Soigner, c'est aimer l'autre et l'accompagner

Valois Robichaud

• Éditeur: Éditions du CRAM
• Année: 2014
• ISBN:
  9782897210854
• Sujet: Psychologie
• Sous-sujet: Histoire et théorie en psychologie

Docteur en gérontologie sociale, l'auteur aborde la question du soin relationnel prodigué par les soignants à l'adulte âgé vivant chez lui ou en maison de soins de longue durée.Il propose aux soignants, quels qu'ils soient, un guide psycho-gérontologique qui les éclaire et les soutient dans leur travail quotidien et qui se résume par cette recommandation fondamentale: accompagne l'autre pas à pas et reconnais-le dans sa dignité par la qualité de ta présence.Il croit que l'amour de soi et de l'autre est la première compétence pour intervenir authentiquement auprès du malade.Enfin, la présence devient thérapeutique pour quiconque croit dans l'inaltérable potentiel de la personne humaine.

Tableau 1
Comment suis-je
devenu soignant ?

La question est centrale. Comment suis-je devenu soignant, soignante ? Pour Réjean, ce sera le modèle d’une grand-mère, d’un grand-père qui était médecin ou infirmier ; pour d’autres ce sera une réorientation de carrière qui avait débuté par un travail saisonnier, n’ayant pas eu l’opportunité de faire des études universitaires ; enfin, c’est au collège communautaire ou au cégep que d’autres choisiront la carrière d’aide-soignant.

Si certains ont poursuivi des études pour devenir soignants, pour d’autres, la vie les a guidés et invités à prendre soin d’un papa ou d’une maman. Souvent, la plus âgée des filles ou la cadette accepteront cette invitation de la vie – rarement le garçon, mais il y a des exceptions, comme ce monsieur que j’ai rencontré qui rendait visite à sa maman hospitalisée depuis déjà quelques mois, en attente d’une chambre en résidence de long séjour ; chaque jour, son fils venait lui rendre visite et l’accompagnait à la marche ou l’assistait au moment des repas.

Une jeune fille me partageait avoir vu sa maman accompagner sa mère, et avoir été imprégnée par ce modèle qu’avait été sa mère. Très tôt, elle avait senti que son cœur était touché et que l’amour qu’elle portait en elle ne pouvait pas être gardé et attendait d’être donné. C’est la voie pour le bonheur, me disait-elle.

Pour ma part, ma propre expérience d’avoir vécu dans une famille de onze frères et sœurs, en présence d’une sœur paralysée depuis la naissance, a été déterminante et a créé en moi une ouverture du cœur pour l’autre ; ma chère Madeleine a été ma première professeure du soin. Elle m’a enseigné la différence au quotidien, car à travers son vécu, sa fragilité et ses limites, j’ai pu accueillir mon propre vécu avec mes fragilités et mes limites et être, comme elle, une personne qui souhaitait être heureuse. Pour devenir et vivre heureuse, Madeleine avait besoin de notre présence, de notre attention bienveillante et de notre amour inconditionnel.

Témoignage d’une infirmière

« J’ai apprivoisé l’acte du soin grâce à mon père. Le dimanche après-midi, lorsque j’étais enfant (4 ou 5 ans), nous allions rendre visite à ma tante Madeleine, paraplégique de naissance. J’avais la chance et la joie de la nourrir, de lui appliquer de la crème sur les mains, lui laver le visage avec une débarbouillette, lui chanter des chansons, la promener en fauteuil roulant. Je dis bien la “joie” car c’était un moment de plaisir, de découverte. Voir son visage s’illuminer et ses yeux pétillants quand on arrivait dans sa chambre me donnait l’envie de lui faire du bien, d’être à ses côtés.

« Sans en être vraiment consciente, je me sensibilisais petit à petit au soin global de la personne et me familiarisais à son environnement.

« Bien des années plus tard, cet élan m’a conduite à la pratique en soins infirmiers auprès des malades en soins palliatifs et en oncologie, quel cadeau !

« Je crois que l’envie de faire du soin une profession vient inévitablement du sentiment de gratification que ce dernier nous amène à ressentir.

« Soigner une personne est selon moi un privilège. Je m’explique. Lors du soin, la personne malade subit un lâcher-prise de son contrôle sur son propre corps, et ce, non sans résistance. Elle fait face à la vulnérabilité. Elle dévoile son corps physique à une personne hors de son contexte familial. Aucun être humain ne passe par cette étape sans résistance, sans un certain choc psychophysiologique et ce, du bébé à la personne âgée.

« Quand nous avons accès à l’intimité d’un individu, le respect et la douceur sont de mise. La personne malade se laisse toucher, apprivoiser par notre énergie, notre regard, le ton de notre voix, notre non verbal, nos gestes : c’est là que naît le lien de confiance entre l’aidé et l’aidant. Cette période d’apprivoisement est déterminante afin de soigner activement ou passivement le malade.

« Être soignante m’a permis de mieux comprendre les besoins uniques de chacun et de toucher à ma propre humanité. On cogne à la porte de leur vie de façon quotidienne avec ses ombres et ses lumières. Le soin se définit indéniablement comme une relation d’aide, une main tendue vers l’autre. Ça donne le goût de continuer… »5

Témoignage d’une infirmière

« Je suis infirmière de profession. Même jeune, j’avais la conviction que cette profession se devait d’être une vocation, et je le crois encore aujourd’hui après trente-six ans. Dès les premiers instants où j’ai dû m’occuper de personnes d’âge avancé, je savais déjà que ma carrière serait orientée vers elles et pour elles. Je ne sais pourquoi, mais la connexion s’est faite de manière automatique. Je me suis sentie respectée, acceptée et tout de suite j’ai voulu offrir à ces gens les mêmes petits bonheurs qu’eux me procuraient. Le fait de soigner était sans doute inné en moi et la valorisation ressentie au contact de ces personnes vulnérables et en perte d’autonomie m’apportait des questionnements existentiels sur ma propre vie. Ici j’ai compris pour la première fois que l’expérience ne s’acquiert que par l’expérience et que le respect pour l’individualité des gens est indispensable au soignant. Chaque matin, quand je travaillais auprès de ces personnes, je me devais d’être présente pour elles, de les soutenir, de les aimer, mais surtout de les accepter telles qu’elles étaient, chacune avec ses forces, ses faiblesses, ses opinions, son passé et son présent. Ceci est un rôle non négociable du soignant. »6

Exercice de réflexion

1. Comment en suis-je arrivé à devenir soignant ?
2. Quelles sont mes dispositions ou qualités dominantes pour ce travail de soin ?
3. Quelle est ma plus grande force ?
4. Quelle est ma limite, et que dois-je développer face à cela ?
5. Qu’est-ce qui me permet de dire que je souhaite en faire...

Table des matières

• Remerciements
• Préface
• Introduction
• Tableau 1 Comment suis-je devenu soignant ?
• Tableau 2 Lire le non verbal de l’autre
• Tableau 3 Je me sens fatigué
• Tableau 4 Je me sens pris en sandwich
• Tableau 5 J’entre dans la chambre de monsieur ou de madame
• Tableau 6 Le corps que je lave
• Tableau 7 Je fais manger l’autre dans sa chaise ou dans son lit
• Tableau 8 J’arrive au domicile de l’autre
• Tableau 9 Quels vêtements porter aujourd’hui ?
• Tableau 10 La vie sexuelle au grand âge
• Tableau 11 Je travaille auprès d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer
• Tableau 12 La foi de l’autre et la mienne
• Tableau 13 Mourir dans la dignité
• Tableau 14 La solitude de l’autre et la mienne
• Tableau 15 Être soi-même avec l’autre
• Tableau 16 Je veux mourir
• Tableau 17 Le suicide chez la personne âgée
• Tableau 18 Lorsque survient l’hospitalisation
• Tableau 19 L’ergonomie et la demeure de la personne âgée
• Tableau 20 Lorsque le soir arrive...
• Tableau 21 Mes parents n’ont plus le goût des grandes sorties
• Tableau 22 Mourir chez soi
• Tableau 23 Le travail de deuil
• Tableau 24 Le pardon avant de quitter ce monde
• Tableau 25 La personne atteinte d’Alzheimer qui souhaite vivre chez elle
• Tableau 26 Reconnaître les états d’âme de l’autre
• Tableau 27 L’hypocondrie, qu’est-ce que c’est ?
• Tableau 28 Lorsque la souffrance est au rendez-vous
• Tableau 29 Atteint d’un cancer, une expression qui bouleverse
• Tableau 30 Les dernières volontés de la personne âgée
• Tableau 31 Que faire du silence de l’autre ?
• Tableau 32 Un secret lourd à porter
• Tableau 33 Devoir entrer en maison de soins de longue durée
• Tableau 34 Lorsque le soin devient compassion
• Tableau 35 L’usage de la culotte thérapeutique
• Tableau 36 L’arrivée à l’urgence
• Tableau 37 Le vécu en ambulance
• Tableau 38 Le mépris, hélas, encore aujourd’hui
• Tableau 39 Accueillir les diverses formes de spiritualité de l’aîné
• Tableau 40 La santé pour vieillir… « en santé »
• Ce que je recueille après ma lecture…
• Conclusion