Gravité
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Gravité

Sur Billy Wilder

  1. 279 pages
  2. French
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Gravité

Sur Billy Wilder

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À propos de ce livre

Cynique, Billy Wilder? On a coutume de le dire. Et grossier, voire vulgaire. Son cinéma est lourd, certes, mais d'une lourdeur littérale. Auteur de quelques-unes des comédies parmi les plus drôles de l'histoire, émule de Lubitsch, il est, par excellence, le cinéaste de la gravité. La force du terrestre et la pesanteur sont au cœur de ses films. Les mouvements et les discours, le rire et la politique, tout est affaire de poids dans Certains l'aiment chaud, dans Sunset Boulevard comme dans Un, deux, trois. Wilder est moins un satiriste, en vérité, qu'un historien. Tantôt il analyse les origines et les évolutions de la société américaine, tantôt il décrit une Allemagne marquée par le nazisme. Aller de la gravité matérielle à la gravité historique est dès lors la trajectoire de ce livre, qui propose une vision inédite d'une œuvre fondamentale.

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2019
ISBN
9782895967538
V

SUPERPOSITIONS

Au printemps 1945, la Paramount se trouve dans une situation embarrassante. Pour la première fois, un film va traiter de l’alcoolisme comme d’un sujet sérieux et non de façon comique. The Lost Weekend est achevé, mais il n’est pas encore sorti. Les réactions du public aussi bien que les pressions de l’industrie inquiètent le studio. Le lobby des vendeurs d’alcool propose d’acquérir le film à bon prix. L’unique condition est que celui-ci ne connaisse pas d’exploitation et qu’on n’en parle plus. De leur côté, les résultats des previews ne sont guère de nature à rassurer: les spectateurs rient. Ils rient aux moments de comédie, mais ils rient aussi à des mésaventures qui, pour la plupart, ne sont pas gaies. Ne sachant quel parti adopter, la Paramount décide de mettre The Lost Weekend au placard et Wilder est donc condamné à attendre.
C’est à ce moment qu’un certain Elmer Davis le sollicite. Davis dirige le United States Office of War Information (OWI), l’agence gouvernementale de propagande en charge de la guerre psychologique qui passe par la reconstruction du cinéma et du théâtre allemands, autrement dit, par leur dénazification. Informé des origines germaniques de Wilder, Davis lui propose de rejoindre l’OWI, où il recevra le grade de colonel. Dans le cadre de la mission anglo-américaine de propagande à l’étranger, la Psychological Warfare Division of the Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (PWD/SHAEF) œuvre à sensibiliser la population allemande au caractère barbare du régime auquel elle a obéi. Et le cinéma n’est pas, pour cela, le pire des moyens. Wilder accepte. Il n’est pas retourné à Berlin depuis qu’il a quitté l’Allemagne en 1934. S’il redoute de retrouver détruite la ville qui a illuminé sa jeunesse, il apprécie de pouvoir s’éloigner un temps de Hollywood. Son bateau quitte New York en mai, peu de jours après la victoire des Alliés en Europe. C’est d’abord à Londres puis à Paris qu’il constate les ravages de la guerre. Arrivé à Berlin, il obtient confirmation de ce qu’il n’osait croire: sa mère, son beau-père et sa grand-mère sont morts à Auschwitz – les recherches effectuées plus récemment tendent à prouver que tous trois seraient, en fait, morts dans des camps de concentration différents. Quant à son père, décédé en 1928, Wilder ne parvient pas à retrouver sa tombe.
Hanus Burger est un cinéaste tchèque arrivé aux États-Unis en 1938. Il a le grade de lieutenant au sein de la PWD/SHAEF et, à ce titre, a reçu ordre de construire un film à partir d’images prises par les Alliés lors de la libération des camps. Burger procède à un montage de quatre-vingt-six minutes composé entre autres d’extraits de Nazi Concentration Camp (Camps de concentration, 1945) de George Stevens et de Majdanek – Cmentarzysko Europy (Majdanek, cimetière de l’Europe, 1945) d’Alexander Ford. L’OWI juge cette durée trop longue pour une exploitation efficace. On demande donc à Wilder de superviser un remontage, d’une durée si possible inférieure à une demi-heure. Celui qui fera le travail, Sam Winston, a été le collaborateur de Josef von Sternberg pour qui il a monté Der blaue Engel (L’ange bleu, 1930), The Scarlet Empress (L’impératrice rouge, 1934), The Shanghai Gesture (1941), etc. La rédaction du texte qui sera lu en commentaire est confiée à Oskar Seidlin, qui enseignait la littérature allemande avant la guerre. Death Mills, ainsi transformé, ne dure plus que vingt-six minutes.
Wilder n’est pas l’auteur de ce court métrage dont le titre est parfois inclus, sans autre précision, dans les filmographies. Lorsqu’on l’interrogeait à ce propos, il s’empressait de le souligner afin de prévenir tout malentendu. Il préférait raconter les previews rocambolesques en Allemagne, les spectateurs qui refusaient de croire ce qu’ils voyaient et qui, au moment de remplir les questionnaires, volaient les crayons au lieu de répondre, de sorte qu’il fallut expliquer que sans formulaires dûment remplis, les cartes de rationnement ne seraient pas distribuées. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un document d’une importance considérable. Au point de vue historique: Death Mills a été projeté comme pièce à conviction lors des procès de Nuremberg. Et à l’intérieur de cette «œuvre dans l’œuvre» formée par les films «allemands» du Wilder américain, dont il est l’épisode inaugural.
Le jeune Wilder a eu, en Allemagne, une riche expérience de scénariste. Il en a signé une vingtaine pour des longs métrages réalisés par Ernst Laemmle, Johannes Guter, Robert Siodmak ou Gerhard Lamprecht, auxquels s’ajoutent ceux qu’il aurait écrits ou remaniés en sous-main: le nombre ahurissant d’une centaine est fréquemment cité. En 1929, à 23 ans, il a participé, aux côtés de Edgar G. Ulmer, de Fred Zinnemann et des frères Robert et Curt Siodmak, à l’une des aventures les plus novatrices de l’époque. Tourné dans les rues et les parcs de Berlin, avec des acteurs non professionnels, Menschen am Sonntag (Les hommes, le dimanche) préfigure, par sa liberté de conception et de ton, une modernité qui attendra plusieurs décennies pour advenir.
A Foreign Affair, Stalag 17, One, Two, Three et d’autres encore: ces films sont «allemands» en un sens, ils ne le sont pas par la production, mais par le contexte où ils situent leurs récits. Certains furent tournés à Hollywood, d’autres sur place. Si l’Allemagne en est généralement le théâtre, il arrive qu’elle n’apparaisse que le temps d’un flash-back. Et le nazisme y occupe presque toujours une place cruciale. C’est de ces films que traite notre dernier chapitre.
La version finale de Death Mills est constituée d’images venues des documentaires réalisés par Stevens et par Ford, ainsi que d’un extrait du Der Triumph des Willens (Triomphe de la volonté), film de propagande nazie réalisé par Leni Riefenstahl en 1934. L’ouverture est wilderienne. Avril 1945: une procession d’hommes portant des croix blanches barre le cadre d’une diagonale. Le commentaire indique que ce sont des citoyens de Gardelegen. Plus de 1000 hommes ont, quelques mois plus tôt, trouvé la mort tout près, dans une grange. C’est à garnir leurs tombes que les croix vont servir. Toujours conduit par la voix off, le film quitte ensuite cette petite ville de la Saxe pour les camps de concentration. À Auschwitz, des médecins constatent l’état des corps, les marques laissées par les coups et les appareils... À Ohrdruf, on fait démonstration au général Eisenhower de quelques procédés de torture. Puis les responsables de la Allied Investigation Commission viennent authentifier aux yeux du monde ce qui semble si impossible à croire. De Dachau à Auschwitz, de Niederhagen à Mechelen, images et voix prolongent le parcours des atrocités. Ici, elles s’arrêtent sur le fonctionnement des chambres à gaz. Là, elles évoquent les nombreux prisonniers morts peu avant l’arrivée des Alliés.
À mi-film le commentaire narre, images à l’appui, ce qui s’est déroulé dans la grange de Gardelegen: 1 100 hommes brûlés vifs ou abattus par balle s’ils tentaient de s’échapper – on connaît depuis le chiffre exact: 1 016. Des horreurs, Death Mills remonte maintenant à leurs auteurs. Voici les dignitaires nazis forcés de voir les crimes dont ils ont indignement nié l’existence. Parmi eux se trouve Josef Kramer, le commandant du camp de Belsen. Et la litanie des horreurs continue: les morts par suffocation ou par balle, par empoisonnement ou au gaz... De rares survivants apparaissent, quelques femmes à Nordhausen et à Reinsdorf, des enfants à Auschwitz. Puis vient la dernière partie de Death Mills. Non plus les horreurs, non plus les bourreaux et les victimes, mais ceux qui n’ont rien vu ou rien voulu voir. Hommes et femmes d’une petite ville sont escortés par les soldats alliés jusqu’à un camp situé non loin. On les voit d’abord insouciants et souriants, comme s’ils faisaient une partie de campagne, «un pique-nique», puis ce sont l’affliction et le dégoût: «Car la mort seule, ici, eut son festin.»
À partir de cet instant et jusqu’à la fin, le commentaire doit être retranscrit en intégralité.
Ces Allemands, ceux qui prétendaient ne pas savoir, étaient responsables eux aussi. C’est bien volontiers qu’ils avaient mis leur destin entre les mains de criminels et de fous. Aujourd’hui, ils vous disent qu’ils ne voulaient pas faire de mal, qu’ils ne savaient rien de ce qui se passait et que, même s’ils avaient su, ils n’auraient rien pu faire. Les paysans ont reçu des tonnes de cendres humaines en guise d’engrais, mais n’ont apparemment pas suspecté qu’elles aient pu provenir d’êtres humains. Les fabricants ont reçu des tonnes de cheveux humains, mais n’ont apparemment jamais imaginé qu’ils puissent provenir des têtes de femmes assassinées. Aucun cauchemar n’a jamais hanté les nuits de ceux qui vivaient à proximité des camps de concentration. Les cris et les gémissements de ceux qu’on torturait, on les a assurément confondus avec les plaintes du vent.
Apparaissent ensuite les images de foules en liesse tirées de Der Triumph des Willens.
Hier, tandis que des millions mouraient dans les camps de concentration, des Allemands bondaient Nuremberg pour applaudir les nazis et entonner des hymnes de haine. Aujourd’hui, ces Allemands qui ont applaudi la destruction de l’humanité au sein de leur propre pays, qui se sont réjouis de voir des voisins sans défense se faire attaquer et qui ont célébré l’assujettissement de l’Europe, implorent votre compassion. Ce sont les mêmes Allemands qui, jadis, criaient «Heil Hitler».
Un fondu enchaîné reconduit des hourras de Nuremberg à la procession de Gardelegen. Et la voix off conclut: «Souvenez-vous: s’ils portent désormais de lourdes croix, ces croix sont celles des millions qui ont été crucifiés dans les moulins de la mort nazis.»
Qu’un tel film soit l’histoire d’un fardeau n’a rien pour surprendre. Il y aurait davantage matière à s’étonner que ce motif, le cinéaste le retrouve ailleurs, loin de l’Allemagne et du nazisme. Mais justement, pour comprendre ce poids-ci, il faut comprendre ce poids-là. On ne sait pas qui, du monteur ou de Wilder, a voulu cette rime entre le début et la fin de Death Mills. On ne sait pas non plus si le texte de la version américaine – traduit à l’instant –, reprend celui de la version distribuée en Allemagne. L’adresse – «ils implorent votre compassion» – ne pouvait qu’y être différente. Mais l’essentiel demeure. Chacun des films réalisés dans un contexte allemand va, comme celui-ci, mettre l’accent sur la situation présente. Il faut dire les atrocités qui ont été commises, mais il faut surtout se demander ce qui va arriver à présent. Death Mills s’ouvre et se ferme avec ceux qui sont encore vivants. Ce ne sont même pas des survivants: ils sont tout simplement passés à travers. Mettre l’accent sur le présent signifie que la priorité ne doit pas aller à la recherche des coupables ou à la dénonciation de leurs crimes. Si une dénonciation demeure, elle s’exerce en direction de ceux qui ont laissé faire ces crimes et ne doivent donc leur impunité qu’à leur lâcheté, leur complaisance ou leur déni. Encore cette dénonciation n’en est-elle pas nécessairement une. Le rapport du commentaire à l’image se charge en effet d’un double sens, voire d’une ironie qu’on est tenté d’attribuer à Wilder. N’allez surtout pas croire, dit la voix off, que les croix que portent ces hommes sont destinées à marquer leur tombe. Ce qu’ils ont sur le dos, c’est le fardeau de crimes qu’ils n’ont pas su ou pas voulu voir et dont, pour cette raison, ils sont également responsables. Là est tout leur calvaire. Or c’est précisément en ce sens que les croix qu’ils portent sont également les leurs. La signification de l’image change entre le début et la fin du film, mais les croix, elles, demeurent: celles du passé sont donc aussi celles du présent. Ce sont les croix que portent ceux qui restent et vers qui nos regards doivent se tourner, car eux seuls demeurent.
Encore et toujours des tombes, en ouverture d’un film de Wilder. Le statut de Death Mills est à part – stricto sensu ce n’est pas un film de Wilder – et ces tombes ne sont pas n’importe lesquelles. Toute l’œuvre allemande à venir n’en procédera pas moins de cette façon. Priorité au présent sur le passé. Priorité à ceux qui restent sur ceux qui sont partis. Priorité non aux méfaits ou aux actes de bravoure dont les seconds ont pu être les auteurs, mais aux compromissions dans lesquelles les premiers ont été et continuent peut-être d’être engagés. Le présent est lourd du passé, certes, mais cette lourdeur est aussi ce qui constitue le présent comme présent. Et le constitue jusque dans l’oubli ou l’occultation du passé. Le présent n’est donc, sous ce rapport, lourd que de lui-même. «Aucun cauchemar n’a jamais hanté les nuits de ceux qui vivaient à proximité des camps de concentration.» Et aucun cauchemar ne les hantera jamais.
On commence à le voir, l’œuvre allemande répond à un problème d’une difficulté particulière. Comment est-il possible d’être un cinéaste de l’après – après la guerre, après le nazisme, mais aussi après Lubitsch, auquel nous allons revenir – et de ne croire que dans le présent? Comment un cinéma dont l’épaisseur, pourtant indéniable, n’est jamais celle du temps lui-même, peut-il rendre compte de traumatismes? Il faut mettre le passé dans le présent. Il faut l’y mettre si bien, que ce passé semble autant former le tissu de ce présent que s’y dissoudre. Le présent reçoit ici une double tâche: répéter et nier le passé, le refaire et le défaire. C’est pourquoi la dénonciation de l’attitude des vainqueurs et de celle des (sur)vivants est toujours, et d’un même élan, impitoyable et nuancée. Car les vainqueurs et les (sur)vivants portent et ne portent pas la responsabilité de l’Histoire. Et c’est pourquoi encore, si les films allemands décuplent la négativité s’exerçant ailleurs dans l’œuvre, ils possèdent également une positivité historique et politique qu’il importe de mettre en lumière.
À son retour aux États-Unis, Wilder découvre que The Lost Weekend est non seulement sorti, mais qu’il remporte un grand succès. Cette heureuse surprise l’encourage à se remettre au travail. Lors de son séjour berlinois, il a accumulé les notes et pris de nombreuses photos. Or ni ce qu’il a pu voir ni Death Mills ne l’ont convaincu que le documentaire est le moyen approprié pour éveiller les consciences. La fiction y pourvoirait mieux, selon lui. Au cours de l’été où il supervise le montage de Death Mills, il rédige un mémo en ce sens à destination des services de l’OWI en charge du cinéma et du théâtre. Le cinéaste ne craint pas d’y parler de «propagande par le divertissement». Une telle combinaison, soutient-il, serait apte à contribuer à une rééducation de la population allemande. Cette propagande par le divertissement pourrait même, dans un contexte de guerre froide, favoriser la solidarité entre les États-Unis et l’Allemagne. Le film auquel pense Wilder comporterait une histoire d’amour «conçue avec intelligence pour nous aider à vendre quelques arguments idéologiques». Le mémo s’achève par ces mots: «Je veux faire ce film.»
A Foreign Affair sera ce film. Et comme Wilder l’a annoncé, il racontera une histoire d’amour. Dans les ruines de Berlin, il en racontera même deux. La première entre le capitaine Pringle – John Lund – et Erika von Schlütow – Marlene Dietrich –, chanteuse de cabaret suspectée d’avoir gardé une proximité avec un ex-dignitaire nazi. Et la seconde entre le même capitaine et Phoebe Frost – Jean Arthur –, membre d’une commission envoyée par le Congrès américain afin d’étudier le moral des troupes d’occupation. Erika est aussi sulfureuse que Phoebe est prude, aussi trouble que l’autre est irréprochable. De même que Pringle hésite entre elles avant de choisir Phoebe, A Foreign Affair est un film de transition.
S’il s’agit bien d’une fiction, l’empreinte du documentaire y est très présente. L’ouverture montre l’avion de la Commission survolant la ville, et c’est avec sa propre caméra que l’un des membres en capte la dévastation. Cette empreinte est spécialement prononcée dans la scène de la visite ayant lieu peu après. Le colonel Plummer – Millard Mitchell – nomme pour les membres de la Commission les monuments et bâtiments qui se dressaient là où il n’y a plus rien. Sa jeep, remontant Unter den Linden, passe devant le Reichstag incendié et la porte de Brandebourg, intacte. Elle longe l’ambassade américaine et l’hôtel Adlon qui ne sont plus, eux, que ruines et gravats. Puis c’est la Wilhelmstrasse, avec la chancellerie et le balcon depuis lequel Hitler promit que son Reich durerait mille ans... Le ton de la visite n’est pas mélancolique. Lorsque le véhicule passe sous le balcon de la chancellerie, le colonel plaisante sur les réactions des bookmakers à l’annonce de la promesse hitlérienne. Et tandis qu’on roule dans un quartier résidentiel, il remarque que la vie continue dans ces bâtiments qui ne sont pourtant plus, pour l’essentiel, que des coquilles vides. La scène commence alors à se modifier pour donner à voir la division qui est au cœur de A Foreign Affair. Du côté gauche, la visite continue. Du côté droit, un spectacle d’un autre genre se révèle aux yeux effarés de Miss Frost. Un soldat américain conte fleurette à une jeune femme assise sur un muret. Un autre tient d’une main son chien en laisse et de l’autre un bouquet de fleurs. Deux soldats à un balcon entourent une jeune femme. Une autre encore pousse un landau qu’ornent non pas un, mais deux drapeaux amé...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Crédits
  4. Films réalisés par Billy Wilder
  5. I Suspensions
  6. MOUVEMENTS
  7. II Circulations
  8. III Appropriations
  9. POLITIQUES
  10. IV Profanations
  11. V Superpositions
  12. Remerciements
  13. Bibliographie
  14. Table
  15. Quatrième de couverture