Choisir pour deux

L'alimentation de la femme enceinte

Renée Cyr

• Éditeur: Éditions du CHU Sainte-Justine
• Année: 2012
• ISBN:
  9782896194896
• Sujet: Medicina
• Sous-sujet: Ginecologia e ostetricia

La grossesse est une période de bouleversements qui soulève de nombreuses questions notammentsur l'alimentation. Est-il vraiqu'on doit « manger pour deux »? Comment traiter les nausées? De quelle façon composer des menus simples et variés? Qu'en est-il de l'acide folique du fer des produits naturels ou des suppléments vitaminiques?Sous les traits d'une journaliste Renée Cyrmène ici l'enquête et nous fait partager sesrencontres avec un médecin une nutritionniste un chef cuisinier et une sage-femme. À la fois dynamique et très concret ce guide plein d'astuces allie l'aspect pratique à la rigueurscientifique et fait le point sur les précautions à prendre les habitudes et les croyances alimentaires concernantla grossesse.

Chapitre 1

La belle aventure

Mathilde m’avait indiqué l’adresse et la façon de me rendre jusqu’à la salle de réunion. Une femme y est déjà installée, en train de feuilleter un dossier. Elle se lève dès qu’elle m’aperçoit.

— Rachèle, dit-elle en me tendant la main.

Le sourire est plein de chaleur.

— Mathilde m’a chargée des préliminaires, commence-t-elle en souriant. Elle m’a demandé de te parler du début de la grossesse, des malaises qui l’accompagnent parfois, de l’acide folique. C’est bien ce qu’elle t’a dit ?

— Exactement.

— Commençons par le début, alors. Il y a plusieurs années que je côtoie des femmes enceintes et la grossesse m’émerveille toujours autant. C’est une aventure tellement prodigieuse ! On parle de deux cellules qui parviennent à s’unir contre vents et marées et qui, au terme d’une série de transformations, toutes plus étonnantes les unes que les autres, conduisent à la naissance d’un bébé ayant des yeux pour voir, des poumons pour respirer, un cerveau pour penser. C’est fascinant quand on y pense !

— Tout à fait !

— Sans compter le corps de la femme qui, spontanément, s’adapte à tout cela. Dès que l’embryon s’implante dans l’utérus, le corps de la mère change, comme régi par des lois nouvelles. C’est une fonction normale, je l’admets, mais chaque fois, c’est renversant.

— De quelle sorte de changements s’agit-il ?

— Oh ! Il y en a tant ! C’est une véritable révolution intérieure. La production d’hormones change, la quantité de sang augmente, le cœur est accéléré… En fait, tout se met en place pour fournir au nouvel occupant des conditions idéales pour se développer. Tout est modulé pour transporter vers lui les éléments nutritifs dont il a besoin, le protéger, éliminer les déchets qu’il produit.

— Les femmes enceintes que j’ai rencontrées constatent comment tout s’opère de façon naturelle et spontanée. En même temps, elles ont parfois l’impression de perdre le contrôle. Comme si quelqu’un d’autre était au poste de commande.

— C’est bien vrai cette sensation d’être gouvernée par des forces inconnues. La situation est transitoire, d’habitude, le temps qu’un nouvel équilibre s’installe.

Des malaises, parfois

— J’aimerais que tu me parles des nausées. Les gens ont beau nous dire « dans un mois, tu n’y penseras même plus », on a toujours l’impression que ça va durer jusqu’à l’accouchement.

— Elles dérangent toujours, les nausées, mais elles persistent rarement. Dans la majorité des cas, on remarque qu’elles s’atténuent avec le temps. Et après la 20^e semaine, on n’en voit presque plus.

— Mais pourquoi se produisent-elles ?

— Tu sais, on parlait tantôt des nombreux changements qui s’opèrent dans le corps de la femme enceinte. Ils viennent parfois avec des malaises. La plupart disparaissent au fur et à mesure que le bébé s’installe et que le corps de la mère s’habitue. C’est le cas des fameux symptômes du début de la grossesse : la fatigue, l’envie fréquente d’uriner et le plus courant de tous, les nausées.

— C’est quand même possible de diminuer les symptômes ?

— Absolument. C’est possible et c’est même important si l’on veut prévenir la progression du problème. Il faut s’en occuper.

— Par où commence-t-on, alors ?

— Par les habitudes de vie. Voici, par exemple, la liste de suggestions que nous avons préparée pour notre clientèle.

Rachèle me tend une feuille. Elle lit les consignes et les commente au fur et à mesure.

— La plupart du temps, ces suggestions sont suffisantes, conclut-elle. La femme enceinte réussit à s’alimenter et à fonctionner durant la journée.

— Que penses-tu des plantes ou des produits naturels pour soulager les nausées ?

— Hum… encore faut-il faire la preuve que la substance est sans danger pour le fœtus. Ce qui est loin d’être évident. D’abord parce que les chercheurs sont réticents à l’idée de faire des essais auprès d’une femme qui porte un enfant. Ensuite parce qu’aucune femme enceinte ne voudrait servir de cobaye. Il reste donc les substances qui ont passé l’épreuve du temps, celles qui sont utilisées depuis tellement longtemps qu’on a fini par bien connaître leurs effets.

— Quelles substances ?

— Le gingembre en est une. Même si son mode d’action n’est pas tout à fait clair, on sait que le gingembre peut être efficace pour soulager les nausées de la grossesse. On suggère donc aux femmes enceintes de l’essayer en utilisant, par exemple, du gingembre frais ou en poudre dans les salades et dans les mets cuisinés, ou encore en en faisant une tisane.

— J’ai aussi entendu parler de la vitamine B6. Qu’est-ce qu’on en sait ?

— Que c’est un traitement efficace contre les nausées de la grossesse. On conseille d’en prendre 30 à 75 milligrammes par jour, parfois répartis en plusieurs doses. Aucun effet indésirable n’a été rapporté à ces quantités. La vitamine B6 est même l’un des composés du médicament le plus utilisé pour le traitement des nausées, le Diclectin^MD.

Rachèle change soudain d’air et de ton.

— Dis donc, tu me sembles avoir lu et entendu pas mal de choses sur le traitement des nausées. Internet ?

— Oui, j’ai navigué pas mal sur Internet. Et j’y ai trouvé des informations en quantité impressionnante, des plus sérieuses aux plus loufoques, des gratuites et des payantes. C’est même difficile de savoir qui dit vrai. Les promesses sont tellement belles, parfois.

Rachèle ouvre les mains et les tourne vers le plafond, les yeux dans la même direction.

— J’abonde dans le même sens ! Je dis toujours à mes clientes : « Tu consultes les sites que tu veux, mais au chapitre de la santé, tu ne fais confiance qu’à ceux qui ont la responsabilité de t’informer. À ceux qui ont le devoir de vérifier les données, de faire la preuve qu’elles sont fiables avant de les publier… Sinon, c’est trop facile. N’importe qui peut écrire n’importe quoi. »

— Comment sait-on qu’il s’agit d’un site fiable ?

— Tu peux certainement te fier aux ministères, aux universités, aux institutions gouvernementales, aux ordres professionnels comme l’Association des médecins omnipraticiens, celle des sages-femmes, des diététistes, des infirmières… L’information qui paraît sur leur site Internet est appuyée sur des données qui ont fait leurs preuves, elle est mise à jour de façon régulière, et c’est rare qu’on y trouve quelque chose à vendre.

— C’est juste !

— Devant toutes ces pistes qui sont offertes, il faut dire aux femmes que durant la grossesse, la prise de médicaments, de suppléments ou de produits naturels devrait toujours se faire sous la surveillance d’un professionnel de la santé. Il faut à tout prix éviter l’automédication : le risque n’en vaut pas la peine.

— Parlant de médicaments, t’arrive-t-il d’en prescrire pour traiter les nausées ?

— J’en propose parfois. Quand les autres mesures sont sans effet, ou que les nausées perturbent le travail ou la vie quotidienne.

Une musique se fait entendre, très discrète, comme étouffée par plusieurs épaisseurs de papier ou de tissus. Rachèle part à la recherche de son sac et en sort un téléphone cellulaire.

— Allô, c’est Rachèle.

— …

— Oui, oui, Mathilde, viens nous rejoindre. Nous sommes dans la salle de réunion.

En reposant l’appareil dans son sac, Rachèle annonce que Mathilde sera là dans quelques minutes.

— Vous vous connaissez, je crois ?

— Oui, j’ai déjà eu le plaisir de la rencontrer.

Mathilde arrive sans se faire attendre avec des documents plein les bras.

— Je suis contente de te revoir, dit-elle avec un grand sourire ravi.

— Nous en étions aux nausées et aux façons de les soulager, précise Rachèle en s’adressant à Mathilde. Nous avons fait le tour de la question, je crois.

Et elle résume pour Mathilde ce qui a été dit jusqu’à maintenant.

— Est-ce qu’il te restait des questions ? me demande-t-elle.

— Il m’en restait deux : Quel danger représentent les nausées pour le bébé ? Et quel effet ont les nausées sur l’état nutritionnel de la mère ?

— Je prends la première et je laisse la seconde à Mathilde, ça vous va ?

Hochements de tête.

— Il est très rare que les nausées représentent un danger. Cela arrive seulement quand les femmes souffrent de vomissements sévères et qu’elles ne gardent aucune nourriture. La plupart du temps, les nausées affectent davantage le rendement au travail, les activités quotidiennes ou les rapports familiaux que la santé de la mère ou du bébé. Ceci étant dit, ce n’est pas une raison pour les prendre à la légère. Il faut à tout prix s’en occuper, les traiter et éviter la progression des symptômes.

— Je pourrais faire une réponse semblable, observe Mathilde. L’état nutritionnel de la mère est rarement menacé, sauf dans les cas les plus graves, comme ceux que tu as mentionnés : des vomissements persistants qui finissent par entraîner une perte de poids. Ce n’est quand même pas courant. Quelle fréquence ?

— Pas plus d’une grossesse sur cent, répond Rachèle. Ce qui est rassurant, quand on y pense.

Chapitre 2

L’acide folique

— J’aimerais que vous m’expliquiez ce qu’est l’acide folique. J’ai du mal à saisir tous les liens.

— Dis-moi d’abord ce que tu en sais, suggère Mathilde.

— J’ai vu qu’il y avait plusieurs termes pour désigner l’acide folique : les folates, la folacine, l’acide folique. Je comprends qu’il s’agit du même élément nutritif, mais sous des formes différentes.

— Exact. Tout va bien jusqu’ici.

— J’ai lu que les femmes devraient prendre un supplément d’acide folique pendant leur grossesse afin de prévenir les malformations chez le nouveau-né, particulièrement le spina-bifida.

Rachèle lève un doigt.

— Je précise ici que le supplément d’acide folique est recommandé non seulement pendant la grossesse, mais aussi avant d’être enceinte.

— C’est vrai. Pour quelle raison déjà ?

— Parce que la malformation dont tu parles, le spina-bifida, survient très tôt au début de la grossesse. Parfois même avant que la femme sache qu’elle est enceinte ! Je vais te montrer. Rachèle se lève pour prendre un grand livre sur les rayons de la bibliothèque. Elle tourne les pages jusqu’à trouver la photo qu’elle cherche. Elle montre un embryon de quelques semaines.

— Au cours des premières semaines suivant la fécondation, une bande de cellules se développe tout le long de la surface dorsale de l’embryon, formant d’abord une rainure, puis un tube creux, le tube neural. Celu...

Table des matières

• Remerciements
• Avant-propos
• Introduction
• Les personnages
• Chapitre 1
• Chapitre 2
• Chapitre 3
• Chapitre 4
• Chapitre 5
• Chapitre 6
• Chapitre 7
• Chapitre 8
• Chapitre 9
• Le mot de la fin
• Références bibliographiques
• Ressources
• Annexe
• Ouvrages parus dans la même collection