Au coeur de l'intelligence

Colette Portelance

• Éditeur: Éditions du CRAM
• Année: 2021
• ISBN:
  9782897212841
• Sujet: Psychologie
• Sous-sujet: Histoire et théorie en psychologie

Ce qui caractérise une personne intelligente, ce n'est ni son savoir, ni ses diplômes, ni sa renommée, ni sa hiérarchie, ni ses biens matériels, mais sa capacité d'adaptation au changement, ses qualités relationnelles et son ouverture à apprendre.Nous savons tous qu'il existe des savants, des artistes et des entrepreneurs connus qui ont très bien réussi leur vie affective et leur vie professionnelle alors qu'ils n'avaient pas d'intérêt pour l'école ou qu'ils n'y excellaient pas.Le développement de l'intelligence humaine repose sur notre motivation à apprendre, et cette motivation est stimulée si nous respectons notre type d'intelligence.Nous sommes tous doués d'un potentiel d'intelligence illimité, mais nous n'arrivons à l'exploiter pleinement que si nous entrons par la porte de ce qui nous passionne dans la vie. Quelle est cette porte? Êtes-vous esthète, pragmatique ou rationnel?

«J’ai grandi avec la conviction que je n’étais pas intelligent, affirme Jules. À l’école, j’étais nul. J’enviais ma sœur ainée qui était toujours première de classe et qui n’étudiait à peu près jamais alors que moi je mettais des heures à essayer de comprendre ce qu’elle saisissait en cinq minutes. Je détestais l’école. Chaque matin, j’appréhendais le fait d’être contraint à passer la journée assis sur une chaise à m’ennuyer et à subir avec lassitude la monotonie routinière des cours de français, d’Histoire, de sciences et de mathématiques. La simple pensée d’avoir à m’efforcer de comprendre des règles de grammaire et de résoudre des problèmes d’algèbre me démoralisait. Combien d’heures ai-je dépensées pour parvenir à apprendre mes tables de multiplication, à saisir l’accord des participes passés, à décortiquer une phrase complexe, à retenir le temps des verbes, à mémoriser l’orthographe des mots? Sans compter le fait que, le soir, le cauchemar se poursuivait avec les devoirs à domicile.

Quels étaient les résultats de ce bourrage de crâne? Obtenir à peine la note de passage, quand je l’atteignais, ne suffisait pas à me stimuler à apprendre, d’autant moins que l’école nourrissait en moi des sentiments amers d’infériorité, d’inaptitude et de médiocrité qui me rendaient profondément triste et malheureux. J’entretenais une image dévalorisante de ce que j’étais, et cette représentation avilissante s’ancrait au plus profond de mon être pour y imprimer les stigmates du manque de confiance en moi et du manque d’amour de moi. Ces stigmates ont laissé leur empreinte, et je les traîne encore aujourd’hui malgré le fait que je me sois rendu de peine et de misère jusqu’à l’université grâce à mon intérêt pour l’environnement et à l’encouragement de mes parents. Séjourne toujours au cœur de moi la croyance indélébile que je ne suis pas très intelligent et que, quels que soient mes efforts et mes réussites, je n’arriverai jamais à me convaincre que j’ai de la valeur.

Heureusement, j’avais d’autres champs d’intérêt que l’école. J’adorais accompagner mon père à la pêche et dans la forêt. Lorsqu’il m’enseignait le nom des poissons, des oiseaux, des fleurs et des arbres, qu’il m’apprenait à distinguer les champignons toxiques des champignons comestibles, qu’il m’expliquait le travail des abeilles et leur rôle dans la survie de notre espèce et qu’il me parlait de l’impact des changements climatiques sur notre planète, ma soif de savoir n’avait pas de limites. Quand il me révélait les mystères de la nature, je me sentais comme un roi sur son trône, maître de son royaume.

Dès que je mettais les pieds à l’école, j’étais dépossédé de ce pouvoir et je tentais d’émerger des sentiments d’infériorité, d’inanité et de honte qui me harcelaient. Je savais que, dans la classe à côté de la mienne, ma sœur jouissait de la valorisation prodiguée aux élèves intelligents et je l’enviais d’avoir été dotée d’un niveau d’intelligence duquel je serais toujours privé. J’enviais cette facilité de compréhension des concepts abstraits qui rendait sa vie beaucoup moins ardue que celle qui m’était réservée. Je cultivais la conviction que la vie n’est pas juste parce qu’elle favorise la réussite de certains privilégiés en leur accordant des capacités intellectuelles qu’elle refuse à d’autres. Je me demandais souvent ce que pouvait réserver l’avenir à ceux qui, comme moi, n’aimaient pas l’école parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne sont pas intelligents.»

L’expérience de dévalorisation et d’infériorisation vécue par Jules à l’école n’est pas exceptionnelle. En tant que pédagogue auprès des adolescents, j’ai pu entendre le découragement et l’impuissance de ces élèves complètement démotivés parce qu’ils n’arrivaient pas à se concentrer sur des concepts qui étaient étrangers à leurs champs d’intérêt. J’étais vivement interpelée par leur doute concernant leur intelligence et profondément remuée par la vision négative que plusieurs d’entre eux entretenaient d’eux-mêmes à cause de leurs piètres résultats aux examens. Ma sensibilité à leur impuissance et à leur détresse fut le déclencheur de mon désir de les comprendre et surtout de trouver des moyens efficaces pour les aider. Je leur dois l’impulsion qui m’a poussée, dans les années 1970, à remettre en question mon enseignement, à corriger progressivement mes erreurs et à développer mon intérêt pour tout ce qui touche le domaine de l’intelligence. Des questions comme celles-ci ont été à la base d’une recherche où se sont constamment interreliés l’expérience sur le terrain et le besoin de compréhension des mécanismes qui régissent le monde de l’intelligence humaine:

–Qu’est-ce que l’intelligence?

–Qu’est-ce qui caractérise une personne intelligente?

–L’intelligence est-elle innée ou acquise?

Le mot intelligence est un concept abstrait difficile à définir. C’est pourquoi il compte autant de définitions que de chercheurs qui s’y sont intéressés, qu’ils soient pédagogues, psychologues, biologistes, généticiens, docteurs en neurosciences, épistémologues ou autres. Il appert en plus que la perception de l’intelligence diffère selon les époques et les cultures. Nous pouvons donc facilement comprendre la raison pour laquelle ce mot a toujours été davantage cerné par ses manifestations que dans son essence même, l’essence des êtres et des choses s’avérant péniblement définissable. Les termes souvent employés pour lui attribuer un caractère propre en témoignent. Selon les auteurs concernés, l’intelligence serait une faculté, une fonction, une capacité, une aptitude ou encore une disposition. Toutes ces appellations demeurent spéculatives sans attributs pour les préciser et sans leurs multiples applications dans la réalité. Prenons pour exemple les définitions suivantes:

–Jean Piaget (1896-1980), ce biologiste suisse qui s’est baptisé lui-même «le psychologue de l’intelligence», la considère comme une fonction qui permet à l’être humain de s’adapter à son entourage et à son environnement.

–Le psychologue étatsunien d’origine roumaine David Wechsler (1896-1981), connu pour sa création de tests d’intelligence qui portent son nom², la définit comme l’aptitude à agir dans un but déterminé, à penser rationnellement et à avoir des rapports efficaces avec l’environnement.

–De son côté, le psychologue français contemporain Gilles Lafargue affirme qu’il s’agit d’une faculté qui permet à l’homme de comprendre, de s’adapter à des situations nouvelles et de découvrir des solutions aux difficultés qu’il rencontre.

–Pour sa part, le psychologue étatsunien Howard Gardner (1943-...), auteur de Les intelligences multiples, définit l’intelligence comme une capacité à résoudre des problèmes et à créer dans quelque domaine que ce soit.

–Daniel Goleman (1946-...) décrit l’intelligence émotionnelle comme la capacité à comprendre les émotions, à les maîtriser, à comprendre celles des autres et à les influencer.

Bien sûr, ces définitions sont bien réductrices par rapport à l’œuvre entière de ces chercheurs et elles offrent un échantillonnage bien limité considérant le grand nombre de personnes qui, au cours des derniers siècles, ont manifesté leur intérêt pour ce sujet. Cependant, elles indiquent que le choix des termes pour désigner l’intelligence peut différer d’un spécialiste à l’autre et surtout que cette faculté se définit principalement par ses manifestations.

Nous pouvons alors nous demander comment se manifeste l’intelligence et ce que permet d’actualiser cette faculté. L’apport des auteurs précédemment cités et de plusieurs autres mentionnés dans ce livre m’amène à affirmer que l’intelligence est une faculté dont les manifestations se multiplient à l’infini au point qu’il est chimérique de croire qu’une seule personne puisse les actualiser toutes. Faire une liste exhaustive de ces manifestations est absolument impossible et vouloir les intégrer toutes est absolument illusoire. À la lecture de ces manifestations, ne vous disqualifiez pas. Accueillez plutôt vos forces et vos limites, admettez que vous avez besoin des autres et constatez l’ampleur des potentialités de l’intelligence humaine et de la vôtre.

Voyons donc ce que permet d’actualiser cette faculté à potentiel indéniablement illimité:

–d’apprendre dans quelque domaine que ce soit: sciences de la nature, sciences pures ou appliquées, sciences de la santé, sciences humaines, arts, pédagogie, psychologie, architecture, mathématiques, neurosciences, électricité, couture, art culinaire, mode, etc.;

–de résoudre des problèmes et de trouver des solutions à des difficultés d’ordre pratique, artistique, théorique et psychologique;

–de s’adapter à tous les entourages et à tous les environnements dans lesquels l’humain vit, voyage ou passe;

–de s’ouvrir à toute forme de changement; au travail, à la maison, dans la société;

–d’arrêter des choix et de prendre des décisions dans le respect de son ressenti, de ses besoins et de ses valeurs;

–de se connaître dans toutes ses dimensions: affective, corporelle, intellectuelle, spirituelle, relationnelle;

–d’être à l’écoute de ses ressentis, de ses intuitions et de son corps;

–de se remettre en question et de réaliser les changements favorables à son épanouissement;

–de travailler à se changer et à s’améliorer plutôt qu’à changer les autres quand les relations rencontrent des difficultés;

–d’intégrer la responsabilité dans sa vie personnelle, relationnelle et professionnelle;

–de comprendre toute forme d’abstraction: conceptuelle, mathématique, théorique, métaphysique, philosophique;

–de concevoir des théories, des plans, des systèmes, des logiciels, des œuvres d’art;

–de saisir et d’expliquer les liens qui unissent les êtres vivants, les choses, les éléments de la nature, les atomes, les cellules, les neurones, etc.;

–de parler et d’agir avec discernement, justesse et sagesse;

–d’accueillir sa nature humaine perfectible, de se pardonner ses erreurs et de faire de même avec celles des autres;

–de comprendre la différence entre une observation objective précise de la réalité et une interprétation subjective;

–de reconnaître ses limites et ses torts;

–d’actualiser et de matérialiser les conceptions théoriques;

–de composer adéquatement avec sa réalité matérielle et financière et d’agir pour la faire prospérer;

–de manifester ses aptitudes manuelles dans les domaines de la mode, de la couture, de la menuiserie, de la plomberie, de la mécanique, de la construction de maisons, de ponts, de barrages, de routes, de navires, etc.;

–de se représenter fidèlement l’espace et de s’orienter facilement partout dans le monde;

–de ressentir ses émotions, de les accueillir, de les identifier et de les exprimer clairement;

–d’apprivoiser, de percevoir avec sensibilité et de comprendre la subtilité de son monde intime et de celui des autres, c’est-à-dire le vécu, les défensives, les besoins et les ressources;

–d’entretenir des relations harmonieuses avec les autres et de savoir choisir ses relations;

–de savoir quand passer à l’action et quand lâcher prise;

–d’utiliser son potentiel d’ordre intellectuel, pratique et artistique pour se réaliser;

–de contribuer, par l’exploitation de ses talents, à son mieux-être et à celui des autres;

–de respecter la nature et de vivre en harmonie avec elle;

–de se créer et de créer sa vie;

–d’arrêter des choix et de prendre des décisions dans le respect de soi et de son type d’intelligence;

–d’avoir le souci de participer à la création d’un monde meilleur;

–autres.

Ces manifestations nous confirment clairement que les pouvoirs de l’intelligence humaine dépassent largement le monde exclusif de l’abstraction, du rationnel et du cartésien, et que, si une personne ne réussit pas à l’école, ce n’est pas nécessairement dû à un déficit d’intelligence de sa part. Elles attestent aussi que l’intelligence a un potentiel illimité et que nous ne pouvons actualiser avec compétence qu’une partie de ces manifestations. Ce qu’elles nous montrent, enfin, c’est qu’il est fondamental d’accepter, pour vivre en harmonie avec les autres, qu’ils ont, dans certains domaines, des connaissances et une expérience que nous n’avons pas. Le nier, c’est nous perdre dans un eg...

Table des matières

• COUVERTURE
• DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
• PAGE LÉGALE
• TABLE DES MATIÈRES
• INTRODUCTION
• PREMIÈRE PARTIE: LES TYPES D’INTELLIGENCE
• DEUXIÈME PARTIE: L’INTELLIGENCE IRRATIONNELLE
• CONCLUSION
• BIBLIOGRAPHIE
• REMERCIEMENTS
• QUATRIÈME DE COUVERTURE