Histoire de l'Empire romain
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Histoire de l'Empire romain

Res gestae: La période romaine de 353 à 378 ap. J.-C.

  1. 478 pages
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Histoire de l'Empire romain

Res gestae: La période romaine de 353 à 378 ap. J.-C.

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L'œuvre principale de Ammien Marcellin, Histoire de l'Empire Romain (Res gestae), couvre la période de 96 à 378 ap. J.-C. Seule la partie correspondant aux années 353 à 378 a été conservée. Heureusement, il s'agit de la partie la plus détaillée de l'œuvre: elle comprend dix-huit des trente et un livres des Res Gestae originelles. La partie qui a survécu traite de la période où commencèrent les grandes invasions, époque qu'il a lui-même vécue comme militaire sous les règnes de Constance II et de Julien.Ammien Marcellin (330-395), fut l'un des plus importants historiens de l'Antiquité tardive. Quoique d'origine grecque il écrivait en latin et a été le dernier grand historien à utiliser cette langue. C'est aussi l'un des derniers auteurs païens d'importance.Contenu: Livres 14-16: La chute de Constantius Gallus. La nomination de Julien comme césar en Gaule et ses premiers succès.Livres 17-19: Julien consolide la frontière du Rhin. En Orient, Constance II doit se battre contre les Perses.Livres 20-22: Julien est proclamé Auguste en Gaule. Développements jusqu'à la mort de Constance II; Julien, seul empereur.Livres 23-25: Expédition contre les Perses et mort de Julien. Court règne et mort de Jovien.Livre 26: Valentinien Ier et Valens se partagent l'empire.Livres 27-30: Expéditions de Valentinien et mort de l'empereur; règne de Valens en Orient.Livre 31: Les Goths, en fuite devant les Huns s'installent dans l'Empire romain. Prise d'Andrinople.

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Informations

Éditeur
e-artnow
Année
2019
ISBN
9788027302376

1. Livre XIV

Table des matières

Chapitre I

Table des matières

I. On avait traversé les hasards d’une lutte interminable, et l’abattement s’emparait des deux partis après cette succession terrible d’efforts et de périls. Mais les sons de la trompette n’avaient pas cessé, les troupes n’étaient pas rentrées dans leurs cantonnements, que déjà le courroux non désarmé de la fortune ouvrait à l’État une série nouvelle de calamités, par les forfaits du César Gallus. D’un excès d’abaissement monté bien jeune encore, et par un retour inespéré du sort, au plus haut rang après le rang suprême, ce prince franchit bientôt les limites du pouvoir qui lui était confié, et souilla toute son administration par des actes d’une cruauté sauvage. L’éclat d’une parenté avec la famille impériale, rehaussé du nom de Constance, dont il venait d’être décoré, exaltait au plus haut degré son arrogance, et il était visible pour tous que la force seule lui manquait pour porter ses fureurs jusqu’à l’auteur même de son élévation. Sa femme, par ses conseils, irritait encore ses féroces instincts. Fille de Constantin, qui l’avait, en premières noces, mariée au roi Annibalien, son neveu, elle était démesurément enorgueillie d’appeler l’empereur régnant son frère. C’était Mégère incarnée : non moins altérée que son mari du sang humain, sans cesse elle excitait son penchant à le répandre. L’àge chez un tel couple ne fit que développer de plus en plus la science du mal. Il s’était organisé une police ténébreuse, composée des agents les plus perfidement habiles à tout envenimer dans des rapports de complaisance ; et c’était par ces sourdes manœuvres que les accusations de se livrer à la magie ou de prétendre au trône allaient frapper les têtes les plus innocentes. La soudaine catastrophe de Clémace, personnage éminent d’Alexandrie, marque surtout l’essor d’une tyrannie qui ne s’arrête plus aux crimes vulgaires. La belle-mère de ce dernier, éprise, dit-on, pour lui d’une vive passion, et n’ayant pu l’amener à y répondre, était parvenue à se glisser dans le palais par une entrée secrète ; et là, faisant briller aux yeux de la reine un collier du plus grand prix, avait obtenu qu’un ordre d’exécution fût dépêché à Honorat, comte d’Orient. L’ordre reçu, Clémace, à qui l’on n’avait rien à imputer, est mis à mort avant d’avoir pu même ouvrir la bouche.
Après cet acte inouï, symptôme d’un arbitraire sans frein, chacun dut trembler pour d’autres victimes. En effet, sur l’ombre même d’un soupçon, les arrêts de mort, les confiscations se multiplièrent. Les infortunés qu’on arrachait à leurs pénates, sans leur laisser que la plainte et les larmes, en étaient réduits pour vivre à errer, tendant la main ; et jusqu’aux simples prescriptions de l’ordre public devenaient les auxiliaires d’un pouvoir impitoyable, en fermant à ces malheureux les portes des riches et des grands. On dédaignait de s’entourer des plus ordinaires précautions de la tyrannie. Pas un accusateur, même d’office, ne fit entendre sa voix subornée, ne fût-ce que pour jeter sur cet amas d’énormités une ombre de formes juridiques. Ce qu’une volonté de fer avait dicté était tenu pour légal et pour juste, et l’exécution suivait de près la sentence. On imagina encore de ramasser des gens sans aveu, de condition trop vile pour attirer l’attention de personne ; et on les envoyait à la découverte dans chaque rue d’Antioche. Ces misérables allaient, venaient d’un air d’indifférence, se mêlant surtout aux groupes des gens de distinction, pénétrant dans les maisons riches sous prétexte d’obtenir une aumône. La tournée finie, chacun d’eux rentrant au palais par quelque porte dérobée, y faisait rapport de ce qu’il avait entendu ou recueilli de la seconde main. Un concert remarquable existait entre ces relations, d’abord pour mentir ou amplifier du double, ensuite pour supprimer toute expression laudative que la terreur aurait pu arracher de quelques bouches. Plus d’une fois il arriva qu’un mot dit à l’oreille, dans le secret de l’intimité, par un mari à sa femme, même sans témoin domestique, fut le lendemain su par César, qui semblait posséder les facultés divinatoires des Amphiaraüs et des Marcius d’autrefois. On en vint à craindre d’avoir les murs même pour confidents.
Cette fureur d’inquisition était encore aiguillonnée par la reine, qui semblait pousser impatiemment la fortune de son mari vers le précipice. Mieux inspirée, elle eût exercé pour le faire rentrer dans les voies de la clémence et de la vérité ce don de persuasion que la nature a donné à son sexe. Elle avait un beau modèle à suivre dans la femme de l’empereur Maximin, cette princesse que l’histoire des deux Gordiens a montrée constamment occupée du soin d’adoucir son féroce époux.
On vit Gallus, en dernier lieu, ne pas reculer devant un moyen périlleux autant qu’infâme, et dont Gallien, dit-on, avait fait jadis l’essai à Rome, au grand déshonneur de son administration. C’était de parcourir sur le soir les carrefours et les tavernes avec un petit nombre de satellites qui cachaient des épées sous leurs robes, s’enquérant à chacun en grec, langue dont l’usage lui était familier, de ce qu’on pensait de César. Voilà ce qu’il osa faire au milieu d’une ville ou l’éclairage de nuit rivalise avec la clarté du jour. A la longue cependant l’incognito s’éventa. Gallus, voyant alors qu’il ne pouvait mettre le pied dehors sans être reconnu, ne se permit plus d’excursions qu’en plein jour, et seulement quand il se croyait appelé par un intérêt sérieux. Mais l’impression de dégoût causée par une telle pratique n’en fut pas moins longtemps à s’effacer.
Thalasse, alors préfet du prétoire en assistance, esprit non moins intraitable que le prince, spéculait en quelque sorte sur l’irritation de cette nature farouche, pour la pousser à plus d’excès. Au lieu de chercher à ramener son maître par la douceur et la raison, comme l’ont parfois tenté avec succès ceux qui approchent les dépositaires du pouvoir, il prenait, au moindre dissentiment, une attitude d’opposition et de contrôle qui ne manquait pas de provoquer des accès de rage. Thalasse écrivait souvent à l’empereur, exagérant encore le mal, et affectant, on ne sait dans quelle vue, de faire que Gallus sût qu’il agissait ainsi. Grand surcroît d’exaspération pour ce dernier, qui se précipitait alors, à tout hasard, contre l’obstacle, et ne s’arrétait, non plus qu’un torrent ; dans la voie de révolte où il s’était lancé.

Chapitre II

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II. D’autres calamités affligeaient encore l’Orient à cette époque. On commît l’habitude inquiète des Isauriens : tantôt dans un état de calme apparent, et tantôt répandant partout la désolation par leurs courses inopinées, quelques actes de déprédation tentés furtivement de loin en loin leur ayant réussi, ils s’enhardirent par l’impunité jusqu’à se lancer dans une agression sérieuse. Ces hostilités jusque-là n’avaient eu que leur turbulence pour cause. Cette fois, et avec une sorte de jactance, ils mettaient en avant le sentiment national, révolté par un outrage insigne. Des prisonniers isauriens (chose inouïe !), avaient été livrés aux bêtes dans l’amphithéâtre d’Iconium en Pisidie : « La faim, a dit Cicéron, ramène les animaux féroces où ils ont une fois trouvé pâture. » Des masses de ces barbares désertent donc leurs rocs inaccessibles, et viennent, comme l’ouragan, s’abattre sur les côtes. Cachés dans le fond des ravins ou de creux vallons, ils épiaient l’arrivée des bâtiments de commerce, attendant pour agir que la nuit fût venue. La lune, alors dans le croissant, ne leur prêtait qu’assez de lumière pour observer, sans que leur présence fut trahie. Dés qu’ils supposaient les marins endormis, ils se hissaient des pieds et des mains le long des câbles d’ancrage, escaladaient sans bruit les embarcations, et prenaient ainsi les équipages à l’improviste. Excitée par l’appât du gain, leur férocité n’accordait de quartier à personne, et, le massacre terminé, faisait, sans choisir, main basse sur tout le butin.
Ce brigandage toutefois n’eut pas un long succès. On finit par découvrir les cadavres de ceux qu’ils avaient tués et dépouillés, et dès lors nul ne voulut relâcher. dans ces parages. Les navires évitaient la côte d’Isaurie comme jadis les sinistres rochers de Sciron, et rangeaient de concert le littoral opposé de l’île de Chypre. Cette défiance se prolongeant, les Isauriens quittèrent la plage qui ne leur offrait plus d’occasion de capture, pour se jeter sur le territoire de leurs voisins de Lycaonie. Là, interceptant les routes par de fortes barricades, ils rançonnaient pour vivre tout ce qui passait, habitants ou voyageurs.
Il y eut alors un mouvement de colère parmi les troupes romaines cantonnées dans les municipes nombreux du pays, ou dans les forts de la frontière. Mais l’invasion néanmoins ne laissait pas de s’étendre ; car dans les premiers engagements qui eurent lieu, soit avec le gros des barbares, soit avec leurs partis détachés, les nôtres, partout inférieurs en nombre, ne combattirent qu’avec désavantage des ennemis nés et nourris au milieu des montagnes, gravissant toutes leurs aspérités avec la même aisance que nous marchons en plaine, et qui tantôt vous accablent de loin sous une grêle de traits, tantôt sèment l’épouvante par d’affreux hurlements. Souvent nos soldats, forcés pour les suivre d’escalader des pentes abruptes, en glissant et en s’accrochant aux ronces et aux broussailles des rochers, voyaient tout à coup, après avoir gagné quelque pic élevé, le terrain leur manquer pour se développer et manœuvrer de pied ferme. Il fallait alors redescendre, au hasard d’être atteints par les quartiers de roches que l’ennemi, présent sur tous les points, faisait rouler sur leurs têtes ; ou, s’il y avait nécessité de faire halte et de combattre, se résigner à périr sur place, écrasés par la chute de ces blocs monstrueux.
Finalement, on eut recours à une tactique mieux entendue : c’était d’éviter d’en venir aux mains tant que l’ennemi offrirait le combat sur les hauteurs, mais de tomber dessus, comme sur un vil troupeau, dès qu’il se montrerait en rase campagne. Des partis d’Isauriens s’y risquèrent souvent, et furent chaque fois taillés en pièces avant qu’un seul homme eût pu se mouvoir, ou brandir l’un des deux ou trois javelots dont ce peuple marche ordinairement armé.
Ces brigands commencèrent alors à regarder comme dangereuse l’occupation de la Lycaonie ; car c’est généralement un pays de plaines, et plus d’une expérience leur avait démontré qu’ils ne pouvaient tenir contre nous en bataille rangée. Ils prennent donc des routes détournées, et pénètrent en Pamphilie, contrée intacte depuis longtemps, mais que la crainte de l’invasion et de ses désastres avait fait couvrir de postes militaires très rapprochés, et de fortes garnisons. Comptant sur la vigueur de leurs corps et l’agilité de leurs membres, ils s’étaient flattés de prévenir, par une marche forcée, la nouvelle de leur irruption ; mais les sinuosités du chemin qu’ils s’étaient tracé, et l’élévation des crêtes à franchir, leur prirent plus de temps qu’ils n’avaient pensé. Et lorsque, surmontant ces premiers obstacles, ils arrivèrent aux escarpements da fleuve Mélas, dont le lit, profondément encaissé, forme une sorte de circonvallation autour de la contrée, la peur s’empara d’eux, d’autant plus qu’il était nuit close ; et il fallut faire halte jusqu’au jour. Ils avaient compté passer le fleuve sans coup férir, puis tout surprendre et ravager à l’autre bord. Mais il leur restait à subir de rudes épreuves, et en pure perte. Au lever du jour, ils voient devant eux des rives ardues, un canal étroit mais profond, qu’il faut renoncer à franchir à la nage. Tandis qu’ils cherchent à se procurer des barques de pêcheurs, ou fabriquent à la hàte des radeaux en joignant ensemble des troncs d’arbres, les légions, qui hivernaient dans les environs de Sida, se portent en un clin d’œil sur la rive opposée, y plantent résolument leurs aigles, et, improvisant un rempart de leurs boucliers habilement joints, n’eurent plus qu’à tailler en pièces tout ce qui se hasarda sur les radeaux, ou tenta le passage à l’aide des troncs d’arbres creusés. Les Isauriens, après s’être épuisés en efforts inutiles, cédèrent à la crainte autant qu’à la force ; et, marchant à l’aventure, arrivèrent à Laranda, où ils passèrent quelque temps à se ravitailler et à se refaire. Revenus enfin de leur effroi, ils allaient tomber sur les riches bourgades des environs, quand l’approche fortuite d’un détachement de cavalerie, dont ils n’osèrent soutenir le choc dans une plaine, les contraignit de faire retraite. Tout en se repliant néanmoins, ils ne laissèrent pas de convoquer l’arrière-ban de leur jeunesse en état de porter les armes.
La faim, dont ils éprouvaient de nouveau les extrémités, les amène ensuite devant une ville nommée Paléa, voisine de la mer, et ceinte de fortes murailles : c’est encore aujourd’hui le magasin central des subsistances du corps d’occupation de l’Isaurie. Ils furent arrêtés devant cette forteresse trois jours et autant de nuits. Mais comme la place est sur un plateau qu’on ne peut escalader qu’à découvert, et que ni les travaux de mine ni aucun autre moyen de guerre n’était pour eux praticable, ils levèrent le siège, la douleur dans l’âme, mais poussés par la nécessité à tenter ailleurs quelque grand coup. Cet échec avait redoublé leur rage, aiguillonnée déjà par le désespoir et la faim. Bientôt toute cette masse, grossie des nouvelles recrues, s’élance avec une impétuosité irrésistible pour saccager la ville métropole de Séleucie. Le comte Castrice occupait alors cette place avec trois légions de vétérans aguerris. Au signal de leurs chefs, avertis à propos de l’approche des Isauriens, les troupes, aussitôt sur pied, font en avant un mouvement rapide, et, passant à la course le pont du fleuve Calicadne, dont les profondes eaux baignent le pied des tours qui protègent la ville, vont se ranger en bataille sur l’autre bord. Défenses furent faites néanmoins d’escarmoucher et de sortir des rangs ; car tout était à redouter de l’aveugle furie de ces bandes, supérieures en nombre, et toujours prêtes à se jeter, au mépris de la vie, jusque sur la pointe de nos armes. Toutefois le son lointain des clairons et l’aspect d’une force régulière refroidirent un peu l’ardeur des barbares. Ils font halte, puis s’ébranlent de nouveau, mais cette fois d’un pas mesuré, et brandissant de loin leurs glaives d’un air de menace. Les nôtres, pleins de résolution, voulaient marcher à l’ennemi enseignes déployées, et frappaient de leurs piques sur leurs boucliers ; moyen d’excitation toujours efficacement employé chez les soldats, et qui déjà produisait l’effet opposé chez leurs adversaires. Mais les chefs arrêtèrent cet élan : ils avaient réfléchi sur l’inconséquence de s’engager à découvert, quand on avait derrière soi l’abri de fortes murailles. On fait donc rentrer les troupes, qui sont distribuées sur les terrasses et postées aux créneaux avec provision de toute espèce de projectiles, afin d’accabler, sous une grêle de pierres et de traits, tout ce qui se montrerait à portée. Les assiégés, cependant, avaient un grave sujet d’inquiétude. L’abondance régnait chez les Isauriens, qui avaient pu s’emparer des bateaux de l’approvisionnement des grains ; tandis qu’au dedans des murs, les ressources ordinaires s’épuisant par la consommation de chaque jour, on se voyait menacé prochainement de toutes les horreurs de la famine.
Le bruit de ces événements se répandit, et dépêches sur dépêches en portèrent les détails à la connaissance de Gallus. Le prince s’en émut ; et comme le général de la cavalerie était occupé au loin, il enjoignit à Nébride, comte d’Orient, de rassembler des forces de tous côtés, pour dégager à tout prix une possession si importante et par la grandeur de la ville et par les avantages de sa situation. A cette nouvelle, les Isauriens décampent ; puis, sans rien tenter de plus qui soit digne de remarque, ils se dispersent, suivant leur tactique ordinaire, et regagnent leurs monts inaccessibles.

Chapitre III

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III. Les choses en étaient là du côté de l’Isaurie. Le roi de Perse alors se trouvait engagé de sa personne dans une guerre de frontières avec des peuplades belliqueuses qui tour à tour, suivant le caprice du moment, sont pour lui des voisins hostiles ou des auxiliaires contre nous. Mais l’un de ses grands officiers, nommé Nohodarès, avait mission de harasser la Mésopotamie, et surveillait nos mouvements avec une inquiète vigilance, épiant le moment propice pour une irruption. Nobodarès, qui savait que cette contrée, constamment exposée aux insultes, était gardée dans toutes les directions par des postes et des ouvrages de défense, crut devoir faire un circuit sur la gauche, et alla s’embusquer sur la lisière de l’Osdroène ; manœuvre dont il est peu d’exemples, et qui, si elle eût réussi, aurait eu les effets de la foudre. On va pouvoir en juger.
A peu de distance de l’Euphrate, en Mésopotamie, on trouve Batné, fondée autrefois par les Macédoniens, aujourd’hui ville municipale. C’est la résidence d’un grand nombre de riches négociants, et le centre d’un commerce très actif, tant en produits de l’Inde et de la Sérique, qu’en denrées de toute provenance qui affluent sur ce marché par terre et par mer, et chaque année, dans les premiers jours de septembre, y attirent en foule des trafiquants de tous degrés. C’étaient précisément ces jours d’encombrement et de tumulte que Nohodarès avait marqués pour un coup de main. Il attendait le moment, caché parmi les hautes herbes des rives solitaires de l’Aboras ; mais sa présence nous fut révélée par quelques-uns des siens que la crainte d’un châtiment avait fait déserter. Dès lors il abandonna son embuscade sans oser frapper un seul coup, et parut s’endormir dans une complète inaction.

Chapitre IV

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[14,4] IV. D’un autre côté, les Sarrasins, que je ne nous souhaite ni pour amis ni pour ennemis, se montraient soudain, tantôt sur un point tantôt sur un autre, déprédateurs rapides de tout ce qui se trouvait sur leur chemin, et pareils au milan ravisseur, qui fond sur sa proie d’aussi haut qu’il la découvre ; également prompt à disparaître, soit qu’il ait pu la saisir, ou qu’il ait manqué son coup. J’ai déjà parlé des habitudes de ce peuple en traçant l’histoire de l’empereur Marc-Aurèle et de quelques-uns des règnes suivants : j’en dirai encore deux mots. Répandue sur une région qui s’étend depuis l’Assyrie jusqu’aux cataractes du Nil et aux confins du pays des Blemmyes, cette race a même physionomie partout. Tous sont guerriers d’instinct, vont à demi nus, n’ayant pour tout vêtement qu’une courte casaque bigarrée, et changent continuellement de place, en paix comme en guerre, à l’aide de leurs coursiers agiles et de leurs maigres chameaux. Pas une main chez eux ne touche la charrue, ne cultive une plante, ne demande la subsistance de l’homme à la terre. Tout ce peuple erre indéfiniment dans de vastes solitudes, sans foyer, sans assiette fixe, et sans loi. Aucun ciel, aucun sol n’a de quoi l’arrêter longtemps. L’émigration est sa vie là, l’union de l’homme et de la femme n’est qu’un contrat de louage : pour toute forme matrimoniale, l’épouse, fiancée à prix fait et à temps, apporte, en manière de dot, une lance et une tente à son mari, se tenant prête, le terme expiré, à le quitter au moindre signe. On ne saurait dire avec quelle fureur, dans cette nation, les deux sexes s’abandonnent à l’amour. L’existence y est si mobile, qu’une femme se marie en un lieu, accouche dans un autre, et élève ses enfants loin de là, sans avoir, un moment, pris domicile. Ils se nourrissent universellement de venaison, de lait que leurs bestiaux fournissent en abondance, de plusieurs sortes d’herbes, dont leur sol offre une grande variété, et, quand ils peuvent, d’oiseaux pris au piège. Presque tous ceux que nous avons vus ignoraient l’usage du pain et du vin. C’est assez parler de cette nation dangereuse ; reprenons notre récit.

Chapitre V

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V. Durant ces agitations de l’Orient, Constance, qui avait fixé sa résidence d’hiver à Arles, y célébrait fastueusement, par la pompe des jeux du Cirque et des représentations théâtrales, la trentième année de son règne, accomplie le 6 des ides d’octobre (10 octobre). Un penchant à la tyrannie, de plus en plus prononcé, lui faisait accueillir toute accusation, quelque chimérique ou douteuse qu’elle fût, comme positive et démontrée. Le comte Géronce entre autres, qui avait été du parti de Magnence, fut d’abord livré à la torture, puis envoyé en exil. Comme le plus léger attouchement révolte la sensibilité dans une partie malade, de même, pour cet esprit pusillanime et borné, le moindre bruit se traduisait en attentat, en complot formé contre sa vie. Ce qu’il fit de victimes par peur suffit à transformer sa victoire en cal...

Table des matières

  1. Histoire de l’Empire romain
  2. Table des matières
  3. 1. Livre XIV
  4. 2. Livre XV
  5. 4. Livre XVII
  6. 5. Livre XVIII
  7. 6. Livre XIX
  8. 7. Livre XX
  9. 8. Livre XXI
  10. 9. Livre XXII
  11. 10. Livre XXIII
  12. 11. Livre XXIV
  13. 12. Livre XXV
  14. 13. Livre XXVI
  15. 14. Livre XXVII
  16. 15. Livre XXVIII
  17. 16. Livre XXIX
  18. 17. Livre XXX
  19. 18. Livre XXXI