Éthiques de l'hospitalité, du don et du care
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Éthiques de l'hospitalité, du don et du care

Actualité, regards croisés

  1. 350 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Éthiques de l'hospitalité, du don et du care

Actualité, regards croisés

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À propos de ce livre

La crise des réfugiés. L'accueil de l'étranger. Le don de temps et de soi dans une économie marchande. Le travail de soin dit « invisibilisé ». La précarité et la non-reconnaissance de certains groupes marginalisés.

Les éthiques de l'hospitalité, du don et du care cherchent, chacune à leur manière, à répondre à certaines des problématiques éthiques et politiques les plus pressantes de notre époque.

Ces trois éthiques puisent au sein de sources disciplinaires et théoriques différentes: si l'éthique de l'hospitalité s'est beaucoup inspirée des travaux philosophiques d'Emmanuel Lévinas et de Jacques Derrida, l'éthique du don a comme principale source l'analyse anthropologique de Marcel Mauss, alors que l'éthique du care s'est développée dans la foulée des travaux de la psychologue américaine Carol Gilligan.

Malgré ces points d'ancrage distincts, ces éthiques partagent plusieurs préoccupations et principes, notamment l'idée que toute théorisation du social et du politique devrait s'inscrire dans une ontologie relationnelle et dans un postulat de vulnérabilité. Il est donc surprenant de constater que si peu de recherches aient creusé la question des affinités entre ces trois paradigmes. La visée de l'ouvrage est de pallier cette insuffisance théorique et d'ouvrir un dialogue interdisciplinaire plus explicite entre ces éthiques.

Publié en français.

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Informations

PARTIE III

ACTUALITÉ ET ÉTUDES DE CAS

Chapitre 7

Pratiques du care
et politiques de l’ordinaire
dans la fiction de Heather O’Neill

Dominique Hétu
Université de l’Alberta
Suivant les travaux de Laugier et de l’anthropologue indienne Veena Das pour penser une éthique du care qui façonne et se nourrit d’une poétique de l’ordinaire, je propose une analyse comparative du tissage imaginaire de l’autrice montréalaise Heather O’Neill ; un tissage au travers duquel le potentiel et les limites du care et de l’émerveillement – du wonder1 – sont mis à l’épreuve. Je suggère que de porter attention à cette texture illumine autrement les relations qui procurent, à leur manière, des formes de care, et qui valident, voire rendent légitimes, des expériences et des subjectivités qui sont encore souvent invisibles et que la fiction permet de renouveler. En d’autres termes, je propose d’analyser comment les romans et les nouvelles d’O’Neill imaginent des vies qui évoluent dans des contextes inhospitaliers, dans des milieux de vie qui offrent peu et qui déçoivent souvent, mais dans lesquels les personnages – principalement des femmes – sont tout de même capables, grâce à des pratiques singulières de care et de wonder, de se reconstruire et de trouver de la force dans une vulnérabilité partagée, de « se confectionner […] une vie qui [leur] ressemble2 ».
Une lecture des textes à l’aide de ce cadre d’analyse interdisciplinaire permet de réfléchir autrement la souffrance inscrite dans les structures ordinaires de l’expérience vécue ainsi que les blessures « tissées dans les particularités de la vie3 » et apaisées par « l’expérience encourageante du wonder4 ». Ce cadre dirige aussi une attention particulière sur la façon dont les enjeux relationnels se résolvent et les blessures se soignent, bien que parfois seulement partiellement, en évaluant la charge éthico-politique de la créativité et de l’inventivité des personnages qui imaginent, qui s’émerveillent et qui fantasment pour échapper au réel ou pour mieux se l’approprier. Cette capacité leur permet l’échappatoire et la réinvention, et ce, dans une dynamique où ils découvrent les limites du care à la fois comme geste de soin, de reconnaissance et de protection, et comme pratique de surveillance et de contrôle. Les relations amoureuses, amicales et familiales, en plus des rapports relationnels de pouvoir entre les classes sociales et les genres, illuminent la transversalité du care et ses affinités conceptuelles et politiques avec l’imagination, l’ordinaire et le wonder. Ultimement, un tel travail critique permet d’aborder comment la littérature, dans sa charge éthique et politique, peut offrir une certaine forme de soin, d’assistance, à un monde fragile.
Dans une première section, je présente les ancrages conceptuels avec lesquels j’explore la fiction d’O’Neill. Partant du travail de Das et de sa métaphore du « descent into the ordinary », j’articule les liens entre le care et l’ordinaire afin de mieux lire comment, dans les textes, cette descente au seuil de l’ordinaire souligne le pouvoir des petits événements, des petites choses et des petits gestes qui façonnent et qui construisent la vie de tous les jours, qui contribuent au « travail quotidien de réparation5 » accompli par les personnages. Une deuxième section présente les textes littéraires en question et relève plus précisément les motifs et les discours de la précarité, de la vulnérabilité et du wonder que l’on y trouve. Une troisième section explore comment les textes jouent avec un continuum entre une capacité pour l’émerveillement et une constatation lucide de la misère dans laquelle les personnages cohabitent, soit entre wonder et squalor, deux mots utilisés à maintes reprises dans chacun des textes. Ce continuum permet de revisiter, d’abord, les dynamiques relationnelles vécues par les personnages femmes et filles dans des environnements oppressifs, puis de mobiliser autrement les éléments et les figures du wonder qui soulignent la persistance des moments de joie, de bonheur, et d’épanouissement relationnel malgré les contextes de souffrance. Une quatrième et dernière section examine plus particulièrement comment O’Neill fait usage de la narration, des arts, et de l’imagination comme stratégies d’adaptation et de négociation face à la détresse et à la crise.
Dans son analyse des mécanismes de lutte des survivants et survivantes des événements tragiques entourant la partition de l’Inde en 1947, Das théorise le champ de l’ordinaire du bas vers le haut en s’appuyant sur les dimensions éthiques et politiques de leurs expériences vécues :
Les survivants des émeutes m’ont aussi montré que la vie pouvait être récupérée non dans de grands gestes du domaine du transcendantal, mais par une descente dans l’ordinaire. Je suggère qu’il y avait une absorption mutuelle du violent et de l’ordinaire et donc j’en viens à penser l’événement comme étant toujours attaché à l’ordinaire, comme si des tentacules émergeaient du quotidien pour y ancrer l’événement de manières spécifique6 [traduction].
En adéquation avec une éthique du care et inspirée par cette métaphore de la descente dans l’ordinaire, je décèle dans les textes d’O’Neill ce genre de liens et de gestes qui émergent de la vie ordinaire des personnages en réaction à un événement tragique qui chamboule leurs vies. En effet, plutôt que de me concentrer sur ce que Das nomme le « domaine du transcendantal » pour simplement appliquer un modèle relationnel universel par lequel catégoriser la fiction de l’auteure montréalaise, j’emprunte plutôt aux éthiques du care et de l’ordinaire pour mieux discerner, dans ses romans et ses nouvelles, l’utilisation de l’ordinaire et du « petit geste » concret, singulier, en réaction à des relations oppressives ou à des événements tragiques. Ces emprunts conceptuels permettent aussi de prendre en considération les enjeux de classe et de genre qui participent au statut précaire des sujets et d’éviter les écueils de cette pensée transcendante qui facilite l’invisibilité des rapports interdépendants entre les individus et l’aveuglement face au travail du care accompli et nécessaire au fonctionnement du monde.
Laugier suggère d’ailleurs que les éthiques du care prennent ancrage dans une attention à l’ordinaire, à une vulnérabilité partagée qui qualifie l’expérience humaine du monde et dans le monde : « Le care se définirait à partir de cette attention spécifique à l’importance des “petites” choses et des moments, à la dissimulation inhérente de l’importance. Cette fragilité du réel et de l’expérience […] est propre à l’expérience ordinaire, “structurellement vulnérable”7. » Elle définit l’ordinaire comme « un agrégat à la fois naturel et social de formes d’expression et de connexions à autrui8 », proposant ainsi que cette vulnérabilité partagée soit non seulement pensée comme l’expérience souvent oppressive des constructions sociales qui perpétuent le racisme, le patriarcat et les injustices de classe, mais aussi comme phénomène fondamental de la vie ayant le potentiel de mobiliser des valeurs moins individualistes et plus solidaires.
Semblable à ce que Laugier propose – soit que les éthiques du care dirigent notre attention sur des gestes ordinaires souvent invisibles, mais qui travaillent à maintenir un monde habitable et vivable – la métaphore de Das souligne cette vulnérabilité partagée tout en mettant l’accent sur la singularité de la vie ordinaire et sur la nécessité de la penser non pas comme lieu duquel s’échapper, mais plutôt comme espace constitutif de l’agentivité : « La méfiance envers l’ordinaire me semble provenir du fait que les relations nécessitent une attention répétée aux objets et aux événements ordinaires, mais notre impulsion théorique est souvent de penser l’agentivité en une forme d’échappatoire de l’ordinaire plutôt qu’en une descente dans celui-ci9 [traduction]. » Ce mouvement vers l’ordinaire est aussi repris dans Face aux désastres : une conversation à quatre voix sur la folie, le care et les grandes détresses collectives, ouvrage dirigé par Anne M. Lovell, Stefania Pandolfo, Das et Laugier, et dans lequel elles étudient les différents aspects de l’ordinaire qui sont en jeux lors d’événements tragiques et de crises sociales. Explicitant les enjeux stylistiques entre l’anglais et le français pour mieux situer leur configuration de l’ordinaire, les autrices font le détail des liens conceptuels qui ont mené leurs réflexions : « “tending to” – “aller vers” […] qui contient à la fois l’idée de “prendre soin de” et de “prêter son attention à”, mais signifie aussi “aller dans une direction” ou encore “entreprendre une action particulière”10. » Les liens entre le care et l’ordinaire sont ainsi indissociables et ce sont ces liens qui, dans l’œuvre d’O’Neill, se font et se défont, aident à circonscrire et à réévaluer les dispositions particulières, singulières de la vulnérabilité des personnages. S’il ne s’agit pas ici précisément d’une descente, l’accent mis sur la porosité sémantique entre « aller vers » et « prendre soin de » souligne tout de même la nécessité de réfléchir au niveau concret, particulier, incarné de l’ordinaire et de revisiter la place de la vulnérabilité dans l’expérience relationnelle.
Plus précisément, les sujets imaginés par O’Neill sont des figures d’une vulnérabilité qu’il est important de qualifier d’ordinaire, comme le suggère Naïma Hamrouni. Elle théorise cette vulnérabilité en tant qu’invariant anthropologique11 qui permet de problématiser le mythe de l’indépendance et la conception dominante de la justice. De même, pour Susan Dodds, la vulnérabilité est une disposition ordinaire, partagée « entre des sujets incarnés, sociaux et relationnels pour qui la réponse aux besoins et le développement des capabilités et de l’autonomie requièrent des interactions interpersonnelles complexes12 [traduction] ». Et, dans Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement, Laugier place cette vulnérabilité au centre des éthiques du care et suggère que « la dépendance et la vulnérabilité ne sont pas des accidents de parcours qui n’arrivent qu’aux autres, mais sont le lot de tous – y compris de ceux qui semblent les plus indépendants, mais qui pour cela ont besoin d’autres pour assumer leur autonomie13 ». Ce concept de vulnérabilité, configuré au confluent du care et de l’ordinaire, est ainsi « une disponibilité à la blessure14 » qui serait constante, permanente et inhérente à la condition humaine, et non pas le seul fardeau des moins privilégié(e)s. Il s’agit d’une vulnérabilité relationnelle qu’Estelle Ferrarese distingue, avec raison, de la précarité : « S’il existe une vulnérabilité à la maladie, à l’accident, inhérente à la fragilité des structures organiques et/ou à leur maturation ou leur dégénérescence, je la nomme précarité, afin de me concentrer sur la vulnérabi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Demi-page de titre
  3. Page titre
  4. Page de droits d’auteur
  5. Table des matières
  6. INTRODUCTION
  7. PARTIE I HOSPITALITÉ, CARE ET DON : AFFINITÉS ÉLECTIVES
  8. PARTIE II REGARDS SUR L’AFFECTIVITÉ DANS LES ÉTHIQUES DE L’HOSPITALITÉ, DU DON ET DU CARE
  9. PARTIE III ACTUALITÉ ET ÉTUDES DE CAS
  10. COLLABORATRICES ET COLLABORATEURS
  11. 21e – SOCIÉTÉ, HISTOIRE ET CULTURES
  12. Couverture arrière