La peur de vieillir, un pas vers l'euthanasie ?
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La peur de vieillir, un pas vers l'euthanasie ?

  1. 172 pages
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La peur de vieillir, un pas vers l'euthanasie ?

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À propos de ce livre

La peur du vieillissement, unique antichambre et premiĂšre Ă©tape vers l'euthanasie, est caractĂ©ristique d'une gĂ©nĂ©ration qui refuse toute forme d'impuissance, de dĂ©pendance et de faiblesse; elle refuse surtout cette incapacitĂ© radicale face Ă  la mort qui lui vole insidieusement sa croissance, sa pleine conscience et sa totale libertĂ©. La gĂ©nĂ©ration toute puissante des baby-boomers crie son mal-ĂȘtre! Le droit de dĂ©cider de notre mort diminue-t-il vraiment notre angoisse existentielle?« Je crois que la personne qui demande l'euthanasie est une personne qui n'en peut plus; il lui manque l'espoir, l'amour, la main tendue, les soins appropriĂ©s, en somme une "rĂ©silience d'amour" qui la relie aux siens, au monde et Ă  son histoire. Il faut Ă  tout prix accueillir, Ă©couter et soulager la "personne" et non pas une douleur, un symptĂŽme, un patient. »

Foire aux questions

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Informations

Année
2012
ISBN
9782897210205

Chapitre 1

Je veux tout contrĂŽler, mĂȘme ma mort !

Dans l’introduction, j’évoquais le cas d’un professionnel en bonne santĂ©, dans la soixantaine, qui avait dĂ©cidĂ©, s’il ne pouvait plus marcher un jour dans les boisĂ©s derriĂšre sa maison, qu’il mettrait fin Ă  ses jours. Sans le juger, sa confidence m’a pourtant beaucoup interpellĂ©. Aurait-il oubliĂ© les vivants, ceux et celles qui lui survivront ? Que fait-il de ses enfants et petits-enfants, de ceux et celles qui l’aiment, de ses amis et connaissances ? Aurait-t-il oubliĂ© qu’il fait partie d’une communautĂ© humaine, du monde des vivants ?
L’ĂȘtre humain possĂšde des mĂ©canismes de protection. La peur du vieillissement, de la maladie et de la dĂ©pendance, la peur d’entrer en maison de long sĂ©jour, de perdre ses capacitĂ©s physiques et mentales, tout cela peut amorcer les mĂ©canismes de protection ; la personne en vient donc Ă  dĂ©cider qu’un jour elle mettra fin Ă  sa vie, et comme le disait ce professionnel, « je m’arrangerai pour “ en finir ” ».
L’hĂ©misphĂšre gauche du cerveau de ce professionnel se plaĂźt Ă  crĂ©er des scĂ©narios peu probables qui engendrent la peur, ce qui plait bien Ă  l’ego, mais qui le tient en otage et l’empĂȘche de vivre l’harmonie du lĂącher-prise et de l’acceptation, jardin de l’hĂ©misphĂšre droit11 de son cerveau. Quand il veut « en finir », parle-t-il de suicide assistĂ©, d’euthanasie active ? AndrĂ© Comte-Sponville se rĂ©fĂšre Ă  deux types d’euthanasie : celle « dite passive, qui signifie l’interruption des soins, celle dite active, qui conduit un tiers Ă  administrer volontairement un traitement au malade dans le but de lui donner la mort. »12 Or pour Axel Kahn, gĂ©nĂ©ticien et Marie de Hennezel, psychologue, seul l’acte volontaire d’un tiers qui donne la mort au malade doit ĂȘtre qualifiĂ©e d’euthanasie. Donc, quand une mĂ©dication est administrĂ©e dans le but de soulager la douleur, et consĂ©quemment qu’elle abrĂšge la vie, ceci n’est pas de l’euthanasie, mais un accompagnement de la personne souffrante.
Ne sommes-nous pas entrĂ©s aussi dans une Ăšre de super puissance, de super contrĂŽle de nos vies, oĂč la science, la mĂ©dication et les technologies nous centrent sur nous-mĂȘmes et nous donnent l’illusion que tout est possible, mĂȘme d’en finir avec la vie lorsque nous ne correspondrons plus aux critĂšres de performance et de beautĂ© d’une sociĂ©tĂ© qui ne supporte mĂȘme pas les simples rides ?13
C’est ce qu’AndrĂ© de Peretti appelle « la crise immĂ©diate de nos poussĂ©es civilisationnelles et l’oubli des “ survivants ” » 
Il faut tout un courage pour arriver Ă  prendre une telle dĂ©cision ! La peur de vivre et l’angoisse du moment prĂ©sent viennent-elles assombrir mon futur, mon devenir, et me font-elles crĂ©er des scĂ©narios si nĂ©gatifs ? Il me semble pourtant que la pulsion de vie (Éros), les petits projets et l’espĂ©rance sont inscrits au cƓur de la psychĂ© et de l’ñme humaine. Or la peur, cette ennemie de l’ego, peut arriver Ă  me faire crĂ©er des scĂ©narios apocalyptiques sur les rĂ©alitĂ©s du grand Ăąge auxquelles je ne suis pas encore confrontĂ© et m’amener Ă  me protĂ©ger contre toute Ă©ventualitĂ© en prĂ©voyant mon scĂ©nario de fin de vie. Ces peurs et ces scĂ©narios paralysent la vie prĂ©sente, coupent l’individu de lui-mĂȘme, des siens, et le privent du simple plaisir de vivre et de goĂ»ter la vie.
Est-ce possible que ces ĂȘtres qui veulent prĂ©parer leur fin de vie soient des ĂȘtres qui n’aient pas vĂ©cu l’expĂ©rience de l’amour au cƓur mĂȘme de leur quotidien avec leur conjoint, leurs enfants, leurs amis et voisins ? Leur vie s’assombrit de plus en plus, comme un ciel tout gris, opaque, ne laissant plus de place Ă  la lumiĂšre, fermant toute fenĂȘtre sur l’autre, sur l’espĂ©rance, sur la foi en quelque chose, en quelqu’un, et rendant impossible la relation Ă  l’autre qui leur aurait permis de se laisser aimer et porter par ceux et celles qu’ils aiment.
Si l’ĂȘtre humain arrive Ă  partager ses inquiĂ©tudes, ses peurs et ses angoisses en lien avec son Ă©tat prĂ©sent, quelque chose en lui se transforme ; il dĂ©couvre la face cachĂ©e d’un univers insoupçonnĂ©, il dĂ©couvre de nouvelles dispositions intĂ©rieures qui l’habilitent Ă  apprendre Ă  vivre, Ă  mettre en route de nouvelles stratĂ©gies d’adaptation pour contrer les changements inĂ©luctables qu’apporte l’avancĂ©e en Ăąge.
Les courants culturels de chaque gĂ©nĂ©ration modifient le rapport au temps, Ă  l’espace, Ă  la vie, comme l’a fait l’arrivĂ©e de l’Internet et du tĂ©lĂ©phone portable ; ils ont transformĂ© la planĂšte en un vĂ©ritable village oĂč les Ă©vĂ©nements, les mouvements de protestation, la guerre et la mort font partie du quotidien, sans filtre ni pudeur. Au plan technologique, l’humain est plus prĂšs de son semblable, et pourtant, il n’en n’a jamais Ă©tĂ© si Ă©loignĂ©. Quel paradoxe. La France compte deux millions de personnes vivant dans la solitude, qui n’ont personne Ă  qui parler. Nous connaissons le mĂȘme phĂ©nomĂšne culturel en AmĂ©rique du Nord. Je pense que l’évolution technologique a causĂ© un Ă©loignement de soi et des autres, et une diminution de la qualitĂ© des rapports humains.
Nos grands-parents voyaient la mort comme faisant partie de la vie. La mort Ă©tait un Ă©vĂ©nement naturel, vĂ©cu au fil des naissances et des dĂ©parts, tant chez les gens du village que dans la flore et la faune qui les entouraient. La gĂ©nĂ©ration nĂ©e aprĂšs la DeuxiĂšme Guerre mondiale est bien diffĂ©rente de celle de nos grands-parents. On les appelle les baby-boomers. Ils sont Ă©duquĂ©s, sensibilisĂ©s, avertis et dĂ©brouillards, et ils donnent Ă  la parole puissance et vie. C’est la gĂ©nĂ©ration toute-puissante la mieux nantie. Les baby-boomers ont assistĂ© aux plus grandes dĂ©couvertes mĂ©dicales, technologiques et sociologiques depuis le milieu du siĂšcle dernier. Ces adultes de l’éducation permanente brisent le silence et s’éloignent d’un certain fatalisme, voire d’un jansĂ©nisme et revendiquent la libertĂ© de choix et de pensĂ©es, en Occident et dans les pays Ă©mergents. Au moment oĂč j’écris ces lignes, la Tunisie connaĂźt un tourbillon de protestations. La jeunesse revendique le droit Ă  la parole, Ă  l’expression, Ă  la dignitĂ© de la vie, le droit de crĂ©er sa propre vie.
La recherche scientifique crĂ©e de nouveaux mĂ©dicaments et fait reculer les frontiĂšres de la mort tandis que l’espĂ©rance de vie progresse Ă  chaque dĂ©cennie. Or, nos esprits et nos techniques superpuissantes ne peuvent en aucun cas faire disparaĂźtre la mort qui fait partie de la finitude humaine. Les baby-boomers n’acceptent pas cet Ă©tat de fait sans riposter. Si je ne peux empĂȘcher la mort, eh bien, comme une ennemie, je la contrĂŽlerai, j’en dĂ©terminerai l’échĂ©ance et les conditions, j’en serai le maĂźtre comme j’ai Ă©tĂ© le maĂźtre de ma propre vie. Sur le plan mystique, spirituel, il n’en n’est pas ainsi. La matiĂšre peut ĂȘtre modifiĂ©e, transformĂ©e mais non pas l’ñme humaine. Le corps, cette enveloppe, est appelĂ© inĂ©luctablement Ă  la mort. Un collĂšgue me disait : « Nous, les Blancs, nous sommes ‘’racistes’’ vis-Ă -vis de la mort. Les cultures asiatiques, africaines, latino-amĂ©ricaines voient la mort comme la continuitĂ© de la vie ; la mort est une libĂ©ration et non pas un obstacle Ă  la continuitĂ© de la vie. Nous, les Blancs, nous ne voulons pas mourir, nous voulons continuer Ă  ĂȘtre super puissants sur tout, mĂȘme sur la mort. »
Or, les conditions de la fin de vie ont changĂ© et elles ont permis d’humaniser ce que je nomme l’ĂȘtre-lĂ . La personne est toujours le sujet de sa propre histoire, et lorsqu’elle arrive en fin de vie, cela se continue si elle reçoit un accompagnement appropriĂ© et des soins palliatifs ; si on s’adresse Ă  elle avec respect et dignitĂ©, elle entre dans une nouvelle confiance et vit cette derniĂšre Ă©tape de sa vie avec sĂ©rĂ©nitĂ©. Lorsque sa souffrance physique est gĂ©rĂ©e avec une mĂ©dication appropriĂ©e, la personne coopĂšre gĂ©nĂ©ralement et entre graduellement dans un lĂącher-prise et se laisse accompagner et aimer par le personnel soignant et les membres de sa famille.
Certains disent que la souffrance morale, existentielle, celle de l’ñme, est la plus difficile Ă  gĂ©rer et Ă  soulager. Cette souffrance est trĂšs souvent proportionnelle Ă  l’isolement relationnel et Ă  la prison matĂ©rialiste dans laquelle s’est barricadĂ©e la personne. Il est parfois difficile pour ces ĂȘtres d’abandonner le luxe, les avoirs, les acquis, pour marcher sur la nouvelle route de la maladie, imprĂ©vue et soudaine. Quelle ne fut pas la surprise d’une grande amie, aprĂšs un examen de routine, d’apprendre qu’elle avait une tumeur maligne aux intestins. « Lorsque j’ai arrĂȘtĂ© de vouloir tout comprendre, tout savoir et tout diriger, j’ai commencĂ© d’accueillir ma rĂ©alité ; j’ai dĂ©cidĂ© de marcher sur un nouveau chemin, vers une destination imprĂ©vu ; mes Ă©nergies sont revenues car elles n’étaient plus mobilisĂ©es seulement par le contrĂŽle de ma vie, et je me suis abandonnĂ©e. Cela ne signifie guĂšre le laisser-faire, non, je coopĂšre, je suis juste plus consciente de chaque pas posĂ© quotidiennement. »
Selon Denis Bonneville, « la table est actuellement mise pour que les demandes d’abrĂšgement de la vie continuent leur rythme de croissance avec l’arrivĂ©e des baby-boomers Ă  l’étape du troisiĂšme Ăąge, puisque malheureusement la seule solution de rechange demeure la souffrance morale des malades que notre sociĂ©tĂ© a bien du mal Ă  voir, Ă  gĂ©rer et Ă  traiter. Cette souffrance parfois mĂȘme plus atroce que la souffrance physique est encore taboue et souvent ‘’soignĂ©e’’ dans l’isolement. »14
Alors, comment vivrai-je les derniĂšres annĂ©es de ma vie ? Je n’en ai aucune idĂ©e. Seront-elles le reflet de ma vie active, de ma vie au temps de la retraite ? Est-ce que je rĂ©ussirai Ă  maintenir la paix du cƓur et de l’esprit qui me semblent ĂȘtre la condition d’une sĂ©rĂ©nitĂ© croissante ? Il est juste de dire que chaque personne souhaite vivre sans douleurs ni souffrances, et jusqu’au bout en pleine possession de ses facultĂ©s et de ses forces physiques. On l’appelait « la bonne mort », celle qui arrivait en plein sommeil, doucement, sans douleurs ni souffrances. L’humain veut calmer son angoisse et Ă©viter l’imprĂ©vu, mais il ne peut prĂ©voir, organiser et dĂ©cider le quand et le comment de la fin. C’est le seul voyage oĂč les prĂ©paratifs et les bagages sont inutiles, sauf vivre ce qui est dans l’instant prĂ©sent en demeurant confiant que j’aurai ce dont j’ai besoin pour franchir la porte, l’autre cĂŽtĂ© du mur. C’est en cultivant mon jardin de l’hĂ©misphĂšre droit de mon cerveau que j’y arriverai, Ă  petits pas (voir l’annexe 5).
Dans le cas prĂ©cis de notre professionnel Ă  la retraite qui vivait une crainte rĂ©elle face Ă  son vieillissement, il s’agit d’euthanasie anticipĂ©e quand il emploie les mots « je m’arrangerai pour en finir » ; selon Jean-Claude Larchet, l’euthanasie anticipĂ©e « concerne une personne qui veut se donner la mort sans ĂȘtre malade ou sans souffrir physiquement, mais dans la crainte d’un Ă©tat Ă  venir de dĂ©gradation physique et psychique liĂ© au vieillissement, et de la souffrance physique et psychique et de la perte d’autonomie qui risquent de lui ĂȘtre liĂ©, et qui revendique pour cela une assistance. »15
Les personnes qui souhaitent l’« euthanasie anticipĂ©e » sont mues moins par la crainte de mourir que par celle de souffrir, de devenir dĂ©pendantes et de perdre aux yeux des autres et Ă  leurs propres yeux leur dignitĂ©. Certains choisissent la crĂ©mation pour ne pas laisser leur corps Ă  la vue des autres aprĂšs leur mort ; ils contrĂŽlent leur vie jusqu’au bout.
La crainte de la mort et de la souffrance est une crainte trĂšs normale chez l’ĂȘtre humain ; il cherche instinctivement Ă  se prĂ©server de la mort. Selon le philosophe Nicolas Berdiaev, si l’homme craint la mort c’est parce qu’il ressent que, dans sa nature profonde, il n’est pas fait pour mourir, mais pour vivre Ă©ternellement et que donc la mort est pour lui un Ă©vĂ©nement contre nature ou une rĂ©alitĂ© anti-naturelle. »16
Quand nous envisageons la fin de notre vie, nous abordons souvent la question de la dignitĂ© que nous ne voulons pas perdre ; elle n’est pas liĂ©e uniquement aux conditions matĂ©rielles de la vie comme l’apparence du corps, le maintien de la raison, la perte de l’autonomie. Cette dignitĂ© relĂšve aussi de la dimension spirituelle de l’ĂȘtre humain qui est un ĂȘtre de relation. Il est douĂ© d’esprit et de raison, de libre arbitre et de volontĂ© qui lui permettent de s’autodĂ©terminer, de poser les actions appropriĂ©es, de ne pas subir de contraintes extĂ©rieures, de faire des choix et de les rĂ©aliser. Il est normal que la perte de la raison, la perte de la conscience spatio-temporelle, la perte de la mĂ©moire, et l’arrivĂ©e de la dĂ©pendance soient perçues comme une dĂ©perdition d’humanitĂ© et par consĂ©quent de la dignitĂ© humaine. S’il y a perte d’autonomie, la personne ne veut pas ĂȘtre une source de soucis et de contraintes pour ses proches.
L’histoire du journaliste Jean-Dominique Bauby, atteint du locked-in syndrom, syndrome d’enfermement dĂ» Ă  une paralysie totale, me rejoint profondĂ©ment. Il a retrouvĂ© la seule part de pouvoir sur sa vie en rĂ©digeant son livre Le Scaphandre et le Papillon17 grĂące Ă  ses battements de cils. Il est mort au moment oĂč la maison d’édition publiait son livre. Il a Ă©tĂ© entourĂ©, aimĂ©, et son dĂ©sir de vivre s’est exprimĂ© par la crĂ©ativité ; il est ainsi demeurĂ© en relation avec les autres et le sujet de sa propre vie. Il est mort dans la vĂ©ritable dignitĂ©, non pas celle qui se limite Ă  l’enveloppe corporelle, mais la dignitĂ© reliĂ©e Ă  la vie globale Ă©manant des couches profondes de la personne qui est lĂ , vivante et encore sujette de sa propre vie, mĂȘme par de simples battements de cils !
Trop souvent l’homme se sent dĂ©valorisĂ© dĂšs que son Ă©tat n’est plus conforme aux valeurs dominantes de notre sociĂ©té : jeunesse, force, beautĂ©, performance physique, psychique et intellectuelle, apparence du corps, jouissance physique et rentabilitĂ© sociale. Notre sociĂ©tĂ©, Ă  l’encontre de nos sociĂ©tĂ©s traditionnelles, est marquĂ©e par une perte du sens de la vie familiale et du devoir filial, par la perte du sens de la vie, de la solidaritĂ©, du bĂ©nĂ©volat et de l’engagement communautaire ; dans cette sociĂ©tĂ©, nos personnes ĂągĂ©es se sentent de plus en plus isolĂ©es, dĂ©valorisĂ©es, non reconnues, abandonnĂ©es et inutiles.
Travail personnel
  • Est-ce que je m’inquiĂšte outre mesure de mon avancĂ©e en Ăąge, de mon vieillissement ?
  • Dans ma vie au quotidien, un jour Ă  la fois, est-ce que je fais confiance aux autres et Ă  moi-mĂȘme ?
  • Quelles peurs m’habitent en lien avec mon vieillissement ?
  • Quelles sont les forces en moi qui attendent d’ĂȘtre utilisĂ©es ?
  • Est-ce que j’ai prĂ©vu des stratĂ©gies pour m’adapter Ă  l’entrĂ©e dans le grand Ăąge : lieu de vie, Ă©conomies, assurances, etc. ?
  • Est-ce que je suis attentif Ă  mon hygiĂšne de vie : exercice, alimentation, sommeil, alcool, cigarettes ?
  • Est-ce que je respecte mes nouvelles limites dans mes engagements ?

Chapitre 2

Les peurs associées à
la souffrance et Ă  la mort

Au moment oĂč j’écris ces lignes, un drame familial vient de survenir au QuĂ©bec. Le cadet d’une famille a tuĂ© son pĂšre et sa mĂšre par compassion, dit-il ! Cette nouvelle se situe dans un contexte oĂč la sociĂ©tĂ© peine Ă  rĂ©pondre aux multiples questions liĂ©es aux demandes de personnes voulant mettre fin Ă  leurs jours.
Ce fils adulte, en raison de son histoire personnelle et familiale, Ă©tait certainement fragilisĂ© dans son esprit et a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  une telle dĂ©mence. Sa propre souffrance, la maladie chronique de son pĂšre retraitĂ© et le handicap moyen de sa mĂšre Ă©taient-ils Ă  ce point insupportables qu’il en soit venu Ă  poser ce geste mortifĂšre ? Nous pouvons prĂ©sumer, sans crainte de trop nous tromper, que sa peur de la mort, la dĂ©gradation progressive de la santĂ© de ses parents, son impuissance devant la maladie et ses propres conditions d’isolement ont Ă©tĂ© des facteurs importants dans sa prise de dĂ©cision. Oui, l’impuissance devant la maladie, la peur de voir ses parents souffrir et perdre graduellement leurs capacitĂ©s le renvoient sournoisement et insidieusement aux images et aux discours de la sociĂ©tĂ© dans laquelle il vit sur la forme physique, la beautĂ© et la performance. Par son geste, a-t-il voulu taire sa peur, faire disparaĂźtre ses propres dĂ©mons ? Le geste de tuer est-il moins effrayant que celui de regarder venir la mort ou de cĂŽtoyer la maladie et la souffrance devant lesquelles je suis impuissant ?
La mort nous fait peur, car nous ignorons quand elle surviendra et comment nous la vivrons. Quelqu’un disait un jour : « Maman ne voulait prendre aucun sĂ©datif lorsqu’elle sentait la mort venir ; elle voulait la vivre avec nous, mĂȘme en supportant une certaine douleur. »
La peur de la mort est aussi liĂ©e Ă  la celle de vieillir. Voici le tĂ©moignage d’une dame Ă  ce propos.
Mise en situation
Une dame me demande tout bonnement, au cours de notre conversation, le sujet du prochain livre sur lequel je travaille. « Je rĂ©flĂ©chis sur la peur de vieillir en lien avec la demande d’euthanasie », lui dis-je. « Moi j’ai peur de vieil...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Faux titre
  3. Autres ouvrages de Valois Robichaud
  4. Titre
  5. Catalogage
  6. Remerciements
  7. Préface
  8. Avant-propos
  9. Introduction
  10. Chapitre 1 – Je veux tout contrĂŽler, mĂȘme ma mort !
  11. Chapitre 2 – Les peurs associĂ©es Ă  la souffrance et Ă  la mort
  12. Chapitre 3 – Accompagner l'autre dans un monde morcelĂ© sans rituels
  13. Chapitre 4 – Si mes parents avaient tuĂ© ma sƓur Madeleine

  14. Chapitre 5 – Non-dits, angoisse et... euthanasie ?
  15. Chapitre 6 – La solidaritĂ©, visage de la charitĂ© en action
  16. Chapitre 7 – La solitude, fruit d'un individualisme extrĂȘme
  17. Chapitre 8 – Être Ă©coutĂ©, quelle expĂ©rience !
  18. Chapitre 9 – La rĂ©conciliation dans toutes les dimensions de mon ĂȘtre !
  19. Chapitre 10 – Le besoin spirituel
 un besoin d'humanité ?
  20. Chapitre 11 – Que de savoirs ! Éclairez-moi

  21. Conclusion
  22. Bibliographie
  23. Annexe 1
  24. Annexe 2 – Les tñches du patient en soins palliatifs
  25. Annexe 3 – Mon testament biologique
  26. Annexe 4 – La relation avec la personne en fin de vie
  27. Annexe 5 – Les deux hĂ©misphĂšres du cerveau
  28. Annexe 6 – Document de consultation
  29. Table des matiĂšres
  30. Notes
  31. QuatriĂšme de couverture