Jenan
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Jenan

La condamnée d'Al-Mansour

  1. 158 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Jenan

La condamnée d'Al-Mansour

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Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

En mars 2003 une averse de bombe dévaste l'Irak. Zehira Houfani Berfas, qui séjourne alors à Bagdad, affronte ce terrible orage d'acier avec aplomb, déterminée à secourir une jeune fille, Jenan, mais aussi à témoigner de la vie quotidienne sous les feux de la plus grande puissance militaire de l'histoire.

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2013
ISBN
9782895966227

C’EST TOUJOURS SPÉCIAL de se retrouver environnĂ©e de cette odeur d’hĂŽpital, dĂ©sagrĂ©able, dĂ©rangeante Ă  tout le mieux, quand elle n’est pas carrĂ©ment oppressante. Jamais elle n’est neutre puisque, dans nos esprits, elle est vite associĂ©e Ă  la maladie et Ă  la douleur, aux blessures et aux souffrances, et souvent mĂȘme Ă  la mort. Ce prĂ©alable Ă  l’esprit, l’hĂŽpital devient le dernier endroit que l’on a envie de visiter, de surcroĂźt s’il se trouve dans un pays oĂč la tragĂ©die se conjugue au quotidien depuis bien trop longtemps. Il Ă©tait environ 10 h quand je rejoignis Karen dans le hall de l’hĂŽtel. Elle est moi avions pour mission, ce matin de mars 2003, de visiter un hĂŽpital pour enfants cancĂ©reux dans le centre de Bagdad. PlutĂŽt de petite taille, Karen, mi-blonde mi-rouquine, Ă©tait une jolie femme d’ñge mĂ»r, proche de la cinquantaine. Elle avait un caractĂšre tranquille et semblait sĂ»re d’elle, mĂȘme si au cours de ces derniĂšres semaines, certains Ă©vĂ©nements avaient dĂ©voilĂ© chez elle un soupçon de fragilitĂ©. Bien que j’avais une foule de choses qui trottaient dans ma tĂȘte, le trajet fut plutĂŽt silencieux, quelques petites phrases anodines, banales, sur la circulation, le temps. Il faut dire que Karen, une AmĂ©ricaine parmi la vingtaine de ses compatriotes qui composaient notre groupe, ne parlait pas du tout français ni arabe, et que, de mon cĂŽtĂ©, je n’avais aucune volontĂ© ce matin-lĂ  de m’investir dans une conversation en anglais qui me laisserait probablement frustrĂ©e, ne pouvant m’exprimer confortablement dans cette langue.
Le conducteur du taxi, une vieille Volkswagen de type Passat d’au moins une vingtaine d’annĂ©es (Ăąge moyen des vĂ©hicules dans le pays), stoppa Ă  quelques mĂštres de l’hĂŽpital. Les portiĂšres arriĂšre ne s’ouvrant pas de l’intĂ©rieur, l’homme dut faire le tour du vĂ©hicule pour ouvrir et laisser sortir Karen, qu’il salua de la tĂȘte. Cette derniĂšre le remercia en lança aussitĂŽt «choukrane[1]», un des quelques mots arabes que notre groupe, formĂ©s en majoritĂ© d’AmĂ©ricains, d’Anglais, d’Australiens et de Canadiens, dont des QuĂ©bĂ©cois, avait rĂ©ussi Ă  apprivoiser. Moi, qui suis d’origine algĂ©rienne, j’étais plutĂŽt privilĂ©giĂ©e sur le plan de la communication, puisque indĂ©pendamment de ma langue maternelle, le tamazight, je disposais de trois langues pour communiquer avec les uns et les autres. La langue arabe, que je connais bien, me rendait les gens accessibles et Ă©tablissait trĂšs vite, entre moi et les populations locales, dont nous voulions nous approcher, un lien de confiance puisĂ©e, sans doute, dans notre appartenance commune Ă  la culture arabo-musulmane.
Tandis que nous approchions de l’entrĂ©e de l’hĂŽpital Al-Mansour, mon attention fut attirĂ©e par une immense toile blanche tournĂ©e vers le ciel. Elle semblait sortir du sol. On y avait Ă©crit Ă  l’encre noire «To bomb this site is a War Crime» («Bombarder ce site est un crime de guerre»). En dessous Ă  l’encre rouge «Children Hospital» («HĂŽpital pour enfants»).
– Ça, c’est nous, me lança Karen, la tĂȘte inclinĂ©e vers la banderole et le visage empreint d’un sourire de satisfaction.
– Je m’en serais doutĂ©e, rĂ©pliquai-je avant d’ajouter, et Ă  l’allure oĂč tout le monde dĂ©serte les lieux, les membres d’Iraq Peace Team (IPT) et Voices in the Wilderness (VITW) vont finir par ĂȘtre les seuls Ă©trangers dans les rues de Bagdad.
– En tous cas, ce n’est pas moi qui ferai mes bagages, dĂ©clara Karen d’un ton rĂ©solu. Un petit groupe d’hommes discutait devant l’entrĂ©e de l’hĂŽpital. À notre approche, ils se turent et nous saluĂšrent. D’un air familier, Karen lança son autre fameux mot arabe «Salamou alaikoum[2]», dans un accent amĂ©ricain, si particulier.
Tandis que nous progressions dans l’édifice, tout le monde semblait connaĂźtre Karen, du directeur Ă  l’employĂ© de l’entretien, les sourires et salutations fusaient sur notre passage. Ça semblait plutĂŽt curieux, mais au fond, je n’étais pas vraiment surprise de cette attitude si hospitaliĂšre, si serviable des gens Ă  l’égard des Ă©trangers. L’hospitalitĂ© arabe, ajoutĂ©e aux valeurs musulmanes, est lĂ©gendaire. Bien des rĂ©cits de voyageurs du monde en avaient fait mention. Je ne pourrais que renchĂ©rir en observant l’attitude des gens autour de nous, s’appliquant Ă  nous faire plaisir, voire Ă  dĂ©penser leurs maigres avoirs pour nous inviter Ă  partager leurs meilleurs mets. On ne pouvait pas refuser sans les peiner. Parfois, cette hospitalitĂ© peut sembler bien Ă©touffante pour ceux qui sont les hĂ©ritiers de cette tradition, en particulier les jeunes Irakiens, moins patients et surtout plus revendicatifs en terme de bien-ĂȘtre et de justice que leurs aĂźnĂ©s, davantage conciliants. Aussi, savoir rester courtois, aimable et poli envers les Ă©trangers, y compris les citoyens d’un pays ennemi, pouvait relever d’un dĂ©fi dans les circonstances prĂ©sentes. Pourtant, pas un seul incident n’était venu troubler l’ordre des choses et nous Ă©tions accueillis en amis, traitĂ©s comme des leurs, et mieux encore. Il n’était pas rare, et mĂȘme plutĂŽt frĂ©quent, dirais-je, que les Irakiens proposent Ă  des Ă©trangers l’hospitalitĂ© de leur demeure pour soustraire ceux-ci aux dangers de l’invasion amĂ©ricano-britannique que les gens pensaient imminente. L’ironie, c’est que la majoritĂ© des personnes ciblĂ©es par la proposition Ă©taient amĂ©ricaines. On pensait Ă  juste titre qu’en cas d’occupation de l’Irak, les citoyens amĂ©ricains qui militaient contre la guerre dans ce pays Ă©taient plus exposĂ©s que les autres aux reprĂ©sailles de leur propre gouvernement. Bon nombre de leurs compatriotes jugeaient leur engagement pour la paix comme un reniement de leur appartenance aux États-Unis. Des groupes de pression proches de l’administration amĂ©ricaine les avaient d’ores et dĂ©jĂ  cataloguĂ©s sous le vocable de traĂźtres, ce qui les mettait, ainsi que leur proches dans des situations difficiles. Sans compter que les membres fondateurs de VITW Ă©taient passibles de peines de prison ou, Ă  tout le moins de fortes amendes, pour avoir brisĂ© l’embargo imposĂ© Ă  l’Irak, notamment en introduisant des mĂ©dicaments au profit de la population irakienne[3]. Les Irakiens, trĂšs touchĂ©s par la symbolique du geste de solidaritĂ©, ne mĂ©nageaient aucun effort pour se rendre serviables Ă  leur tour et tĂ©moigner ainsi de leur considĂ©ration.
Une considĂ©ration tout aussi manifeste, Ă  l’image de celle dont jouissait Karen auprĂšs du personnel de l’hĂŽpital Al-Mansour, et dont j’étais tĂ©moin ce jour-lĂ . Cette confiance acquise, Karen circulait librement, empruntant couloir par-ci, escalier par-lĂ . Et diable qu’elle marchait vite; je courais presque pour rester Ă  sa hauteur.
C’était la premiĂšre fois que je l’accompagnais dans cet hĂŽpital, alors qu’elle Ă©tait une visiteuse assidue, faisant le tour du pavillon Ă  raison de deux ou trois fois par semaine, selon sa disponibilitĂ©, depuis plus d’un an. Seule ou accompagnĂ©e d’un autre membre de l’équipe, comme moi ce jour-lĂ , Karen ne passait plus une semaine sans aller mettre un petit sourire sur le visage des condamnĂ©s d’Al-Mansour.
Nous nous arrĂȘtĂąmes au deuxiĂšme Ă©tage de l’édifice, dans un corridor nu donnant sur des salles plongĂ©es dans le calme de la sieste. Nous passĂąmes devant une porte, puis deux, puis trois.
Tout avait l’air si vieux, si usĂ©, si Ă©pouvantablement calme pour un endroit peuplĂ© d’enfants... Tous les lits que j’apercevais des fenĂȘtres Ă©taient occupĂ©s par de jeunes enfants. Soudain, Karen s’arrĂȘta devant une des portes, qu’elle poussa dans un large geste. Il y avait huit lits, tous occupĂ©s par des enfants, dont le plus jeune ne semblait pas avoir plus de trois ans. DĂšs qu’on pĂ©nĂ©trait dans la piĂšce, on Ă©tait surpris par l’image qui jaillissait devant nos yeux. À la tĂȘte de chaque lit, s’y trouvait une femme, tout de noir vĂȘtue. «Ce sont les mamans, m’expliqua Karen. Ces malheureuses partagent leur semaine et leur cƓur entre l’enfant qui se trouve ici et ceux restĂ©s au village.»
Je marchais sur les pas de Karen qui fit un rapide tour des lits, prenant les petites mains qui se tendaient vers nous et souriant aux mamans. Parfois les enfants se prĂ©sentaient eux-mĂȘmes, d’autres fois, trop affaiblis ou tout simplement gĂȘnĂ©s devant les Ă©trangers, ils se dĂ©robaient et c’était aux mamans Ă  le faire.
Tous les enfants s’étaient redressĂ©s sur les lits. Manifestement, notre visite les avait animĂ©s. AussitĂŽt des petits sourires illuminĂšrent un tant soit peu les visages ternes, marquĂ©s par la maladie. Tout dans cette visite semblait faire partie d’un rituel. Celui de Karen et les enfants du pavillon des cancĂ©reux de l’hĂŽpital Al-Mansour. Il n’y avait aucun membre du personnel hospitalier, ni dans la salle ni dans le corridor. Tous Ă©taient attentifs aux gestes de Karen, autant les enfants que leurs mamans.
AprĂšs avoir fait le tour de la salle, la jeune femme vida le contenu de son sac en plastique sur une des tables au pied d’un lit. PĂąte Ă  modeler, crayons de couleur, pages blanches, ciseaux et feuilles de couleur Ă  dĂ©couper, ainsi qu’un cahier de coloriage. La scĂšne Ă©tait poignante. Tous les enfants avaient les yeux rivĂ©s sur la table, tandis que l’impatience gagnait les petites mains qui s’agitaient Ă  mon passage pour saisir les prĂ©cieux objets que je leur tendais. «Ne donne pas plus de trois ou quatre couleurs Ă  chacun, sinon, il n’y aura pas pour tout le monde!» me rappela Karen tandis que Bassem, un enfant d’environ six ans, chĂ©tif, pĂąle, le visage tumĂ©fiĂ© de marques violettes, m’en rĂ©clamait. Tant pis pour Karen, j’étais incapable de laisser vide la petite main tendue.
Cela faisait si longtemps que les crayons de couleur n’avaient eu l’importance que leur donnait cet instant et le dĂ©nuement du lieu et des gens. N’est-il pas sordide que des choses aujourd’hui aussi insignifiantes qu’un crayon Ă©taient inaccessibles ici, dans un pays qui avait connu l’aisance et le bien-ĂȘtre dans un passĂ© si proche, avant qu’il ne soit transformĂ© en enfer pour ses habitants par trois guerres successives.
– Avons-nous des rĂ©serves au bureau? demandai-je Ă  Karen occupĂ©e Ă  partager une boĂźte de pĂąte Ă  modeler.
– Non, murmura-t-elle, mais nous avons la promesse d’un libraire. Je devrais le voir demain.
– EspĂ©rons qu’il n’a pas fermĂ© boutique compte tenu de la menace. Tout en parlant, Karen m’avait lancĂ© un regard empreint d’incertitude.
L’incertitude imprĂ©gnait dĂ©sormais chacun de nos gestes, chacune de nos pensĂ©es. Plus l’idĂ©e d’invasion s’installait dans les esprits, plus on fermait de magasins, on vidait les lieux, pour disait-on, aller chercher refuge dans les campagnes, loin de Bagdad. Me revint Ă  l’esprit l’exemple de cette clinique privĂ©e d’accouchement que j’avais visitĂ©e deux jours plus tĂŽt en compagnie de Maguy, une autre membre de IPT. L’établissement Ă©tait tenu par des religieux chrĂ©tiens qui nous avaient confiĂ© que les services de maternitĂ© Ă©taient dĂ©bordĂ©s. L’ampleur de la demande avait provoquĂ© un sentiment d’angoisse chez le personnel mĂ©dical qui s’est retrouvĂ© brusquement soumis Ă  une pression intense. Pour l’administration aussi, c’était un casse-tĂȘte difficilement gĂ©rable. Non pas que les Irakiennes s’étaient donnĂ© le mot pour accoucher toutes en mĂȘme temps, ni qu’elles s’étaient mises soudainement Ă  accoucher plus qu’avant; tout ce branle-bas Ă©tait dĂ» tout simplement Ă  la menace de guerre qui planait sur le pays. Prises de panique Ă  l’idĂ©e de ne plus avoir accĂšs aux services de maternitĂ©, un grand nombre de femmes, plus ou moins proches du terme de leur grossesse, se prĂ©sentaient Ă  la clinique pour se faire accoucher prĂ©maturĂ©ment par cĂ©sarienne. Elles pensaient ainsi avoir plus de chance d’ĂȘtre sauvĂ©es, elles et leurs bĂ©bĂ©s.
DĂ©cidĂ©ment, la souffrance n’épargnait personne dans ce pays oĂč les bombes et les sanctions se relayaient pour entretenir le martyre des populations. Comme tout un chacun qui suivait la situation de l’Irak au fil de l’actualitĂ©, je compatissais Ă  cette souffrance affichĂ©e sommairement dans les colonnes des journaux et sur les Ă©crans de tĂ©lĂ©. J’étais, comme beaucoup de mes semblables, Ă©corchĂ©e par les destructions massives, par les indescriptibles cortĂšges de rĂ©fugiĂ©s fuyant leurs quartiers dĂ©truits, mais jamais, me semblait-il, en dĂ©pit de la capacitĂ© d’imagination dont nous sommes dotĂ©s, nous n’avions la juste mesure de la souffrance des autres, de la profondeur du drame qui s’y jouait Ă  moins de les vivre de l’intĂ©rieur ou encore d’y faire face. L’exemple le plus frappant du rĂŽle de cette distance sur notre capacitĂ© de compassion fut illustrĂ© par la rĂ©action (ou plutĂŽt l’absence de rĂ©action) Ă  la dĂ©claration publique, pourtant terrifiante de Mme Madeleine Albright Ă  l’émission 60 Minutes du rĂ©seau CBS. QuestionnĂ©e sur la mort de 500000 enfants irakiens dĂ» Ă  l’embargo amĂ©ricain par le journaliste qui lui demandait: «Est-ce que ça vaut la peine?» L’ambassadrice de Clinton Ă  l’ONU avait eu cette rĂ©plique d’un cynisme effrayant: «Oui, nous croyons que ce prix en vaut la peine.»
Le fait que les membres de notre organisation, exceptĂ© trois dont moi-mĂȘme, Ă©taient originaires de pays occidentaux associĂ©s dans les opĂ©rations menĂ©es contre l’Irak, nous permettaient de discuter ouvertement de la responsabilitĂ© des uns et des autres dans le calvaire des populations auprĂšs desquelles nous intervenions avec de si modestes moyens. Plusieurs d’entre-nous Ă©taient insatisfaits des rĂ©sultats de nos actions et souhaitaient plus de moyens pour ĂȘtre efficaces.
La situation dramatique dans laquelle se trouvait l’hĂŽpital oĂč nous Ă©tions renseignait sur le dĂ©labrement affectant les services publics dans ce pays. L’entretien Ă©tait rĂ©duit au strict minimum. La peinture n’avait pas Ă©tĂ© refaite depuis fort longtemps. Les murs Ă©taient marquĂ©s par de nombreuses fissures et des boursouflures qui ajoutaient Ă  la tristesse des lieux. Outre cette dĂ©crĂ©pitude et la vĂ©tustĂ© des infrastructures et de l’équipement, il y avait un manque crucial de mĂ©dicaments. Pourtant, c’était un des hĂŽpitaux les mieux nantis, nous avait-on dit. Qui oserait imaginer la situation des autres institutions de santĂ© Ă  travers le pays.
C’est ici, Ă  l’hĂŽpital Al-Mansour qu’échouaient les enfants atteints de leucĂ©mie, non pas pour y ĂȘtre soignĂ©s, mais pour y mourir, sans trop de douleur. Tout le monde savait que la mort de ces enfants Ă©tait due Ă  l’absence de traitement adĂ©quat de cette maladie, un traitement dans lequel interviennent plusieurs composants, dont certains Ă©taient malheureusement interdits Ă  l’importation pour cause d’embargo. À titre d’exemple, la mine de crayon, nous avait-t-on dit, Ă©tait interdite Ă  l’importation sous le prĂ©texte qu’elle pourrait ĂȘtre utilisĂ©e avec d’autres composants dans la fabrication d’armes nuclĂ©aires! Bien des gens de par le monde, rĂ©voltĂ©s par tant d’arbitraire, avaient essayĂ© de briser l’étau de cet embargo, en vain; il Ă©tait toujours en vigueur, et nous contemplions une de ces multiples facettes.
L’image de ces mĂšres, drapĂ©es de noir au chevet de leurs enf...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Crédits
  5. DĂ©dicace
  6. Citation
  7. Remerciements
  8. Note de l’auteure
  9. Jenan, la condamnĂ©e d’Al-Mansour
  10. Épilogue
  11. Annexe
  12. Table des matiĂšres
  13. QuatriĂšme de couverture