Éthique et culture religieuse à l'école
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Éthique et culture religieuse à l'école

  1. 106 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Éthique et culture religieuse à l'école

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

L'éducation en matière d'éthique et de religion connaît à l'heure actuelle un virage historique au Québec par la mise en place d'un cours spécifique en la matière à partir de l'automne 2008. Dans cette optique, ce livre traite de la formation dans les domaines de l'éthique et de la culture religieuse dans l'espace socioscolaire. Il propose une visée éthique et une démarche empruntant à la philosophie morale contemporaine de même qu'à des approches issues des sciences des religions, de l'éducation morale et de la philosophie de l'éducation.

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Informations

1
Éduquer chacun
à son humanité
Convier tous les élèves à la compréhension de visions différentes du monde et de l’être humain qui se manifestent aujourd’hui ou se sont manifestées dans la culture, à la réflexion commune sur des leçons du passé, des modèles de vie, valeurs, règles, normes et principes, des questions éthiques ou des enjeux moraux et à l’intelligence des convictions dans une recherche de reconnaissance de soi-même comme tout autre, voilà ce qui est recherché dans la proposition mise de l’avant dans cet ouvrage sur l’éducation éthique et la culture religieuse à l’école. En cela, nous estimons qu’il n’y a pas d’un côté un sujet émotionnel et de l’autre un sujet rationnel, que l’élève n’est pas soit un croyant émotionnel, soit un acteur cognitif rationnel agnostique ou athée (Shiose et Zylberberg, 2000) ; il y a un sujet qui se pose, un sujet devenant éthique.
Tout sujet est porteur d’une vision du monde (pouvant s’inscrire ou non dans une perspective religieuse) à partir de laquelle il construit ses valeurs et ses modes de rapport à autrui, et, en même temps, tout sujet s’inscrit dans un espace normatif auquel il se doit de répondre et de participer. Mais si apprendre, c’est viser à un mieux, un meilleur, vers quel mieux, quel meilleur doit-on éduquer le sujet/élève : « Nous faut-il éduquer pour la collectivité ou pour l’individualité, aux valeurs d’intégration sociale ou à celles de libération individuelle ? » À cela, nous répondons à l’instar de Reboul (1994) qu’il nous faut plutôt éduquer chacun à son humanité, « permettre à chacun d’accomplir sa nature au sein d’une culture qui soit vraiment humaine. Si cette fin paraît utopique, elle est la seule qui préserve l’éducation du laisser-faire comme de l’endoctrinement. »
Le sujet devenant éthique est celui qui soulève la question par excellence « Suis-je satisfait de l’être humain que je suis et que je deviens par mes actes ? » (Giroux, 1998), et une réponse positive à cette question, quelle que soit la vision du monde sur laquelle le sujet porte, passe selon nous par le développement de l’estime de soi, de la sollicitude pour autrui et la recherche de justice pour tous (Ricoeur, 1990). C’est à la naissance d’une telle « humanité du sujet » que l’école devrait tout particulièrement participer par l’éducation éthique et la culture religieuse.

Éthique et culture religieuse

Il va de soi que même si toutes les traditions religieuses comportent des morales, les champs de l’éthique et de la culture religieuse ne sont pas à fondre l’un dans l’autre. À vrai dire, sur le plan historicoculturel, la déduction de ce que l’on a longtemps appelé la « morale naturelle » à partir de ce qui était au fond des prémisses religieuses a largement contribué à brouiller les juridictions. Et, de ce point de vue, il convient de rappeler la spécificité des champs disciplinaires.
Toutefois, au-delà de la forme que peut prendre d’un contexte à l’autre la formation en éducation éthique ou culture religieuse dans l’espace socioscolaire (éducation à la citoyenneté1 ou éducation civique, juridique et sociale2, éthique et culture religieuse3 ou enseignement du fait religieux4, etc.), celle-ci doit, d’une manière ou d’une autre, prendre en compte les questions de sens (signification/ légitimation) et les questions de coexistence (régulation/normativité).
En effet, l’éducation éthique demeure incomplète si elle est amputée d’une recherche de compréhension des manifestations de sens et des formes de vie issues de l’expérience religieuse. Quant à la culture religieuse comme objet d’enseignement, elle demeure aussi incomplète si elle se limite à l’enseignement d’un fait de culture et ne s’inscrit pas dans la perspective plus globale d’une visée éthique.
Toutes les traditions religieuses comportent une dimension éthique, et il serait fâcheux pour ces traditions mêmes qu’elles soient coupées d’une interpellation par la réflexion contemporaine sur l’éthique, sur sa genèse, sa constitution et ses modes de délibération. En effet, dans le processus et les situations concrètes d’apprentissage, il est vital que l’éthique puisse interpeller le religieux au cœur de son projet. L’expérience religieuse n’est pas que confessante ; elle est aussi raisonnante.
Réciproquement, l’expérience éthique ne s’épuise pas dans les processus délibératoires rationnels mais tient aussi à des récits ou des figures où s’incarne de façon privilégiée un certain éthos auquel le sujet s’identifie. L’éthique n’est pas un processus purement délibératif et formel, exempté par sa vocation à l’universel, de toute incarnation dans des valeurs particulières, dispensé des paris inhérents à la condition humaine. Dans l’histoire du sujet, il y a certes l’apprentissage des règles, la maîtrise du dispositif abstrait et normatif par lequel la communauté assure la régulation des intérêts divergents et leur subordination à un impératif de vie juste. Mais il y a aussi l’incarnation de ces règles dans des personnes, dans des modèles concrets d’humanité qui jalonnent de loin en loin la construction du sujet en lui permettant de s’identifier à eux. L’éthique repose en effet sur des références où la norme s’est incarnée de façon exemplaire, bienveillante et humainement viable ; met aussi en œuvre des mécanismes d’identification à des êtres de chair et à des modèles d’humanité, « aux différentes façons de vivre une vie morale ». « De quoi traite l’éthique sinon des formes diverses et contradictoires du bien et du mal, du sens de la vie humaine, de la difficulté des choix, de la nécessité de justifier des décisions et de l’aspiration à définir des principes universels et impartiaux ? » (Canto-Sperber, 1996, p. VI.)
En conséquence, l’éducation éthique comme la formation en culture religieuse devraient arrimer ces deux composantes de manière à s’adresser à tous les sujets/élèves, indistinctement. Non pas qu’il s’agisse ici de « gommer les différences » entre l’éthique et la culture religieuse ou de les « absorber l’un dans l’autre5 » ; mais ce serait commettre l’erreur inverse que d’ériger entre elles une cloison aussi étanche qu’artificielle et les dénaturer en niant les points de convergence qu’elles ont aussi.
Bref, le fait qu’il y ait des savoirs divisés ne doit pas entraîner la formation d’un sujet divisé. Il est vital que les différentes visions du monde se retrouvent ensemble dans la même arène, que nous ne rendions pas étanches les deux domaines. Si l’expérience religieuse, quant à son ressort, procède de la singularité d’un événement existentiel et que la réflexion éthique procède d’un idéal universel de pensée, dans la vraie vie du sujet et des communautés, elles sont destinées à se rencontrer à mi-chemin et à aller de concert, côte à côte.
Le choix fait au Québec6 d’inscrire au cursus scolaire un cours commun et obligatoire d’éthique et de culture religieuse7 nous paraît prometteur en ce sens. Comme on le mentionne dans le document d’orientations ministériel, « il est pédagogiquement souhaitable de faciliter la compréhension du monde par l’élève en n’érigeant pas de cloisons entre des univers qui, bien que spécifiques, peuvent être complémentaires » (Gouvernement du Québec, 2005, p. 5). Il nous faut, conclut le document, « agir ensemble pour les jeunes. Enrichir leur culture générale, leur permettre de s’ouvrir aux autres avec tolérance et respect, les outiller pour qu’ils puissent agir de façon responsable envers eux-mêmes et envers les autres et leur apprendre à vivre ensemble au sein d’un Québec démocratique et ouvert sur le monde […] » (ibid., p. 12).

Religion et coexistence

Développer une culture religieuse ne peut se limiter à l’acquisition de connaissances sur les religions. Bien que cette connaissance soit nécessaire, elle demeure insuffisante : nécessaire, parce que doit être portée à l’attention la dimension religieuse qui traverse de part en part l’héritage historicoculturel de l’humanité et, qu’à la négliger, nous nous condamnons à ne plus comprendre des pans entiers de notre monde actuel ; insuffisante parce qu’on ne peut juxtaposer sans plus ces différentes visions du monde et se déresponsabiliser par rapport à ce qu’elles impliquent parfois de contradictions entre elles, voire ce qu’elles ont d’incompatibles avec les fondements de notre État de droit. Il nous faut pour cela établir un cadre de pensée favorisant l’intelligence des convictions et la volonté de coexistence au sein de la Cité.
Il est dans la nature des traditions religieuses en effet de revendiquer chacune pour elle-même un accès particulier, voire privilégié à la vérité ; la question du rapport à la vérité s’y trouvant colorée chaque fois par une référence à l’absolu. Chaque tradition peut ainsi prétendre avancer sur le monde des vérités fondamentales en regard desquelles tout le reste s’ordonne : le rapport à la science par exemple, les relations entre les personnes, l’exercice de la sexualité, la place de la démocratie, la façon de rendre la justice, la conception du rapport entre les générations, etc. On comprendra dès lors que la coexistence de ces vérités dans un même espace, chacune avec sa requête d’absolu particulier et pas toujours compatible avec celle du voisin, n’aille pas de soi et requiert un cadre de pensée particulier.
Pour illustrer, prenons le débat autour du créationnisme dans le système scolaire aux États-Unis, lequel est particulièrement révélateur des enjeux à cet égard. Au nom d’une vérité révélée, des groupes de pression puissamment représentés auprès des pouvoirs politiques réclament que la théorie de l’évolution soit considérée dans les programmes scolaires comme une « hypothèse » scientifique parmi d’autres, voire qu’elle soit interdite d’enseignement auprès des jeunes esprits encore « influençables » et que la doctrine du « dessein intelligent », quant à elle, figure minimalement comme une autre réponse à cette hypothèse. Cette doctrine du « dessein intelligent » qui va jusqu’à affirmer que l’humanité sort directement des mains du créateur procède d’un rapport à la vérité qui, disons-le, est incompatible avec la modernité occidentale.
L’aggiornamento entre la religion et la société civile sur lequel depuis le XVIIIe siècle s’est édifié l’Occident suppose en effet que les traditions religieuses se soient décentrées par rapport au lieu de la vérité, qu’elles aient tout au moins consenti à ne plus en revendiquer le monopole pour elles-mêmes et qu’elles aient accepté de se situer avec d’autres dans un cadre référentiel abstrait qui les surplombe et qui permet d’articuler, voire d’arbitrer leurs différences. La croissance de la rationalité en Occident se confond avec la mise en place progressive de procédures de mise à distance de l’expérience qui permettent d’en dépasser l’immédiateté. La rationalité est un dispositif de mise en perspective qui, en s’éloignant de l’expérience, permet de l’embrasser plus complètement, de la voir avec d’autres, de la situer dans un espace et selon des règles qui la cadrent et l’ordonnent. On comprendra que ce cadre, pour abstrait qu’il soit, ne nie pas l’expérience, et en l’occurrence ici, l’expérience religieuse. Il ne la dévalorise même pas : il la situe.
À vrai dire, ce cadre abstrait n’a même de sens qu’à être rempli par l’expérience. Il ne peut donc se substituer à elle. Il permet seulement de dépasser ce qu’elle a d’absolument singulier et d’incommunicable. Et pour cela, il doit trouver un dénominateur commun, un étalon de mesure qui, s’appliquant à cette expérience et à toutes les expériences, se trouve en quelque sorte à la banaliser. Du coup, l’expérience n’est plus à elle-même sa propre mesure ; et elle n’est pas non plus la mesure des autres. Elle est mesurée par une règle abstraite, par un étalon qui est de partout et de nulle part et qui n’appartient à personne en particulier.
En l’occurrence, en mettant en place un cadre conceptuel commun à travers des notions empruntées à l’anthropologie et à l’histoire des religions, l’enseignement de la culture religieuse fait en sorte qu’une tradition particulière ne peut plus s’ériger en mesure des autres ; non plus que revendiquer, comme lui appartenant en propre, un territoire où seule s’appliquerait sa juridiction.
Que les traditions religieuses en soient relativisées, cela va de soi, comme elles l’ont été chaque fois que les conditions sociohistoriques, démographiques et environnementales sont venues interroger ou contester la représentation qu’elles se faisaient du monde. Mais la relativisation n’est pas invalidation ; elle introduit simplement des médiations dans le rapport à la vérité qui permettent de l’approfondir et de le complexifier.
Une tradition religieuse doit se rendre tôt ou tard aux exigences des formes de rationalité de son temps sous peine de perdre toute crédibilité aux yeux de ses contemporains. Il n’y a pas en effet de traditions religieuses qui n’aient survécu aux aléas de l’histoire sans mettre en place ces médiations rationnelles leur permettant d’intégrer dans leur dispositif explicatif du monde les anomalies qui surviennent inévitablement du seul fait de l’existence (Weber, 1996). Ces problèmes posés par les événements auront été pour elles autant d’occasions de créativité spirituelle, autant de points tournants leur ayant permis d’insuffler une nouvelle force explicative à leur vision du monde.
À long terme, il en va de la survie d’une société. Ainsi, à une certaine époque, que la Terre ne soit pas au centre du monde a pu être perçu par l’orthodoxie chrétienne comme une abomination et le christianisme a dû s’adapter. Le contraire aurait signifié sa marginalisation et l’érosion de son capital de crédibilité aux yeux du commun. Une tradition religieuse ne se coupe pas indûment des médiations techniques de son époque, des autres formes de savoir et de représenta...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Table des matières
  3. Copyright
  4. Préface
  5. Aux lecteurs et lectrices d’ici et d’ailleurs
  6. Nos remerciements
  7. 1 - Éduquer chacun à son humanité
  8. 2 - Un cadre de pensée pour l’éducation éthique et la culture religieuse
  9. 3 - Une démarche de reconnaissance réciproque
  10. 4 - L’école, lieu de l’éthique
  11. Annexe
  12. Références