George Orwell
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George Orwell

De la guerre civile espagnole à 1984

  1. 242 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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George Orwell

De la guerre civile espagnole à 1984

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À propos de ce livre

Beaucoup de gens connaissent 1984 pour avoir lu le roman ou vu le film qui en a été fait. Peu savent que son inspiration première est la participation d'Orwell à la guerre civile espagnole et la terreur stalinienne qu'il y a découverte.

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2013
ISBN
9782895966517

CHAPITRE 1

QUELQUES ÉLÉMENTS D’HISTOIRE

L’ESPAGNE DU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

AYANT perdu au cours du XIXe siècle les dernières positions mondiales[1] qui lui restaient de son passé de conquistador, et restée à l’écart de la révolution industrielle et libérale qui a transformé la plupart des pays d’Europe, l’Espagne du début du XXe siècle est une société semi-coloniale et sous-industrialisée qui a conservé ses vieilles structures traditionnelles autoritaires et hiérarchiques héritées du féodalisme. Soixante-dix pour cent de la population active œuvre dans un secteur agricole doté de moyens techniques rudimentaires où les rendements sont les plus faibles de l’Europe et où 30 % des terres cultivables sont inutilisées. Les terres appartiennent pour l’essentiel à des grands propriétaires fonciers parasitaires, les terratenientes, qui vivent aux dépens d’une paysannerie dépossédée et réduite à une extrême misère, dont 45 % est illettrée. Avec ses 11 000 domaines, l’Église catholique est un des plus importants de ces propriétaires fonciers. Également propriétaire d’immeubles, de banques, d’usines, de mines et d’intérêts dans des entreprises de transport, des grands magasins, des théâtres et des cinémas, ses actifs sont estimés au tiers de la richesse nationale. De par ses intérêts économiques et par l’influence qu’elle exerce sur l’ensemble de la société, en particulier par un système d’éducation qu’elle contrôle presque totalement, avec ses 35 000 prêtres et 80 000 religieux et religieuses dans une population de 23 millions d’habitants en 1931, soit un prêtre pour 650 personnes ou un religieux pour 200 habitants, elle constitue l’un des principaux piliers de l’oligarchie réactionnaire détestée. Son chef, le cardinal Pedro Segura, archevêque de Tolède, dispose d’un revenu annuel de près de 4 000 fois celui d’un petit propriétaire terrien [Broué et Témime, 1961, 25-27; London, 1966, 84; Thomas, 1985, 40].
L’autre corps parasitaire de cette société caractérisée par «l’alliance de la croix et du fusil» est l’armée. Nostalgique de la «Grande Espagne» et inconditionnellement attachée au Roi et à Dieu, elle est prête à se lever à tout instant pour briser par la force toute velléité de changement social. Véritable caste d’officiers, elle en compte, en 1931, 17 000, dont 195 généraux, pour 150 000 soldats, soit un officier pour 9 hommes, et absorbe 30 % du budget de l’État. L’appareil répressif compte également un corps de gendarmerie, la garde civile, dont la brutalité est proverbiale et dont les effectifs atteignent à la même date 40 000 hommes.
Tout aussi marqué en ce début de XXe siècle est le retard de l’Espagne en matière d’industrialisation, dont les principaux développements demeurent limités à deux régions, le Pays basque où s’est implantée une industrie métallurgique moderne et la Catalogne[2] qui possède une importante industrie textile reposant sur la petite et la moyenne entreprise, deux régions où se manifestent par ailleurs de fortes tendances autonomistes qui viennent amplifier la crise générale de la société espagnole. Importatrice de produits industriels et exportatrice de produits miniers et agricoles sur un marché mondial où elle affronte difficilement la concurrence en raison de sa faible productivité, entièrement dominée par les capitaux étrangers qui ont investi l’industrie, les mines, l’énergie hydroélectrique, les transports et les télécommunications, l’Espagne fait figure de semi-colonie. Après une relative prospérité lui venant des débouchés offerts par la Première Guerre mondiale (1914-1918) au cours de laquelle elle est demeurée neutre, elle est durement atteinte par la crise de 1929 et la longue dépression qui la suit. Son développement autonome dans le cadre du capitalisme mondial est bloqué par la concurrence des grandes puissances qui lui ferment le marché extérieur, alors que l’expansion de son marché intérieur exigerait l’élimination de la pauvreté qui touche l’écrasante majorité de la population travailleuse des villes et des campagnes, par l’amélioration des conditions salariales des ouvriers et par le règlement de la question de la propriété de la terre pour les paysans.
Inutile de dire que la bourgeoisie espagnole, étroitement liée à l’aristocratie foncière et au capital international dont elle est le relais local, ne constitue pas la force sociale sur laquelle peuvent reposer de tels changements qui saperaient par ailleurs ses propres fondements. C’est à une autre force sociale, la seule qui ait intérêt à ces changements, c’est-àdire la population travailleuse, que revient cette tâche de réaliser la révolution démocratique, c’est à-dire de débarrasser le pays des structures et institutions médiévales, de donner la terre aux paysans, d’abolir les pouvoirs et privilèges de l’aristocratie, de l’Église et de l’armée. Cette force sociale s’est d’ores et déjà fermement manifestée par des soulèvements et des grèves, souvent durement réprimés, ainsi que par de puissants mouvements d’émancipation nationale. Elle s’appuie sur un ensemble d’organisations qui seront appelées à jouer un rôle de premier plan dans le mouvement révolutionnaire qui atteint son sommet au cours de l’année 1936.
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Le mouvement ouvrier espagnol du début du XXe siècle se distingue du mouvement ouvrier des autres pays d’Europe par l’importance de son mouvement anarchiste, ennemi de toute forme d’État et opposé, en principe, à toute participation gouvernementale. À partir du noyau catalan, ses militants fondent à Barcelone en 1911 la Confédération nationale du travail (CNT), organisation anarchosyndicaliste qui, en raison de ses rapides progrès et de son engagement résolu dans les luttes sociales, a été l’objet d’une sévère répression et s’est gagné un grand prestige auprès des masses ouvrières et paysannes. Elle joue un rôle de premier plan dans la direction de la grève générale insurrectionnelle de 1917 déclenchée dans tout le pays par l’impact de la révolution russe, ainsi que d’une multitude de grèves en Andalousie et en Catalogne de 1918 à 1921. En 1927, se constitue en son sein une organisation anarchiste radicale, la Fédération anarchiste ibérique (FAI), partisane de l’action directe et de la grève insurrectionnelle, qui y devient majoritaire au début des années 1930. C’est sous son influence que la CNT restera à l’écart d’ententes avec les partis politiques au nomd’une opposition de principe aux «duperies» électorales et parlementaires. Ce qui ne l’empêchera pas de tourner le dos à ce principe et d’appeler ses adhérents à voter pour les candidats favorables à la République lors des élections de 1931, ou même de participer directement à des gouvernements de coalition, de novembre 1936 à mai 1937 et d’avril 1938 jusqu’à la fin de la guerre civile en mars 1939, dans le dernier cas au sein de gouvernements contre-révolutionnaires et répressifs dont elle sera elle-même la victime. En fait, la CNT-FAI sera en proie aux affrontements d’influences les plus diverses, du réformisme au putschisme et au terrorisme, en passant par le syndicalisme révolutionnaire et le collaborationisme parlementaire. D’une scission dans ses rangs naît en 1933 le Parti syndicaliste, électoraliste, qui vise à réaliser par la voie pacifique un socialisme autogestionnaire.
Face au courant anarchiste et en opposition à lui, avaient été fondés le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en 1879 et l’Union générale des travailleurs (UGT), organisation syndicale réformiste, en 1888. De petites organisations qu’elles étaient à l’origine, le PSOE et l’UGT deviennent, au début du XXe siècle, de grandes organisations de masses. Comme la CNT, l’UGT[3] joue un rôle important dans la direction du mouvement gréviste de 1917. Au lendemain de la révolution russe, au début des années 1920, survient au sein du PSOE comme au sein des autres partis affiliés à l’Internationale socialiste (la Deuxième Internationale)[4], une scission qui donne lieu à la création du Parti communiste espagnol (PCE). Ce parti est affilié à la nouvelle Internationale créée en 1919, la Troisième Internationale ou Internationale communiste, également désignée sous son nom russe de Komintern, dont le programme est, à l’origine, celui de la révolution mondiale, mais dont la tragique évolution sous le commandement de Staline aura, en particulier, une incidence déterminante sur la révolution espagnole et sur la guerre civile de 1936-1939. Ne comptant que 800 militants en 1930, le PCE verra ses effectifs augmenter considérablement au cours de la guerre civile, atteignant les 400 000 membres en juin 1937, comparativement à 160 000 pour le PSOE au même moment [Thomas, 1985, 402]. Il fonde, en 1931, une centrale syndicale indépendante, la Confédération générale du travail unitaire (CGTU), qui se joint en 1935 à l’UGT. En Catalogne, le Parti socialiste et le Parti communiste fusionnent en 1936 pour former le Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC) affilié à la Troisième Internationale.
Le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) complète l’éventail des principales organisations du mouvement ouvrier espagnol en présence à la veille de 1936. Ce parti, composé de militants qui peuvent être désignés comme des communistes combattant le stalinisme et dont le bastion principal se trouve en Catalogne, compte 45 000 membres en décembre 1936. Il a été créé en 1935 par la fusion de deux organisations, le Bloc ouvrier et paysan – lui-même issu du Parti communiste catalan et de la Fédération de la Catalogne et des Baléares du PCE – et la Gauche communiste, un petit groupe qui s’était constitué sur le programme de l’«Opposition de gauche» internationale dirigée par Léon Trotsky, mais qui a rompu avec ce dernier sur la base d’un désaccord politique: Trotsky souhaitait en effet que les militants de la Gauche communiste entrent au Parti socialiste pour y constituer une aile révolutionnaire et s’opposait à la formation d’un POUM indépendant. Le trotskysme s’est dès lors trouvé dépourvu de toute influence réelle sur le cours de la révolution espagnole, ne disposant que d’une minuscule organisation. Il est important de mentionner ces faits comme nous le verrons plus loin. Le POUM a en effet été désigné comme «trotskyste» par ses adversaires et, pour cette raison, ses membres et sympathisants ont été accusés, condamnés à des peines de prison, plusieurs d’entre eux ont été exécutés, alors que l’initiative de la création du POUM a été désavouée et vivement critiquée par Trotsky. Il nous faudra y revenir. Il suffit pour l’instant de mentionner que c’est dans les milices du POUM que George Orwell a combattu en Espagne.
La structuration politique du mouvement ouvrier espagnol du début du XXe siècle s’ordonne donc autour de quatre orientations représentées par: 1) la Confédération nationale du travail (CNT) anarchiste avec sa fraction dirigeante, la Fédération anarchiste ibérique (FAI); 2) le Parti socialiste (psoe) et l’Union générale des travailleurs (UGT); 3) le Parti communiste (PCE); 4) le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM). En Catalogne, elle se réduit à trois orientations, les partis socialiste et communiste ayant fusionné pour constituer le Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC). À ces grandes orientations se rattachent des associations de jeunesse ainsi que des tendances dissidentes dont il serait superflu de rendre compte ici.
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Les principales organisations politiques représentant les autres classes sociales regroupent les partis républicains, les partis monarchistes et une organisation fasciste. Les partis républicains, dont les programmes visent l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une république, sont l’Union républicaine, parti de la bourgeoisie «progressiste», le Parti radical et la Gauche républicaine, partis de la petite bourgeoisie anticléricale, hostile à l’armée et à l’Église. Face à l’agitation ouvrière et paysanne qu’il redoute, le Parti radical s’alliera à la droite conservatrice, alors que la Gauche républicaine y verra plutôt la confirmation de la nécessité de mettre de l’avant un programme de réformes susceptible de se rallier ouvriers et paysans et d’enrayer ainsi le mouvement révolutionnaire. L’Union républicaine et la Gauche républicaine feront partie du gouvernement de Front populaire porté au pouvoir en 1936, ainsi que le parti de la petite bourgeoisie catalane républicaine autonomiste, l’Esquerra républicaine de Catalogne (le mot Esquerra signifie gauche en catalan); le parti de la bourgeoisie catalane est la Lliga. Au Pays basque, le Parti nationaliste d’Euskadi, profondément conservateur et religieux, antisocialiste et organisateur de syndicats catholiques contre l’UGT, se range en 1933 du côté des socialistes et des républicains après une infructueuse alliance avec la droite et les partis conservateurs qui se sont prononcés contre l’autonomie du Pays basque.
Les partis monarchistes sont les partis de l’oligarchie foncière, financière et industrielle, de l’Église et de l’armée, au sommet de laquelle trône la monarchie. Ils puisent leur pouvoir et leurs privilèges des structures archaïques féodales de la société espagnole qu’ils sont déterminés à préserver par tous les moyens. Ce sont d’abord la Communion traditionaliste, mouvement «carliste», farouchement monarchiste surtout implanté en Navarre, né au début du XIXe siècle en soutien à l’aspirant au trône Don Carlos, dont la devise est «Dieu, la Patrie, le Roi», et le parti de la Rénovation espagnole, plus corporatiste et autoritaire que proprement monarchiste. Ils rassemblent les conservateurs catholiques les plus fanatiques, admirateurs du national-socialisme allemand et du fascisme italien. Se considérant investis de la mission providentielle de défendre la royauté et la chrétienté tant contre les révolutionnaires que contre les libéraux, ils refusent les résultats d’un suffrage universel et sont prêts au soulèvement armé pour le renversement de la République. À cette fin, des représentants de la Communion traditionaliste et de la Rénovation espagnole et un général de l’armée espagnole signent à Rome en 1934 avec le dictateur fasciste italien Benito Mussolini un accord par lequel ce dernier s’engage à soutenir un tel mouvement s’il devait être déclenché, en lui fournissant armes et argent. Une troisième organisation, l’Action catholique, guidée par l’autorité morale des Jésuites et acceptant de jouer le jeu parlementaire, prend ses distances d’avec la monarchie et se donne pour objectif de construire un grand parti catholique de masse, le parti de l’Église et des propriétaires. Elle est à l’origine d’une coalition de groupements de droite, la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA), créée en 1933. Ayant le courage de ses idées, son chef, José María Gil Robles, déclare en 1933: «Nous devons aller vers un État nouveau. Même si du sang doit être versé! Quant le moment sera venu, si le Parlement refuse de s’incliner, nous lui réglerons son affaire[5] !»
Minoritaire au sein de l’extrême droite espagnole, l’organisation fasciste, née en 1931 avec la création des Juntes d’offensive nationale syndicalistes (JONS)[6], se regroupe en 1934 dans la Phalange...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Introduction
  5. 1. Quelques éléments d’histoire
  6. 2. Orwell, combattant et témoin de la guerre civile espagnole
  7. 3. L’espagne de la guerre civile: théâtre de la terreur stalinienne
  8. 4. Contre le totalitarisme, pour le socialisme démocratique
  9. 5. Vers la ferme des animaux et 1984
  10. Index
  11. Bibliographie
  12. Table des matières
  13. Du même auteur
  14. Quatrième de couverture