Le Compte de Chanteleine
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Le Compte de Chanteleine

Épisode de la révolution

  1. 143 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Compte de Chanteleine

Épisode de la révolution

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À propos de ce livre

Ce roman nous conte une insurrection royaliste, en Bretagne, en 1793.

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Informations

Année
2020
ISBN
9782322206728
Édition
1

II. LA ROUTE DE GUÉRANDE

Une immense foule effrayée, éperdue, fuyait du côté de Guérande ; elle descendait les pentes de la ville comme un torrent, se heurtant aux angles, et rejaillissait au-delà du talus. Plus d’un achevait là de mourir, que le sabre des Bleus avait mutilé pendant la bataille. La confusion était inexprimable.
Cependant, en moins d’une heure, la ville fut entièrement évacuée ; la résistance de Marigny avait donné aux fuyards le temps de rassembler femmes, vieillards, enfants et de les pousser sur la route. Ils pouvaient entendre au-dessus de leur tête le canon qui protégeait la retraite. Mais quand celui-ci vint à se taire, les Blancs accueillirent son silence par des cris de désespoir. Ils allaient avoir à leurs trousses toute l’armée ennemie. En effet, des coups de fusil plus nombreux, plus rapprochés, éclatèrent bientôt sur les flancs de la longue colonne, et les malheureux tombèrent en grand nombre pour ne plus se relever.
Le spectacle de cette débandade est impossible à décrire ; la pluie redoublait au milieu d’un brouillard illuminé çà et là par les coups de feu, d’immenses mares d’eau mêlées d’un sang vif coupaient la route. Mais, coûte que coûte, il fallait les franchir. La seule chance de salut était en avant ; à droite, des marais immenses, à gauche, le fleuve grossi et débordé ; impossible de s’écarter de la ligne droite, et si quelque royaliste désespéré se fût jeté du côté de la Loire, il eût trouvé ses bords encore encombrés des cadavres de Carrier.
Les généraux républicains harcelaient les fugitifs, les décimant ou les dispersant ; les blessés, les vieillards, les femmes retardaient la marche du funèbre convoi ; des enfants nés de la veille étaient exposés nus à toutes les rigueurs de la saison ; les mères n’avaient pas de quoi les couvrir ; la faim et le froid ajoutaient leurs tortures à toutes ces souffrances ; les bestiaux qui fuyaient par la même route dominaient la tempête de leurs mugissements, et souvent, pris d’insurmontables terreurs, ils donnaient tête baissée à travers les groupes et faisaient de leurs cornes des trouées sanglantes dans la foule.
Là, au milieu de cet encombrement, les rangs, les classes, tout se confondait ; un grand nombre de jeunes femmes des plus nobles familles de la Vendée, de l’Anjou, du Poitou, de la Bretagne, celles qui avaient suivi leurs frères, leurs pères, leurs maris pendant la grande guerre, partageaient la souffrance des plus humbles paysannes. Quelques-unes de ces vaillantes filles, d’une bravoure à toute épreuve, protégeaient elles-mêmes les flancs de la colonne. Souvent, l’une d’elles s’écriait :
– Au feu ! les Vendéennes !
Alors, à la façon des Blancs, elles s’égayaient parmi les halliers de la route, et faisaient le coup de fusil avec les soldats républicains.
Cependant, la nuit approchait ; le comte de Chanteleine, sans songer à lui, encourageait ces infortunés ; il relevait les uns qui s’embourbaient, les autres que trahissaient leurs forces ; il se demandait si l’obscurité protégerait les fuyards ou permettrait à leurs ennemis de les achever. Son cœur saignait à la vue de tant de souffrances, et des larmes lui venaient aux yeux ; il ne pouvait accoutumer ses regards à ce sinistre spectacle.
Pourtant, il en avait bien vu, pendant cette guerre de dix mois ; au premier soulèvement de Saint-Florent, quittant son château de Chanteleine, sa femme, sa fille, tout ce qu’il aimait, il vola à la défense de l’autel. Audacieux, dévoué, héroïque, le premier au feu à tous les combats de l’armée royale, il était de ces gens qui firent dire au général Beaupuy :
– Des troupes qui ont vaincu de tels Français peuvent se flatter de vaincre tous les peuples de l’Europe réunis contre un seul.
Cependant, sa tâche n’était pas finie avec la défaite de Savenay ; il se tenait en queue de l’immense colonne, activant, pressant les rangs des fugitifs, brûlant ses dernières cartouches et repoussant du sabre les Bleus trop avancés. Mais, en dépit de tout, il voyait ses compagnons tomber peu à peu en arrière, et il entendait leurs cris pendant qu’on les égorgeait dans l’ombre.
Alors, les bras étendus, il poussait cette foule sur la route de Guérande, il l’exhortait, il la pressait de ses paroles !
– Mais allez donc ! disait-il aux retardataires.
– Mon officier, je n’en puis plus, lui répondait l’un.
– Je meurs, s’écriait un autre.
– À moi ! à moi ! faisait une femme qu’une balle ennemie venait de frapper à ses côtés.
– Ma fille ! ma fille ! s’écriait une mère brusquement séparée de son enfant.
Le comte de Chanteleine, consolant, soutenant, aidant, allait de l’un à l’autre ; mais il se sentait débordé.
Vers quatre heures du soir, il fut rejoint par un paysan, qu’il reconnut, malgré l’obscurité et le brouillard.
– Kernan ! s’écria-t-il.
– Oui ! notre maître.
– Vivant !
– Oui ! mais marchons ! marchons ! répondit le paysan en essayant d’entraîner le comte.
– Et ces malheureux, dit celui-ci, montrant les groupes épars, nous ne pouvons les abandonner !
– Votre courage n’y fera rien, notre maître !… Venez ! venez !
– Kernan ! que me veux-tu ?
– Je veux vous dire que de grands malheurs vous attendent !
– Moi ?
– Oui ! notre maître. Mme la comtesse, ma nièce Marie…
– Ma femme ! ma fille ! s’écria le comte en saisissant le bras de Kernan.
– Oui ! j’ai vu Karval !
– Karval ! s’écria le comte, entraînant hors de la foule l’homme qui lui parlait.
C’était un paysan coiffé d’un bonnet de laine brune ; par-dessus, un chapeau à large bord, entouré d’un chapelet, maintenait dans l’ombre sa figure énergique et rude : ses longs cheveux souillés de sang retombaient sur ses larges épaules ; des braies de toile descendaient en plis flottants jusqu’à ses genoux nus et rouges de froid ; au-dessous, des guêtres drapées se rattachaient par des jarretières multicolores ; ses pieds, engouffrés dans d’énormes sabots à demi brisés, reposaient sur une litière de paille et de sang. Une peau de bique jetée sur le dos du Breton complétait son costume ; le manche d’un coutelas sortait de sa ceinture à large boucle, et de la main droite il tenait son fusil par le milieu du canon.
Ce paysan devait être d’une extrême vigueur ; en effet, il passait dans son pays pour avoir une force formidable, surhumaine ; on citait de lui des traits étonnants, et jamais le terrible lutteur n’avait trouvé son maître dans les pardons de Bretagne.
Ses vêtements déchirés, souillés, ensanglantés, disaient assez la part qu’il avait prise aux derniers combats de l’armée catholique.
Il suivit le comte de Chanteleine à grands pas ; celui-ci, pour se frayer un chemin plus rapide, prit par les douves à demi pleines d’eau et de fange. Les paroles que venait de prononcer Kernan l’avaient épouvanté. Lorsqu’il eut gagné la tête de la colonne, il se trouva près d’un petit bois, une sorte de taillis, dans lequel il poussa le Breton, et d’une voix altérée il lui dit :
– Tu as vu Karval ?
– Oui ! notre maître !
– Où ?
– Dans la mêlée ! parmi les Bleus !
– Et t’a-t-il reconnu ?
– Oui !
– Et il t’a parlé ?
– Oui, après avoir déchargé des pistolets sur moi.
– Tu n’es pas blessé ? s’écria vivement le comte.
– Non ! pas encore ! répondit le Breton avec un triste sourire.
– Et que t’a dit ce misérable ?
– « On t’attend au château de Chanteleine », s’est-il écrié en disparaissant au milieu de la fumée ! J’ai voulu le rejoindre ; mais en vain !
– « On t’attend au château de Chanteleine », répéta le comte ! Qu’a-t-il voulu dire par ces paroles ?
– De mauvaises choses, notre maître !
– Et que faisait-il dans l’armée républicaine ?
– Il commandait à une troupe de brigands de sa trempe.
– Ah ! un digne officier des armées de la Convention, que j’ai chassé de chez moi, pour vol !
– Oui ! les bandits font leur chemin, par le temps qui court. Mais les paroles de Karval n’en sont pas moins, terribles ! « Au château de Chanteleine », a-t-il dit ; il faut y courir !
– Oui ! oui ! répondit le comte avec une exaltation douloureuse ! Mais ces malheureux et la cause catholique !…
– Notre maître, dit gravement Kernan, avant la patrie, il y a la famille. Que deviendraient, sans nous, Mme la comtesse et ma nièce Marie ! Vous avez rempli votre devoir en gentilhomme ; vous vous êtes battu pour Dieu et le roi. Retournons au château, et, une fois les nôtres en sûreté, nous reviendrons. L’armée catholique est détruite, mais tout n’est pas fini ! croyez-moi ! on se remue dans le Morbihan ; je sais là un certain Jean Cottereau qui donnera du fil à retordre aux républicains, et nous l’aiderons à embrouiller l’écheveau.
– Viens donc, dit le comte ; tu as raison ! Les paroles de ce Karval contiennent une menace ! Il faut que je conduise ma femme et ma fille hors de France, et je reviendrai me faire tuer ici.
– Nous y reviendrons ensemble, notre maître, répondit Kernan.
– Mais comment arriver au château ?
– M’est avis, reprit le paysan, que nous devons rejoindre Guérande, de là, suivre la côte soit au Croisic, soit à Piriac, et gagner par mer une des baies du Finistère.
– Mais une barque ? s’écria le comte.
– Vous avez de l’or sur vous ?
– Oui, près de quinze cents livres.
– Eh bien ! avec cela on achète un bateau de pêche, et, s’il le faut, le pécheur par-dessus le marché.
– Cependant ?
– Il n’y a pas de choix, notre maître ; par terre, nous tomberions bientôt dans un parti de Bleus, ou, forcés de nous cacher, d’éviter les routes, de prendre par les traînées, de perdre du te...

Table des matières

  1. Le Compte de Chanteleine
  2. I. DIX MOIS D’UNE GUERRE HÉROÏQUE
  3. II. LA ROUTE DE GUÉRANDE
  4. III. LA TRAVERSÉE
  5. IV. LE CHÂTEAU DE CHANTELEINE
  6. V. QUIMPER EN 1793
  7. VI. L’AUBERGE DU TRIANGLE-ÉGALITAIRE
  8. VII. LE CIMETIÈRE
  9. VIII. LA FUITE
  10. IX. DOUARNENEZ
  11. X. L’ÎLE TRISTAN
  12. XI. QUELQUES JOURS DE BONHEUR
  13. XII. LE DÉPART
  14. XIII. LE PRÊTRE MYSTÉRIEUX
  15. XIV. LES GROTTES DE MORGAT
  16. XV. LA CONFESSION
  17. XVI. LE 9 THERMIDOR
  18. Page de copyright