L'innovation sociale
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L'innovation sociale

Les marches d'une construction théorique et pratique

  1. 478 pages
  2. French
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L'innovation sociale

Les marches d'une construction théorique et pratique

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Comment s'est construite l'approche québécoise de l'innovation sociale, qui aujourd'hui fait école? Cet ouvrage présente la trajectoire intellectuelle empruntée par Benoît Lévesque et divers collaborateurs proches des milieux sociaux pour étudier et expérimenter d'autres façons de produire de la richesse.

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Informations

1
La théorie de la régulation2 vise à remettre les rapports sociaux au centre de l’analyse économique et à renouveler ainsi l’économie politique. Pour caractériser les diverses phases du capitalisme et pour expliquer l’alternance de périodes de relative stabilité et de périodes de crise, l’approche de la régulation fait appel entre autres à la notion de mode de régulation. Cette notion, qui est nouvelle dans les approches d’inspiration marxiste, désigne un ensemble cohérent de codifications des divers rapports sociaux (de formes structurelles telles que les institutions, les normes et la routine sociale) qui forment un système et assurent ainsi une certaine régularité à ces rapports dans une société donnée pour une période donnée. Les périodes de croissance relativement stables sont celles où les formes des rapports sociaux sont en compatibilité entre elles et avec un régime d’accumulation qui peut être extensif ou intensif (c’est-à-dire centré sur l’investissement dans les moyens de production ou dans les moyens de consommation). Les périodes de grande crise, de crise structurelle, seront celles où cette compatibilité n’existe plus. On entrevoit ainsi comment, pour les régulationnistes, les cadres sociaux généraux conditionnent l’activité économique de sorte qu’une grande crise, par exemple, est non seulement une crise économique, mais aussi une crise politique et une crise culturelle, une crise des aspirations collectives et individuelles3.
Les régulationnistes ont donc proposé un « ensemble hiérarchisé de notions intermédiaires » dont les plus importantes, les notions clés, sont celles de « régime d’accumulation », de « mode de régulation », de « forme institutionnelle », de « rapport salarial », de « bloc social hégémonique », de « paradigme sociétal », dont la conjonction définit un modèle de développement (Boyer, 1989c, p. 277)4. Dans cette perspective, « le capitalisme devient une sorte de métasystème, plus large dans sa portée historique, plus malléable dans ses réalités concrètes » (Lipietz, 1987, p. 1058). Ces notions intermédiaires utilisées dans le but de donner la priorité aux rapports sociaux permettent de rendre compte aussi bien de « la diversité (d’une communauté à l’autre) que de la variabilité (d’une époque à l’autre) » (Lipietz, 1984, p. 9) de la configuration des formes sociales et donc des spécificités historiques et nationales de la croissance et des crises selon des périodisations plus précises que celles proposées jusqu’ici. Elles ont également permis de mettre en évidence aussi bien la spécificité de la croissance de l’après-guerre (1945-1975), période caractérisée par un régime d’accumulation intensif et un mode de régulation dit fordiste, que celle de la crise qui l’a suivie5.
Les régulationnistes donnent priorité non plus aux seuls rapports d’exploitation des travailleurs, mais au rapport marchand6 et au rapport salarial dont la reproduction n’est jamais assurée comme en témoignent le chômage, les faillites d’entreprises et plus généralement la surproduction. Ce renouvellement de perspective, marqué par la conjoncture de la seconde moitié des années 1970, participe au changement de paradigme qui s’opère alors dans les sciences sociales (Gauchet, 1988). Si l’inspiration althussérienne est certaine, la rupture est non moins clairement affirmée. Alain Lipietz n’hésite pas à définir les régulationnistes comme des « fils rebelles des althussériens7 » et Aglietta et Brender ne craignent pas d’écrire que la théorie de la régulation s’est constituée « en réaction contre la réduction du marxisme au structuralisme, son fétichisme de la reproduction et son idolâtrie des lois générales » (1984, p. 16, note 1). Même si de telles affirmations exigeraient des explications et des réserves, elles permettent pour le moment d’indiquer qu’il existe à la fois une rupture et une continuité entre la notion de régulation et celle de reproduction. Un mode de régulation assure dans une certaine mesure la reproduction des rapports sociaux, mais cette reproduction ne va pas de soi puisque sa remise en cause par les divers groupes sociaux est toujours possible et qu’elle demeure ainsi ouverte.
Outre l’influence d’économistes tels John Maynard Keynes8 et François Perroux9, il existe des convergences entre l’approche de la régulation et celle des économistes radicaux américains tant sur la question des compromis sociaux ayant caractérisé la période de croissance que sur le diagnostic de crise structurelle (Boyer, 1986b ; Berger, 1990). Une telle convergence existe également avec les analyses des relations industrielles et de la firme qui s’inspirent de l’approche institutionnaliste, notamment les travaux dirigés par Michael Piore sur le dualisme du marché du travail et la spécialisation flexible (la polyvalence du travail dans la production en séries restreintes)10. Les sources d’inspiration dépassent cependant le domaine de l’économie politique. Ainsi les régulationnistes ont eux-mêmes identifié un certain nombre d’auteurs qui ont pu influer sur la formulation initiale de leur approche. Ils ont identifié certains historiens de l’École des Annales (Boyer, 1989a) comme Georges Duby et Fernand Braudel11 et certains sociologues tels Alain Touraine, Anthony Giddens12 et Pierre Bourdieu avec lesquels il existerait une certaine proximité. Ainsi, comme pour la régulation, l’approche des nouveaux mouvements sociaux mettrait bien en lumière la « capacité des acteurs à modifier des systèmes trop statiques pour les conduire à un nouvel équilibre » (Lipietz, 1988, p. 4). De même, l’approfondissement des concepts d’habitus et de stratégie aurait conduit « l’école de Bourdieu à explorer les mêmes problèmes que l’école de la régulation » (Lipietz, 1988, p. 5), à savoir comment les individus arrivent par la socialisation à adopter librement des comportements correspondant aux normes sociales, par exemple. En somme, comme l’écrit Robert Boyer, l’approche de la régulation s’inscrit « à l’entrecroisement de diverses traditions en matière de recherche en sciences sociales » (Boyer, 1989c, p. 282). Sans prétendre donner le point de vue de la sociologie sur l’approche de la régulation (ce qui serait d’autant plus périlleux qu’il existe une diversité d’approches au sein de cette discipline), nous tenterons d’en donner une lecture sociologique pour les chercheurs qui s’intéressent aux mouvements sociaux et à la sociologie du travail et de l’entreprise. Pour ce faire, nous nous appuierons sur nos recherches13 qui s’inspirent largement de l’approche de la régulation. Notre contribution sera divisée en trois sections. Dans la première, nous montrerons à la fois l’intérêt et les limites sociologiques de la notion de rapport salarial, notion qui occupe une position stratégique dans la théorie de la régulation et qui en constitue l’apport le plus original. Nous insisterons sur l’importance de bien distinguer, au sein de ce rapport, la dimension organisationnelle (l’organisation du travail) de la dimension institutionnelle (le compromis social). Dans la deuxième section, nous tenterons de montrer comment le rapport salarial est insuffisant pour rendre compte de l’organisation du travail non seulement dans les services collectifs, mais aussi dans les entreprises et dans l’ensemble de l’économie. En nous inspirant de l’approche des nouveaux mouvements sociaux, nous chercherons ainsi à compléter l’approche de la régulation en ajoutant une autre notion, celle de rapport de consommation, soit le rapport entre citoyens-usagers et administration-agences d’État. Enfin, nous reviendrons sur la contribution de l’école de la régulation pour comprendre le rapport entre structure et acteurs et verrons ainsi comment les notions de reproduction et de régulation ne sauraient être confondues.

1. Le rapport salarial et le fordisme

Pour les régulationnistes, le capitalisme peut être caractérisé par cinq rapports sociaux fondamentaux codifiés par des formes structurelles. Ces rapports sociaux sont le rapport marchand, rapport de biens produits séparément dont la validation sociale est réalisée par le marché, mécanisme opérant à partir de la contrainte monétaire ; le rapport salarial, qui repose sur une double séparation, celle du capital et du travail et celle provenant d’une division du travail au sein de l’unité de production ; le rapport entre les entreprises, qui se fait à travers la concurrence qui « décrit [ainsi] les modalités de mise en rapport des unités de production » (Boyer, 1986a, p. 48). À ces trois rapports, les régulationnistes ajoutent de façon plus ou moins explicite les rapports entre États-nations ou modalités d’adhésion au régime international, et l’État, une « forme archétypale », qui est à la fois « totalisateur des tensions sociales qui traversent les formes structurelles » (Aglietta, 1976, p. IX) et lieu privilégié d’institutionnalisation et de codification des principaux rapports sociaux (Lipietz, 1984). Un mode de régulation est ainsi formé d’une « nébuleuse de formes institutionnelles » qui codifient sans doute les rapports sociaux que nous venons d’identifier, mais également tous les autres qui sont reconnus comme tels dans une société donnée (par exemple, la famille). Ce faisant, le mode de régulation assure « la compatibilité des comportements dans le cadre d’un régime d’accumulation » donné (Lipietz, 1984, p. 20). De même qu’il est possible de repérer divers régimes d’accumulation au sein du capitalisme, on peut identifier divers modes de régulation. Ces divers modes de régulation sont la régulation à l’ancienne, qui correspond, sur le plan politique, à des régimes plus ou moins absolutistes où l’économie est encore encastrée dans le social ; la régulation concurrentielle, qui correspond à la grande transformation telle qu’analysée par Karl Polanyi (1983) : le travail, la terre, la monnaie deviennent régulés par le marché, le jeu de l’offre et de la demande ; la régulation monopoliste ou fordiste, où diverses formes structurelles telles la négociation collective et notamment la rigidité du salaire à la baisse assurent à l’avance la vente des marchandises et de la force de travail. Comparativement à la régulation concurrentielle, la régulation fordiste pose des filets qui rendent moins périlleux, selon l’expression d’Alain Lipietz (1979, p. 175), les sauts que représentent la validation sociale de la production et celle de la force de travail.

1.1. Centralité du rapport salarial et originalité de la notion

La plupart des analyses de la « théorie » de la régulation arrivent à la conclusion que le rapport salarial constitue la « clé de voûte » de la régulation des sociétés à l’ère du capitalisme (Noël, 1990). Si l’on s’en tient aux premières recherches des régulationnistes, la centralité du rapport salarial s’impose sans équivoque : d’une part, la périodisation de la nature des crises proposée est « assez directement liée à l’état du rapport salarial » ; d’autre part, l’étude historique du cas français du XIXe siècle à nos jours (comme d’ailleurs le cas américain) laisse voir que « les formes de la concurrence et le type d’intervention de l’État jouent un rôle moindre que le rapport salarial dans la constitution des diverses formes de régulation » (Boyer, 1980, p. 498-499).
Cette centralité est encore plus manifeste dans les analyses du rapport salarial tel qu’il s’inscrit dans la régulation dite fordiste qui prévaut depuis la dernière guerre mondiale. Dans ce mode de régulation, la réalisation des marchandises se fait ex ante par la médiation de formes structurelles comme le contrat collectif de travail et le crédit qui assurent à l’avance la vente des marchandises et de la force de travail (Lipietz, 1984, p. 20 sq.). Des institutions telles que la négociation et la convention collective, les diverses lois sur le travail et l’État-providence permettent, dans le cadre de cette régulation, une certaine régularité du rapport du capital et du travail comme en témoigne la croissance relativement stable « des Trente Glorieuses » (1945-1975). Comme le fordisme repose sur une « baisse du coût du travail, sans baisse des salaires14 », il s’ensuit que ce rapport salarial est au cœur de l’articulation de la section des biens de production et de celle des biens de consommation (schéma d’Aglietta, 1976, p. 130) et qu’il permet ainsi l’ajustement quasi automatique de la norme de consommation à la norme de production de masse en l’occurrence.
A. Lipietz a peut-être insisté plus que d’autres sur la rupture à l’égard des analyses des althussériens et des opéraïstes italiens qu’accomplit le rapport salarial pour traiter des rapports de travail. Cette rupture repose sur le fait que les régulationnistes donnent la priorité à la contradiction du rapport marchand15. En prenant au sérieux la complexité du capitalisme, écrit A. Lipietz, « nous refusons de tout dériver du rapport d’exploitation et réintroduisons la contradiction posée par Marx dès le chapitre I (Le capital) : celle qui constitue la marchandise » (1979, p. 27). S’en tenir au rapport d’exploitation, ajoute-t-il, « est unilatéral » (1979, p. 74). À la différence de l’approche althussérienne, les analyses de la « théorie » de la régulation n’accordent plus la première place au capital et à l’extraction de la plus-value, mais à « l’envers du capital : le salariat et ses métamorphoses, le rapport salarial et ses antagonismes » (Breton et Levasseur, 1990, p. 75-76)16. En orientant ainsi l’analyse s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. LISTE DES ENCADRÉS, FIGURES ET TABLEAUX
  4. LISTE DES ACRONYMES ET DES SIGLES
  5. INTRODUCTION - Juan-Luis Klein et Jean-Marc Fontan
  6. PARTIE 1 - La construction théorique: Les bases fondatrices
  7. PARTIE 2 - L’économie sociale: Le tremplin d’une nouvelle perspective
  8. PARTIE 3 - Les applications sectorielles et transversales
  9. PARTIE 4 - Vers un nouveau modèle
  10. ÉPILOGUE - Jean-Marc Fontan et Juan-Luis Klein
  11. BIBLIOGRAPHIE
  12. NOTICES BIOGRAPHIQUES
  13. INDEX ONOMASTIQUE
  14. Quatrième de couverture