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Petit manuel critique des médias

  1. 152 pages
  2. French
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Petit manuel critique des médias

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Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Petit manuel critique en cinq étapes, qui propose une critique progressive de la logique qui anime l'univers médiatique. Dans un esprit de vulgarisation et de synthÚse, Simon Tremblay-Pepin mobilise à chaque palier un appareil théorique différent (notamment ceux de Chomsky et Herman, Bourdieu, Gramsci, Freitag).

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2013
ISBN
9782895966623

CHAPITRE 1

L’IDÉAL JOURNALISTIQUE

POUR BIEN SAISIR ce qu’est le journalisme aujourd’hui et ĂȘtre en mesure d’en faire la critique, il faut d’abord savoir de quoi il est question quand on nous parle d’éthique journalistique. Pour cela, il faut s’intĂ©resser Ă  ce qu’on enseigne dans les Ă©coles de journalisme, Ă  ce qu’on propose dans les livres de rĂ©fĂ©rence au programme des Ă©tudiants en journalisme. Il est indispensable aussi de dĂ©finir le modĂšle dĂ©ontologique que prĂ©tendent dĂ©fendre les associations de journalistes et les organismes de surveillance de la presse. C’est donc le portrait de l’idĂ©al journalistique que ce premier chapitre cherche Ă  tracer.
Il ne s’agit pas ici de prĂ©senter la position d’un auteur ou d’une institution en particulier, mais plutĂŽt de reflĂ©ter, dans la mesure du possible, le discours des journalistes quand ils s’expriment sur ce que serait leur mĂ©tier dans le meilleur des mondes.
L’idĂ©al journalistique est un peu comme cette petite voix intĂ©rieure qui chuchote: «Tu ne devrais pas faire ça» ou encore «Es-tu bien certain de pouvoir affirmer cela?» On ne parle pas ici de technique (comment citer une source anonyme ou Ă©crire un bon chapeau de texte), mais d’une conscience morale du rĂŽle que le journaliste exerce dans la sociĂ©tĂ©.
Cet idĂ©al n’est certes pas l’unique force qui dirige le quotidien des journalistes (c’est d’ailleurs ce que tenteront de dĂ©montrer les chapitres suivants). Par contre, il leur donne une assurance non nĂ©gligeable. On le voit bien dans les confĂ©rences de presse: mĂȘme chez les vieux routiers les plus cyniques, il se dĂ©gage une candeur surprenante. Tout le monde est absolument convaincu Ă  la fois de sa propre importance, de l’importance du mĂ©tier qu’il exerce et de l’honnĂȘtetĂ© gĂ©nĂ©rale dans laquelle se dĂ©roule, sauf exception, le processus mĂ©diatique de transmission de l’information. Il est assez Ă©tonnant de voir Ă  quel point la plupart des journalistes croient tenir, plus ou moins brillamment, le rĂŽle que leur propose l’idĂ©al journalistique.
Pour eux, la façon de faire leur mĂ©tier est dĂ©cisive: ils sont au centre de «ce qui se passe» politiquement et socialement. Non seulement «ce qui se passe» est important, mais les dĂ©cisions qu’ils doivent prendre exigent une grande justesse: l’information qui paraĂźtra dĂ©pend de leurs choix Ă©thiques. Le privilĂšge qu’ils ont de frĂ©quenter ceux qui exercent le pouvoir les investit en quelque sorte d’une conscience exacerbĂ©e de la nĂ©cessitĂ© d’une grande rigueur professionnelle.

Une vocation

Dans les Ă©coles oĂč on l’enseigne, et de la bouche mĂȘme de ceux qui en exercent le mĂ©tier, le journalisme est souvent prĂ©sentĂ© comme une «vocation». On fait ce mĂ©tier parce qu’on y croit. Cette phrase, qui rĂ©sume bien l’essentiel de ce que beaucoup de journalistes disent de leur fonction, comprend deux propositions.
La premiĂšre affirme que le journaliste exerce un mĂ©tier. Il ne s’agit pas d’un emploi passager, purement alimentaire, mais d’un mĂ©tier dans lequel on s’investit corps et Ăąme, et qui exige aussi une pratique, une certaine expĂ©rience, une connaissance technique. Cette affirmation situe dĂ©jĂ  le journaliste dans un lieu particulier du monde du travail. C’est un technicien. En se plaçant au niveau des corps de mĂ©tiers techniques, le journaliste se range du cĂŽtĂ© des travailleurs et privilĂ©gie l’aspect «artisanal» de son travail. Toutefois, comment ne pas souligner que cette technique repose d’abord sur un acte de foi?
C’est ce que sous-entend la seconde partie de la phrase, le «parce qu’on y croit». Sortie de la bouche d’un maçon ou d’un plombier, cette phrase paraĂźtrait grotesque. Le maçon ne croit pas en la validitĂ© de sa technique, il la constate en voyant que son mur ne s’effondre pas. Ainsi, malgrĂ© son aspect pragmatique, la fonction du journaliste s’apparente davantage aux professions libĂ©rales qu’aux mĂ©tiers proprement techniques. Un mĂ©decin, une avocate ou un professeur peuvent tous prĂ©tendre Ă  la vocation, affirmer qu’ils exercent leur mĂ©tier parce qu’ils croient en la mĂ©decine, en la justice ou en l’éducation. Le journaliste, lui, croit probablement en la dĂ©mocratie. Il croit qu’information et dĂ©mocratie sont profondĂ©ment liĂ©es et que participer Ă  mieux faire connaĂźtre ce qui se passe dans le monde politique aura, au bout du compte, un effet bĂ©nĂ©fique pour la vie publique et pour la sociĂ©tĂ©.

Pourquoi faut-il des journalistes?

Voyons de quelle façon les journalistes dĂ©crivent leur rĂŽle dans la sociĂ©tĂ©. Ils auraient d’abord une raison pratique et quotidienne d’exister, celle de transmettre des nouvelles. En effet, en dehors des grandes catastrophes, un certain nombre d’évĂšnements se produisent sans qu’on n’en sache jamais rien. Comment peut-on savoir, quand on n’y travaille pas, que tel ministĂšre, qui semble fonctionner normalement, vient de dĂ©cider de raser une forĂȘt ou de mettre Ă  pied 200 employĂ©s? De la mĂȘme maniĂšre, une entreprise peut employer des sans-papiers pour des salaires trĂšs en deçà du salaire minimum alors que le public qui achĂšte ses produits, lui, ignore tout de cette situation. Sauf si quelqu’un dĂ©cide de mener une enquĂȘte et de lui transmettre les informations qu’il a recueillies.
Le journaliste offre donc un Ă©tat de la situation, il relate «ce qui s’est passĂ© aujourd’hui». Sans sa voix, chacun serait confinĂ© Ă  ses petits Ă©vĂšnements quotidiens sans pouvoir prendre connaissance de ceux qui se produisent au-delĂ  de sa rĂ©alitĂ© immĂ©diate. On mesure toute l’importance de ce rĂŽle quand on essaie d’imaginer ce que serait la sociĂ©tĂ© sans personne pour s’acquitter de cette tĂąche. Que saurait-on, par exemple, de la guerre en Irak si les mĂ©dias n’en avaient jamais parlĂ©? On peut mĂȘme s’intĂ©resser Ă  certaines questions dont on ignorait l’existence ou l’importance, tout simplement parce que les mĂ©dias, eux, s’y sont intĂ©ressĂ©s. Les journalistes possĂšdent donc la capacitĂ© d’amplifier, voire de crĂ©er, des enjeux sociaux, ou de les garder sous le boisseau.
De cette tĂąche en naĂźt une autre: la crĂ©ation de l’espace public dĂ©mocratique. Pour prendre des dĂ©cisions, on doit, comme citoyens, ĂȘtre tenus informĂ©s. Les mĂ©dias peuvent ainsi donner Ă  la population une information solide sur les questions pertinentes qu’elle doit se poser. Ils vont aussi lui offrir un forum oĂč les idĂ©es vont pouvoir se dĂ©ployer, oĂč il y aura confrontation. En choisissant de prĂ©senter des positions politiques opposĂ©es, les mĂ©dias donnent les outils indispensables pour prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es. Si, par exemple, la gestion des infrastructures routiĂšres devient un enjeu de taille, les journalistes vont filtrer la masse d’informations disponibles Ă  ce sujet pour rendre cette question comprĂ©hensible et accessible Ă  tous. Lors d’une Ă©lection, chacun pourra choisir le parti qui lui propose les solutions qui lui semblent les plus appropriĂ©es. Si la responsabilitĂ© du journaliste est utile Ă  premiĂšre vue, elle devient surtout primordiale comme condition de l’existence de l’espace public et de la qualitĂ© du dĂ©bat politique.
On voit toute l’importance de bien jouer ce rĂŽle d’information. Un journaliste mal intentionnĂ©, qui voudrait manipuler l’opinion publique, pourrait trĂšs bien donner Ă  des Ă©vĂšnements une importance qu’ils n’ont pas vraiment, ou les traiter de maniĂšre biaisĂ©e, agir pour le compte d’intĂ©rĂȘts particuliers, ou encore, pourquoi pas, crĂ©er de toutes piĂšces certains «évĂšnements». Ce serait lĂ  une façon trĂšs efficace de nuire au corps social. Il faut donc dĂ©terminer une Ă©thique qui puisse guider les choix journalistiques.

Quelles valeurs guident les journalistes?

Six principes guident le travail journalistique: la prioritĂ© accordĂ©e aux faits, le souci de l’intĂ©rĂȘt public, l’indĂ©pendance, l’honnĂȘtetĂ©, l’approche gĂ©nĂ©raliste et la responsabilitĂ© devant le public.
La prioritĂ© accordĂ©e aux faits est un autre nom pour ce qu’il est convenu d’appeler l’objectivitĂ© journalistique. Je prĂ©fĂšre la premiĂšre formule Ă  la seconde, car l’idĂ©e que le journaliste s’intĂ©resse d’abord Ă  des faits dĂ©crit bien mieux la rĂ©alitĂ© et porte moins Ă  dĂ©bat. En effet, la notion d’objectivitĂ© fait l’impasse sur l’inĂ©vitable subjectivitĂ© du travail journalistique. Or, cette subjectivitĂ© ne s’oppose en rien Ă  la prioritĂ© qu’on doit accorder aux faits tels qu’ils se prĂ©sentent. C’est le doute, hĂ©ritage de l’époque des LumiĂšres, qui permet de composer avec ces deux dimensions, car le journaliste doit Ă  la fois essayer de restituer le mieux possible la rĂ©alitĂ© et ne pas se laisser guider par des idĂ©es prĂ©conçues. Comme la rĂ©alitĂ© peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de diverses façons, il est important de montrer les diffĂ©rents points de vue qui s’expriment sur une mĂȘme situation. Cette mĂ©thodologie ne vise donc pas une transparence objective, mais une volontĂ© subjective de dĂ©crire le mieux possible la situation telle que le journaliste la perçoit et la comprend. Ce ne sont pas les faits qui parlent Ă  travers le journaliste. C’est le journaliste qui veut rendre les faits intelligibles au public en lui donnant toute l’information qu’il peut fournir dans le temps qui lui est imparti et avec les moyens dont il dispose.
Le second principe est celui de l’intĂ©rĂȘt public. «Qu’est-il important que les gens sachent sur ce qui s’est passĂ© aujourd’hui?» doit se demander le chef de pupitre. La question omniprĂ©sente est celle de la pertinence des informations Ă  sĂ©lectionner. IdĂ©alement, il s’agit de dĂ©terminer ce qui intĂ©resse le public, mais surtout ce qui doit l’intĂ©resser en raison de sa portĂ©e politique, sociale ou Ă©conomique. L’intĂ©rĂȘt public est en cela diffĂ©rent de l’intĂ©rĂȘt du public: le premier s’intĂ©resse Ă  ce que le public doit savoir et le second Ă  ce qu’il veut savoir. Si les deux concordent, tant mieux. Sinon, l’intĂ©rĂȘt public devrait primer, puisqu’il est nĂ©cessaire au fonctionnement dĂ©mocratique de la sociĂ©tĂ©. C’est donc Ă  partir d’une connaissance de l’histoire, du social et du politique, acquise par sa formation et son expĂ©rience, qu’un journaliste est en mesure de choisir les informations qu’il est pertinent de transmettre au public. Cette Ă©valuation diffĂšre d’un journaliste Ă  l’autre, bien sĂ»r, et c’est justement pourquoi la pluralitĂ© des mĂ©dias est essentielle. Par leur diversitĂ©, les mĂ©dias rĂ©ussissent Ă  compenser les erreurs subjectives de chacun et, dans leurs efforts pour offrir au public ce qui se rapproche le plus de son intĂ©rĂȘt, ils rĂ©ussissent Ă  faire ensemble ce qu’ils ne pourraient rĂ©aliser seuls.
Autre principe fondamental liĂ© directement Ă  la dĂ©fense de l’intĂ©rĂȘt public: l’indĂ©pendance. Si l’on tient compte de son rĂŽle dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, un journaliste doit, avant toute autre obligation, dĂ©fendre son indĂ©pendance. Mais, parce qu’il est Ă  l’emploi d’un mĂ©dia, peut-il vraiment dĂ©sobĂ©ir Ă  son patron s’il veut conserver son poste? Oui, grĂące Ă  la pluralitĂ© des mĂ©dias. Le journaliste qui se voit refuser la publication d’un article parce qu’il va Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de son employeur peut toujours aller l’offrir Ă  un concurrent. À plus forte raison si cet article embarrasse son patron
 La possibilitĂ© de changer d’employeur et de lieu de publication permet donc au journaliste, dans un premier temps, de protĂ©ger son indĂ©pendance. Mais cela ne suffit pas.
Dans le cadre de son travail quotidien, un journaliste est appuyĂ© et dĂ©fendu par des associations qui sont lĂ  pour le protĂ©ger de toute emprise indue — celle d’un individu, d’un groupe ou d’une organisation. Reconnues et considĂ©rĂ©es par le public, ces associations peuvent dĂ©noncer ouvertement les tactiques malhonnĂȘtes utilisĂ©es contre des journalistes. Elles adoptent gĂ©nĂ©ralement un code de dĂ©ontologie Ă  l’usage des journalistes pour les guider dans leur pratique.
En ce sens, le dĂ©veloppement de syndicats de journalistes et d’organisations professionnelles de journalistes (au QuĂ©bec, la FĂ©dĂ©ration professionnelle des journalistes du QuĂ©bec, la FPJQ, et l’Association des journalistes indĂ©pendants du QuĂ©bec, l’AJIQ) a permis de prĂ©server cette indĂ©pendance des journalistes vis-Ă -vis de leurs employeurs et des autres pouvoirs. Ces associations peuvent par exemple appuyer un journaliste Ă  qui un rĂ©dacteur en chef aurait imposĂ© une façon de prĂ©senter un Ă©vĂšnement pour que son reportage corresponde mieux aux intĂ©rĂȘts de leur entreprise.
Le jugement du public peut aussi se retourner contre le journaliste. Il lui revient donc de maintenir une rĂ©putation irrĂ©prochable et de mettre en pratique cette valeur indispensable: l’honnĂȘtetĂ©. On considĂšre comme honnĂȘte le journaliste qui fait tout ce qui a Ă©...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Page de demi-titre
  3. Page titre
  4. Page de crédits
  5. DĂ©dicace
  6. Introduction
  7. Chapitre 1: L’idĂ©al journalistique
  8. Chapitre 2: Les critiques déontologiques
  9. Chapitre 3: Le modĂšle propagandiste de Herman et Chomsky
  10. Chapitre 4: Les critiques bourdieusiennes
  11. Chapitre 5: Les critiques gramsciennes
  12. Chapitre 6: Les critiques freitagiennes
  13. Conclusion: Le palais des glaces
  14. Remerciements
  15. Page de marque