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Maupassant: Poésies complètes
À propos de ce livre
Ce livre numérique comprend des poésies complètes complètes Maupassant. L'édition est méticuleusement éditée et formatée.Guy de Maupassant (1850 - 1893) a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, mais surtout par ses nouvelles, (parfois intitulées contes), comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887). Ces œuvres retiennent l'attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s'en dégage le plus souvent mais aussi par la maîtrise stylistique. La carrière littéraire de Guy de Maupassant se limite à une décennie – de 1880 à 1890 – avant qu'il ne sombre peu à peu dans la folie et ne meure à quarante-trois ans.
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Maupassant: Poésies complètes
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Table des matières
DES VERS
Guy de Maupassant
Le Mur
Illuminé jetait des lueurs d’incendies,
Et de grandes clartés couraient sur le gazon.
Le parc, là-bas, semblait répondre aux mélodies
De l’orchestre, et faisait une rumeur au loin.
Tout chargé des senteurs des feuilles et du foin,
L’air tiède de la nuit, comme une molle haleine,
S’en venait caresser les épaules, mêlant
Les émanations des bois et de la plaine
À celles de la chair parfumée, et troublant
D’une oscillation la flamme des bougies.
On respirait les fleurs des champs et des cheveux.
Quelquefois, traversant les ombres élargies,
Un souffle froid, tombé du ciel criblé de feux,
Apportait jusqu’à nous comme une odeur d’étoiles.
Muettes, l’oeil noyé, de moment en moment
Les rideaux se gonfler ainsi que font des voiles,
Et rêvaient d’un départ à travers ce ciel d’or,
Par ce grand océan d’astres. Une tendresse
Douce les oppressait, comme un besoin plus fort
D’aimer, de dire, avec une voix qui caresse,
Tous ces vagues secrets qu’un coeur peut enfermer.
La musique chantait et semblait parfumée;
La nuit embaumant l’air en paraissait rythmée,
Et l’on croyait entendre au loin les cerfs bramer.
Mais un frisson passa parmi les robes blanches;
Chacun quitta sa place et l’orchestre se tut,
Car derrière un bois noir, sur un coteau pointu,
On voyait s’élever, comme un feu dans les branches,
La lune énorme et rouge à travers les sapins.
Et puis elle surgit au faîte, toute ronde,
Et monta, solitaire, au fond des cieux lointains,
Comme une face pâle errant autour du monde.
La lune clairsemait sa lumière charmante.
La nuit douce rendait les hommes amoureux,
Au fond de leurs regards allumant une flamme.
Et les femmes allaient, graves, le front penché,
Ayant toutes un peu de clair de lune à l’âme.
Les brises charriaient des langueurs de péché.
Un petit rire aigu me fit tourner la tête,
Et j’aperçus soudain la dame que j’aimais,
Hélas! D’une façon discrète, car jamais
Elle n’avait cessé d’être à mes voeux rebelle:
«Votre bras, et faisons un tour de parc», dit-elle.
Elle était gaie et folle et se moquait de tout,
Prétendait que la lune avait l’air d’une veuve:
«Le chemin est trop long pour aller jusqu’au bout,
Car j’ai des souliers fins et ma toilette est neuve;
Retournons.» Je lui pris le bras et l’entraînai.
Alors elle courut, vagabonde et fantasque,
Et le vent de sa robe, au hasard promené,
Troublait l’air endormi d’un souffle de bourrasque.
Puis elle s’arrêta, soufflant; et doucement
Nous marchâmes sans bruit tout le long d’une allée.
Des voix basses parlaient dans la nuit, tendrement,
Et, parmi les rumeurs dont l’ombre était peuplée,
On distinguait parfois comme un son de baiser.
Alors elle jetait au ciel une roulade!
Vite tout se taisait. On entendait passer
Et resté seul pestait contre les indiscrets.
Et dans la plaine, au loin, répondait une caille.
Se dressa, toute blanche, une haute muraille,
Ainsi que dans un conte un palais de métal.
Elle semblait guetter de loin notre passage.
«La lumière est propice à qui veut rester sage,
Me dit-elle. Les bois sont trop sombres, la nuit.
Asseyons-nous un peu devant ce mur qui luit.»
Elle s’assit, riant de me voir la maudire.
Au fond du ciel, la lune aussi me sembla rire!
Et toutes deux d’accord, je ne sais trop pourquoi,
Paraissaient s’apprêter à se moquer de moi.
Et moi, je n’osais pas lui dire: «Je vous aime!»
Mais comme j’étouffais, je lui pris les deux mains.
Elle eut un pli léger de sa lèvre coquette
Et me laissa venir comme un chasseur qui guette.
Mettaient parfois dans l’ombre une blancheur douteuse.
Et, nous enveloppant de sa clarté laiteuse,
Faisait fondre nos coeurs à sa vue amollis.
Elle glissait très haut, très placide et très lente,
Et pénétrait nos chairs d’une langueur troublante.
Cet étrange tourment où nous jette une femme
Lorsque fermente en nous la fièvre du désir!
Lorsqu’on a, chaque nuit, dans le trouble du rêve,
Le baiser qui consent, le «oui» d’un oeil fermé,
L’adorable inconnu des robes qu’on soulève,
Le corps qui s’abandonne, immobile et pâmé,
Et qu’en réalité la dame ne nous laisse
Que l’espoir de surprendre un moment de faiblesse!
Me vinrent, qui faisaient s’entrechoquer mes dents,
Une fureur d’esclave en révolte, et la joie
De ma force pouvant saisir, comme une proie,
Cette femme orgueilleuse et calme, dont soudain
Je ferais sangloter le tranquille dédain!
Son haleine faisait une fine vapeur
Me prit. Je la saisis en mes bras. Elle eut peur,
Se leva. J’enlaçai sa taille avec colère,
Et je baisai, ployant sous moi son corps nerveux,
Son oeil, son front, sa bouche humide et ses cheveux!
Déjà je la prenais, impétueux et fort,
Quand je fus repoussé par un suprême effort.
Alors recommença notre lutte éperdue
Près du mur qui semblait une toile tendue.
Or, dans un brusque élan nous étant retournés,
Nous vîmes un spectacle étonnant et comique.
Traçant dans la clarté deux corps désordonnés,
Nos ombres agitaient une étrange mimique,
S’attirant, s’éloignant, s’étreignant tour à tour.
Elles semblaient jouer quelque bouffonnerie,
Avec des gestes fous de pantins en furie,
Esquissant drôlement la charge de l’Amour.
Elles se tortillaient farces ou convulsives,
Se heurtaient de la tête ainsi que des béliers;
Puis, redressant soudain leurs tailles excessives,
Restaient fixes, debout comme deux grands piliers.
Quelquefois, déployant quatre bras gigantesques,
Elles se repoussaient, noires sur le mur blanc,
Et, prises tout à coup de tendresses grotesques,
Paraissaient se pâmer dans un baiser brûlant.
Elle se mit à rire. – Et comment se fâcher,
Se débattre et défendre aux lèvres d’approcher
Plus qu’un coeur embrasé peut sauver un amant!
Du fond du ciel serein recherchait vainement
Nos deux ombres au mur et n’en voyait plus qu’une.
Un Coup De Soleil
La foule circulait bruyante et sans souci.
Je ne sais trop pourquoi j’étais heureux aussi;
Ce bruit, comme une ivresse, avait troublé ma tête.
Le soleil excitait les puissances du corps,
Il entrait tout entier jusqu’au fond de mon être,
Et je sentais en moi bouillonner ces transports
Que le premier soleil au coeur d’Adam fit naître.
Une femme passait; elle me regarda.
Je ne sais pas quel feu son oeil sur moi darda,
De quel emportement mon âme fut saisie,
Mais il me vint soudain comme une frénésie
De me jeter sur elle, un désir furieux
Un nuage de sang, rouge, couvrit mes yeux,
Et je crus la presser dans un baiser farouche.
Je la serrais, je la ployais, la renversant.
Puis, l’enlevant soudain par un effort puissant,
Je rejetais du pied la terre, et dans l’espace
Ruisselant de soleil, d’un bond, je l’emportais.
Nous allions par le ciel, corps à corps, face à face.
Et moi, toujours, vers l’astre embrasé je montais,
La pressant sur mon sein d’une étreinte si forte
Que dans mes bras crispés je vis qu’elle était morte…
Terreur
Il était bien minuit, et tout à coup j’eus peur.
Peur de quoi? Je ne sais, mais une peur horrible.
Je compris, haletant et frissonnant d’effroi,
Qu’il allait se passer une chose terrible…
Alors il me sembla sentir derrière moi
Quelqu’un qui se tenait debout, dont la figure
Riait d’un rire atroce, immobile et nerveux:
Et je n’entendais rien, cependant. Ô torture!
De sentir qu’il se baisse à toucher mes cheveux,
Qu’il est prêt à poser sa main sur mon épaule,
Et que je vais mourir si cette main me frôle!…
Il se penchait toujours vers moi, toujours plus près;
Et moi, pour mon salut éternel, je n’aurais
Ni fait un mouvement ni détourné la tête…
Ainsi que des oiseaux battus par la tempête,
Mes pensers tournoyaient comme affolés d’horreur.
Une sueur de mort me glaçait chaque membre,
Et je n’entendais pas d’autre bruit dans ma chambre
Que celui de mes dents qui claquaient de terreur.
Ayant poussé le plus terrible hurlement
Qui soit jam...
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