L'économie participaliste
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L'économie participaliste

Une alternative contemporaine au capitalisme

  1. 302 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L'économie participaliste

Une alternative contemporaine au capitalisme

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Pascal Lebrun offre au public francophone la première synthèse présentant l'économie participaliste. Il expose ses fondements philosophiques, théoriques et idéologiques ainsi que son fonctionnement.

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2014
ISBN
9782895966760

CHAPITRE 1

ORIGINES ET VALEURS

LÉCOPAR, SOLUTION DE RECHANGE progressiste au capitalisme, a été développée à partir de la fin des années 1980 par deux auteurs: Michael Albert, un militant bien connu aux États-Unis, et Robin Hahnel, professeur d’économie à l’American University à Washington. L’écopar a été conçue dans un contexte intellectuel difficile pour la gauche radicale. Avec la chute du bloc de l’Est, la faillite des économies planifiées a consolidé, même à gauche, la thèse néolibérale voulant que toute coordination économique collective soit impossible ou néfaste. Le socialisme de marché est l’exemple le plus frappant de cette victoire théorique du libéralisme: même s’il en appelle toujours à la socialisation des moyens de production, il adopte une position favorable à l’économie de marché telle que la définit la pensée économique libérale orthodoxe[1]. Albert et Hahnel ont d’abord voulu démontrer qu’une planification économique viable et démocratique était théoriquement possible[2]. Le fruit de cette première étape a été la formulation d’un modèle théorique formel pour l’écopar, tentant de démontrer qu’elle est réalisable et qu’elle serait efficace[3]. Évidemment, ils ne se sont pas arrêtés là; l’écopar forme maintenant un tout assez complet et cohérent, du moins au plan économique. Selon ses défenseur.e.s, elle permet le développement d’institutions économiques au moins aussi efficientes que dans n’importe quelle économie de marché, tout en faisant la promotion des valeurs d’équité, d’autogestion, de solidarité et de diversité[4]; elle favoriserait ainsi une société démocratique, prospère et sans classes sociales.
C’est Normand Baillargeon qui, à ma connaissance, est le premier à en avoir parlé dans le monde francophone. C’est lui qui a forgé la contraction «écopar[5]» à partir des traductions «économie participative» ou «économie participaliste», qu’il utilise de façon interchangeable[6]. Pour ma part, j’ai préféré m’en tenir à «participaliste» pour marquer la différence entre une mesure participative, au sens général, et le projet précis que représente l’écopar. En effet, l’adjectif «participatif» peut qualifier différentes mesures qui ne sont pas en elles-mêmes révolutionnaires ou en rupture avec le capitalisme, par exemple, le budget municipal participatif mis en application à Porto Alegre. Cette forme de participation n’a absolument rien à voir avec ce que propose l’écopar. Celle-ci est en effet un projet révolutionnaire, complètement en dehors de la pensée et des pratiques capitalistes ou progressistes réformistes. Il existe d’autres propositions, fondamentalement différentes de l’écopar, qui reposent sur des fondements participatifs. Le terme «participaliste» permet de distinguer l’écopar de ces autres options, révolutionnaires ou non. Mais avant d’expliquer comment l’écopar entend réaliser ce projet économique ambitieux, voyons les fondements sur lesquels ses concepteurs se sont appuyés.
L’HOLISME COMPLÉMENTAIRE
L’«holisme complémentaire» est la théorie sociale sur laquelle repose l’écopar. Ses bases ont été jetées dans un ouvrage collectif, paru en 1986[7], auquel Noam Chomsky, entre autres, a contribué. La forme et les postulats de l’écopar en découlent, bien qu’on y fasse rarement allusion dans la littérature la concernant.
Cette théorie identifie quatre aspects de l’oppression humaine, quatre sphères d’activité où doit s’opérer l’émancipation, soit l’économie, la politique, la communauté et la parenté-affinité[8]. Des oppressions spécifiques existent dans chacune de ces sphères (le capitalisme dans l’économie, l’autoritarisme et l’impérialisme en politique, le racisme dans la communauté et le patriarcat dans la parenté-affinité[9]). De même, différentes réponses idéologiques «monistes» à ces oppressions ont été formulées, comme le féminisme, le marxisme, l’anarchisme, le nationalisme[10] et ainsi de suite. Par «moniste», les auteur.e.s entendent une idéologie qui fait reposer la libération du genre humain sur un seul aspect de l’oppression[11]. Par exemple, on peut dire des mouvements marxistes-léninistes qu’ils étaient monistes parce toutes les autres luttes d’émancipation y étaient reléguées au second plan, parfois même combattues. Pour le collectif d’auteur.e.s, c’est aussi le cas de l’anarchisme, qui ne s’opposerait qu’à l’autoritarisme politique, mais pas nécessairement aux formes d’oppression présentes dans les trois autres sphères[12].
L’holisme complémentaire se veut donc une réaction et une alternative à ces théories et pensées progressistes monistes. Pour les auteur.e.s, la faille de ces théories réside dans le fait qu’elles se concentrent sur un seul aspect de la domination, identifié comme indépendant des autres et comme principal déterminant de la société. De fait, les relations de travail ne peuvent s’expliquer que par une analyse économique, en raison des discriminations raciales et de genre qui s’y entremêlent. À l’inverse, la domination patriarcale est aussi traversée par plusieurs aspects économiques et raciaux.
Cela dit, les auteur.e.s reconnaissent que la plupart des gauchistes ne se contentent pas d’une seule grille d’analyse. L’approche qui consiste à superposer différentes théories pour analyser différents aspects de l’oppression est dite «complémentariste[13]». Ainsi, on peut rencontrer des personnes qui se disent à la fois marxistes et féministes, anarchistes et nationalistes[14], et ainsi de suite. Selon l’holisme complémentaire, cette approche n’est pas satisfaisante non plus, puisqu’elle ne permet pas une analyse en profondeur des interactions entre les grands systèmes d’oppression. Certains éléments de ces systèmes échappent ainsi à la compréhension que devrait apporter la grille d’analyse qu’on leur applique. Par exemple, le féminisme, même couplé à d’autres analyses, serait incapable de saisir toute la réalité du patriarcat, puisqu’il néglige les aspects économique, ethnique et politique de l’oppression, de même que leur interaction avec le patriarcat. Pour les auteur.e.s, la réalité de l’oppression dépend de trop de facteurs pour se laisser réduire de cette façon; les différents systèmes d’oppressions s’entrecroisent, interagissent et se renforcent les uns les autres, d’où la nécessité d’une pensée holiste et complémentaire et non pas seulement complémentariste[15]. Cette vision n’est pas sans rappeler le concept d’intersectionnalité du féminisme[16], bien qu’il ne soit pas directement cité par les auteur.e.s.
Ainsi, les quatre sphères ne sont pas séparées les unes des autres; elles interagissent dans deux types de relations: l’accommodement ou la codéfinition[17]. Dans l’accommodement, un système d’oppression s’organise en s’accommodant des exigences d’un autre, permettant ainsi une coexistence «pacifique». On pourrait citer en exemple le capitalisme, qui a longtemps laissé les femmes mariées hors du marché du travail alors qu’il aurait pu les y intégrer pour mieux les exploiter. Selon cette façon de voir les choses, le capitalisme s’est ainsi accommodé des exigences du patriarcat qui limitait le rôle des femmes mariées au foyer. À l’inverse, il y a codéfinition lorsque deux systèmes définissent ensemble leurs structures internes propres. Par exemple, si le capitalisme est une oppression spécifique à la sphère économique et le patriarcat à la sphère parenté-affinité, il n’en demeure pas moins qu’une femme qui travaille obtient généralement un salaire inférieur à celui d’un homme. Ainsi, ni le capitalisme ni le patriarcat ne peuvent à eux seuls expliquer complètement cet état de fait; il ne s’agit pas là d’une simple superposition du capitalisme et du patriarcat, mais bien d’une interrelation entre deux systèmes d’oppression, une codéfinition.
Si les différents systèmes d’une société se codéfinissent fortement, il est possible que les transformations sociales ayant cours dans l’un d’entre eux puissent forcer des transformations semblables dans les autres sphères[18]. La codéfinition est une arme à double tranchant. Elle peut «corrompre» une libération ayant eu lieu dans une autre sphère, en y imposant ses valeurs et ses façons de faire, comme lorsque les femmes ont massivement gagné l’accès au marché du travail pour s’y retrouver au moins aussi exploitées que les hommes. Mais cette libération peut aussi imposer un certain relâchement dans d’autres systèmes d’oppression, ou même les faire disparaître. Par exemple, l’abolition complète de l’impérialisme ébranlerait aujourd’hui profondément le capitalisme, qui repose sur des relations internationales néocoloniales, même si en termes holistes complémentaires l’impérialisme relève de la sphère de la communauté et le capitalisme, de celle de l’économie. Cet aspect de la théorie est très important, l’écopar ayant été formulée à l’origine uniquement comme système économique, mais avec la visée évidente de transformer l’ensemble de la société, comme on le verra au chapitre 3.
Ce simple résumé ne couvre évidemment pas l’entièreté de la théorie sociale de l’holisme complémentaire, qui est beaucoup plus vaste, mais il est suffisant pour comprendre l’intention qui sous-tend l’écopar. Pour Albert et Hahnel, conceptualiser un système économique libérateur ne permet pas d’éliminer toutes les oppressions du monde d’un seul coup, mais c’est néanmoins un pas en ce sens. On verra au chapitre 6 à quel point l’écopar peut atteindre cet objectif.
LES VALEURS
Définir les choses par leur négation n’est pas très utile pour les comprendre. De quoi aura l’air un monde où les rapports de domination auront été abolis? La première étape pour imaginer un ensemble d’institutions économiques visant à bâtir un tel monde est de se demander quel résultat, quels «produits», on désire obtenir. Dans le cas de l’écopar, il n’y a pas que l’efficience économique qui compte[19]. Afin de remplacer les rapports de domination, l’écopar entend actualiser quatre valeurs: l’équité, l’autogestion, la diversité et la solidarité[20].
L’équité
Personne ne s’oppose à la vertu; l’équité est une valeur fondamentale de toutes les pensées économiques. Encore faut-il s’entendre sur sa définition. Comment répartir le travail et la richesse équitablement? Ce dont on parle ici, c’est de la division du travail et de la rémunération, comprise comme le droit à la consommation des biens et services produits dans la société. En ce sens, la rémunération est le moyen de répartition de la richesse, et n’est pas seulement un salaire.
En tant que projet de la gauche radicale, l’écopar considère sans surprise comme profondément inique l’attribution de revenus sur la base de la propriété des moyens de production. Mais l’abolition de cette propriété suffirait-elle à assurer l’équité?
La question que posent Albert et Hahnel est de savoir s’il est juste d’octroyer une rémunération supérieure à une personne tout simplement parce qu’elle dispose de talents ou de compétences exceptionnels. Une personne plus douée dans son travail mérite-t-elle une meilleure rémunération que les autres? Une personne ayant fait des études supérieures mérite-t-elle un meilleur revenu qu’une autre n’ayant pas eu cette capacité, cette possibilité ou cet intérêt? La question devient d’autant plus importante qu’on constate actuellement que les emplois les mieux rémunérés sont aussi souvent ceux qui confèrent le plus de pouvoir et les conditions de travail les moins dangereuses. Non seulement le PDG d’une grande banque est-il multimillionnaire, mais il dispose en plus d’un immense pouvoir, au travail comme dans l’ensemble de la société, et ne mourra vraisemblablement pas d’un accident du travail...
Albert et Hahnel dénombrent quatre normes de rémunération différentes[21], toutes prétendument équitables, de leur point de vue. La première est celle en vigueur dans les sociétés capitalistes, soit la rémunération en fonction de la valeur du travail personnel et du produit de la propriété. Il existe plusieurs définitions de la valeur, mais les auteurs se réfèrent ici à la théorie marginaliste[22], à la thèse orthodoxe. Par valeur du travail, ils entendent donc son prix, c’est-à-dire le coût du salaire, comme représentant l’utilité du travail effectué; c’est la valeur marchande. Ainsi, en fonction de cette première norme, une personne peut toucher un revenu en travaillant ou de par ses droits de propriété sur des moyens de production, son capital[23]. La seconde norme a souvent été une revendication du socialisme traditionnel et veut qu’une personne soit rémunérée seulement à la valeur de son travail. Dans une telle société, tout le monde serait rémunéré en fonction de l’utilité de son travail; personne n’y serait capitaliste, rentier ou rentière. La troisième veut que chaque personne soit rémunérée en fonction de ses efforts et de ses sacrifices. C’est cette dernière norme qui est jugée équitable dans l’écopar[24]. Par effort, les auteurs entendent l’ardeur et la motivation au travail, alors que le sacrifice fait quant à lui référence au temps consacré à ce même travail, du temps qui n’est pas utilisé à autre chose, comme le divertissement ou les projets personnels. Enfin, la quatrième norme est la norme communiste qui veut que chaque personne fournisse du travail selon ses capacités et soit rémunérée selon ses besoins, comme l’avait p...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Crédits
  5. Préface
  6. Introduction
  7. Chapitre 1: Origines et valeurs
  8. Chapitre 2: Institutions et fonctionnement
  9. Chapitre 3: La «société participaliste»
  10. Chapitre 4: Inspirations théoriques et idéologiques
  11. Chapitre 5: Stratégie et exemples de mise en application
  12. Chapitre 6: Une société meilleure?
  13. Chapitre 7: Faisabilité économique
  14. Conclusion
  15. Bibliographie
  16. Remerciements
  17. Table
  18. Crédits de production
  19. Quatrième de couverture