Enseigner les premiers concepts de probabilités
eBook - ePub

Enseigner les premiers concepts de probabilités

Un monde de possibilités!

  1. 364 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Enseigner les premiers concepts de probabilités

Un monde de possibilités!

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Les probabilités font partie de la vie du citoyen du XXI e siècle, et ce, dans divers contextes et domaines – en santé pour la sélection d'un traitement, en gestion pour le choix d'un investissement, etc. Dans le milieu scolaire, il est donc impératif de développer une pensée probabiliste permettant la prise de décisions éclairées en moment d'incertitude, la modélisation des situations aléatoires et la compréhension de la notion de risque. Au Québec, bien que l'enseignement des premiers concepts de cette branche des mathématiques commence dès le début du primaire, il représente tout de même un défi de taille, car en plus d'être complexes et contre-intuitives, les probabilités n'occupent qu'une (trop) petite place au sein de la formation des enseignants.Le présent ouvrage s'adresse aux enseignants en exercice du primaire et du début du secondaire, aux futurs enseignants et aux formateurs universitaires en didactique des mathématiques. Ses auteurs invitent à la découverte des éléments contextuels et historiques liés à cette discipline, puis proposent des réflexions et des idées originales de situations pour l'enseignement (et la formation à l'enseignement) des premiers concepts de probabilités. Il est plus que probable que les propos de cet ouvrage ébranlent la façon de penser et les convictions du lecteur quant à la manière d'enseigner les probabilités.

Vincent Martin est professeur au Département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ses recherches concernent les pratiques d'enseignement des probabilités et les caractéristiques didactiques des tâches probabilistes utilisées pour leur apprentissage. Mathieu Thibault est doctorant en éducation à l'Université du Québec à Montréal et chargé de cours en didactique des mathématiques à l'Université du Québec en Outaouais et à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ses travaux touchent principalement la formation à l'enseignement des probabilités avec des outils technologiques. Laurent Theis est professeur titulaire au Département de l'enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke. Il s'intéresse à la résolution de situations-problèmes mathématiques au primaire et au début du secondaire ainsi qu'au soutien de l'élève à risque dans ce contexte.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Enseigner les premiers concepts de probabilités par Vincent Martin, Mathieu Thibault, Laurent Theis en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Mathématiques et Probabilités et statistiques. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

PARTIE 1 /

DES ÉLÉMENTS HISTORIQUES, ÉPISTÉMOLOGIQUES ET CONTEXTUELS AUTOUR DES PROBABILITÉS ET DE LEUR ENSEIGNEMENT

CHAPITRE 1 /

L’histoire et l’enseignement-apprentissage des probabilités

Quelques réflexions épistémologiques et didactiques1
David Guillemette, Université du Québec à Montréal
Les gens qui veulent fortement une chose
sont presque toujours bien servis par le hasard.
Balzac
On peut faire ce que l’on veut, se dit l’Homme sans qualités
en haussant les épaules, dans cet imbroglio de forces,
cela n’a aucune importance.
Musil
Résumé
Cette contribution met en évidence quelques évènements saillants de l’histoire des probabilités. De ce survol historique, une réflexion à la fois didactique et épistémologique associée aux notions fondamentales enseignées au primaire et au secondaire est développée. Une attention particulière est donnée au rapport entretenu par les mathématiciens envers la nature du hasard, ainsi que leur positionnement quant à la dichotomie déterminisme/libre arbitre. Ancrée dans les curricula québécois et étayée par une perspective socioculturelle de l’enseignement-apprentissage des mathématiques, cette réflexion fait émerger quelques pistes de réflexion pour une pratique enseignante et une pratique de formation à l’enseignement qui soient davantage sensibles à la dimension historique et culturelle des mathématiques et mieux informées quant à la genèse et à l’épistémologie de la discipline.

1.1 / Une mise en contexte

Suis-je en train d’écrire ce texte par hasard ? C’est une question qui me tracasse depuis que j’ai commencé mes recherches. D’une part, on m’a invité, non pas par hasard, à écrire ce chapitre de livre, puisque plusieurs connaissent bien mon intérêt à la fois pour l’histoire et pour l’enseignement-apprentissage des mathématiques. Nous pouvons en effet facilement mettre au jour certaines circonstances qui peuvent expliquer de manière très convaincante pourquoi je suis en train, à l’instant même, d’écrire ce texte. D’un autre côté, il apparaît clairement fortuit que je sois ici, assis à ce bureau, penché sur mon clavier et attelé à cette tâche. D’autres occupations auraient très bien pu m’être proposées et être choisies. Le parcours de ma vie est d’une complexité infinie, ce qui rend accidentel et imprévisible chacun des évènements qui la composent, y compris le fait d’avoir été invité à rédiger ce texte. N’est-ce pas au hasard des choix et des rencontres que je me retrouve ici, à ce point de ma vie ?
Il semble en aller ainsi pour tous les évènements du monde, à la fois déterminés par l’histoire et le cours des choses (comme si chaque évènement ne pouvait pas ne pas avoir eu lieu, nécessaire et ultimement prévisible) et à la fois hasardeux dans leur avènement et dans leur effectivité (la sensibilité de chaque geste posé, l’origine mystérieuse et insondable du fond des évènements, le choix des actions de tout un chacun). Comme le visage de Janus, les évènements qui composent la réalité regardent dans deux directions à la fois : d’une part, vers sa détermination et la nécessité des prochains évènements qui lui sont associés et, d’autre part, vers l’infinie sensibilité de son émergence, vers le cours hasardeux et imprévisible des évènements qui lui succéderont. C’est la classique opposition déterminisme/libre arbitre qui anime nombre de débats philosophiques, mais aussi mathématiques, comme nous allons le voir dans ce chapitre. Le libre arbitre est généralement entendu comme la capacité de se déterminer librement, de penser et de se penser sans contrainte. Une capacité qui nous amène à faire des choix par nous-même et en connaissance de cause. Il s’oppose au déterminisme, qui affirme que nos actions et nos pensées sont déterminées par des forces intérieures ou extérieures qui les rendent nécessaires, inexorables.
En effet, pour le philosophe et mathématicien Bernard Bolzano (1781-1848),
[d]’aussi près que nous soyons de l’évènement, le système dont nous nous efforçons de déterminer le futur immédiat reste ouvert, parce qu’il manque encore à la cause les déterminations ultimes qui sont nécessaires pour individuer complètement l’évènement dans sa singularité historique et le rendre en même temps inévitable. Il n’y a rien de contradictoire dans le fait de dire que l’évènement pouvait jusqu’au bout être évité et d’affirmer en même temps qu’il ne pouvait pas ne pas se produire à partir du moment où sa cause complète était réalisée (cité dans Fleury, 2017, p. 22).
Dans la même veine que Bolzano, la philosophe Hannah Arendt ([1961] 1989) souligne à son tour ce paradoxal double aspect des évènements du monde qui est pour elle emblématique de la modernité. S’inspirant de l’œuvre de Franz Kafka, elle montre comment l’homme d’aujourd’hui est pris entre deux forces antagonistes : « le passé qui le pousse de derrière, depuis l’origine, et le futur qui lui barre la route, le freine par son vide, son espace à combler » (Arendt, [1961] 1989, cité dans Revault d’Allonnes, 2011, p. 202). Cette parabole permet à Arendt ([1961] 1989, p. 17) d’expliciter ce qu’elle appelle la « brèche dans le temps ». L’affrontement débute quand le cours de l’action a eu lieu et que l’histoire attend d’être complétée « dans les consciences qui en héritent et la questionnent » (Arendt, [1961] 1989, p. 17). Ainsi, le temps n’est pas un continuum : il est brisé au milieu, au point où agit l’homme. Arendt rend compte de cet espace comme commencement introduit par l’homme en tant qu’il est un être de pensée et de liberté. Dans une telle perspective, la réalité perd de son naturalisme et y émergent des possibilités nouvelles. Une telle perspective sur l’homme moderne comporte des vues essentielles sur la liberté et tente de surmonter le déterminisme.
À l’époque de Kafka, autour des années 1920, le mouvement artistique des surréalistes prend son essor à la suite et dans la mouvance du dada. L’objectif des artistes qui y prennent part est d’explorer la création artistique, et plus largement l’expérience humaine, à partir de gestes immédiats et spontanés (on dira automatiques). Il s’agit pour eux de saisir l’expression telle qu’elle se présente dans l’immédiateté de l’évènement. C’est au fond, pour l’artiste, le besoin de se placer dans cette brèche du temps pour décrire le monde avec nouveauté, d’en saisir une signification nouvelle et porteuse (voir le très bel article d’Éric Brian [2001] sur la pensée du hasard et le surréalisme). Ce paradoxal double aspect de la réalité est donc aussi au cœur de la réflexion artistique moderne. Pour son œuvre L’énigme d’Isidore Ducasse (figure 1.1), Man Ray a enroulé dans une couverture de feutre et ligoté par d’épaisses cordes à nouer des objets étranges qui livrent partiellement leurs formes.
FIGURE 1.1 / Man Ray, L’énigme d’Isidore Ducasse, 1920
image
Source : © Man Ray 2015 Trust / SOCAN (2019), <http://www.tate.org.uk/art/artworks/man-ray-lenigme-disidore-ducasse-t07957>.
Que se cache-t-il sous ce tissu ? Man Ray aurait supposément emballé une machine à coudre et un parapluie. Il a surtout recouvert des objets pour en cacher la signification première et spontanée et mettre en évidence le mystère, et rend compte d’une réalité « indécidable ». L’œuvre peut être appréciée comme un rappel de l’émergence du sens du monde et de l’impossibilité de mettre en relief la forme tangentielle qui permettrait d’en extraire le déterminé, le décidable (Gimaray, 2015).
Les développements quant au traitement de situations probabilistes au cours de l’histoire des mathématiques ne sont pas étrangers à ces questions cruciales sur le hasard et la dichotomie déterminisme/ libre arbitre. Or nous croyons qu’une telle réflexion historique peut amorcer une réflexion didactique pour l’enseignement des probabilités au primaire et au début du secondaire. C’est pourquoi nous effectuerons, dans ce chapitre, un bref survol historique sur la théorie des probabilités en tentant de mettre en évidence le rapport entretenu par les mathématiciens envers la nature du hasard, ainsi que leur positionnement quant à cette dichotomie déterminisme/libre arbitre. Par la suite, nous tâcherons, en gardant en tête cette thématique, de reconnaître les différentes situations probabilistes qui ont été abordées et les manières dont elles ont été traitées au cours de l’histoire. En nous concentrant sur les mathématiques pratiquées en Occident, nous tirerons de ce survol historique une réflexion épistémologique, didactique et pédagogique pour l’enseignement et l’apprentissage des probabilités au primaire et au premier cycle du secondaire. Ancrée dans les programmes de formation de l’école québécoise et étayée par les perspectives socioculturelles de l’enseignement-apprentissage des mathématiques, cette réflexion tentera de faire émerger quelques pistes d’aménagements pour la pratique enseignante.

1.2 / Quelques éléments d’histoire des probabilités

1.2.1 / Avant 1550

On trouve une pensée probabiliste fragmentaire, en germe, dans presque toutes les œuvres scientifiques, philosophiques et littéraires de l’Antiquité et du Moyen-Âge, chez Aristote, Cicéron et bien d’autres auteurs moins illustres (Daston, 1989). Cela dit, jusqu’à maintenant, rien de formel et aucune notion étudiée systématiquement quant aux probabilités n’a été relevé par les historiens. Aucun « calcul » des probabilités n’aurait été légué, ce qui est surprenant, compte tenu de l’aspect fondamental et profondément exhaustif des travaux des mathématiciens de l’Antiquité.
« Alea jacta est », aurait dit Jules César avant de franchir le Rubicon. La perspective du triomphe et de la défaite lui a fait mettre en évidence l’aspect hasardeux de son entreprise. L’accent est ici mis sur l’effroi de celui qui avance dans l’inconnu. L’idée même du hasard, de fortune et de chance est évidemment très ancienne. Il ne s’agit pas encore d’une pensée probabiliste mathématisée et objective, mais le sentiment associé à la difficulté de déterminer ou de calculer le cours des choses est présent depuis fort longtemps.
L’usage du Klèrôtèrion (figure 1.2) est manifeste d’une réflexion approfondie et d’une appropriation fine du hasard et des phénomènes aléatoires par les Grecs de l’Antiquité. Cette étonnante machine servait à déterminer aléatoirement les citoyens responsables de certaines tâches publiques. À l’aide de boules noires et blanches, et à partir de mécanismes simples permettant le tirage au sort de ces boules et l’organisation des plaquettes portant le nom des prétendants, la désignation des citoyens choisis pouvait être associée aux résultats de petits évènements simples répétitifs et systématiques dont l’aspect aléatoire était évident.
FIGURE 1.2 / Klèrôtèrion (reconstruction du Centre national de recherche scientifique, France)
image
Source : © CNRS Images, <https://lejournal.cnrs.fr/videos/la-machine-qui-tirait-au-sortles-citoyens-dathenes>.
La désignation aléatoire de ces personnes, lesquelles étaient appelées à jouer un rôle clé dans la cité démocratique d’Athènes, était une manière d’éviter la corruption qu’une élection ou une nomination risquait d’engendrer. La construction et l’usage d’une telle machine dans un contexte d’une aussi haute importance impliquent nécessairement une réflexion approfondie, sensible et contrôlée quant aux notions d’« évènements aléatoires » et d’« équiprobabilité ».
On peut en retenir que les jeux de hasard, malgré leur existence lointaine, ne sont pas les uniques situations où, historiquement, il aurait été question d’enjeux probabilistes. Le jeu est en effet l’archétype des situations probabilistes utilisées en classe de mathématiques, sans doute à cause de sa simplicité essentielle, mais aussi de la facilité avec laquelle on peut désigner et décrire les évènements en question. Mais le hasard et la notion de « probabilités » interviennent, et sont intervenus, comme nous commençons à l’apercevoir, dans des situations qui touchent la vie publique, politique, philosophique et artistique des individus et des sociétés. Il y a avant toute formalisation et objectivation une perspective subjective, vécue, des notions de « probabilités » et de « hasard » qui prennent leur source dans les différentes formes du vécu concret des individus.
Beaucoup plus tard, en 1713, Jacques Bernoulli (1655-1705) remarquait dans son Ars Conjectandi que deux conceptions des probabilités apparaissaient dans la littérature savante depuis l’Antiquité. D’une part, un...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Préface
  5. Liste des figures et tableaux
  6. Liste des sigles
  7. Introduction / L’enseignement des premiers concepts de probabilités.
  8. Partie 1 / DES ÉLÉMENTS HISTORIQUES, ÉPISTÉMOLOGIQUES ET CONTEXTUELS AUTOUR DES PROBABILITÉS ET DE LEUR ENSEIGNEMENT
  9. Partie 2 / L’ENSEIGNEMENT DES PROBABILITÉS DANS LA CLASSE DU PRIMAIRE
  10. Partie 3 / LA FORMATION À L’ENSEIGNEMENT DES PROBABILITÉS
  11. Conclusion / Synthèse et prospective sur des réflexions croisées relatives à l’enseignement des premiers concepts de probabilités
  12. Postface / Quelques réflexions sur le passé, le présent et le futur
  13. Notices biographiques