Chapitre 1
Je veux tout contrĂŽler,
mĂȘme ma mort !
Dans lâintroduction, jâĂ©voquais le cas dâun professionnel
en bonne santĂ©, dans la soixantaine, qui avait dĂ©cidĂ©, sâil
ne pouvait plus marcher un jour dans les boisés derriÚre sa
maison, quâil mettrait fin Ă ses jours. Sans le juger, sa confidence mâa pourtant beaucoup interpellĂ©. Aurait-il oubliĂ© les
vivants, ceux et celles qui lui survivront ? Que fait-il de ses
enfants et petits-enfants, de ceux et celles qui lâaiment, de
ses amis et connaissances ? Aurait-t-il oubliĂ© quâil fait partie
dâune communautĂ© humaine, du monde des vivants ?
LâĂȘtre humain possĂšde des mĂ©canismes de protection. La
peur du vieillissement, de la maladie et de la dépendance,
la peur dâentrer en maison de long sĂ©jour, de perdre ses capacitĂ©s physiques et mentales, tout cela peut amorcer les
mĂ©canismes de protection ; la personne en vient donc Ă dĂ©cider quâun jour elle mettra fin Ă sa vie, et comme le disait
ce professionnel, « je mâarrangerai pour â en finir â ».
LâhĂ©misphĂšre gauche du cerveau de ce professionnel se
plaßt à créer des scénarios peu probables qui engendrent la
peur, ce qui plait bien Ă lâego, mais qui le tient en otage et
lâempĂȘche de vivre lâharmonie du lĂącher-prise et de lâacceptation, jardin de lâhĂ©misphĂšre droit11 de son cerveau. Quand
il veut « en finir », parle-t-il de suicide assistĂ©, dâeuthanasie active ? AndrĂ© Comte-Sponville se rĂ©fĂšre Ă deux types
dâeuthanasie : celle « dite passive, qui signifie lâinterruption des soins,
celle dite active, qui conduit un tiers Ă administrer volontairement un
traitement au malade dans le but de lui donner la mort. »12 Or pour
Axel Kahn, gĂ©nĂ©ticien et Marie de Hennezel, psychologue, seul lâacte volontaire dâun tiers qui donne la mort au
malade doit ĂȘtre qualifiĂ©e dâeuthanasie. Donc, quand une
mĂ©dication est administrĂ©e dans le but de soulager la douleur, et consĂ©quemment quâelle abrĂšge la vie, ceci nâest pas
de lâeuthanasie, mais un accompagnement de la personne
souffrante.
Ne sommes-nous pas entrés aussi dans une Úre de super
puissance, de super contrĂŽle de nos vies, oĂč la science, la
mĂ©dication et les technologies nous centrent sur nous-mĂȘmes et nous donnent lâillusion que tout est possible, mĂȘme
dâen finir avec la vie lorsque nous ne correspondrons plus
aux critĂšres de performance et de beautĂ© dâune sociĂ©tĂ© qui
ne supporte mĂȘme pas les simples rides ?13
Câest ce quâAndrĂ© de Peretti appelle « la crise immĂ©diate de nos poussĂ©es civilisationnelles et lâoubli des â survivants â »âŠ
Il faut tout un courage pour arriver Ă prendre une telle
dĂ©cision ! La peur de vivre et lâangoisse du moment prĂ©sent
viennent-elles assombrir mon futur, mon devenir, et me font-elles créer des scénarios si négatifs ? Il me semble pourtant
que la pulsion de vie (Ăros), les petits projets et lâespĂ©rance
sont inscrits au cĆur de la psychĂ© et de lâĂąme humaine. Or
la peur, cette ennemie de lâego, peut arriver Ă me faire crĂ©er
des scénarios apocalyptiques sur les réalités du grand ùge
auxquelles je ne suis pas encore confrontĂ© et mâamener Ă
me protéger contre toute éventualité en prévoyant mon scénario de fin de vie. Ces peurs et ces scénarios paralysent la
vie prĂ©sente, coupent lâindividu de lui-mĂȘme, des siens, et
le privent du simple plaisir de vivre et de goûter la vie.
Est-ce possible que ces ĂȘtres qui veulent prĂ©parer leur fin
de vie soient des ĂȘtres qui nâaient pas vĂ©cu lâexpĂ©rience de
lâamour au cĆur mĂȘme de leur quotidien avec leur conjoint,
leurs enfants, leurs amis et voisins ? Leur vie sâassombrit de
plus en plus, comme un ciel tout gris, opaque, ne laissant
plus de place Ă la lumiĂšre, fermant toute fenĂȘtre sur lâautre,
sur lâespĂ©rance, sur la foi en quelque chose, en quelquâun, et
rendant impossible la relation Ă lâautre qui leur aurait permis
de se laisser aimer et porter par ceux et celles quâils aiment.
Si lâĂȘtre humain arrive Ă partager ses inquiĂ©tudes, ses
peurs et ses angoisses en lien avec son état présent, quelque chose en lui se transforme ; il découvre la face cachée
dâun univers insoupçonnĂ©, il dĂ©couvre de nouvelles dispositions intĂ©rieures qui lâhabilitent Ă apprendre Ă vivre, Ă mettre
en route de nouvelles stratĂ©gies dâadaptation pour contrer
les changements inĂ©luctables quâapporte lâavancĂ©e en Ăąge.
Les courants culturels de chaque génération modifient le
rapport au temps, Ă lâespace, Ă la vie, comme lâa fait lâarrivĂ©e
de lâInternet et du tĂ©lĂ©phone portable ; ils ont transformĂ© la
planĂšte en un vĂ©ritable village oĂč les Ă©vĂ©nements, les mouvements de protestation, la guerre et la mort font partie du
quotidien, sans filtre ni pudeur. Au plan technologique, lâhumain est plus prĂšs de son semblable, et pourtant, il nâen nâa
jamais été si éloigné. Quel paradoxe. La France compte deux
millions de personnes vivant dans la solitude, qui nâont personne Ă qui parler. Nous connaissons le mĂȘme phĂ©nomĂšne
culturel en AmĂ©rique du Nord. Je pense que lâĂ©volution
technologique a causé un éloignement de soi et des autres,
et une diminution de la qualité des rapports humains.
Nos grands-parents voyaient la mort comme faisant partie
de la vie. La mort était un événement naturel, vécu au fil des
naissances et des départs, tant chez les gens du village que
dans la flore et la faune qui les entouraient. La génération
née aprÚs la DeuxiÚme Guerre mondiale est bien différente
de celle de nos grands-parents. On les appelle les baby-boomers. Ils sont éduqués, sensibilisés, avertis et débrouillards,
et ils donnent Ă la parole puissance et vie. Câest la gĂ©nĂ©ration toute-puissante la mieux nantie. Les baby-boomers
ont assisté aux plus grandes découvertes médicales, technologiques et sociologiques depuis le milieu du siÚcle dernier.
Ces adultes de lâĂ©ducation permanente brisent le silence
et sâĂ©loignent dâun certain fatalisme, voire dâun jansĂ©nisme
et revendiquent la libertĂ© de choix et de pensĂ©es, en Occident et dans les pays Ă©mergents. Au moment oĂč jâĂ©cris ces
lignes, la Tunisie connaĂźt un tourbillon de protestations. La
jeunesse revendique le droit Ă la parole, Ă lâexpression, Ă la
dignité de la vie, le droit de créer sa propre vie.
La recherche scientifique crée de nouveaux médicaments et fait reculer les frontiÚres de la mort tandis que
lâespĂ©rance de vie progresse Ă chaque dĂ©cennie. Or, nos
esprits et nos techniques superpuissantes ne peuvent en
aucun cas faire disparaĂźtre la mort qui fait partie de la finitude humaine. Les baby-boomers nâacceptent pas cet Ă©tat
de fait sans riposter. Si je ne peux empĂȘcher la mort, eh
bien, comme une ennemie, je la contrĂŽlerai, jâen dĂ©terminerai lâĂ©chĂ©ance et les conditions, jâen serai le maĂźtre comme
jâai Ă©tĂ© le maĂźtre de ma propre vie. Sur le plan mystique, spirituel, il nâen nâest pas ainsi. La matiĂšre peut ĂȘtre modifiĂ©e,
transformĂ©e mais non pas lâĂąme humaine. Le corps, cette
enveloppe, est appelĂ© inĂ©luctablement Ă la mort. Un collĂšgue me disait : « Nous, les Blancs, nous sommes ââracistesââ vis-Ă -vis
de la mort. Les cultures asiatiques, africaines, latino-américaines voient
la mort comme la continuité de la vie ; la mort est une libération et non
pas un obstacle Ă la continuitĂ© de la vie. Nous, les Blancs, nous ne voulons pas mourir, nous voulons continuer Ă ĂȘtre super puissants sur tout,
mĂȘme sur la mort. »
Or, les conditions de la fin de vie ont changé et elles ont
permis dâhumaniser ce que je nomme lâĂȘtre-lĂ . La personne
est toujours le sujet de sa propre histoire, et lorsquâelle
arrive en fin de vie, cela se continue si elle reçoit un accompagnement appropriĂ© et des soins palliatifs ; si on sâadresse
à elle avec respect et dignité, elle entre dans une nouvelle
confiance et vit cette derniÚre étape de sa vie avec sérénité.
Lorsque sa souffrance physique est gérée avec une médication appropriée, la personne coopÚre généralement et entre
graduellement dans un lĂącher-prise et se laisse accompagner et aimer par le personnel soignant et les membres de
sa famille.
Certains disent que la souffrance morale, existentielle,
celle de lâĂąme, est la plus difficile Ă gĂ©rer et Ă soulager.
Cette souffrance est trĂšs souvent proportionnelle Ă lâisolement relationnel et Ă la prison matĂ©rialiste dans laquelle
sâest barricadĂ©e la personne. Il est parfois difficile pour
ces ĂȘtres dâabandonner le luxe, les avoirs, les acquis, pour
marcher sur la nouvelle route de la maladie, imprévue et
soudaine. Quelle ne fut pas la surprise dâune grande amie,
aprĂšs un examen de routine, dâapprendre quâelle avait une
tumeur maligne aux intestins. « Lorsque jâai arrĂȘtĂ© de vouloir tout
comprendre, tout savoir et tout diriger, jâai commencĂ© dâaccueillir ma rĂ©alitĂ©Â ; jâai dĂ©cidĂ© de marcher sur un nouveau chemin, vers une destination
imprĂ©vu ; mes Ă©nergies sont revenues car elles nâĂ©taient plus mobilisĂ©es
seulement par le contrÎle de ma vie, et je me suis abandonnée. Cela ne
signifie guĂšre le laisser-faire, non, je coopĂšre, je suis juste plus consciente
de chaque pas posé quotidiennement. »
Selon Denis Bonneville, « la table est actuellement mise pour
que les demandes dâabrĂšgement de la vie continuent leur rythme de croissance avec lâarrivĂ©e des baby-boomers Ă lâĂ©tape du troisiĂšme Ăąge, puisque
malheureusement la seule solution de rechange demeure la souffrance
morale des malades que notre sociĂ©tĂ© a bien du mal Ă voir, Ă gĂ©rer et Ă
traiter. Cette souffrance parfois mĂȘme plus atroce que la souffrance physique est encore taboue et souvent ââsoignĂ©eââ dans lâisolement. »14
Alors, comment vivrai-je les derniÚres années de ma vie ?
Je nâen ai aucune idĂ©e. Seront-elles le reflet de ma vie active,
de ma vie au temps de la retraite ? Est-ce que je réussirai
Ă maintenir la paix du cĆur et de lâesprit qui me semblent
ĂȘtre la condition dâune sĂ©rĂ©nitĂ© croissante ? Il est juste de
dire que chaque personne souhaite vivre sans douleurs ni
souffrances, et jusquâau bout en pleine possession de ses
facultĂ©s et de ses forces physiques. On lâappelait « la bonne
mort », celle qui arrivait en plein sommeil, doucement, sans
douleurs ni souffrances. Lâhumain veut calmer son angoisse
et Ă©viter lâimprĂ©vu, mais il ne peut prĂ©voir, organiser et dĂ©cider le quand et le comment de la fin. Câest le seul voyage oĂč
les préparatifs et les bagages sont inutiles, sauf vivre ce qui
est dans lâinstant prĂ©sent en demeurant confiant que jâaurai
ce dont jâai besoin pour franchir la porte, lâautre cĂŽtĂ© du mur.
Câest en cultivant mon jardin de lâhĂ©misphĂšre droit de mon
cerveau que jây arriverai, Ă petits pas (voir lâannexe 5).
Dans le cas précis de notre professionnel à la retraite qui
vivait une crainte rĂ©elle face Ă son vieillissement, il sâagit
dâeuthanasie anticipĂ©e quand il emploie les mots « je mâarrangerai pour en finir » ; selon Jean-Claude Larchet, lâeuthanasie
anticipĂ©e « concerne une personne qui veut se donner la mort sans ĂȘtre
malade ou sans souffrir physiquement, mais dans la crainte dâun Ă©tat Ă
venir de dégradation physique et psychique lié au vieillissement, et de la
souffrance physique et psychique et de la perte dâautonomie qui risquent
de lui ĂȘtre liĂ©, et qui revendique pour cela une assistance. »15
Les personnes qui souhaitent lâ« euthanasie anticipĂ©e »
sont mues moins par la crainte de mourir que par celle de
souffrir, de devenir dépendantes et de perdre aux yeux des
autres et à leurs propres yeux leur dignité. Certains choisissent la crémation pour ne pas laisser leur corps à la vue des
autres aprĂšs leur mort ; ils contrĂŽlent leur vie jusquâau bout.
La crainte de la mort et de la souffrance est une crainte
trĂšs normale chez lâĂȘtre humain ; il cherche instinctivement Ă
se prĂ©server de la mort. Selon le philosophe Nicolas Berdiaev, si lâhomme craint la mort câest parce quâil ressent que, dans sa nature
profonde, il nâest pas fait pour mourir, mais pour vivre Ă©ternellement et
que donc la mort est pour lui un événement contre nature ou une réalité
anti-naturelle. »16
Quand nous envisageons la fin de notre vie, nous abordons souvent la question de la dignité que nous ne voulons
pas perdre ; elle nâest pas liĂ©e uniquement aux conditions
matĂ©rielles de la vie comme lâapparence du corps, le maintien de la raison, la perte de lâautonomie. Cette dignitĂ©
relĂšve aussi de la dimension spirituelle de lâĂȘtre humain
qui est un ĂȘtre de relation. Il est douĂ© dâesprit et de raison,
de libre arbitre et de volontĂ© qui lui permettent de sâautodĂ©terminer, de poser les actions appropriĂ©es, de ne pas
subir de contraintes extérieures, de faire des choix et de les
réaliser. Il est normal que la perte de la raison, la perte de la
conscience spatio-temporelle, la perte de la mĂ©moire, et lâarrivĂ©e de la dĂ©pendance soient perçues comme une dĂ©perdition dâhumanitĂ© et par consĂ©quent de la dignitĂ© humaine.
Sâil y a perte dâautonomie, la personne ne veut pas ĂȘtre une
source de soucis et de contraintes pour ses proches.
Lâhistoire du journaliste Jean-Dominique Bauby, atteint du locked-in syndrom, syndrome dâenfermement dĂ» Ă une paralysie totale, me rejoint profondĂ©ment. Il a retrouvĂ© la seule
part de pouvoir sur sa vie en rédigeant son livre Le Scaphandre et le Papillon17 grùce à ses battements de cils. Il est mort
au moment oĂč la maison dâĂ©dition publiait son livre. Il a Ă©tĂ©
entourĂ©, aimĂ©, et son dĂ©sir de vivre sâest exprimĂ© par la
créativité ; il est ainsi demeuré en relation avec les autres et
le sujet de sa propre vie. Il est mort dans la véritable dignité,
non pas celle qui se limite Ă lâenveloppe corporelle, mais la
dignité reliée à la vie globale émanant des couches profondes de la personne qui est là , vivante et encore sujette de
sa propre vie, mĂȘme par de simples battements de cils !
Trop souvent lâhomme se sent dĂ©valorisĂ© dĂšs que son
Ă©tat nâest plus conforme aux valeurs dominantes de notre
société : jeunesse, force, beauté, performance physique,
psychique et intellectuelle, apparence du corps, jouissance
physique et rentabilitĂ© sociale. Notre sociĂ©tĂ©, Ă lâencontre
de nos sociétés traditionnelles, est marquée par une perte
du sens de la vie familiale et du devoir filial, par la perte du
sens de la vie, de la solidaritĂ©, du bĂ©nĂ©volat et de lâengagement communautaire ; dans cette sociĂ©tĂ©, nos personnes
ùgées se sentent de plus en plus isolées, dévalorisées, non
reconnues, abandonnées et inutiles.
Travail personnel
- Est-ce que je mâinquiĂšte outre mesure de mon
avancée en ùge, de mon vieillissement ?
- Dans ma vie au quotidien, un jour Ă la fois, est-ce
que je fais confiance aux autres et Ă moi-mĂȘme ?
- Quelles peurs mâhabitent en lien avec mon
vieillissement ?
- Quelles sont les forces en moi qui attendent
dâĂȘtre utilisĂ©es ?
- Est-ce que jâai prĂ©vu des stratĂ©gies pour mâadapter Ă lâentrĂ©e dans le grand Ăąge : lieu de vie, Ă©conomies, assurances, etc. ?
- Est-ce que je suis attentif Ă mon hygiĂšne de
vie : exercice, alimentation, sommeil, alcool,
cigarettes ?
- Est-ce que je respecte mes nouvelles limites
dans mes engagements ?
Chapitre 2
Les peurs associĂ©es Ă
la souffrance et Ă la mort
Au moment oĂč jâĂ©cris ces lignes, un drame familial vient de survenir au QuĂ©bec. Le cadet dâune famille a tuĂ© son pĂšre et sa mĂšre par compassion, dit-il ! Cette nouvelle se situe dans un contexte oĂč la sociĂ©tĂ© peine Ă rĂ©pondre aux multiples questions liĂ©es aux demandes de personnes voulant mettre fin Ă leurs jours.
Ce fils adulte, en raison de son histoire personnelle et familiale, Ă©tait certainement fragilisĂ© dans son esprit et a Ă©tĂ© amenĂ© Ă une telle dĂ©mence. Sa propre souffrance, la maladie chronique de son pĂšre retraitĂ© et le handicap moyen de sa mĂšre Ă©taient-ils Ă ce point insupportables quâil en soit venu Ă poser ce geste mortifĂšre ? Nous pouvons prĂ©sumer, sans crainte de trop nous tromper, que sa peur de la mort, la dĂ©gradation progressive de la santĂ© de ses parents, son impuissance devant la maladie et ses propres conditions dâisolement ont Ă©tĂ© des facteurs importants dans sa prise de dĂ©cision. Oui, lâimpuissance devant la maladie, la peur de voir ses parents souffrir et perdre graduellement leurs capacitĂ©s le renvoient sournoisement et insidieusement aux images et aux discours de la sociĂ©tĂ© dans laquelle il vit sur la forme physique, la beautĂ© et la performance. Par son geste, a-t-il voulu taire sa peur, faire disparaĂźtre ses propres dĂ©mons ? Le geste de tuer est-il moins effrayant que celui de regarder venir la mort ou de cĂŽtoyer la maladie et la souffrance devant lesquelles je suis impuissant ?
La mort nous fait peur, car nous ignorons quand elle surviendra et comment nous la vivrons. Quelquâun disait un jour : « Maman ne voulait prendre aucun sĂ©datif lorsquâelle sentait la mort venir ; elle voulait la vivre avec nous, mĂȘme en supportant une certaine douleur. »
La peur de la mort est aussi liĂ©e Ă la celle de vieillir. Voici le tĂ©moignage dâune dame Ă ce propos.
Mise en situation
Une dame me demande tout bonnement, au cours de notre conversation, le sujet du prochain livre sur lequel je travaille. « Je rĂ©flĂ©chis sur la peur de vieillir en lien avec la demande dâeuthanasie », lui dis-je. « Moi jâai peur de vieil...