Adolescence et affiliation
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Adolescence et affiliation

Les risques de devenir soi

  1. 250 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Adolescence et affiliation

Les risques de devenir soi

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Comment les adolescents d'aujourd'hui prennent-ils leur place dans leur filiation et en quoi cette démarche reflète- t-elle les transformations familiales et les réalités sociétales actuelles? En quoi les marginalités et les aléas de la construction identitaire observés chez nombre de jeunes en mal de filiation imposent-ils une écoute et des pratiques spécifiques? Ces questions nous ont semblé de nature à interpeller les cliniciens et chercheurs, tant français que québécois, qui discutent ici de la question de l'affiliation, si névralgique au passage adolescent, en la considérant en regard du processus d'inscription sociale correspondant à la prise d'autonomie chez l'adolescent et le jeune adulte. S'adressant aux intervenants et aux professionnels de toutes les disciplines, les auteurs se sont penchés sur la réalité des jeunes engagés dans un parcours d'études tout autant que sur celle d'adolescents en marge de la société. À cet égard, ils ont examiné la problématique des jeunes de la rue, le devenir des jeunes autochtones ou encore la situation de jeunes d'origine étrangère, en considérant la conflictualité souvent traumatique ainsi que les enjeux filiatifs qu'ont à affronter ces adolescents et, par suite, les modalités d'intervention qu'appelle la rencontre avec eux.

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Informations

CHAPITRE 1
IL EST TOUJOURS PÉRILLEUX DE VOULOIR DÉFINIR L’ADOLESCENCE
Michel Lemay
Toute présentation sur l’adolescence est difficile à faire, et cela, pour plusieurs raisons. L’adolescence, j’en parlerai plus loin, nous confronte à titre personnel à bien des contradictions que nous portons en nous et, à titre professionnel, à des difficultés dans l’aménagement et le déroulement des modes d’intervention proposés. Elle nous oblige à aborder ce temps de la vie dans des perspectives multidimensionnelles: contextes biologique, psychologique, culturel, social, moral qui s’interpénètrent de façons bien complexes. Si nous nous plongeons dans la littérature consacrée à cette période, nous découvrons avec surprise combien les textes datent rapidement et sont donc étonnamment dépendants des modes de pensée d’une époque. Si, tout simplement, nous cherchons à définir l’adolescence dans ses débuts, sa durée, son évolution, nous constatons dans une perspective longitudinale tant historique que limitée à quelques générations combien son contenu est flou. Selon le contexte culturel, elle peut être une phase courte, délimitée par des rituels encadrant son début et sa fin ou artificiellement prolongée par des exigences ne venant pas du sujet lui-même mais de réalités socioéconomiques.
Je partagerai ma présentation en trois parties. Dans la première partie, je jetterai un regard en arrière sur les variations du concept adolescence en fonction des époques. La deuxième partie sera consacrée à la fonction de l’adolescence sur le plan personnel en décrivant les défis que le jeune doit successivement relever. Enfin, dans la troisième partie, je réfléchirai sur les particularités de la rencontre avec l’adolescent dans nos démarches professionnelles.

LE CONCEPT D’ADOLESCENCE SELON LES ÉPOQUES

Un fait est indéniable. L’adolescence en tant que phase de la vie dérange l’adulte et cela n’est pas nouveau. Bien que le terme jeunesse ne signifie sans doute pas ce que nous y mettons à présent, nous trouvons dans des textes anciens des réflexions étonnamment proches de nos préoccupations actuelles. Ainsi Socrate écrit, en 420 av. J.-C.: « Notre jeunesse d’aujourd’hui est mal élevée. Elle se moque de l’autorité et n’a plus de respect. Nos enfants répondent à leurs parents et bien souvent bavardent au lieu de travailler. » Hésiode, en 720 av. J.-C., déclare: « Je n’ai guère d’espoir pour l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain parce qu’elle est devenue insupportable et sans retenue. » Sur une poterie d’argile retrouvée à Babylone et datée de 3000 av. J.-C., on retrouve les termes suivants: « Les jeunes gens d’aujourd’hui sont paresseux. Ils ne seront jamais comme la jeunesse d’autrefois. Seront-ils capables de maintenir notre culture? »
Cette dernière interrogation émanant d’un humain inconnu qui s’inquiète, trois mille ans avant nous, m’apparaît fondamentale. Par définition même, l’adolescence est un changement et menace donc le maintien d’un équilibre psycho et socioculturel dont la richesse dépend pourtant de renouvellements sous peine de devenir une société fossilisée. Elle tend pour cette raison à être considérée par certains comme une « crise » et il y eut même un ouvrage célèbre intitulé Adolescence, une crise d’originalité juvénile. Cette description présentée à des enfants à la fin de la période de latence peut même les inquiéter de façon négative en leur présentant les années qui vont suivre comme des temps de turbulence avec des troubles du comportement presque inévitables. Le concept de crise peut être aussi utilisé abusivement en disant au sujet dès qu’il s’oppose ou dès qu’il se situe différemment aux attentes de l’adulte: « Ah ça, c’est ta puberté ». Cette façon de faire, qui me rappelle fâcheusement les inadmissibles réflexions qui peuvent être formulées aux femmes dès qu’elles ont un mouvement d’humeur en liant celui-ci à l’hypothèse des menstruations, me paraît tout simplement un manque de respect et d’empathie sous-tendant un désir de domination.
Cela étant dit, il n’en demeure pas moins vrai que l’adolescence, dans son intensité, sa durée, ses modes d’expression, a beaucoup changé selon les époques, les milieux socioéconomiques et les pays d’origine.
Sur le plan biologique, le processus pubertaire apparaît beaucoup plus précocement dans la moyenne de la population et l’enfant se trouve confronté à des changements corporels, deux ans plus tôt que la moyenne des enfants vivant il y a soixante-dix ans. Du fait de la durée des études et d’une éducation plus libérale, un jeune homme ou une jeune fille a moins de raisons tangibles de s’éloigner de la tutelle parentale, ce qui l’amène à prolonger indûment le stade dit de l’adolescence. Il est classique de voir des jeunes ayant à l’extérieur de leur milieu familial des comportements autonomes, incluant des prises de responsabilité importantes, alors qu’ils demeurent des sujets étonnamment dépendants et quelque peu revendicateurs dans le domicile familial. Ils mêlent de manière étrange une vie sentimentale et sexuelle relativement autonome dans leur chambre d’enfant et une vie de dépendance financière et affective dès qu’ils se retrouvent auprès de leurs parents.
Durant ces quinze dernières années, il s’est produit une véritable révolution dans la conception de l’enfance. Officiellement, l’enfant a maintenant des droits qui, au moins théoriquement, le protègent des abus de pouvoir du monde adulte. Cette reconnaissance préparée de longue date et reconnue juridiquement par la grande majorité des pays du globe a profondément remis en cause les concepts d’autorité. Elle a modifié subtilement les modes de communication intergénérationnels, les partages d’intérêts, les jeux du permis et du défendu, la manière de se situer vis-à-vis des choix de vie, les règles sociomorales, l’adhésion à des valeurs, etc. Tout cela ne se fait pas sans heurts, sans inquiétudes, sans contradictions, sans affrontements de points de vue culturels, sociaux, symboliques. Ce n’est évidemment pas un hasard qu’au moment d’un tel bouleversement, des tendances répressives, voire intégristes mais aussi modulatrices surgissent. Elles représentent sans doute un effort à la fois crispé mais, par certains côtés, salutaire pour se situer vis-à-vis de ce que les uns appellent une libération et les autres, un risque de chaos.
D’une manière générale, on peut dire que dans nos sociétés, le droit à la différence est davantage reconnu et que l’idée de proposer un seul modèle identitaire au nom de valeurs religieuses, éthiques, morales identiques n’est plus partagée par la moyenne de la population. C’est sans doute une chance quand on a pu disposer à la fois d’un équipement neurobiologique intact, de personnes significatives ayant permis d’intérioriser de solides figures d’attachement et d’un réseau communautaire où on se sent en sécurité. Par contre, si l’on ne dispose pas de ces étais autant physiologiques, que relationnels et culturels, il devient plus difficile de se situer par rapport à soi-même et par rapport à autrui puisqu’il existe moins de structures symboliques communes répondant à notre place aux fameuses questions de l’existence: Qui suis-je? Qu’est-ce que je fais? Avec qui? Au nom de quoi?
Si je jette un coup d’œil en arrière sur ma propre enfance et ma propre adolescence, je constate que je me trouvais d’emblée inscrit dans un contexte éducatif précis non seulement parce que j’avais la chance de vivre dans une famille unie et relativement aisée sur le plan matériel, mais parce que tout mon réseau avait les mêmes schèmes de valeur: obéissance et dépendance aux parents – règles strictes mais uniformisées sur le plan de la discipline –, nombreux interdits, particulièrement dans le domaine de la sexualité. J’avais des devoirs, très peu de droits. Sans vouloir dramatiser car il y avait bien des occasions d’échapper aux contraintes, ne serait-ce que par l’appui d’une vie imaginaire rendant possible l’impossible, j’étais immergé dans ce qu’Hesnard, un psychanalyste réputé de l’époque, appelait l’univers morbide de la faute. En particulier, sur le plan religieux, je me souviens d’avoir subi une sorte de tyrannie du péché. Se masturber, être attiré vers une fille, éprouver les émois de rencontres corporelles avec des amis garçons, penser différemment en s’inventant une vie parallèle, lire des livres autres que ceux indiqués par l’adulte, exprimer crûment son désaccord faisaient partie de ces fautes que le prêtre nommait péchés mortels. Des cérémonies religieuses ritualisées, des confessions obligatoires qu’on ponctuait inévitablement de mensonges ressentis comme de nouveaux péchés aboutissant à des communions sacrilèges, des sorties familiales du dimanche selon un certain cérémonial, des règles strictes vis-à-vis des loisirs, une étroite surveillance des résultats scolaires, des réticences à parler de son intimité ou tout simplement de ses émotions, façonnaient un univers dont on ne discutait ni l’intérêt ni la nécessité. Les changements corporels de l’adolescence étaient vécus dans le silence coupé de temps en temps de quelques explications embarrassées et peu intégrables. Le corps de l’autre restait cet inconnu qui invitait à de subtiles transgressions jamais avouées. Je ne crois pas qu’on était malheureux, mais il y avait une certaine pesanteur, une certaine uniformisation à la fois sécurisante et anxiogène qui faisait de nous des sujets peu autonomes, inscrits inévitablement dans un degré plus ou moins marqué de névrose chronique, le mot névrose étant pris ici dans le sens d’un carcan surmoïque. Ce qui est étonnant, c’est que tout cela se produisait, puisque j’étais en Europe, dans un univers de guerre, de bombardements, d’incertitudes pour sa vie et celle des autres, et donc dans d’incessants changements. Je dois cependant dire que j’ai eu beaucoup plus peur durant mon adolescence du péché mortel et de ses conséquences que des bombes écrasant parfois des maisons près de chez moi.
Cette tyrannie de la faute s’est beaucoup atténuée, mais j’ai bien aimé une expression retrouvée dans un livre de Jean-Claude Guillebaud où il parle de la tyrannie du plaisir (1998). Il y a en effet une utilisation étonnante de la phase d’adolescence pour proposer des occasions de consommer et de jouir dans l’immédiateté. Cela concerne aussi bien la tenue vestimentaire que l’organisation des loisirs. Par des images sans cesse retransmises, on présente à l’adolescent des modèles identitaires qui prônent non seulement la liberté de penser et d’agir, mais invitent à profiter le plus vite et le plus complètement possible de ce que la vie peut nous apporter dans les plaisirs des sens, le mot sens étant pris ici dans une signification très globale puisque cela implique la sensorialité, la sexualité, les pulsions agressives, l’hédonisme. Il s’installe subtilement une instance dénigrante si l’on ne va pas dans ce sens. Le « Il est interdit d’interdire » qui était le slogan des années 1968 reste paradoxalement un interdit très puissant pour se construire une vision éthique groupale. Tout cela s’accompagne en même temps d’un regard fort pessimiste sur l’avenir: grandes difficultés à s’inscrire dans le monde du travail, scepticisme sur la solidité d’un couple et, de là, d’une famille, rappel des multiples menaces vis-à-vis de la survie de l’humanité, profonde remise en cause de l’idée de Dieu sans proposer des pistes solides par rapport à l’angoisse inexorable des origines et de la mort, découverte à l’échelle planétaire des scandaleuses inégalités, etc. Dans ce branle-bas constamment rappelé par les mass media, l’adolescent ne tarde pas à comprendre que ses incertitudes, ses interrogations et ses besoins de se remettre en cause pour trouver sa propre définition ne se heurtent plus à des points de vue convergents d’adultes qu’on continue à aimer tout en sentant leur désarroi. Ma génération cherchait à se débarrasser avec raison d’un carcan idéologique, moral, religieux souvent écrasant en s’affrontant à des personnages qui dictaient une certaine manière de penser et de faire. Beaucoup d’adolescents à l’heure actuelle n’ont plus véritablement à s’opposer, mais cherchent assez désespérément des points de référence pouvant donner sens à leur existence. La donne est donc tout à fait différente, mais la quête identitaire reste aussi vive qu’autrefois.

L’ADOLESCENCE ET SES DÉFIS

Ces premières réflexions m’amènent à aborder le rôle de l’adolescence, tant sur le plan personnel que sur le plan social. Les progrès de l’imagerie cérébrale permettent à présent d’affirmer que les processus pubertaires ne se limitent pas à la poussée de croissance, à l’augmentation de la masse musculaire, à l’apparition des caractères sexuels secondaires et à la maturation des gonades. Le cerveau lui-même connaît d’importants changements tels qu’une répartition nouvelle de la substance grise et de la substance blanche, et une prolifération des connexions interneuronales, en particulier dans les zones préfrontales et frontales.
Il y a donc à cette phase de la vie des transformations majeures de tout l’équipement biologique du corps humain permettant de nouvelles sensations, de nouvelles représentations, de nouvelles capacités motrices, de nouvelles aptitudes à la relation et de nouvelles capacités cognitives que Piaget avait brillamment décrites sous le terme de pensée formelle. Ce phénomène global varie un peu dans sa date d’apparition, sa rapidité évolutive, et sans doute son intensité, mais fait en sorte qu’un être véritablement transformé se trouve amené à se réinterpeller sur ses façons d’être, d’agir et de penser.
Ce qui m’apparaît fondamental dans le sens de fondateur à l’adolescence, c’est la possibilité de s’interroger sur ce qu’on a été en fonction de ce qu’on souhaite devenir tout en se sentant vulnérable puisque la part inévitable d’inconnu rend précaire toute remise en cause. Cela ne signifie pas que durant la petite enfance et surtout la période de latence, qui est d’ailleurs un terme bien impropre puisqu’elle est tout sauf une période de stagnation, on ne se soit pas déjà questionné sur soi-même et sur sa relation aux autres, mais la véritable métamorphose qu’entraînent les phénomènes pubertaires oblige à reprendre toutes les interrogations touchant les qui suis-je, qu’est-ce que je fais, avec qui et au nom de quoi. Il faut remettre en cause les réponses identitaires antérieures qui étaient inévitablement inscrites sous le registre d’identifications fortement plaquées aux personnes reliées à l’univers familial et scolaire. Dans la majorité des cas, ces images intériorisées demeurent des soubassements essentiels, mais trois phénomènes vont s’interpénétrer: l’un peut être qualifié de décentration, le deuxième a souvent été intitulé processus de deuil, et le troisième peut s’appeler une réappropriation. Reprenons chacun de ces termes.
La distanciation peut se produire de multiples manières. Très souvent le groupe de pairs prend une énorme importance tout en permettant de s’éloigner du milieu familial d’une façon acceptable pour tous. Il y a souvent une combinaison de deux conduites. La première consiste à former avec des camarades de même sexe une petite communauté d’amis qui tantôt se limitent à des échanges verbaux, à des sorties extérieures et à des temps conviviaux où l’on rit, on chahute, on regarde un film, et tantôt deviennent plus centrés sur une activité musicale, sportive, artistique. La seconde conduite, qui peut d’ailleurs entrer en conflit avec la première, est d’avoir un chum ou une blonde où le jeu des sentiments amoureux s’associe de manière complexe aux premières expériences génitales. Copains, copines, amants ou amantes de plus ou moins longue durée vont constituer un réseau référentiel dont seules quelques bribes arrivent aux oreilles des parents. Ce territoire d’intérêts, de partages, d’échanges devient capital au point que ce groupe de pairs et ces ébauches de couple jouent alors pour la construction de la personnalité des fonctions beaucoup plus essentielles que les apports du milieu familial. Compte tenu de la tolérance beaucoup plus grande des adultes face à cette double vie, les cachotteries, les affrontements, les messages ambigus ont beaucoup diminué en comparaison des générations précédentes dans la mesure où demeurent sauvegardées un minimum de règles centrées sur le maintien du travail scolaire, un retour régulier à la maison, une absence relative de comportements gênants. Moins un cadre antérieur a été posé, plus ce jeu de l’éloignement risque de devenir problématique et d’entraîner une déstructuration transitoire des réseaux dans lesquels l’adolescent doit pouvoir continuer à se situer. Moins il peut trouver dans son école et dans ses milieux de loisirs un univers de solidarité et de similitudes à travers sa classe d’âge dite les « Teens », plus son désarroi sera grand. Son sentiment de vulnérabilité tant physique, émotif, cognitif que sexuel risquera de s’accentuer. Il demeure cependant sur ce plan un mystère. Alors que la moyenne des ados passe ce cap sans grands conflits, un petit groupe qui n’a pas forcément une vie familiale antérieure et actuelle perturbée a besoin d’opérer sa distanciation de façon beaucoup plus insolite. Il le fait par des prises momentanées mais inquiétantes de drogues, par des comportements à risque fort dangereux pour soi-même, par un temps d’éloignement qui se caractérise par l’adoption d’une vie marginale les coupant totalement de leurs racines antérieures. Un bon nombre de ces sujets retombent sur leurs pieds après une série d’expériences leur laissant d’amers souvenirs, ne serait-ce que par la difficulté de se réinsérer secondairement aux filières scolaires et professionnelles. D’autres basculent dans l’asocialité, la solitude, la toxicomanie, tout en ne parvenant pas à s’insérer véritablement dans une population très pathogène dont les troubles prennent racine dans une enfance dépourvue de figures d’attachement. Je n’aborderai pas ces différents aspects, mais je voulais souligner que l’effort de distanciation en lui-même positif peut déraper en entraînant le sujet dans une sorte de complaisance sadomasochiste où se mêlent insatisfactions, affects dépressifs, recherches de sensations extrêmes. Cette population en difficulté, les parents souhaitent nous l’adresser mais elle est peu motivée pour recevoir une aide régulière. Elle constitue une clientèle instable, ambivalente, contradictoire dans ses aspirations, venant parfois nous voir dans des phases passagères de grand désarroi, mais échappant aux formes classiques d’approches psychothérapiques.
Le processus de deuil a fait l’objet de nombreux écrits. Il faut tourner la page de l’enfance par rapport à son image corporelle, à ses intérêts antérieurs, au monde du jeu imaginaire et, comme les amis n’évoluent pas toujours au même rythme que soi, il y a des déchirements d’alliances souvent très douloure...

Table des matières

  1. Couverture
  2. COLLECTION
  3. FAUX-TITRE
  4. PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC
  5. Titre
  6. Copyright
  7. Table des matières
  8. INTRODUCTION DE L’AFFILIATION ET DE LA TRANSMISSION OU DES RISQUES DE DEVENIR SOI Denise Marchand Robert Letendre
  9. CHAPITRE 1 : IL EST TOUJOURS PÉRILLEUX DE VOULOIR DÉFINIR L’ADOLESCENCE Michel Lemay
  10. CHAPITRE 2 : LES ALÉAS DE LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DES JEUNES DANS LE CONTEXTE CÉGÉPIEN Claudette Lafond
  11. CHAPITRE 3 : PROCESSUS DE SUBJECTIVATION ET FILIATION À L’ADOLESCENCE François Marty
  12. CHAPITRE 4 : TROUBLES DANS L’AFFILIATION Délinquance et conflits identificatoires à l’adolescence Florian Houssier
  13. CHAPITRE 5 : LA CONSULTATION EN CENTRE JEUNESSE Favoriser le travail de la pensée face à la violence du désespoir Richard Arpin
  14. CHAPITRE 6 : JEUNESSE François Picotte
  15. CHAPITRE 7 : CLINIQUE DU LIEN SOCIAL ET FILIATION CHEZ LES JEUNES DE LA RUE Danielle Monast
  16. CHAPITRE 8 : TRAUMATOPHILIE ET ENJEUX DE FILIATION CHEZ DES ADOLESCENTS D’ORIGINE ÉTRANGÈRE Didier Drieu
  17. CHAPITRE 9 : CONFLICTUALITÉ FAMILIALE ET DÉSAFFILIATION SOCIALE CHEZ LES JEUNES DE LA RUE Essai de compréhension Sophie Gilbert
  18. CHAPITRE 10 : QUESTIONS DE VIE ET DE MORT CHEZ LES JEUNES AUTOCHTONES DU QUÉBEC Denise Noël
  19. CHAPITRE 11 : SOUTENIR L’AFFILIATION SOCIALE DES JEUNES DE LA RUE PAR LE DISPOSITIF MENDEL Une expérience de médiation collective Michel Parazelli
  20. CHAPITRE 12 : UN ADOLESCENT DANS LA MYTHOLOGIE AMÉRINDIENNE Les aventures de Tshakapesh Claude Brodeur
  21. CHAPITRE 13 : DE L’EXPÉRIENCE DU VOYAGE COMME MÉTAPHORE DE L’ITINÉRAIRE DE LA RECHERCHE ET DU TRAVAIL CLINIQUE D’un autre usage du monde et de soi Robert Letendre Denise Marchand
  22. NOTICES BIOGRAPHIQUES