La contamination des mots
eBook - ePub

La contamination des mots

  1. 290 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

La contamination des mots

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Dans cet essai trĂšs personnel, Gilles McMillan revient sur son enfance et la misĂšre culturelle dans laquelle il a grandi pour rĂ©flĂ©chir au pouvoir Ă©mancipateur de la littĂ©rature. Engageant le dialogue avec quelques Ɠuvres connues de la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise, c'est la question de l'hĂ©ritage qu'il pose?: comment, sans se dĂ©raciner, faire du monde un lieu habitable, pour soi et pour les autres??

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  La contamination des mots par Gilles McMillan en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literature et Literary Biographies. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2014
ISBN
9782895966708

TroisiĂšme partie

Éloge des solitudes combatives

Quelque part Ă  l’étage supĂ©rieur, un appareil de radio faisait entendre la valse Fascination. D’une autre partie de l’auberge de pĂȘcheurs partait la mitraille d’un dactylographe amateur. Ma sƓur aimait bien ces signes d’autres solitudes combatives.
RĂ©jean DUCHARME
La vie est bruissement, et ces gens qui s’y perdent, la perdent sans nul regret, puisqu’elle emplit leur cƓur: on les voit qui jouissent, en leur misĂšre, du soir: et, puissant, chez ces faibles, pour eux le mythe se recrĂ©e
 Mais moi, avec le cƓur conscient de celui qui ne peut vivre que dans l’histoire, pourrai-je dĂ©sormais Ɠuvrer de passion pure, puisque je sais que notre histoire est finie?
Pier Paolo PASOLINI

ROMAN DU DÉSASTRE OU DU RECOMMENCEMENT?

L’ÉNIGME DU RETOUR, DE DANY LAFERRIÈRE[*]

Or le dĂ©sastre n’est pas naturel. Il est humain.
Joël DES ROSIERS
UN ÉCRIVAIN QUI SE COMPLAÎT dans la sĂ©duction et le succĂšs mĂ©diatiques court le risque de se livrer pieds et poings liĂ©s aux attentes du marchĂ© du livre, relayĂ©es et alimentĂ©es par les mĂ©dias. Cette surveillance mĂ©diatique y est pour beaucoup dans ce que Dany LaferriĂšre appelle la «dictature du plaisir» dans une auto-entrevue qui dĂ©note un sens aigu de la luciditĂ©, de l’autocritique et
 de l’habilitĂ© mĂ©diatique:
«D: [
] Des fois j’ai l’impression que tu t’es perdu Ă  force de vouloir te faire voir. Tout cet Ă©talage sexuel
 Était-ce nĂ©cessaire? [
]
L: Si je deviens plus sĂ©rieux, mon ami, les mĂ©dias me laisseront tomber du jour au lendemain. Aujourd’hui, c’est la dictature du plaisir. Je ne peux plus faire marche arriĂšre[1].»
Cet aveu d’impuissante collaboration avec les mĂ©dias, de complaisance avec l’hĂ©donisme ambiant est Ă  prendre au sĂ©rieux. Surtout de la part d’un auteur dont la vie et l’Ɠuvre sont si marquĂ©es, souvent de maniĂšre ambiguĂ«, par la sĂ©duction mĂ©diatique et par la dictature. La quĂȘte de libertĂ©, de non-conformisme, s’affirme pourtant comme un motif central dans son Ɠuvre romanesque, qui trouve son unitĂ© dans ce que l’auteur appelle Une autobiographie amĂ©ricaine. Plus prĂšs de l’autofiction que de l’autobiographie, cependant, cette entreprise semble mobiliser les ressources de l’écriture littĂ©raire pour dĂ©jouer sa biographie plutĂŽt que de l’édifier: inventer sa vie, ĂȘtre Ă  l’origine de soi ou, au moins, faire un pied de nez Ă  l’Histoire, aux marqueurs identitaires, aux idĂ©ologies diverses. C’est ce que l’auteur revendique sur toutes les tribunes qui s’offrent Ă  lui, dont ses livres. Dans L’énigme du retour, il affirme, encore sur le mode de l’aveu:
La chose la plus subversive qui soit,
et je passe ma vie Ă  le dire,
c’est de tout faire pour ĂȘtre heureux
Ă  la barbe du dictateur.
Le dictateur exige d’ĂȘtre au centre de notre vie
et ce que j’ai fait de mieux dans la mienne,
c’est de l’avoir sorti de mon existence.
J’avoue que pour ce faire il m’a fallu jeter
parfois le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain[2].
Aveu important en effet, car le voyage de retour au centre de ce roman vise justement Ă  retrouver ce bĂ©bĂ© jetĂ© avec l’eau du bain, c’est-Ă -dire son Ă©lan vital, sa spontanĂ©itĂ©. Ce grand recommencement concerne d’abord l’écriture littĂ©raire, puisqu’au moment oĂč le narrateur apprend la nouvelle du dĂ©cĂšs de son pĂšre, exilĂ© comme lui et qu’il n’a pas connu, c’est un Ă©crivain qui n’écrit plus.
La mort du pĂšre dĂ©clenche une rĂ©trospection puis le voyage de retour au pays pour y ensevelir symboliquement ce dernier: redonner un pĂšre au «pays sans pĂšre», et son pays au pĂšre. L’annonce provoque aussi un retour Ă  l’écriture, qui passe par le corps, la main, l’écriture manuscrite, par petites touches, mĂ©thode «qui n’exige pas trop d’effort physique» explique le narrateur qui peine Ă  se sortir d’une fatigue profonde[3]. La mĂ©thode justifierait par ailleurs la forme impressionniste du roman qui s’apparente par endroits au poĂšme, voire au haĂŻku. La disposition du texte est sĂ©duisante, aĂšre la page, facilite la lecture en imitant la forme convenue du poĂšme, mais apporte-t-elle un supplĂ©ment de poĂ©sie Ă  la narration pour autant? Qu’est-ce que la poĂ©sie? Il existe une infinitĂ© de rĂ©ponses Ă  cette question, et la disposition sur la page y est pour bien peu de chose. Pour Jean-Pierre Issenhuth, grand lecteur de poĂ©sie, le poĂšme a quelque chose du grain sable dans la machine Ă  penser. Il croit par exemple que l’enracinement dans la terre pour l’écrivain est peut-ĂȘtre le meilleur gage d’universalitĂ© et que c’est Ă  cette condition que le mot rapproche ce qui peut sembler le plus Ă©loignĂ©, que la poĂ©sie enraie la pensĂ©e ordinaire, qu’il appelle «l’à-quoi-bon[4]». Ici, dans le roman de LaferriĂšre, on a plutĂŽt l’impression d’un procĂ©dĂ© servant Ă  huiler la machine narrative, Ă  faciliter les choses Ă  l’auteur et au lecteur.
Retour Ă  l’écriture donc, par la poĂ©sie (certaines de ses conventions Ă  tout le moins), mais retour aussi sur l’écriture: souvenir des dĂ©buts alors qu’il recherchait des rythmes sonores, percutants, rock[5]. Puis c’est la montĂ©e du doute, du grain de sable enfin:
Écrit-on hors de son pays pour se consoler?
je doute de toute vocation d’écrivain en exil[6].
Incertitude vite surmontĂ©e toutefois, puisque l’auteur ayant perdu la notion de territoire, l’exil ne saurait ĂȘtre non plus dĂ©finitif. Cet exil dans l’AmĂ©rique est d’ailleurs prĂ©fĂ©rable au repli identitaire, surtout que la littĂ©rature offre un sauf-conduit pour revenir au pays. «Le dictateur m’avait jetĂ© Ă  la porte de mon pays. Pour y retourner, je suis passĂ© par la fenĂȘtre du roman[7].»
Une question d’une importance centrale surgit. Dany LaferriĂšre aurait-il remplacĂ©, au cƓur de sa vie et de son Ɠuvre, une dictature par une autre? Le dandy littĂ©raire se serait-il enferrĂ© dans une identitĂ© fallacieuse, mĂ©diatique, se piquant d’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© bon ton et sĂ©duisante? Et, surtout, se pourrait-il que ces figures apparemment si diffĂ©rentes de la rĂ©pression (dictature politique/dictature du plaisir) rĂ©vĂšlent quelque chose sur notre sociĂ©tĂ© autant que sur celle d’HaĂŻti, qui auraient aussi jetĂ© le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain? HaĂŻti qui entretient une relation terrible, mais non exclusive avec le dĂ©sastre, puisqu’elle relĂšve de l’histoire du colonialisme comme de la corruption qu’elle a laissĂ©e dans son sillage. DĂ©sastre dĂ» aux fantasmes de notre Ă©poque aussi, dans sa version rock-hollywoodienne en tout cas, dont l’expression, la plus radicale et la plus facilement rĂ©cupĂ©rable par l’industrie du divertissement, se trouve dans un de ses mots d’ordre repris habilement par LaferriĂšre: «Je veux tout: les livres, le vin, les femmes, la musique, et tout de suite[8].» Belle transposition du cĂ©lĂšbre «Jouir sans entraves» qu’on apparente Ă  l’exigence de dĂ©rĂ©glementation absolue des sociĂ©tĂ©s afin de s’offrir aux dĂ©sirs insatiables du libre marchĂ©. Et ces fantasmes, les romans de LaferriĂšre les ont autant exploitĂ©s qu’explorĂ©s, c’est lui-mĂȘme qui le dit dans l’entrevue fictive citĂ©e plus haut. Il est notable qu’il le dit parfois sur le mode de l’aveu, parfois sur le mode de la revendication fanfaronne. C’est ce qui s’appelle soigner l’ambiguĂŻtĂ©.
Par rapport Ă  ces fantasmes cependant, L’énigme du retour marque une rupture de ton, ne serait-ce que par son dĂ©sir de tout recommencer en s’appuyant sur ce qui peut sembler le moins glamour, sur ce pays incertain, sans pĂšre et sans chapeau.
Au terme du voyage, en effet, Dany LaferriÚre reconnaßt son héritage, aussi énigmatique soit-il:
La langue de la mĂšre.
Le pays du pĂšre.
Le regard hébété du fils
qui découvre en un jour
un tel héritage[9].
Sur cet hĂ©ritage, et pour ajouter Ă  l’hĂ©bĂ©tude du fils, se dresse une poule noire assez comique, symbole de la paysannerie haĂŻtienne avec ses croyances, ses traditions, ses misĂšres, son innocence et sa vitalitĂ©. Il s’agit d’un cadeau impromptu de François, ex-compagnon d’armes du pĂšre, Ă  qui Dany rendait visite pour en apprendre un peu sur lui. François pourrait ĂȘtre ministre de l’Agriculture, mais il prĂ©fĂšre vivre parmi les paysans illettrĂ©s plutĂŽt que chez l’élite corrompue qui compte Ă©galement des ex-rĂ©volutionnaires ayant retournĂ© leur veste. C’est notamment le cas de GĂ©rard que rencontre d’abord Dany, lui aussi un ancien de la bande du pĂšre, ex-ministre du Commerce qui a largement tirĂ© profit de sa situation sans trop d’états d’ñme, et qui reproche surtout Ă  HaĂŻti son impuissance Ă  entrer dans la modernitĂ©, son retard.
François fait aussi comprendre Ă  Dany que son pĂšre Ă©tait un vĂ©ritable leader politique dont l’engagement s’appuyait sur une connaissance approfondie de l’histoire. Un militant qui n’a jamais trahi son engagement, prĂ©fĂ©rant l’exil, le dĂ©pouillement et la solitude au confort et Ă  la corruption. La libertĂ© peut avoir un prix trĂšs Ă©levĂ© quand on refuse aussi la dictature du plaisir. Or pour Dany, qui n’a depuis toujours qu’une photo pour connaĂźtre son pĂšre, celui-ci Ă©tait d’abord un dandy, un sĂ©ducteur.
L’enracinement dans la rĂ©alitĂ© historique passe aussi par le poĂšte martiniquais AimĂ© CĂ©saire. Son Cahier d’un retour au pays natal apparaĂźt dĂšs l’exergue, puis ressurgit Ă  diffĂ©rents moments du voyage. AimĂ© CĂ©saire: poĂšte et penseur de la nĂ©gritude, de la dĂ©colonisation, de la rĂ©volte contre toutes les formes d’avilissement, de la quĂȘte du moi et du NĂšgre fondamental. «Accommodez-vous de moi, je ne m’accommoderai pas de vous[10]», Ă©crit-il. Auteur d’un essai Ă©galement sur Toussaint Louverture, libĂ©rateur d’HaĂŻti, homme politique. Le Cahier de CĂ©saire est l’une des expressions les plus puissantes de la quĂȘte poĂ©tique et politique de l’ĂȘtre, qui marqua les militants de la dĂ©colonisation et de la libertĂ© partout dans le monde: «Gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle
[11]»
Pour Dany, narrateur du roman, l’image du poĂšte redouble celle du pĂšre, et le paraĂźtre recouvre l’ĂȘtre: «Dans mon rĂȘve, CĂ©saire se superpose Ă  mon pĂšre. Le mĂȘme sourire fanĂ© et cette façon de se croiser les jambes qui rappellent les dandys d’aprĂšs-guerre. [...] Un rĂ©volutionnaire est d’abord un sĂ©ducteur[12].» Le rĂ©volutionnaire en sĂ©ducteur est en elle-mĂȘme une image sĂ©duisante, mais qui veut dire quoi au juste? Quelle sorte de rĂ©volutionnaire, quelle sorte de sĂ©ducteur? Toutes les rĂ©volutions ne se font pas en faveur de l’humanitĂ©, de la libertĂ©, de la vie. Pier Paolo Pasolini Ă©crivait en 1973: «L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la “tolĂ©rance” de l’idĂ©ologie hĂ©doniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des rĂ©pressions de toute l’histoire humaine. Mais comment une telle rĂ©pression a-t-elle pu s’exercer? À travers deux rĂ©volutions, qui ont pris place Ă  l’intĂ©rieur de l’organisation bourgeoise: la rĂ©volution des infrastructures, et la rĂ©volution du systĂšme d’inf...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Crédits
  5. Préface
  6. Prologue
  7. I. MES SUICIDÉS
  8. II. ABSOLUMENT MODERNES (D’UNE MODERNITÉ L’AUTRE)
  9. III. ÉLOGE DES SOLITUDES COMBATIVES
  10. Épilogue
  11. Remerciements
  12. Table des matiĂšres
  13. QuatriĂšme de couverture