂ©rilleuses. Il lui fallait nĂ©anmoins prendre toutes sortes de prĂ©cautions pour traiter sous le rĂšgne vertueux de Charles X ce quâil nommait lui-mĂȘme dans sa Correspondance : « la plus grande des impossibilitĂ©s de lâamour. »
Sa rĂ©solution nâĂ©tait pas sans hardiesse. Il nâavait cependant pas, en la prenant, le mĂ©rite de la nouveautĂ©.
*
* *
La duchesse de Duras venait de publier deux petits ouvrages dont on avait beaucoup parlĂ© : Ourika en 1824, et Ădouard en 1825. « Elle semblait, selon Sainte-Beuve mĂȘme, avoir pris Ă tĂąche de mettre en scĂšne toutes les impossibilitĂ©s sociales : lâunion dâune nĂ©gresse avec un jeune homme de bonne famille, le mariage dâun roturier avec une grande dame. On alla mĂȘme jusquâĂ lui attribuer une troisiĂšme impossibilitĂ©. » Elle avait Ă©crit en effet une autre nouvelle intitulĂ©e Olivier ou le Secret. Comme elle le disait Ă une amie « Câest un dĂ©fi, un sujet quâon prĂ©tendait ne pouvoir ĂȘtre traitĂ©. » On y voyait, affirmait-on, Olivier, pour cause dâinsuffisance physique, sâĂ©loigner de la femme dont il Ă©tait Ă©pris.
Sans doute, Madame de Duras avait-elle empruntĂ© son titre, M. Pierre Martino nous lâapprend, Ă un roman de Caroline Pichler, traduit librement de lâallemand en 1823 par Mme de Montolieu. Olivier de Hautefort, dĂ©figurĂ© par la petite vĂ©role, sâattirait, de la part de la jeune fille quâil aimait, cette cruelle rĂ©plique : « Rendez-vous justice, Monsieur, pouvez-vous jamais inspirer lâamour ? » Cette phrase, rĂ©pĂ©tĂ©e sur le frontispice de lâouvrage, aurait aussi bien pu, dĂ©tournĂ©e lĂ©gĂšrement de son sens, servir dâĂ©pigraphe au livre de la duchesse, comme ensuite Ă celui de Stendhal.
Mme de Duras nâimprima jamais cette nouvelle, mais elle lâavait lue Ă quelques amis. Des indiscrĂ©tions en firent durant une saison la fable des milieux littĂ©raires et mondains, Ă tel point que H. de la Touche en conçut lâidĂ©e dâune fort piquante mystification.
Hyacinthe Thabaud de la Touche nâest guĂšre connu aujourdâhui que pour avoir Ă©tabli la premiĂšre Ă©dition dâAndrĂ© ChĂ©nier et pour avoir peut-ĂȘtre inspirĂ© ses plus beaux vers Ă la plaintive Desbordes-Valmore. Il passait alors pour un conteur des plus distinguĂ©s et pour un redoutable causeur.
Il se hĂąta de bĂątir un petit roman sur la donnĂ©e spĂ©cieuse de Mme de Duras et il lâintitula tout naturellement Olivier. Le livre parut dans les derniers jours de 1825 ou au dĂ©but de 1826. Le Journal de Librairie lâannonçait le 28 janvier 1826, mais le Mercure du XIXe siĂšcle, dans son dernier numĂ©ro de 1825, le prĂ©sentait dĂ©jĂ par une note telle quâon put croire que câĂ©tait lĂ le nouvel ouvrage, fameux avant mĂȘme que dâavoir vu le jour, et dont les salons sâinquiĂ©taient tant. Comme Ourika et comme Ădouard, le roman de La Touche ne portait pas de nom dâauteur. Il avait en outre le mĂȘme Ă©diteur, la mĂȘme prĂ©sentation, le mĂȘme format ; il arborait, Ă leur imitation, une Ă©pigraphe empruntĂ©e Ă la littĂ©rature Ă©trangĂšre et lâannonce que sa publication Ă©tait faite au profit dâun Ă©tablissement de charitĂ©.
Tant de soins Ă©garĂšrent les lecteurs dans le sens voulu par lâadroit faussaire. Le scandale fut Ă©norme. Mais bientĂŽt, soupçonnĂ© Ă bon droit de la supercherie, La Touche dut publier dans la presse une lettre oĂč il affirmait sur lâhonneur quâOlivier nâĂ©tait point de lui mais quâil en connaissait lâauteur, et que ce nâĂ©tait pas celui dâĂdouard et dâOurika.
Stendhal qui frĂ©quentait assidĂ»ment les salons littĂ©raires, avait dĂ» fort se rĂ©jouir de cette petite comĂ©die. DĂšs le 18 janvier 1826, il envoie au New-Monthly Magazine un article dans lequel il rend copieusement compte dâOlivier comme dâune Ćuvre fort originale, et il feint de lâattribuer Ă la duchesse de Duras.
Ce fut alors quâil rĂ©solut sans aucun doute dâentrer en personne dans le jeu et de publier une aventure analogue en affectant lui aussi de laisser croire Ă lâĆuvre dâune femme. Il projetait mĂȘme dâappeler son livre Olivier, dâautant plus que câĂ©tait, disait-il, faire « exposition et exposition non indĂ©cente. Si je mettais Edmond ou Paul, beaucoup de gens ne devineraient pas. »
Au moment oĂč il Ă©crivait, la prĂ©caution pouvait en effet paraĂźtre assez claire et suffisante aux yeux de quelques initiĂ©s. Mais plus tard, le principal personnage sâĂ©tant appelĂ© Octave, une explication, devenue aujourdâhui indispensable, manqua du coup, mĂȘme aux contemporains.
*
* *
Croira-t-on cependant que lâidĂ©e seule de reprendre une gageure, de prolonger une plaisanterie, ait suffi pour faire choisir Ă Henri Beyle le canevas dangereux de Mme de Duras et de La Touche ? En rĂ©alitĂ©, il ne dĂ©testait pas de faire allusion au dĂ©licat problĂšme posĂ© par ses devanciers. Il avait consacrĂ© dĂ©jĂ tout un chapitre de lâAmour Ă lâexplication de ces histoires tragiques qui, dâaprĂšs Mme de SĂ©vignĂ©, remplissent lâempire amoureux. Et il a rapportĂ© dans ses Souvenirs dâĂgotisme comment il fut lui-mĂȘme victime de certaines dĂ©faillances passagĂšres qui le firent ranger par quelques-uns dans cette caste infortunĂ©e Ă laquelle appartient le hĂ©ros dâArmance. Injure dont, hĂątons-nous de lâajouter, des tĂ©moins non suspects lâont depuis lors complĂštement lavĂ©.
Quoi quâil en soit, câest en toute connaissance de cause que Beyle entreprit dâexposer la crise passionnelle dâun babilan. (Babilan est un mot dâorigine italienne, empruntĂ© au PrĂ©sident de Brosses et au Voyage en Italie de Lalande, et que lâon a proposĂ© de traduire ainsi « Amoureux platonique par dĂ©cret de la nature. »)
Dans le roman de Stendhal, Octave est donc un babilan, et ce qui semble Ă premiĂšre vue paradoxal : un babilan amoureux. Jeune homme assez bizarre au demeurant et dont les singularitĂ©s augmentent du jour oĂč il aime sa cousine Armance. Il nâavoue son amour que parce que, blessĂ© en duel, il se croit aux portes du tombeau. GuĂ©ri contre toute espĂ©rance, il essaie de rattraper son aveu. Mais Armance paraissant compromise, il lâĂ©pouse et se tue peu de jours aprĂšs son mariage.
Lâauteur nâa pas voulu seulement tenter dans ce livre lâanalyse dâun caractĂšre difficile, il a entendu peindre du mĂȘme coup les mĆurs de son temps. Ce fut toujours son ambition. Et, pour exceptionnels que soient des ĂȘtres comme Julien Sorel, Lucien Leuwen, Fabrice del Dongo, ou comme Lamiel, on peut dire quâil ne les considĂšre jamais quâen fonction de leur Ă©poque. M. Raymond LebĂšgue, dans la sagace introduction dâArmance quâil Ă©crivit pour lâĂ©dition Champion, fait remarquer trĂšs justement que dans les articles adressĂ©s par Beyle au London Magazine, en 1825, et au New Monthly Magazine en 1825, il se prĂ©occupait dĂ©jĂ beaucoup de lâĂ©tat de la sociĂ©tĂ© parisienne. Les jeunes gens y sont tristes, disait-il, les femmes inoccupĂ©es se jettent dans le mysticisme et la philosophie, « la haute sociĂ©tĂ© française est actuellement le repaire favori de lâennui⊠». Or ce sont bien lĂ les idĂ©es que Stendhal ne fera que reprendre et dĂ©velopper quand il songera dans Armance Ă donner un tableau des salons de la Restauration.
En outre il peignit plusieurs portraits individuels dâaprĂšs nature : « Jâai copiĂ© Armance, Ă©crira-t-il, dâaprĂšs la dame de compagnie de la maĂźtresse de M. de Strogonoff qui, lâan passĂ©, Ă©tait toujours aux Bouffes. » VoilĂ pour le physique tout au moins. Pour lâĂąme pudique de cette suave jeune fille, il faut peut-ĂȘtre retrouver en elle quelque nouvelle copie de cette fiĂšre MĂ©tilde qui avait inspirĂ© dĂ©jĂ les plus frappants exemples de lâAmour. Mme dâAumale (nous lâapprenons encore par une lettre de Stendhal Ă MĂ©rimĂ©e sans laquelle lâhistoire dâArmance serait pleine de lacunes) est en quelque sorte une image de cette grande dame qui fut lâamie de Chateaubriand et qui fit tourner un moment la tĂȘte de Balzac : la duchesse de Castries, mais faite sage. Enfin Mme de Bonnivet a bien des chances dâĂȘtre un portrait composite de la duchesse de Broglie, de Mme Swetchine et de Mme de Krudener. Plus tard lâauteur se servira des mĂȘmes traits un peu fardĂ©s pour dessiner Mme de Fervaques dans le Rouge et le Noir.
Quant Ă la description du grand monde, qui sert de fond Ă tout le roman, Beyle la brossa en grande partie dâimagination. Il frĂ©quentait les principaux salons littĂ©raires, mais non point ces salons de la haute sociĂ©tĂ© quâil entendait reprĂ©senter et quâil ne connaissait que par reflet. Aussi ses peintures furent-elles trĂšs critiquĂ©es quand le livre parut. Aujourdâhui on peut les juger comme ces toiles qui ne passent point pour ressemblantes quand vivent les modĂšles, mais qui, Ă mesure que le temps fait son Ćuvre, prennent rang parmi les documents utiles et acquiĂšrent en fin de compte une autoritĂ© quâon ne leur conteste plus.
Le livre de Stendhal est surtout plein de souvenirs. Beaucoup de noms de personnages y sont empruntés à ces villages dauphinois que Beyle entendait nommer dans son enfance ou à ces environs ...
Table des matiĂšres
- Armance
- PrĂ©face de lâĂ©diteur
- Avant-propos
- Chapitre I
- Chapitre II
- Chapitre III
- Chapitre IV
- Chapitre V
- Chapitre VI
- Chapitre VII
- Chapitre VIII
- Chapitre IX
- Chapitre X
- Chapitre XI
- Chapitre XII
- Chapitre XIII
- Chapitre XIV
- Chapitre XV
- Chapitre XVI
- Chapitre XVII
- Chapitre XVIII
- Chapitre XIX
- Chapitre XX
- Chapitre XXI
- Chapitre XXII
- Chapitre XXIII
- Chapitre XXIV
- Chapitre XXV
- Chapitre XXVI
- Chapitre XXVII
- Chapitre XXVIII
- Chapitre XXIX
- Chapitre XXX
- Chapitre XXXI
- Page de copyright