Topographies romanesques
eBook - ePub

Topographies romanesques

  1. 257 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Topographies romanesques

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Quel sens donner aux notions d'espace mais aussi d'univers, de lieu ou de pays dans le cadre du roman et comment les décliner pour l'étude de la topographie fictionnelle? Une quinzaine de chercheurs des deux cÎtés de l'Atlantique et un écrivain féru de géographie imaginaire tùchent d'apporter des éléments de réponse._x000D_

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  Topographies romanesques par Audrey Camus, Rachel Bouvet en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literature et Literary Criticism. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2011
ISBN
9782760529694
CHAPITRE VI
L’ÉTENDUE: MATIÈRE
ET QUESTION DU ROMAN
Isabelle DAUNAIS
De toutes les caractĂ©ristiques qui relient, au ïŹl des siĂšcles, les Ɠuvres romanesques, l’une des plus frappantes est le rĂŽle que joue l’étendue dans leur entrĂ©e en matiĂšre. Certes, tous les romans ne commencent pas, comme Jacques le Fataliste, par la description d’une route dont on ne sait oĂč elle mĂšne et constitue l’habitat mĂȘme des protagonistes, mais les romans sont nombreux qui, d’une maniĂšre ou d’une autre, mettent en scĂšne comme prĂ©mices aux aventures de leurs personnages un espace ouvert de tous les cĂŽtĂ©s, inïŹniment disponible et que rien, a priori, ne semble dĂ©terminer. On pense d’abord aux plaines de Castille sur lesquelles s’élance le hĂ©ros de CervantĂšs dans l’espoir d’éprouver sa valeur, mais oĂč ne se trouve pour l’heure aucun exploit Ă  rĂ©aliser:
Il chemina quasi tout ce jour-lĂ  sans qu’il lui arrivĂąt chose digne d’ĂȘtre rapportĂ©e, de quoi il Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©, car il eut voulu rencontrer tout Ă  l’heure mĂȘme une personne avec qui expĂ©rimenter la valeur de son bras. Il y a des auteurs qui disent que la premiĂšre aventure qui lui arriva fut celle du port Lapice; d’autres que ce fut celle des moulins Ă  vent; mais ce que j’ai pu vĂ©riïŹer en ce cas et ce que j’en ai trouvĂ© par Ă©crit aux Annales de la Manche est qu’il chemina tout ce jour-lĂ ; et sur la nuit son roussin et lui se trouvĂšrent bien las et mourant de faim; et, regardant de toutes parts s’il ne dĂ©couvrirait point quelque chĂąteau ou bien quelque logette de bergers oĂč se retirer [
], il vit, non loin du chemin par lequel il allait, une taverne qui lui fut comme s’il eĂ»t vu une Ă©toile, qui l’eĂ»t conduit aux portails, voire plutĂŽt au palais de sa rĂ©demption1.
On pense aussi Ă  cette Ă©tendue pareillement indĂ©terminĂ©e et pareillement en attente d’évĂ©nements, dĂ©sencombrĂ©e, que rencontre, trois cents ans plus tard, le personnage de l’arpenteur, au tout dĂ©but du ChĂąteau:
C’était le soir tard, lorsque K. arriva. Le village Ă©tait sous la neige. La colline du ChĂąteau restait invisible, le brouillard et l’obscuritĂ© l’entouraient, il n’y avait pas mĂȘme une lueur qui indiquĂąt la prĂ©sence du grand ChĂąteau. K. s’arrĂȘta longuement sur le pont de bois qui mĂšne de la route au village, et resta les yeux levĂ©s vers ce qui semblait ĂȘtre le vide2.
MĂȘme si les dĂ©tails de la description peuvent donner l’impression contraire et que nous n’avons pas l’habitude d’aborder en termes spatiaux l’Ɠuvre de Proust, c’est aussi une forme de vide ou de « vacance » qui s’offre aux habitants de Combray, qu’ils prennent du cĂŽtĂ© de MĂ©sĂ©glise ou du cĂŽtĂ© de Guermantes:
Il y avait autour de Combray deux « cĂŽtĂ©s » pour les promenades, et si opposĂ©s qu’on ne sortait pas en effet de chez nous par la mĂȘme porte, quand on voulait aller d’un cĂŽtĂ© ou de l’autre [
]. Quand on voulait aller du cĂŽtĂ© de MĂ©sĂ©glise, on sortait [
] comme pour aller n’importe oĂč, par la grande porte de la maison de ma tante sur la rue du Saint-Esprit. [
] [Pour aller du cĂŽtĂ© de Guermantes], on partait tout de suite aprĂšs dĂ©jeuner par la petite porte du jardin [
]. On gagnait le mail entre les arbres duquel apparaissait le clocher de Saint-Hilaire. Et j’aurais voulu pouvoir m’asseoir lĂ  et rester toute la journĂ©e Ă  lire en Ă©coutant les cloches; car il faisait si beau et si tranquille que, quand sonnait l’heure, on aurait dit non qu’elle rompait le calme du jour mais qu’elle le dĂ©barrassait de ce qu’il contenait [
]3.
On pourrait multiplier, des dĂ©buts du roman Ă  l’époque des Temps modernes jusqu’à aujourd’hui, les exemples de ces surfaces en attente de parcours – chemins, villes, pays, continents – qui s’offrent, au dĂ©part d’un roman, comme un aspect mĂȘme de l’aventure des personnages. Depuis les routes sur lesquelles cheminent Sancho et son maĂźtre, sans savoir oĂč elle les conduit, jusqu’à celle – « terre, orniĂšres, sale chemin, reïŹ‚ets de cailloux brillants, lumiĂšre Ă©clatante, bourdonnements, tremblement d’air chaud, le tout noir de soleil, et des maisonnettes, des clĂŽtures, des champs, des bois4 » – qui ouvre le dernier roman de Gombrowicz, cette dimension ou plus exactement cette qualitĂ© de l’espace qu’est l’étendue constitue une donnĂ©e constamment reconduite du monde et de la pensĂ©e romanesques. L’étendue est plus dĂ©terminĂ©e que l’espace, puisqu’elle relĂšve de la perception et suppose donc un point de vue, la prĂ©sence d’un observateur qui en prend la mesure; mais elle est Ă  la fois une caractĂ©ristique essentiellement informe, incomplĂšte, inachevĂ©e. Contrairement aux autres formes d’immensitĂ©, comme le cosmos ou l’inïŹni cĂ©leste, l’étendue n’est ni une plĂ©nitude ni un systĂšme, puisque rien ne la borne ni ne l’organise, du moins rien de prĂ©alable. Il s’agit d’une forme indĂ©ïŹnie, indĂ©terminĂ©e ou, pour le dire plus prĂ©cisĂ©ment, d’une forme terrestre ou profane de l’immensitĂ©. C’est cette nature profane ou encore prosaĂŻque de l’étendue que j’aimerais circonscrire ici en tentant de voir en quoi elle est constitutive du roman (de sa matiĂšre, de sa forme, des histoires qu’il raconte) en mĂȘme temps qu’elle est une question du roman, c’est-Ă -dire une donnĂ©e de l’existence qu’il se trouve Ă  explorer.
Étonnamment, les thĂ©oriciens du roman se sont peu penchĂ©s sur le rĂŽle et la nature de l’espace oĂč circulent les personnages romanesques. Le seul peut-ĂȘtre qui ait Ă©tabli un lien entre le roman et l’espace perçu comme Ă©tendue est Albert Thibaudet, qui proposait de voir Ă  l’origine du roman la « littĂ©rature routiĂšre » des voyageurs et des pĂšlerins, littĂ©rature oĂč s’expriment « le mĂ©contentement de soi et du monde, l’aspiration vers une vie nouvelle, des imaginations sur l’avenir et sur le possible, [tout] cela [qui] coule, tourbillonne, germe, fructiïŹe sur ces routes de pĂšlerinage et dans ces Ăąmes de pĂšlerins5 », autrement dit tout cela qui reporte sur l’étendue plane et concrĂšte des routes, des chemins, des plaines et des « cĂŽtĂ©s » l’idĂ©e d’une vie autre que celle Ă  laquelle on est contraint, d’une vie parallĂšle ou d’une vie possible. La faible place accordĂ©e Ă  l’espace dans la rĂ©ïŹ‚exion sur le roman (surtout en comparaison de celle occupĂ©e par le temps dans cette mĂȘme rĂ©ïŹ‚exion, de Bakhtine Ă  RicƓur en passant par les travaux de la narratologie) est d’autant plus surprenante qu’on peut considĂ©rer, par-delĂ  les lieux mĂȘmes reprĂ©sentĂ©s, que toute action romanesque commence avec la dĂ©couverte ou le sentiment de l’étendue, c’est-Ă -dire la dĂ©couverte faite par le personnage ou le sentiment Ă©prouvĂ© par lui que l’espace qui l’entoure est ouvert et que cette ouverture est tout autant une forme de libertĂ© qu’une forme d’arbitraire.
Sans doute certaines considĂ©rations sur le temps romanesque sont-elles Ă©troitement liĂ©es Ă  l’espace. Dans son Ă©tude sur La GĂ©ocritique, Bertrand Westphal rappelle comment MikhaĂŻl Bakhtine associe l’origine du roman Ă  un basculement capital, « celui de la verticalitĂ© du temps Ă  son horizontalitĂ©6 ». Pour le thĂ©oricien russe, le temps du roman, contrairement Ă  celui du monde Ă©pique, se caractĂ©rise par sa contiguĂŻtĂ© avec le prĂ©sent, contiguĂŻtĂ© qui tient Ă  ce que le temps romanesque n’est pas le temps sacrĂ© d’un monde sĂ©parĂ© et Ă©loignĂ©, mais le temps prosaĂŻque de la vie humaine, le temps que chacun habite et qui par dĂ©ïŹnition est inachevĂ©, sans limite prĂ©cise, continu. Or, propose Bertrand Westphal, si le temps, au moment de ce qu’on appelle communĂ©ment la naissance du roman, vers le XVIe siĂšcle, devient « horizontal », en opposition au temps « vertical » ou absolu des mondes unitaires des matiĂšres Ă©pique et tragique, on assisterait Ă  la mĂȘme Ă©poque Ă  une verticalisation de l’espace, notamment « avec l’introduction de la perspective en peinture et en cartographie et avec l’alignement de notre planĂšte sur la profondeur sidĂ©rale du systĂšme solaire7 ».
À premiĂšre vue, les deux mouvements semblent contraires, mais la verticalitĂ© dont parle Westphal, Ă  rebours de celle dont parle Bakhtine, ne renvoie pas Ă  une forme d’absolu, c’est-Ă -dire de monde clos ordonnĂ© par des rĂšgles surplombantes et immuables, mais, bien au contraire, Ă  une forme de relativitĂ©. Perspective et alignement pourraient d’ailleurs ĂȘtre aussi bien dĂ©crits sous l’angle de l’horizontalitĂ©, puisque ces perceptions relĂšvent tout autant de la profondeur de champ que d’un recul en hauteur; inversement, le phĂ©nomĂšne que Westphal reconnaĂźt dans la peinture, la cartographie et l’astronomie sous le principe de verticalitĂ© se reconnaĂźt Ă©galement dans le...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Dans la mĂȘme collection
  3. Faux-titre
  4. Presses de l'Université du Québec
  5. Titre
  6. Crédits
  7. LES AUTEURS
  8. Table des matiĂšres
  9. INTRODUCTION - Audrey CAMUS & Rachel BOUVET
  10. Explorer
  11. PremiĂšre partie - La fabrique topographique
  12. Arpenter
  13. Parcourir
  14. Façonner
  15. Deuxiùme partie - Évolution de la topographie romanesque
  16. Émergences
  17. Ancrages
  18. Divergences
  19. BIBLIOGRAPHIE
  20. NOTICE DES AUTEURS
  21. QuatriĂšme de couverture