Au-delà du système pénal
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Au-delà du système pénal

L'intégration sociale et professionnelle des groupes judiciarisés et marginalisés

  1. 294 pages
  2. French
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Au-delà du système pénal

L'intégration sociale et professionnelle des groupes judiciarisés et marginalisés

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À propos de ce livre

En examinant l'impact des politiques sociales et l'évolution du marché du travail, les auteurs évaluent les pratiques professionnelles d'intervention ainsi que les enjeux suscités par les notions d'intégration et d'insertion des chômeurs, des assistés sociaux, des jeunes de la rue, des toxicomanes et des ex-détenus.

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Informations

Année
2011
ISBN
9782760528772
PARTIE 1
INTÉGRATION SOCIALE, SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES ET TRANSFORMATIONS SOCIOPOLITIQUES ET PÉNALES
CHAPITRE 1
INTÉGRATION ET NOUVEAUX PROCESSUS D’INDIVIDUALISATION1
ROBERT CASTEL
Centre d’études des mouvements sociaux
École des hautes études en sciences sociales

RÉSUMÉ

Cet article aborde le contexte dans lequel s’insèrent, aujourd’hui, les activités d’intégration et de réintégration des personnes incarcérées et marginalisées. Les changements qui ont affecté nos sociétés depuis les années 1970 ont eu un impact important sur les formes de l’intégration, et par conséquent sur les possibilités de réintégration. Les techniques d’intervention qui visent l’intégration doivent évoluer et tenir compte des personnes se retrouvant aux marges du social non pas à cause d’un déficit personnel, mais plutôt en raison de la conjoncture sociale. L’auteur examine donc les défis posés par les processus d’individualisation et les questions soulevées par le nouveau contexte social dans lequel ces processus s’inscrivent.
Précisons d’entrée de jeu que je ne suis pas du tout spécialiste des problèmes que posent le système pénal, la criminologie, l’incarcération. Je ne peux donc pas faire semblant de connaître ce que je ne connais pas.
Je vais être ainsi obligé de m’en tenir à un plan de réflexion assez général, disons sociologique, sur l’intégration. Si je risque d’être un peu décalé, j’espère néanmoins ne pas être hors-sujet. Je pense en effet que la plupart d’entre nous partagent la conviction qu’il est essentiel d’inscrire fermement la question de l’intégration dans la problématique de la prison. Ce qui ne va pas de soi pour tout le monde. Il y a même souvent une conjonction entre une certaine critique de gauche de la prison, de type foucaldien, qui la condamne totalement en l’assimilant à sa fonction répressive, et une instrumentalisation de droite de la prison pour laquelle c’est la sanction seule qui compte: il faut avant tout punir le délinquant, le mettre hors d’état de nuire et la référence à la réinsertion des détenus ne serait que l’alibi des belles âmes, totalement irréaliste et d’ailleurs le plus souvent démentie par les faits.
Le débat est ancien. Il n’en est pas moins plus que jamais d’actualité. En France, actuellement, ce qu’on appelle les politiques de « tolérance zéro » à l’égard des délinquants montrent bien que cette orientation répressive est plus vivace et aussi plus populaire que jamais. C’est l’idée qu’il faudrait sanctionner les délinquants sans trop se demander pourquoi ils le sont, ni ce qu’ils deviendront ensuite. Il me semble qu’on peut combattre ces positions en ne se contentant pas d’adopter une posture humaniste, mais qu’il y a aussi des raisons objectives de penser que la question de la réintégration des personnes incarcérées est directement amenée par l’analyse des populations judiciarisées. Pourquoi?
Je crois que, sociologiquement parlant, c’est une erreur d’autonomiser l’incarcération. La prison est sans aucun doute une situation limite, mais elle ne se situe pas dans le hors-social. D’ailleurs, personne n’est dans le hors-social et la position carcérale est une position extrême, mais qui s’inscrit dans un continuum de positions; elle est traversée par des dynamiques transversales qui vont de l’intégration à l’exclusion ou à la désaffiliation et réciproquement. Il me semble que la sociologie ne consiste pas à partir des formes de ce qu’on appelle l’exclusion comme s’il s’agissait d’états, mais plutôt comme s’il s’agissait de résultats qui renvoient à des situations en amont, par exemple un rapport difficile à la scolarité, au travail, à la famille, etc. Et un même individu peut être amené à occuper des positions différentes sur une trajectoire qui aboutira à l’incarcération.
Mais cela donne aussi la possibilité de penser les conditions d’un parcours inverse. Si l’incarcération a un amont, elle peut avoir un aval, une vie après la prison qui ne se contenterait pas de répéter l’incarcération. Parler en termes de trajectoire, c’est refuser de voir un destin qui fixe définitivement le délinquant sur son délit, et pour cela je crois qu’il est nécessaire de garder une référence ferme à la réintégration. Il me semble donc que penser et essayer de promouvoir l’intégration des personnes incarcérées, ce n’est pas seulement faire preuve de mansuétude à leur égard, adopter une position humaniste opposée à l’attitude répressive de ceux qui mettent uniquement l’accent sur la sanction. C’est aussi, finalement, le moyen de ne pas « substantialiser » le délinquant, mais d’essayer de « sociologiser » sa condition en prenant au sérieux le fait que le délinquant est un sujet social, c’est-à-dire que cette condition relève d’une analyse objective, et pas seulement de jugements moraux.
L’intégration des personnes incarcérées est une entreprise très difficile, mais ce n’est pas une attitude déraisonnable, de l’ordre d’une utopie un peu naïve ou bien d’un alibi qu’on se donnerait pour ne pas regarder en face les turpitudes de la prison. Il me semble qu’elle correspond aussi à une option rationnelle que l’on peut prendre sur ces problèmes de la délinquance, de la marginalité, de l’exclusion. Je souhaitais rappeler cela en préalable, dans une conjoncture où nous aurons sans doute de plus en plus à faire face à des offensives contre l’ouverture de la prison et plus généralement contre les politiques sociales plus libérales à l’égard de la délinquance et de la marginalité. Je crois que c’est un combat qui a une dimension morale et politique, mais qui peut aussi être mené sur le plan de la connaissance et de la pratique professionnelle en s’appuyant sur l’analyse des processus sociaux qui conduisent à la marginalité et à la délinquance.
C’est un point sur lequel je pense que la plupart d’entre nous s’entendent, mais on pourrait en discuter. Cela dit, il reste le plus difficile, qui serait de caractériser en quoi consiste exactement l’intégration des personnes incarcérées et marginalisées et quels sont les moyens de la promouvoir. C’est ici que je suis un peu gêné, parce que – je le répète – je suis ignorant des pratiques concrètes que l’on peut déployer en direction de ces personnes. Ce que je peux essayer de faire, c’est de préciser un peu le contexte dans lequel, à mon avis, ces questions se posent aujourd’hui.
En effet, je crois que le contenu que l’on peut donner à la notion d’intégration n’est pas donné une fois pour toutes. C’est une sorte de construction historique, parce que l’intégration exprime un certain équilibre entre les groupes sociaux. Idéalement, ce serait une forme de cohésion sociale dans laquelle tous les individus qui composent une société trouveraient une place reconnue. Mais il me semble qu’aujourd’hui, en raison de nouveaux processus d’individualisation qui traversent nos sociétés, cette cohésion sociale se trouve profondément ébranlée, de sorte qu’il y aurait maintenant de nouveaux défis à relever pour cette entreprise, qui a toujours été difficile, celle de remettre au régime commun, de réintégrer des individus qui ont été retranchés de la vie sociale comme le sont les personnes incarcérées.
C’est en tout cas l’hypothèse que je vais argumenter un peu pour la soumettre à la discussion. Définir l’intégration, c’est un problème difficile qui se trahit d’abord par un certain flou du vocabulaire: « intégration », « réintégration », « insertion », « réinsertion », « insertion sociale », « insertion professionnelle »… Mais le temps manquant pour les subtilités, je m’en tiendrai à une conception tout à fait commune de l’intégration, ou plutôt de la réintégration, puisque la personne incarcérée a d’abord été retranchée du régime commun des échanges sociaux. Alors je dirai, ce qui d’ailleurs n’a rien de très original, qu’on peut entendre par réintégration un ensemble de procédures qui visent à annuler cette sorte de déficit dont souffre un individu stigmatisé pour qu’il puisse se réinscrire dans la vie sociale à parité avec ceux qui n’ont pas souffert de ce déficit.
Mais j’ajouterai que cette caractérisation de la réintégration doit être remise en situation aujourd’hui, parce que depuis une vingtaine d’années il s’est produit, il me semble, un changement assez considérable qui affecte aussi l’idée que l’on peut se faire de la réintégration. Je dis depuis une vingtaine d’années, depuis ce qu’on appelle « la crise » qui a affecté nos sociétés dans les années 1970-1980 et qui est d’ailleurs sans doute bien plus qu’une crise passagère. Avant cette « crise », il pouvait sembler relativement facile de définir l’intégration: avoir un travail, une famille, participer à des institutions dotées d’un statut permanent, dans un monde social qui paraissait relativement stable. De sorte que les programmes de réintégration pouvaient se penser comme une sorte de pédagogie de retour à la stabilité, apprendre ou réapprendre les disciplines, être capable de s’inscrire dans des collectifs. Et, à l’arrière-plan, il y a une conception de l’intégration que l’on pourrait qualifier de durkheimienne, c’est-à-dire l’idée qu’une société est intégrée si elle est constituée de groupes stables qui entretiennent entre eux des relations d’interdépendance; et le mal social, c’est ce que Durkheim appelait l’anomie, c’est-à-dire l’existence d’individus détachés de leurs groupes d’appartenance.
Or, il me semble que depuis, disons, une vingtaine d’années au moins, le développement de dynamiques d’individualisation tend à remettre en cause cette conception de l’intégration, ou en tout cas rend plus problématique la possibilité de la promouvoir. C’est ce qu’on exprime en disant que nous sommes de plus en plus dans une « société d’individus », et c’est d’ailleurs ce que célèbre le discours néolibéral en mettant l’accent sur le sens des responsabilités, les capacités d’entreprendre des individus qui seraient enfin libérés des contraintes et des carcans des réglementations bureaucratiques et étatiques. Tout n’est pas faux dans ce discours, parce qu’il est vrai que de puissants processus d’individualisation parcourent à peu près tous les secteurs de la vie sociale. C’est le cas de l’organisation du travail avec l’individualisation des tâches et des carrières professionnelles, mais on observe la même tendance à l’individualisation dans la famille et dans les principales institutions que sont l’école, les partis, les syndicats.
Je pourrais gloser longuement là-dessus, parce que c’est l’un des leitmotivs de la réflexion sociologique contemporaine et ce n’est donc pas complètement un propos insensé. Mais on oublie souvent de souligner l’ambiguïté profonde de ces processus d’individualisation, à savoir qu’à la limite ils clivent deux profils opposés d’individus. Il y a les gagnants de cette sorte d’aggiornamento individualiste, qui tirent très bien leur épingle du jeu et qui peuvent effectivement se sentir libérés des régulations collectives qui pouvaient être très pesantes. Mais il y a aussi les perdants, ceux qui perdent pied et qui décrochent parce que leur capacité d’exister positivement dépendait de leur attachement à des supports collectifs. C’est un point, je pense, qui est très important. Je n’ai pas le temps de le développer longuement, mais on pourrait montrer que pour un grand nombre d’individus, et en particulier pour les individus de condition sociale modeste, la capacité d’avoir une certaine indépendance sociale dépendait de leur appartenance à des collectifs, collectif de travail, conventions collectives, protections collectives du droit du travail et de la protection sociale. Faute de quoi, si l’on perd sa participation à ces collectifs, on risque de devenir ce que l’on pourrait appeler des « individus par défaut », pour ne pas dire négativement des individus, parce que ces individus manquent de ressources, de soutiens nécessaires pour jouir de ce minimum d’autonomie.
En m’excusant de devoir être très schématique, je voudrais maintenant prendre le risque de me demander si cette mise en situation ne pourrait pas éclairer, et aussi complexifier, la question de la réintégration des personnes marginalisées et incarcérées. Et compte tenu de mon ignorance, que j’ai déjà avouée, du secteur pénal, j’appuierai mon argumentation sur ce qu’on appelle en France le travail social, c’est-à-dire des interventions spécialisées en direction de différentes catégories de la population, telles que les cas sociaux, les handicaps de diverses sortes, les situations de grande pauvreté et de dissociation familiale, etc. Ce n’est pas à proprement parler le secteur de la délinquance et de la prison, mais nous pourrions nous demander ensemble si l’hypothèse que je fais peut aussi s’appliquer au secteur de l’incarcération.
Donc, tout d’abord, il me semble que ce que l’on pourrait appeler le travail social classique, tel qu’il s’est développé en Europe surtout après la Seconde Guerre mondiale, peut être interprété comme une réponse à cette question de la réintégration dans une perspective elle-même classique, durkheimienne comme je l’ai dit plus tôt. Il y a des individus qui, d’ailleurs pour des raisons diverses, souffrent d’une certaine incapacité, d’une certaine difficulté à s’adapter au régime commun, et le travail social va être la mobilisation d’une compétence technique pour essayer de remettre ces personnes à niveau. Cela dans le cadre de ce que Erving Goffman appelle la relation de services, qui met en relation un professionnel compétent, ou qui est censé l’être, et un usager ou un client. Goffman d’ailleurs parle aussi de « schéma de réparation », ce qu’il ne faut pas prendre au sens péjoratif, parce que la réparation consiste à remettre en état, à aider une personne à faire ce qu’elle ne peut pas faire elle-même. Et un usager ou un client du travail social peut être considéré comme quelqu’un qui éprouve des problèmes d’intégration qu’il ne peut pas résoudre lui-même. Il a besoin d’être aidé et l’intervenant social mobilise une compétence professionnelle pour remédier à ce manque. On pourrait dire que le d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. TITRE
  3. COPYRIGHT
  4. DÉDICACE
  5. AVANT-PROPOS- INTÉGRATION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES PERSONNES JUDICIARISÉES
  6. REMERCIEMENTS
  7. TABLE DES MATIÈRES
  8. INTRODUCTION
  9. PARTIE 1 INTÉGRATION SOCIALE, SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES ET TRANSFORMATIONS SOCIOPOLITIQUES ET PÉNALES
  10. PARTIE 2 TRAJECTOIRES ET EXPÉRIENCES DE VIE DES GROUPES MARGINALISÉS ET JUDICIARISÉS
  11. PARTIE 3 IMPACT DES POLITIQUES SOCIALES ET PÉNALES SUR LES PROCESSUS D’INTÉGRATION
  12. NOTICES BIOGRAPHIQUES
  13. DANS LA MÊME COLLECTION