Les questions prĂ©liminaires traitĂ©es dans les deux premiĂšres sections veulent mettre en relief lâĂ©tonnante complexitĂ© de la modification comportementale. Lâintervention sur une seule dimension abordĂ©e antĂ©rieurement ne peut, Ă elle seule, constituer une garantie de rĂ©ussite. Lâintervention doit accompagner le public pressenti dans plusieurs dimensions, sur divers aspects de sa vie quotidienne. La mise en sĂ©quence de lâintervention en communication vise Ă faciliter les choses, mais elle ne pourra jamais ĂȘtre suivie comme une simple recette ; il importe de relier les Ă©tapes entre elles.
ĂTAPE 1
Faire prĂ©ciser et accepter le mandat de lâintervention en indiquant clairement les collaborations et la chaĂźne de responsabilitĂ©s
Les raisons justifiant la mise en place dâun plan de communication sont multiples, pour ne pas dire illimitĂ©es. Les arguments le plus souvent invoquĂ©s sont lâimplantation dâune nouvelle politique, des impĂ©ratifs de santĂ© publique, lâexigence dâune restructuration administrative, lâaboutissement dâune analyse de besoins, la survenue dâun incident majeur, des problĂšmes de fonctionnement, une prise de conscience sociale ou encore lâexpression dâun problĂšme ou dâun malaise ressenti par une entitĂ© administrative ou opĂ©rationnelle. Par consĂ©quent, chaque nouvelle demande est reliĂ©e Ă des conditions particuliĂšres.
Si le plan de communication est retenu Ă la suite dâun audit de communication1, ce travail peut ĂȘtre largement rĂ©cupĂ©rĂ© Ă diverses Ă©tapes du plan de communication. Cet audit aura en effet permis de cerner le sujet dâintervention ainsi que ses tenants et ses aboutissants. Dans dâautres situations, on sera en prĂ©sence de conditions scientifiques bien documentĂ©es et le cadre conceptuel sâen trouve achevĂ©. Il en ira tout autrement lorsque le communicateur devra, avec lâorganisme concernĂ©, procĂ©der Ă une analyse de besoins afin de mieux saisir la situation problĂ©matique. Donc, Ă chaque nouveau plan de communication, le communicateur devra dâabord sâassurer de bien connaĂźtre le sujet traitĂ©, afin de ne pas compromettre le succĂšs de la mise en Ćuvre de ce plan.
Assez curieusement, nombre des situations problĂ©matiques justifiant lâusage du plan de communication sâobservent dans des milieux oĂč le communicateur nâest pas systĂ©matiquement intĂ©grĂ©. Seules les grandes institutions privĂ©es ou les agences gouvernementales comptent dans leurs rangs des spĂ©cialistes de la communication ; donc câest un phĂ©nomĂšne marginal. Lâenvoi dâun simple curriculum vitae convaincra difficilement qui que ce soit de ses aptitudes Ă rĂ©aliser un plan de communication. La prĂ©sence en sociĂ©tĂ©, lâappartenance Ă des institutions citoyennes, Ă des regroupements dâaffaires, lâengagement auprĂšs dâorganismes du milieu, lâassociation Ă des causes communautaires, de prĂ©fĂ©rence en tant que professionnel de la communication, sont tous des moyens beaucoup plus efficaces pour capter lâinformation flottante concernant les emplois disponibles.
Cette prĂ©sence en sociĂ©tĂ© ne vise pas seulement Ă accroĂźtre sa visibilitĂ© et Ă recueillir de lâinformation ; lâaction dans un milieu permet au communicateur de faire une analyse sociale beaucoup plus complĂšte. Cette action citoyenne aide en outre Ă reconnaĂźtre les principaux courants idĂ©ologiques tout en permettant de mieux les Ă©valuer. De plus, cette implication assure le repĂ©rage des protagonistes et met au jour une quantitĂ© dâenjeux qui, autrement, ne sont pas toujours faciles Ă percevoir. Lâaction en communication dĂ©limite le territoire dâintervention et permet de connaĂźtre les diffĂ©rents rĂ©seaux idĂ©ologiques primaires dâimportance. En dâautres termes, le communicateur sera en mesure dâeffectuer une analyse macrosociale selon les variables utilisĂ©es par Fossaert pour repĂ©rer les structures idĂ©ologiques qui fondent la sociĂ©tĂ© civile. Cette logique de dĂ©limitation des paramĂštres sociaux peut aussi ĂȘtre appliquĂ©e dans les grandes entreprises et organisations. Ainsi, certaines cultures organisationnelles sont trĂšs difficiles Ă pĂ©nĂ©trer, lâhistoire dâune organisation tout comme lâinformation contextuelle pour lâinterprĂ©ter ne sont jamais inscrites sur les murs.
Toutes les considĂ©rations faites jusquâici plaident en faveur de la rĂ©alisation de dĂ©marches prĂ©liminaires afin dâavoir un portrait prĂ©cis de la situation. En rĂ©alitĂ©, les assises dâun plan de communication ne se nĂ©gocient pas car câest sa crĂ©dibilitĂ© qui est en jeu. Comme toute action de communication entraĂźne des investissements considĂ©rables, il importe de bien dĂ©montrer sa justification. Tout communicateur professionnel se doit dâaccompagner lâinstitution avec laquelle il sâassocie ; en outre, câest Ă lui que revient la difficile tĂąche de convaincre une organisation, oĂč sĂ©vit un problĂšme, de la nĂ©cessitĂ© de prendre du recul afin de prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es. SuggĂ©rer de tenir un audit ou une analyse de besoins nâest jamais trĂšs populaire, car les gens veulent en gĂ©nĂ©ral des solutions immĂ©diates. Le communicateur doit alors dĂ©ployer tous ses talents de pĂ©dagogue.
Lorsque lâĂ©laboration dâun plan de communication exige de soumettre une demande de financement interne ou externe, certaines formalitĂ©s doivent habituellement ĂȘtre remplies. Câest une bonne chose, car cela oblige les partenaires Ă rĂ©diger, Ă dĂ©battre et Ă prĂ©ciser le programme quâils implanteront. La dimension rĂ©dactionnelle est particuliĂšrement importante, Ă©tant donnĂ© que la formulation des idĂ©es requiert une rĂ©flexion logique et quâelle assure un partage des conceptions. Si aucun formulaire nâa Ă©tĂ© prĂ©vu, nous recommandons lâusage de la logique qui sous-tend la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats (GAR). Cette logique dĂ©finit le travail Ă rĂ©aliser selon des paramĂštres qui favorisent sa rĂ©alisation, notamment en le divisant en Ă©tapes. Cette logique est intĂ©grante, dans la mesure oĂč elle aide non seulement Ă la rĂ©daction du projet Ă©ventuel, mais en facilite lâĂ©valuation constante en cours de processus. Les rapports dâĂ©valuation, tout comme les rapports de mission, sâemboĂźtent dans une logique intĂ©grative et rĂ©ussissent Ă se synthĂ©tiser de façon remarquable sans en compromettre la rigueur.
Ă lâaide du lexique de la page suivante (tableau 6), le lecteur pourra analyser un type de demande de financement qui fut acceptĂ©e.
Par exemple, un projet de tĂ©lĂ©romans (tĂ©lĂ©novelas) pour promouvoir la prĂ©vention en santĂ© publique, rĂ©alisĂ© Ă Cuba au cours des annĂ©es 2001 et 2002, sert Ă dĂ©montrer comment on peut rĂ©sumer en moins de deux pages tout un programme dâactivitĂ©s, y compris les moyens dont on dispose et les enjeux (tableau 7). La premiĂšre rangĂ©e du tableau donne les Ă©lĂ©ments du cadre conceptuel ; cet axe horizontal concerne le dĂ©roulement logique : les objectifs, les rĂ©sultats et les indicateurs. LâidĂ©e principale, si gĂ©nĂ©reuse soit-elle, devra se traduire par des manifestations concrĂštes dans la rĂ©alitĂ©, manifestations que nous pourrons vĂ©rifier, mesurer. Lâaxe vertical rĂ©pond, lui aussi, au principe logique de la GAR ; il rĂ©capitule la chaĂźne causale. Notons que le degrĂ© de prĂ©cision sâaccroĂźt Ă mesure que lâon progresse vers le bas. Ainsi, lâimpact dĂ©pendra des effets qui, eux, nâexistent que par les extrants.
Il va sans dire que des informations contextuelles sont nĂ©cessaires, ne serait-ce que pour prĂ©ciser le lieu de lâintervention, le temps, les partenaires et les enjeux. Il nâen demeure pas moins que, pour le dĂ©cideur, une telle synthĂšse est facile Ă Ă©valuer dans la mesure oĂč lâidĂ©e du projet y est prĂ©cisĂ©e. Le croisement des axes oblige Ă en examiner la faisabilitĂ© aussi bien que la mĂ©canique de mesure. On cherche alors Ă Ă©tablir lâadĂ©quation entre les ressources nĂ©cessaires et le financement demandĂ©. Ici encore, la dimension pĂ©dagogique sera mise Ă lâhonneur car lâexpĂ©rience nous a enseignĂ© que cet exercice risque dâen dĂ©courager certains.
La volontĂ© dâexpliquer doit ĂȘtre prĂ©sente chez toute personne qui prĂ©tend possĂ©der des compĂ©tences particuliĂšres. Cette aptitude pĂ©dagogique sera aussi utile lorsquâil sâagira dâexpliquer les contraintes et bĂ©nĂ©fices de lâagir communicationnel. Cette philosophie dâapproche nâest jamais acquise et la logique instrumentale, qui vise lâĂ©conomie Ă tout prix, nĂ©glige souvent un tel principe. Cet espoir de rentabilitĂ© Ă court terme sera toujours déçu ; en communication, rappelons-le, on ne cherche pas Ă gagner sur lâautre, mais bien Ă lui communiquer une information. La relation de toute organisation avec un auditoire ne pourra survivre longtemps si elle repose sur une logique de vainqueur, car les gens finissent par se rendre compte du rapport de force sous-jacent et le discrĂ©dit qui sâensuit est irrĂ©mĂ©diable.
Le communicateur devra donc considĂ©rer, comme premier auditoire, le responsable de lâorganisation avec laquelle il fait affaire ; ce que dâaucuns nomment le systĂšme-client, bien que cette derniĂšre expression renvoie Ă une autre rĂ©alitĂ© organisationnelle importante. TrĂšs souvent, on doit la naissance dâun projet Ă une « bonne chimie » entre deux individus, mais la filiĂšre dâautorisation est presque toujours beaucoup plus Ă©tendue. Un conseil dâadministration, une assemblĂ©e de cadres ou un directeur de service devra trĂšs souvent se prononcer. Le communicateur devra comprendre le point de vue de lâautre tout en essayant de le faire cheminer vers les principes de lâagir communicationnel et de la communication participative. Lâacceptation dâun comitĂ© de coordination, formĂ© des reprĂ©sentants des destinataires de lâinformation, ne pourra ĂȘtre obtenue quâĂ la suite de dĂ©bats et maintes prĂ©cisions. Il faut arriver Ă faire comprendre aux membres de ce comitĂ© que la dĂ©marche de communication sociale, bien quâelle se dĂ©marque par la promotion de valeurs dĂ©mocratiques, est le meilleur moyen pour rĂ©unir les conditions dâune efficacitĂ© rĂ©elle.
Cet esprit de partage authentique doit toutefois se reflĂ©ter dans la relation entre le communicateur et lâinstitution avec laquelle il est associĂ© de façon temporaire ou permanente. LâaccĂšs Ă la documentation Ă©crite ou visuelle, lâautorisation dâenquĂȘter sur le terrain, lâenveloppe budgĂ©taire rĂ©aliste, le calendrier approximatif, lâĂ©tablissement de la chaĂźne dâautoritĂ©, les ressources humaines disponibles, les responsabilitĂ©s mutuelles, etc., ce sont lĂ tous des aspects dont on doit discuter avant de procĂ©der Ă la rĂ©daction dâun protocole dâentente.
Le protocole dâentente peut prendre diverses formes et ĂȘtre plus ou moins dĂ©taillĂ© selon la volontĂ© des partenaires. Certains, comme dans lâexemple suivant, voudront en prĂ©ambule indiquer les principes directeurs et dĂ©crire la structure politique et administrative dont dĂ©pend la rĂ©alisation de la campagne (tableau 8).
La longue description (tableau 9) demandĂ©e par notre partenaire nâest pas fortuite, elle se veut un rappel de la chaĂźne dâautoritĂ© qui chapeaute les activitĂ©s dans le domaine de notre intervention.
On voudra mĂȘme identifier la politique nationale dans laquelle sâinscrira le projet.
Toutes ces dĂ©marches peuvent sembler Ă©loignĂ©es dâun plan de communication, mais, par expĂ©rience, nous savons que ces Ă©lĂ©ments sont essentiels pour assurer une application harmonieuse du plan de communication et Ă©viter tous malentendus entre dĂ©cideurs et acteurs.
Cette seconde partie du protocole arrime le projet aux dimensions opĂ©rationnelles proprement dites (tableau 10). On y relĂšve le nom des acteurs ainsi que leur rattachement institutionnel. La date et le lieu Ă©tablissent les coordonnĂ©es spatiotemporelles et les enjeux sont dĂ©finis grĂące Ă lâĂ©numĂ©ration dâobjectifs gĂ©nĂ©raux et spĂ©cifiques.
Dans cette section du protocole, on retrouve un rappel de la persistance des actions entreprises (tableau 11). La volontĂ© dâaction concertĂ©e va mĂȘme jusquâĂ statuer, de façon trĂšs claire, sur lâexistence dâun comitĂ© de coordination (COCO) et en prĂ©cise mĂȘme la composition. La communication sociale est intĂ©grĂ©e structurellement Ă la dĂ©marche et reconnue comme telle.
Le dernier segment vient clarifier le rĂŽle attendu de chacun des partenaires. Ce sont des formalitĂ©s que tous souhaitent inutiles, mais chacun le sait, les protocoles ne sont pas rĂ©digĂ©s pour les situations oĂč tout se dĂ©roule bienâŠ
Avec de telles assises, le plan de communication dĂ©marre sur une comprĂ©hension commune, ce qui Ă©vite bien des mauvaises surprises. Les conditions de succĂšs sont explicitement mentionnĂ©es. Dans dâautres circonstances, le protocole pourra ĂȘtre moins dĂ©taillĂ©. Les grands principes demeurent identiques, mais des indicati...