Médias et démocratie  - 3e édition
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Médias et démocratie - 3e édition

Le grand malentendu

  1. 306 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Médias et démocratie - 3e édition

Le grand malentendu

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Quels sont les liens de dépendance entre les médias et les pouvoirs politiques et économiques? Quel est le rôle politique des médias? En complet porte-à-faux avec le discours romantique du journaliste valeureux et prêt à défendre la vérité, on le retrouve ici plutôt enserré dans un ensemble de contraintes organisationnelles, dont certaines, comme les logiques économiques de concentration et de marchandisation, lui apparaissent «naturelles».

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Informations

Année
2011
ISBN
9782760528420
CHAPITRE 1
La sphère publique
comme idéal démocratique
Dans ce chapitre, l’association entre médias et démocratie sera faite à l’aide de deux concepts : la liberté d’expression et la sphère publique. La liberté d’expression, qui comprend la liberté de presse, est la valeur cardinale des systèmes médiatiques en Occident, et la sphère publique, qui renvoie à un lieu de débat public, en constitue le concept clé et l’idéal. La législation et la réglementation sur les médias sont d’ailleurs en bonne partie imprégnées de l’idée d’une sphère publique, concept appartenant à un univers normatif certain.
Mais, au-delà de la théorie et de l’idéal, les médias sont-ils vraiment des lieux de débat public ? Permettent-ils à la société civile de prendre connaissance des enjeux de société et de s’exprimer ? Peuvent-ils nous aider à participer à la vie politique ? Il n’existe pas de réponse simple à ces questions. Y répondre de manière positive nous entraîne vers les concepts de « sphère publique », lieu matériel ou immatériel de débat public grâce auquel la collectivité peut s’autogouverner, et de liberté d’expression. Y répondre par la négative signifie plutôt qu’on assimile les médias à des « appareils idéologiques », donc à des outils des pouvoirs en place.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est le rapport des médias à la démocratie qui est en cause. La sphère publique, comme concept cristallisant les rapports entre la population, les médias et l’État, signifie que les médias font partie des mécanismes favorisant la démocratie. Dans cette perspective, les médias constitueraient un rouage essentiel de la socialisation politique, créeraient du « lien social[5] » et permettraient à la société civile de s’exprimer ; les élus en tiendraient compte, ce qui leur donnerait en tout temps l’heure juste quant à l’opinion de leurs concitoyens. Ce concept se rapproche de l’idéal utopique du « gouvernement du peuple par le peuple », pour autant que nous ayons des élites sensibles aux besoins du peuple. Quant au concept de l’appareil idéologique, il renvoie à l’idée de médias comme outils dont se servent les élites politiques et économiques pour établir ou maintenir leur domination sur la société. Cela ne se ferait ni simplement ni directement ; au cœur de l’exercice de domination se trouveraient la promotion de la vision hiérarchique de la société que chacun entretient plus ou moins consciemment et la croyance en la légitimité de l’ordre des choses. C’est en faisant voir le système politique et économique actuel comme normal, en bloquant l’imagination vers un monde meilleur que les médias peuvent être conçus comme des appareils idéologiques.
Ce chapitre consiste en l’examen de ces deux concepts, de même que de leurs fondements. Chaque concept renvoie à une vision de la société, harmonieuse ou conflictuelle, ainsi qu’à une perspective théorique, libérale ou critique. Par ailleurs, ces concepts sont des idéaux types, de telle sorte qu’il serait sans doute plus juste de penser les médias, voire les produits journalistiques ou les journalistes eux-mêmes, comme n’appartenant totalement ni à un concept ni à un autre, mais comme étant situés à un lieu déterminé du continuum sphère publique - appareil idéologique. Nous décrirons tout d’abord le concept de la sphère publique, qui appartient à la théorie libérale, en débutant par son origine, puis en examinant ses fondements (l’accessibilité, la transparence et la rationalité) et en terminant par l’étude de la valeur cardinale qui la caractérise aujourd’hui, la liberté d’expression. Mais la sphère publique est en crise, ce qui nous conduira en seconde partie à examiner le concept d’appareil idéologique, appartenant à la théorie critique. Ses fondements théoriques feront l’objet d’une brève présentation, et des précisions sur notre modèle seront apportées. Tout le livre donnera par la suite des indications sur les éléments à prendre en considération pour situer textes et émissions en tout genre sur le continuum sphère publique - appareil idéologique, notre modèle d’analyse.
1.1. Le concept de la sphère publique : l’héritage de Habermas
Le concept de « sphère publique » a été popularisé par les travaux du philosophe Jûrgen Habermas. Bien que sa thèse fasse l’objet de nombreuses critiques historiques et politiques tout à fait fondées[6], le concept de sphère publique qu’il explicite et sa dégradation due à la publicité ont acquis une dimension paradigmatique dans certains milieux intellectuels. Cela est dû au fait que, malgré les erreurs de nature historique, le concept de sphère publique élaboré par Habermas correspond en tout point à l’idéal des Lumières : valorisation de la rationalité, infinie confiance en l’être humain, croyance en la capacité des sociétés de s’autogouverner. De plus, la dégradation de la sphère publique que Habermas décrit rejoint tout à fait la critique des médias privilégiée par la gauche : cette sphère a été instrumentalisée par l’État et les pouvoirs économiques et ne sert plus au débat public. C’est donc plus en raison de la correspondance de sa construction intellectuelle à des idéaux types que de sa fidélité à l’histoire que nous examinons cette thèse.
Le concept de sphère publique élaboré par Habermas comporte des jugements de valeur tout à fait conformes à l’idéal libéral selon lequel la sphère publique est « le terrain d’exercice d’un raisonnement public ». Ce concept souffre de simplification, écrit Érik Neveu, pour qui l’ouvrage « décrit avec une nostalgie parfois naïve l’espace public bourgeois d’antan, peuplé de citoyens rationnels et politisés, plus conformes aux idéaux des Lumières qu’aux agents sociaux que peut étudier l’historien[7] ».
Mais le concept de sphère publique cristallise tout à fait la conception occidentale des médias. On croit d’abord, conformément à l’idéologie de la communication, que les échanges de vues mènent naturellement à la compréhension entre individus et à la diminution des conflits. La sphère publique est perçue comme le lieu de délibération par excellence permettant au peuple de s’autogouverner ; celui-ci prendrait connaissance des enjeux importants de sa société par le biais des médias et il s’exprimerait ensuite en toute connaissance de cause.
Comme ce lieu serait un des liens privilégiés entre la population -source ultime de légitimité politique - et l’État, il apparaît essentiel en démocratie.
Dans L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Habermas décrit la naissance de la sphère publique bourgeoise dans l’Angleterre du xviie siècle. La presse qui y naît, de même qu’en France ou en Allemagne, constitue un instrument du pouvoir politique qui transmet décrets, informations sur la police, sur les cours des places boursières, les prix des produits de toutes sortes. Même si les informations sont destinées à l’ensemble de la société, les « couches cultivées » ainsi que les commerçants constituent la base véritable du public lecteur. Comme l’État intervient de plus en plus dans le domaine de la vie économique, le groupe des éditeurs, manufacturiers et fabricants commence à dépendre de manière croissante des mesures prises par l’administration. Une société bourgeoise se consolide face à l’État, et elle s’affirme pour discuter avec lui des termes de l’échange, comme les taxes sur les prix et les impôts. L’économie devient politique ; il s’agit d’un sujet susceptible d’être débattu dans la sphère publique, qui se pose en intermédiaire entre l’État et la société civile. La sphère publique est réglementée par l’autorité, mais utilisée par des « personnes privées rassemblées en un public » « directement contre le pouvoir lui-même » pour « discuter avec lui des règles générales de l’échange, sur le terrain de l’échange des marchandises et du travail social - domaine qui reste essentiellement privé, mais dont l’importance revêt désormais un caractère public ; selon Habermas, « l’usage public du raisonnement » rend possible l’opposition de la sphère publique à l’État4. La sphère publique sépare donc, d’une part, l’État, le pouvoir public, la cour et, d’autre part, le domaine privé, le domaine de l’échange des marchandises et du travail social, de la famille ; il s’agit d’une sphère intermédiaire entre le privé et le public.
La sphère publique devient, pour Habermas, l’outil par lequel les sociétés peuvent s’autogouverner ; des conflits se régleraient grâce à une participation du public. Cet aspect du concept de la sphère publique constitue probablement un des éléments les plus utopiques de la thèse élaborée par le philosophe. Mais comme cet élément renvoie à un des fondements démocratiques les plus précieux - le gouvernement du peuple par le peuple -, il connaît forcément une belle popularité, encore aujourd’hui. L’idée que le peuple décide des politiques publiques et de l’orientation générale de la gestion politique est fermement ancrée dans le système politique occidental. Ainsi, la Constitution américaine débute par ces mots : « We, the people… » Malgré une pléiade de théories sur la démocratie qui en précisent les formes concrètes et qui indiquent que le peuple ne gouverne pas, l’illusion est sans cesse entretenue. Alain Etchegoyen écrit à ce sujet :
Certes, on dira : chacun le sait, le peuple le sait, il ne gouverne pas, c’est une manière de parler, par différence, pour s’opposer a l’aristocratie, a la tyrannie, a la monarchie ou a toutes les oligarchies.
Mais on répète au peuple le contraire : la société de communication est société de transparence ; on promeut le « parler vrai » ; on organise des élections ou des référendums pour que le peuple décide ; on l’invite a s’exprimer dans les isoloirs ou sur les écrans cathodiques […]. Non seulement la démocratie n’échappe pas aux leurres, mais elle les produit dans un monde qui s’y fait de plus en plus réceptif [8].
Dans le concept de la sphère publique de Habermas, le peuple gouverne au moyen de la délibération publique. Quand des acteurs sociaux veulent infléchir les décisions du gouvernement, ils utilisent la légitimité populaire ; leurs vues, leurs projets doivent être avalisés par la collectivité : « Certaines forces sociales qui veulent être en mesure d’influencer les décisions du pouvoir font appel à un public qui fait usage de sa raison, afin de légitimer devant ce nouveau forum (la sphère publique) certaines de leurs exigences[9]. » La sphère publique contribue donc à une « répartition des pouvoirs », l’opinion publique étant « une instance de contrôle des excès du gouvernement[10] ».
Si, dans le concept de Habermas, les sujets de discussion qui ont suscité la critique des décisions de l’administration appartiennent au monde de l’économie, l’habitude de débattre rationnellement au sein du public se serait prise d’abord dans le domaine culturel. La critique d’art, la critique littéraire, théâtrale et musicale se seraient développées avec leurs propres institutions et plates-formes de discussion. La critique de l’État aurait par la suite atteint le domaine administratif (économique) au sein de la sphère publique représentée par la presse, les salons, les cafés et les sociétés de lecture.
Durant les dernières années du xviiie siècle, toujours selon la thèse de Habermas, les revues se mirent à fleurir - même les revues politiques -, et c’est directement autour d’elles que la vie sociale des personnes privées se serait cristallisée. Les journaux eux-mêmes ne seraient pas les seuls à témoigner de cette « soif de lecture », même de cette « rage de lire » qui se serait emparée de l’époque des Lumières, car, selon Habermas, dès les années 1770, des sociétés de lecture, privées ou à but commercial, se seraient répandues dans toutes les villes et même dans les petites bourgades, de sorte que ces établissements auraient partout déclenché une discussion sur leur utilité. Dans l’Allemagne de la fin du xviiie siècle, on aurait recensé plus de 270 sociétés de lecture[11].
Le concept de l’espace public de Habermas a été retouché par l’auteur trente ans après sa publication dans un article de la revue Quaderni. Les modifications qu’il apporte au concept ont trait à l’existence d’une pluralité de sphères publiques, au pouvoir régulateur de l’activité communicationnelle et à sa vision du public qui se trouvent nuancés. Cependant, il maintient toujours sa vision optimiste quant à la capacité de la communication de servir de « gouvernement par le peuple ». Il écrit : « La souveraineté liquéfiée communicationnellement se fait valoir dans le pouvoir des discussions publiques qui découvrent des thèmes pertinents pour l’ensemble de la société, interprètent des valeurs, contribuent à la résolution des problèmes, produisent de bonnes raisons et en écartent de mauvaises[12]. »
L’espace public de Habermas comporte des caractéristiques qui, encore aujourd’hui, sont perçues...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Remerciements
  3. Introduction
  4. CHAPITRE 1
  5. CHAPITRE 2
  6. CHAPITRE 3
  7. CHAPITRE 4
  8. CHAPITRE 4
  9. ANNEXE I
  10. ANNEXE II