Les acteurs ne savent pas mourir
eBook - ePub

Les acteurs ne savent pas mourir

RĂ©cits d'un urgentologue

  1. 288 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Les acteurs ne savent pas mourir

RĂ©cits d'un urgentologue

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

La mĂ©decine d'urgence n'est pas un travail sans histoires, le docteur Alain Vadeboncoeur en sait quelque chose. Exerçant ce mĂ©tier depuis prĂšs de 25 ans, il a Ă©tĂ© le tĂ©moin de fins violentes, il a vu des personnes revenir de la mort, il a sauvĂ© des vies in extrĂ©mis, il a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  de coriaces malades imaginaires, mais surtout, il a accompagnĂ© la douleur de ceux qui perdaient un proche et la joie de ceux qui l'Ă©chappaient belle. Cette expĂ©rience lui donne une vision sensible et originale de la mort, indissociable de la vie, qu'il transmet ici dans ces rĂ©cits d'urgence, mais aussi en racontant ses propres expĂ©riences, dont celle du dĂ©cĂšs de son pĂšre, l'Ă©crivain Pierre Vadeboncoeur. Expert autoproclamĂ© de l'agonie, il nous rĂ©vĂšle aussi une vĂ©ritĂ© jusqu'ici ignorĂ©e du grand public: mĂȘme les meilleurs acteurs ne savent pas jouer la mort
 sauf ceux qu'il a lui-mĂȘme formĂ©s.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  Les acteurs ne savent pas mourir par Alain Vadeboncoeur en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Sciences sociales et Mort en sociologie. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2014
ISBN
9782895966074
HYPOCONDRIES

«J’AI PEUR QUE JE MEURE»

Un samedi soir Ă  l’urgence, le Canadien joue contre Boston, la soirĂ©e est donc plutĂŽt tranquille. Une femme Ă  peine sortie de l’adolescence consulte pour des palpitations. Je l’évalue rapidement, puisqu’il n’y a pas d’autre patient. Son ami reste dans la salle d’attente pour Ă©couter le match.
Ma patiente est en bonne santĂ©, ne prend aucun mĂ©dicament et n’a pas de maladie connue. Ses traits tendus, ses lĂšvres tremblantes et ses yeux hypermobiles trahissent toutefois une certaine dĂ©tresse. De plus, elle a mal dormi, parce que son cƓur donne des coups de temps en temps. Je l’écoute attentivement.
Les mots sont la matiĂšre premiĂšre du mĂ©decin d’urgence. Mon mĂ©tier est d’en retrouver le sens cachĂ©, pour porter un diagnostic, bien entendu, mais c’est aussi une sorte de poĂ©sie brute, pas banale, que j’aime entendre et mĂ©diter.
La jeune femme n’a pas d’autre symptĂŽme, aucune douleur, pas d’essoufflement ni de perte de connaissance. Juste des coups au cƓur, brefs et rarement rĂ©pĂ©tĂ©s. Puis, de temps en temps, comme une petite pause; elle prend une grande inspiration et tout se replace. Mais elle n’en peut plus.
Ce tableau est limpide, il s’agit d’extrasystoles, un phĂ©nomĂšne courant. La systole Ă©tant la contraction normale du cƓur; l’extrasystole, c’est simplement une systole de plus. Je lui explique le mĂ©canisme: chacune des milliards de cellules cardiaques peut envoyer un signal Ă©lectrique imprĂ©vu; le muscle d’environ 250 grammes propage l’impulsion par son rĂ©seau Ă©lectrique spĂ©cialisĂ©, obligeant une contraction supplĂ©mentaire, d’oĂč ce coup dans la poitrine, souvent dĂ©sagrĂ©able, mais parfaitement bĂ©nin.
— Des systoles? C’est comme un hoquet du cƓur?
— Oui, quelque chose comme ça.
La jeune femme rit, sans ĂȘtre vraiment rassurĂ©e. Je l’examine consciencieusement. La thyroĂŻde, le cƓur, les poumons, l’abdomen, les jambes, tout est normal. Mais aprĂšs un moment, ses lĂšvres tremblent de nouveau. C’est que je n’ai pas encore posĂ© la question centrale, la clef de voĂ»te:
— Dites-moi, de quoi vous avez peur, exactement?
— J’ai peur que...
Elle s’interrompt, puis se met à sangloter.
— J’ai peur que je meure.
Elle pleure franchement, tout en s’efforçant de sourire. Je lui tends un mouchoir.
— Je m’excuse. C’est juste que...
— Vous n’avez pas à vous excuser.
C’est souvent comme ça. On vient Ă  l’urgence pour des palpitations ou un autre symptĂŽme un peu banal, mais on Ă©prouve au fond une angoisse fondamentale: que le cƓur ne reparte pas, qu’il interrompe lĂ  son fabuleux travail. C’est l’angoisse de la mort.
Pourtant la mort n’arrivera pas – du moins, pas tout de suite. Sauf que la peur est rĂ©elle, se rĂ©pand jusqu’au bout de ses ongles et bouleverse depuis des jours la jeune femme. À chaque palpitation, elle se voit mourir dans la seconde suivante, une dizaine de fois par nuit.
Si les larmes jaillissent, c’est parce que cette peur a Ă©tĂ© nommĂ©e et que la tension retombe. Comprenant mieux ce qui l’a poussĂ©e Ă  venir consulter, je peux la rassurer. Je lui explique que l’extrasystole ne mĂšne pas Ă  l’arrĂȘt cardiaque, que ces palpitations dĂ©rangent, mais ne sont pas dangereuses et encore moins mortelles. Puis, j’essaie un peu de comprendre ce qui ne va pas, au-delĂ  des symptĂŽmes. GĂ©nĂ©ralement, on trouve les mĂȘmes causes: stress, manque de sommeil, pression au travail, problĂšmes financiers, enfants difficiles ou ruptures amoureuses; la vie, quoi. Je finis par comprendre que sa patronne la presse comme un citron et qu’il ne lui reste plus de jus. Je n’ai pas de solution magique, nĂ©anmoins je vais lui donner quelques jours de congĂ©.
— Si ça arrive encore, allez prendre une marche. Quand le cƓur accĂ©lĂšre, les cellules excitĂ©es se calment un peu. Peut-ĂȘtre aussi que votre mĂ©decin pourrait vous recommander Ă  quelqu’un, un psychologue par exemple.
Elle se lĂšve, me remercie, essuie ses larmes. Elle hĂ©site un moment avant d’ouvrir la porte.
— Je vous le dis, votre cƓur ne s’arrĂȘtera pas. En tout cas, pas avant un bout de temps.
Elle rit franchement, ce qui montre qu’elle a rĂ©ussi Ă  prendre un peu de distance par rapport Ă  ses symptĂŽmes.
— Ça va aller. Merci.
Elle sort et referme doucement la porte. Je l’entends parler à son ami dans la salle d’attente, à travers la porte.
— C’est combien?
— 2 Ă  1, Canadien. Pis, c’était quoi?
— Des stoles.
— C’est-tu grave?
— Ça va juste ĂȘtre grave quand je vais ĂȘtre vieille.
— On va à la Cage aux sports finir le match?
— Ça me tente.

PAROLES!

L’homme frĂȘle d’au moins 75 ans souffre de malaises Ă  l’estomac qui l’inquiĂštent, ce qu’il manifeste par un discours sinistre, mais bruyant, un peu trop pour un dimanche soir Ă  minuit.
AprĂšs l’avoir bien examinĂ©, constatant qu’il ne cesse de parler haut et fort mĂȘme quand je l’ausculte – une expĂ©rience douloureuse pour les tympans –, je lui explique, en prenant bien mon temps, qu’il ne souffre de rien de grave, mais cela ne le tranquillise pas. Au contraire, la pluie de paroles se transforme en un dĂ©luge de mots, qui finissent par me donner mal Ă  la tĂȘte. Je ne peux dĂ©cemment pas l’envoyer chez lui dans cet Ă©tat, surtout sans avoir calmĂ© sa logorrhĂ©e verbale. Profitant d’une pause, puisqu’il faut bien respirer de temps Ă  autre, je lui suggĂšre de rester en observation pour la nuit; il s’agit de le rassurer. Avec un peu de chance, l’épreuve du temps rĂ©vĂ©lera si un problĂšme plus sĂ©rieux peut expliquer son Ă©tat, bien que je n’y croie pas du tout.
Une fois installĂ© sur une civiĂšre, mon patient poursuit son intense monologue, hĂ©lant les patients, le personnel, les autres mĂ©decins et mĂȘme les visiteurs. Quiconque Ă  portĂ©e de voix devient une cible de choix. MĂȘme le plombier, venu rĂ©parer une fuite d’eau. Sa fille, un peu gĂȘnĂ©e de la situation, m’informe que son pĂšre a toujours eu ce comportement. Parfois, l’étourdissant discours s’interrompt quelques secondes, nous redonnant espoir, mais ça redĂ©marre ensuite. J’avale trois Tylenol et poursuis mon travail.
Un patient assez vigoureux pour parler aussi fort, c’est rassurant, parce que cela dĂ©montre qu’il ne manque pas d’oxygĂšne ni de tonus musculaire, que ses poumons ventilent et que son cƓur pompe efficacement le sang jusqu’au cerveau – du moins jusqu’aux zones du langage. Au contraire, les plus gravement atteints parlent peu, Ă©conomisant l’énergie pour mieux affronter la menace. C’est pourquoi il faut prendre soin des malades silencieux d’abord.
Je termine bientĂŽt mon quart de travail et me rends une derniĂšre fois Ă  son chevet. Ma prĂ©sence entraĂźnant plus de verbiage, je retourne terminer mes dossiers. Le personnel a choisi de le mettre au bout du corridor; je l’entends de loin discuter, plein d’une verve renouvelĂ©e par l’arrivĂ©e de l’équipe de nuit; son infirmiĂšre peine Ă  Ă©valuer les autres patients. On perçoit tout de mĂȘme un dĂ©but d’introspection:
— Vous pouvez pas me donner quelque chose pour que j’arrĂȘte de crier de mĂȘme!?
— Peut-ĂȘtre que vous pourriez simplement parler moins fort?
— Si je pouvais, je le ferais, mais ça parle fort tout seul!
Il reçoit son congĂ© le lendemain matin, aussi peu reposĂ© que ses voisins. Apparemment, la mort n’était pas au rendez-vous.
Ni le silence.

GLOUGLOU

Dans la cinquantaine, cette patiente avec une jolie mùche verte m’expliq...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page de titre
  4. Crédits
  5. La mort porte une robe en fortrel – PrĂ©face de Guylaine Tremblay
  6. ENTROPIES
  7. SIGNES VITAUX
  8. HYPOCONDRIES
  9. COLÈRES
  10. EMPATHIES
  11. IN MEMORIAM
  12. TESTAMENTS
  13. Merci...
  14. Table
  15. QuatriĂšme de couverture