La bombe
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La bombe

De l'inutilité des bombardements aériens

  1. 96 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La bombe

De l'inutilité des bombardements aériens

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À propos de ce livre

D'Hiroshima à l'Irak, en passant par la guerre du Vietnam, les bombardements aériens sont au cœur de la stratégie militaire américaine. Des analystes ont réfuté l'utilité stratégique de cette pratique, en montrant qu'elle relève davantage de la «?passion technologique?» que de la «?raison militaire?». Selon Howard Zinn, cette critique est rece­vable, mais trop courte. Il faut, soutient-il dans cet essai, condamner les bombardements intensifs en raison des atrocités qu'ils infligent à des centaines de milliers d'êtres humains, pour la plupart des civils. Quiconque saisit l'horreur des tapis de bombes, des bombes incendiaires et de la bombe atomique comprendra que rien ne les justifie... pas même une «?guerre juste?».

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2013
ISBN
9782895966371

HIROSHIMA. BRISER LE SILENCE

EN QUELQUES INSTANTS, la bombe larguée sur Hiroshima le 6 août 1945 a littéralement réduit en cendres la chair et les os de 140 000 hommes, femmes et enfants. Trois jours plus tard, à Nagasaki, une seconde bombe atomique tuait à peu près 70 000 personnes sur le coup. Pendant les cinq années subséquentes, environ 130 000 habitants de ces villes sont morts des suites de leur contamination par les radiations.
On ne connaîtra jamais les chiffres exacts, mais ceux-ci sont extraits du rapport le plus exhaustif qui soit, Hiroshima and Nagasaki: The Physical, Medical, and Social Effects of the Atomic Bombings, produit par une équipe de 34 scientifiques et médecins japonais, dont la traduction en anglais a paru aux États-Unis en 1981[10]. Ces statistiques ne tiennent pas compte des innombrables survivants mutilés, intoxiqués, défigurés, aveugles.
L’époque actuelle croule sous une telle avalanche de statistiques que la souffrance ou la mort de millions de personnes finit par ne susciter que l’indifférence. Ainsi, pour secouer cette torpeur, rien ne vaut des témoignages, même s’ils ne donnent qu’un faible aperçu de la réalité.
Une étudiante japonaise, âgée de 16 ans lors du bombardement, a raconté des années plus tard qu’il faisait très beau ce matin-là. Elle aperçut un bombardier B-29, puis survint un éclat de lumière. Portant ses mains à son visage, elle eut l’impression que celles-ci le «traversaient». Elle vit «un homme sans pieds, marchant sur les chevilles», puis s’évanouit. «Quand je me réveillai, il tombait une pluie noire. [...] Je croyais être devenue aveugle, mais, en ouvrant les yeux, je vis un magnifique ciel bleu au-dessus de la ville morte. Personne ne se tenait debout, personne ne marchait. [...] Je voulais rentrer chez moi, voir ma mère.»
Ces propos ont été tenus par Kinuko Laskey dans un anglais approximatif devant le Sénat des États-Unis, à Washington. Il importe de rappeler son témoignage et ceux d’autres survivants: «Une femme qui n’avait plus de mâchoire et dont la langue pendait errait [...] dans la lourde pluie noire [...], appelant au secours.»
Dans The Making of the Atomic Bomb, récit sans doute le plus minutieux et révélateur de cette longue, coûteuse et secrète entreprise ayant eu lieu dans le désert du Nouveau-Mexique, connue sous le nom de «projet Manhattan», Richard Rhodes, qui jusqu’à ce passage fait preuve de la plus grande retenue, décrit les effets du bombardement sans cacher son émotion:
En une fraction de seconde, dans un rayon de 800 mètres, les personnes exposées à la boule de feu provoquée par Little Boy ont été carbonisées, réduites en amas fumants, leurs organes internes évaporés. [...] Parsemant rues, ponts et trottoirs d’Hiroshima, ces petits tas noirs se comptaient par milliers. Au même moment, des oiseaux prenaient feu en vol. Dans un crépitement, insectes, écureuils et animaux de compagnie étaient anéantis[11].
Le psychiatre Robert Jay Lifton, qui a toujours refusé de s’en tenir à l’orthodoxie de sa profession, a été l’une des premières personnes à recueillir les témoignages de survivants, qu’il a relatés dans son ouvrage intitulé Death in Life. Une jeune fille, qui entamait alors ses études à Hiroshima, se rappelle:
Mes amis, qui, quelques secondes plus tôt, vaquaient consciencieusement à leurs travaux, avaient désormais le visage brûlé, couvert d’ampoules, leurs vêtements réduits en lambeaux. [...] Telle une mère poule veillant sur ses poussins, notre professeure tenait ses étudiants près d’elle; tels des poussins paralysés de terreur, les étudiants se réfugiaient sous son aile[12].
Une femme, alors fillette de 10 ans, se souvient: «Dans l’abri, tout le monde criait à tue-tête. [...] Je ne sais combien de fois j’ai imploré qu’on m’ampute les bras et les jambes, brûlés.»
John Hersey fut l’un des premiers journalistes américains à se rendre sur les lieux après le bombardement. D’abord parus dans le New Yorker, ses articles, réunis dans un livre, Hiroshima, causèrent un premier choc à la population américaine, qui se grisait encore de la victoire. Hersey avait interviewé six survivants: une employée de bureau, la veuve d’un tailleur, un prêtre jésuite, un médecin, un assistant en chirurgie et un pasteur méthodiste. Il avait constaté que, des 150 médecins que comptait la ville, 65 étaient déjà morts, les autres étant blessés. Sur 1 780 infirmières, 1 654 avaient péri ou étaient blessées si grièvement qu’elles ne pouvaient travailler. Hersey relatait ainsi son échange avec le pasteur:
M. Tanimoto [...] se pencha et prit une femme par les mains; la peau céda et vint sous ses doigts, par lambeaux énormes, comme un gant. Cette sensation éveilla en lui une telle nausée qu’il dut s’asseoir un instant. [...] Il devait se répéter sans cesse: “Ce sont des êtres humains”[13].
Ce n’est qu’en étant au fait de ces scènes qu’on peut juger des thèses affligeantes et empreintes d’indifférence que certains avancent de nos jours, soit 65 ans plus tard, selon lesquelles il était raisonnable d’envoyer ces avions en mission en ces deux matins d’août 1945. Le simple fait que cette question soit sujette à discussion en dit long sur l’état de la morale aux États-Unis.
Il faut tout de même réfuter ces arguments, car ceux-ci ressurgissent sous une forme ou une autre chaque fois que la puissance de l’État est exercée pour commettre des atrocités, que ce soit à Auschwitz, à My Lai, en Tchétchénie, à Waco ou à Philadelphie, où les familles membres du groupe MOVE ont subi les bombes incendiaires de la police.
Quand des bandes de fanatiques se livrent à des atrocités, personne n’hésite à les qualifier de «terroristes» – c’est d’ailleurs ce qu’ils sont – et à rejeter leurs justifications. Toutefois, si celles-ci sont perpétrées par le gouvernement, et ce, à une échelle beaucoup plus grande, le mot «terrorisme» est exclu, et l’on considère le fait que ces actes soient l’objet de débats comme un signe de vitalité démocratique. Pourtant, si le terme «terrorisme» a la moindre signification (ce dont je ne doute pas, car il permet de qualifier d’intolérable un acte de violence aveugle commis contre des êtres humains pour des motifs politiques), il s’applique parfaitement aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.
Dans un compte rendu du rapport des savants japonais, le sociologue Kai Erikson a écrit:
Les attaques contre Hiroshima et Nagasaki n’avaient rien d’une opération de «combat» au sens habituel du terme. Elles n’avaient pas non plus pour objectif premier la destruction de cibles militaires, car ces deux villes avaient été choisies non pas malgré leur forte densité de population, mais bien en raison de celle-ci. Que leur message s’adressât aux Russes, aux Japonais ou aux deux, ces attaques avaient été conçues comme un étalage, une démonstration de force. La question à poser est donc la suivante: dans quel état d’esprit un peuple essentiellement honnête doit-il se trouver, quel genre de contorsion morale doit-il accomplir, pour être prêt à anéantir jusqu’à 250 000 êtres humains dans le seul but de marquer des points[14]?
Laissons de côté la formule «un peuple essentiellement honnête», car elle soulève des questions troublantes: les Américains méritent-ils plus que les autres un tel qualificatif? Toutes les atrocités ne sont-elles pas commises par des «peuples essentiellement honnêtes» ayant été placés malgré eux dans des situations contraires à la morale propre au genre humain?
Penchons-nous plutôt sur le fond de la question de Kai Erikson. Cette question est cruciale précisément parce qu’elle interdit de ne considérer l’horreur que comme l’œuvre inévitable des gens horribles. Elle nous contraint à nous demander quel «état d’esprit» et quelle «contorsion morale» peuvent nous pousser, quels que soient la société à laquelle nous appartenons et notre degré d’«honnêteté essentielle», à pratiquer (en tant que bombardiers, physiciens nucléaires ou dirigeants politiques) l’immolation par le feu d’un grand nombre d’enfants ou simplement à y consentir (en tant que citoyens obéissants).
Il ne s’agit pas que de réfléchir à un drame irréparable, appartenant au passé et ayant touché autrui: la question nous concerne tous, aujourd’hui témoins d’atrocités qui, bien qu’elles s’en distinguent par leurs détails, équivalent moralement à celles qu’ont subi Hiroshima et Nagasaki. Il s’agit de réfléchir à l’incessante accumulation par des nations (à commencer par les États-Unis) d’armes nucléaires mille fois plus meurtrières que ces premières bombes atomiques, et en nombre dix mille fois plus important. Il s’agit aussi de réfléchir aux dépenses d’un billion de dollars qu’elles occasionnent chaque année, de pair avec les armes prosaïquement qualifiées de «conventionnelles», pendant que 14 millions d’enfants meurent de faim ou par manque de soins médicaux.
Il faudrait donc examiner le climat psychologique et politique ayant permis le largage de ces bombes atomiques et sa justification comme acte légitime et nécessaire. Il s’agit du climat de la Seconde Guerre mondiale.
Il régnait à l’époque un climat de rectitude morale unanime. L’ennemi était le fascisme, dont les horreurs s’exposaient sans fard: camps de concentration, assassinats politiques, torture infligée par la police secrète, autodafés de livres, contrôle total de l’information, bandes de voyous sillonnant les rues, désignation de «races inférieures» vouées à l’extermination, chef infaillible, hystérie de masse, glorification de la guerre, invasions, bombardements de civils... Nulle œuvre de l’imagination n’aurait pu mettre en scène fléau plus monstrueux. Il n’y avait bien entendu aucune raison de douter du caractère abominable de l’ennemi et de la nécessité de le mater avant qu’il ne fasse d’autres victimes.
Toutefois, une telle situation, où l’ennemi est incontestablement tenu pour diabolique, suscite une rectitude dangereuse, qui menace non seulement celui-ci, mais aussi nous-mêmes, innombrables badauds innocents, et les générations futures.
Nous pouvons juger l’ennemi avec un minimum de lucidité, mais pas nous-mêmes. Pour ce faire, il nous faudrait d’abord remettre en question cette idée toute simple voulant que, si l’ennemi est incontestablement diabolique, nous soyons incontestablement bons.
Une première supercherie réside dans l’usage du pronom «nous»: la conscience individuelle de chaque citoyen s’y trouve identifiée aux objectifs poursuivis par l’État. Si le caractère moral de notre but de faire la guerre (c’...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Crédits
  5. Préface. L’historien rebelle
  6. Avant-propos
  7. Hiroshima. Briser le silence
  8. Le bombardement de Royan
  9. Remerciements
  10. Table des matières
  11. Quatrième de couverture