CHAPITRE 1
Une philosophie
Linda Morency et Claude Bordeleau
- Être en mesure de définir les valeurs qui sous-tendent ses motivations intérieures.
- Faire la distinction entre une valeur personnelle et une valeur professionnelle.
- Percevoir les caractéristiques d’un enseignement de l’éducation physique et à la santé de qualité.
- Qu’est-ce qui motive une personne à choisir la carrière d’enseignant en éducation physique et à la santé ?
- Quelle est la différence entre une motivation intrinsèque et une motivation extrinsèque ?
- Quelles sont les caractéristiques d’un enseignant idéal ?
Le choix de la profession d’enseignant en éducation physique et à la santé (EPS) repose la plupart du temps sur une réflexion approfondie ou de petites expériences qui laissent croire qu’une personne a certaines affinités avec les jeunes ou les adolescents, tout en ayant des compétences dans les domaines de l’activité physique (Pasco, 2009). Ce chapitre cherche à amorcer une réflexion sur les raisons pour lesquelles (le pourquoi) un enseignant en EPS opte pour cette carrière et sur les valeurs1 qui peuvent y être associées.
1. La motivation d’un choix de carrière
Qu’est-ce qui motive une personne à choisir la carrière d’enseignant en éducation physique ? Comment en vient-elle à souhaiter passer une bonne partie de sa vie à s’occuper de jeunes ? En fait, certains individus vont choisir ce métier parce qu’ils aiment les enfants, le partage de connaissances ou encore le sport (Smith et Smoll, 2002). D’autres sont peut-être plus préoccupés par la santé des jeunes, ou attirés par le salaire et les conditions de travail. En fait, peu importe la raison pour laquelle une personne opte pour intervenir dans le domaine de l’activité physique, il n’en demeure pas moins que les motivations intérieures risquent de guider les actions et les valeurs que l’éducateur physique souhaite véhiculer (Martens, 2012 ; Pasco et Ennis, 2009).
1.1. La personne aimant les enfants et les adolescents
Il va de soi que d’aimer les enfants et les adolescents représente un atout pour un enseignant, même qu’il est presque inconcevable qu’un enseignant ne puisse pas les aimer ! Mais à quoi fait-on référence lorsque l’on mentionne qu’il faut aimer ses élèves ? Qu’est-ce que cela implique ? L’enseignant a de grandes responsabilités quand il intervient avec des jeunes en formation. Sa tâche ne se limite pas seulement à transmettre des connaissances ; plus spécifiquement, l’éducateur physique influence le développement moteur et l’acquisition de saines habitudes de vie. Également, il est amené à contribuer au développement psychologique, cognitif et social des enfants. Entre autres, il doit favoriser leur autonomie et leur sens des responsabilités, les guider pour qu’ils s’approprient leur propre développement en apprenant à réfléchir dans et sur l’action, pour ensuite être en mesure de se remettre en question. Par exemple, l’enseignant-entraîneur sportif (voir le chapitre 22 de cet ouvrage) doit poursuivre sa mission d’éducateur avec l’élève à partir du moment où ce dernier fait partie d’une équipe dans le cadre du parascolaire. Ainsi, quand l’élève-athlète subit une défaite lors d’une partie importante, est-il capable de féliciter les adversaires, au lieu de réagir uniquement avec colère et frustration ? Peut-il remonter le moral de ses coéquipiers ? Est-il apte à faire l’analyse de ses performances, ou encore à reconnaître les points techniques ou stratégiques qu’il aura à travailler dans les prochaines semaines ? Et surtout, a-t-il eu du plaisir à pratiquer cette activité sportive ?
Comment une personne en vient-elle à souhaiter passer une bonne partie de sa vie à s’occuper de jeunes ?
Aussi, aimer les enfants, c’est les encourager, les féliciter pour les bons coups, les consoler dans les moments difficiles, ou tout simplement leur offrir une écoute. L’enseignant doit agir en bon père de famille. Aimer les enfants signifie également que l’enseignant désire leur bien en tout temps, qu’il répond à leurs besoins et partage avec eux ses valeurs. Par conséquent, cela implique qu’à d’autres occasions, il doit réprimander l’enfant, le sanctionner, s’assurer qu’il respecte ses engagements, lui apprendre qu’il y a du monde autour de lui et comment il doit cohabiter avec les autres, etc. Ce concept d’amour va au-delà des apprentissages ; il touche certains aspects de l’éducation en général tels qu’apprendre à l’élève à dire bonjour, merci, à s’excuser quand il fait une erreur, etc.
Pour d’autres enseignants, surtout en début de carrière, aimer les enfants peut consister à satisfaire davantage un besoin personnel, soit celui de se faire aimer (Boynton et Boynton, 2009). Trop souvent, de jeunes enseignants souhaitent tellement que leur cote de popularité soit élevée qu’ils n’osent pas afficher leurs limites, appliquer les règles de base d’un bon fonctionnement de groupe, apprendre à l’enfant à respecter ses pairs, ses enseignants, le matériel, l’environnement, etc. (Boynton et Boynton, 2009). Ces mêmes enseignants affichent souvent une fierté à dire qu’ils n’ont pas de problème avec leurs élèves, que tout va bien. Or, il est certain qu’à partir du moment où l’on ne contrarie pas un enfant, on a beaucoup moins de problèmes à court terme. Ainsi, pour un laps de temps, ces jeunes sont contents et l’éducateur physique aussi. Cependant, à moyen ou à long terme, l’enseignant devra établir ses limites de fonctionnement s’il veut vraiment interagir dans un climat d’apprentissage efficace et convivial.
Aimer les enfants, c’est les encourager, les féliciter pour les bons coups, les consoler dans les moments difficiles, ou tout simplement leur offrir une écoute.
L’enseignant doit agir en bon père de famille. Aimer les enfants signifie également que l’enseignant désire leur bien en tout temps, qu’il répond à leurs besoins et partage avec eux ses valeurs.
Par conséquent, cela implique qu’à d’autres occasions, il doit réprimander l’enfant, le sanctionner, s’assurer qu’il respecte ses engagements, lui apprendre qu’il y a du monde autour de lui et comment il doit cohabiter avec les autres, etc.
D’un autre côté, il est peu probable de se faire aimer de tous ses élèves. En effet, en partant de la prémisse selon laquelle un éducateur respecte ses valeurs et ses principes, il devra établir des limites de fonctionnement et les maintenir. Par exemple, si l’enseignant a comme valeur la franchise, il se peut qu’il ait tendance à réagir avec plus d’émotions à l’égard de l’enfant qui ment régulièrement. Cela ne veut pas dire que l’éducateur physique ne l’aime pas, mais il va devoir lui enseigner l’importance de dire la vérité et pourquoi. Le fait d’entamer cette démarche avec l’élève peut susciter de la contrariété ou un refus de collaboration ; d’un autre côté, s’il ment, c’est qu’il a ses raisons et il n’est pas prêt à vouloir changer sur-le-champ ce comportement. Pour d’autres enseignants, ne pas dire la vérité ne représente pas un réel problème. Ils considèrent qu’à l’occasion, une demi-vérité peut être perçue comme de la diplomatie et que toute vérité n’est pas toujours bonne à dire.
Voici un autre exemple : si l’éducateur physique est contre la violence sous toutes ses formes, il peut avoir une réaction excessive à l’égard du jeune qui adopte des gestes d’agressivité dans les sports collectifs. Pensons à Thomas, en quatrième année, qui réagit régulièrement avec frustration au moment où il se fait enlever la balle au hockey cosom ou le ballon au minibasket. D’autre part, l’éducateur-entraîneur peut estimer qu’une bonne agressivité est essentielle dans son équipe de soccer, pourvu qu’elle soit bien contrôlée. Il pourrait donc avoir plus de tolérance envers notre ami Thomas.
Il importe alors de prendre le temps de connaître le point de vue de l’élève et comment il perçoit la situation ou l’incident avant de réagir avec trop d’émotivité. Aimer les enfants, c’est également accepter qu’ils puissent avoir des valeurs différentes de soi. Chaque individu véhicule différemment ses valeurs. Il s’agit d’en prendre conscience et de voir comment les acteurs impliqués peuvent cohabiter sainement (Gillespie, 2011).
1.2. Le pédagogue
On retrouve également l’enseignant dans l’âme, le pédagogue, soit celui qui aime communiquer ses connaissances, celui qui aime faire apprendre par ses interventions. Ce type d’enseignant est habituellement bien préparé et son contenu bien planifié. Il s’assure que tout est prévu : le choix des éducatifs, la façon de gérer les transitions, le rassemblement de ses élèves, les évaluations, etc. (Gillespie, 2011). C’est souvent un perfectionniste. De plus, c’est probablement un enseignant efficace et bien organisé, un modèle d’éducateur physique (Smith et Smoll, 2002). On ne peut pas être contre la vertu ! Toutefois, malgré le fait que tous ces éléments liés à l’acte d’enseigner soient d’une grande importance, dans certaines circonstances, l’éducateur physique peut être amené à accepter le fait qu’au dernier cours du vendredi après-midi, plusieurs élèves veulent davantage s’amuser qu’apprendre. Ce genre d’enseignant accepte difficilement qu’à certains moments, leurs élèves n’apprennent pas ! Cela perturbe son organisation et sa planification et il ne veut surtout pas que ce groupe prenne du retard sur les autres. Alors il arrive qu’il insiste trop et occasionne un climat de travail difficile à la fois pour les élèves et pour lui-même.
À l’occasion, l’éducateur physique peut accepter qu’une séance soit modifiée ; il y regagne avec le temps, parce que les élèves vont certainement lui être reconnaissants d’avoir su être à l’écoute de leurs besoins à ce moment précis.
Certains éducateurs physiques se sont dotés de la mission de favoriser la santé des jeunes en les incitant à adopter de saines habitudes de vie.
1.3. La santé des jeunes
Certains éducateurs physiques se sont dotés de la mission de favoriser la santé des jeunes en les incitant à adopter de saines habitudes de vie. Ils s’intéressent à tout ce qui touche à la nutrition, aux habitudes de vie telles que la pratique régulière de l’activité physique, le sommeil, la gestion du stress, etc. Ils sont passionnés de tout ce qui a un rapport avec les facteurs de risque qui nuisent à la santé, tels que la consommation de drogue ou d’alcool, les conséquences de la sédentarité, les troubles anxieux, le temps alloué aux jeux vidéo, etc. Tant et si bien qu’à certaines fêtes comme Pâques ou Halloween, ces éducateurs physiques éprouvent de sérieux problèmes de conscience. En effet, quand ils voient circuler autant de chocolats ou de bonbons dans l’école, ils ont parfois l’impression d’avoir échoué dans leur mission, ou encore ils en déduisent que les autres membres du personnel ne respectent pas leur rôle de promoteur de saines habitudes de vie. Cet état d’esprit peut occasionner bien des tracas et des frustrations.
Ces enseignants accordent beaucoup de temps aux habitudes de vie en dehors des cours en éducation physique. En effet, ils s’intéressent aux activités offertes au parascolaire, aux contenus des collations et des repas, etc., et proposent des projets en lien avec la santé. Pour eux, cela représente une préoccupation de tous les instants. D’un autre côté, même s’ils ont raison à bien des égards, il n’en demeure pas moins que ces éducateurs physiques se doivent de respecter d’...