Tueries
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Tueries

Forcenés et suicidaires à l'ère du capitalisme absolu

  1. 234 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Tueries

Forcenés et suicidaires à l'ère du capitalisme absolu

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Table des matières
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À propos de ce livre

Le terrorisme suicidaire frappe aujourd'hui aussi bien à Columbine ou Utøya, que dans les rues de Paris. Sa violence multiforme surgit de partout et repousse chaque fois les frontières de l'horreur. Soutenir que ces assassins sont des forcenés ou encore les soldats fous d'une armée ennemie ne suffit plus à comprendre un phénomène aussi effarant.Franco « Bifo » Berardi s'intéresse ici à la psychopathologie, mais aussi aux origines économiques et politiques de ces meurtres de masse de plus en plus fréquents. Il démêle minutieusement l'enchevêtrement de désespoir, de ressentiment, de nihilisme, d'affirmation identitaire et de quête de célébrité qui pousse ces hommes à faucher la vie des autres avant de mettre fin à la leur. En ressort cet examen d'un corps social déchiqueté par le pouvoir absolu du capitalisme, qui nous confine à une impasse, entre dépression et violence. Un état des lieux dont il faut prendre acte pour pouvoir à nouveau poser la question « Que faire? » et chercher, dans la noirceur, d'éventuelles lignes de fuite.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Lux Éditeur
Année
2016
ISBN
9782895966906

Chapitre 1

Le Joker

Très réel

LE 20 JUILLET 2012. Le jeune homme achète un billet, entre dans le cinéma et s’assied au premier rang. À peu près une demi-heure après le début du film, il quitte le bâtiment par une sortie de secours en laissant la porte ouverte derrière lui. Il va à sa voiture, enfile des habits de protection et sort ses armes. À minuit et demi, il entre de nouveau dans la salle par la porte restée ouverte. Il porte un masque à gaz, un casque pare-balles, des jambières de protection, un tour de cou et des gants d’intervention.
Des spectateurs voient le tireur masqué, mais ils le prennent pour un des nombreux fans enthousiastes déguisés pour l’occasion. Un homme, qui est là avec sa famille, dira plus tard que l’attaque ressemblait d’abord à un coup de publicité pour l’avant-première du film. Puis il ajoutera que le spectacle est devenu «très réel, très rapidement». «Après vingt minutes de film, il y a eu comme un moment solennel et quelque chose comme une grenade – j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait de feux d’artifice – a volé devant l’écran et est tombé devant moi sur le côté. Là, les gens ont commencé à se lever de leurs sièges pour s’en aller. Et alors, à droite de là où j’étais assis, du fond droit de la salle, on a commencé à voir des éclairs du canon du fusil. À ce moment-là, je pensais toujours qu’il s’agissait de feux d’artifice. Puis j’ai été touché ici (il pointe sa poitrine, au-dessous de son épaule), et je me suis rendu compte que c’était quelque chose de beaucoup plus grave. Les gens ont commencé à crier. C’était le chaos.»
À 00 h 38, le tireur lance une bombe fumigène. Tandis que le gaz emplit la salle, il tire avec un fusil de chasse, d’abord vers le plafond, puis vers le public. Il tire aussi avec un fusil semi-automatique Smith & Wesson M&P15 au chargeur tambour cent coups, et avec un pistolet Glock 22. Certaines balles traversent le mur et atteignent des gens dans la salle adjacente, où le même film est projeté.
«Il a dû tirer 19 ou 20 salves. Tout le monde se bousculait dans tous les sens. Quelqu’un derrière nous, probablement un retardataire, a été blessé. Il a dit: “Je suis touché.” Le mec ressemblait à Terminator. Il ne disait rien. Il ne faisait que tirer, tirer, tirer. Des gens rampaient dans les escaliers. C’était une scène horrible. Vraiment horrible.»
L’alarme se déclenche peu après le début de l’attaque et le personnel aide à l’évacuation. Certains annoncent la fusillade par des tweets et des SMS au lieu d’appeler la police. Douze personnes sont tuées, et soixante-dix autres sont blessées. À 00 h 45, le tireur est arrêté à côté de sa voiture. Il n’oppose aucune résistance.
Il a les cheveux rouge orangé, il semble hébété et à peine conscient de son environnement. Quelques heures plus tard, les enquêteurs dévoileront son identité: James Holmes. Apparemment, le tireur aurait agi seul et ne fait partie d’aucun groupe ou organisation terroriste. Un de ses camarades de classe révélera plus tard que Holmes a souvent dit qu’il voulait tuer des gens.
Selon un employé de la prison interviewé par le Daily News, aujourd’hui, Holmes demande comment le film se termine. Il ne cesse de répéter à ses gardiens du Colorado qu’il ne comprend pas pourquoi il est enfermé derrière les barreaux. Certains de ses geôliers pensent qu’il simule l’amnésie.

L’art et la vie

En l’espace de quelques jours, un masque de caoutchouc à l’effigie de James Holmes, visage impassible et chevelure orange, comme sur sa première photo d’identité judiciaire, apparaît sur eBay pour 500 dollars.
Halloween, c’est seulement dans un mois. CHOQUEZ TOUT LE MONDE! On l’appelle le «Joker», le «Tireur du Chevalier noir», le «Lama», le «Surdoué extraordinaire», mais son vrai nom est James Holmes! Il n’y a rien de plus effrayant que de s’introduire dans l’esprit de James Holmes et de porter son visage. Ses «yeux qui percent l’âme» et les cheveux orange du «Joker» font de ce masque l’objet le plus inquiétant que vous ne posséderez jamais. Imaginez détenir le masque de celui que l’on considère comme le tueur le plus dangereux de l’histoire américaine. C’est un masque en latex conçu sur mesure pour un collectionneur à l’étranger. Je l’ai gagné en misant gros à un tournoi de poker quand j’étais en Europe. Je garantis qu’il s’agit d’un exemplaire unique. Sa valeur est quasiment inestimable, car il a été utilisé dans la production du documentaire le plus controversé qui sortira en 2013. Le masque est vendu tel quel, les retours ne sont pas acceptés. Si vous avez 0 référence et que vous êtes intéressé à faire une offre pour cet article, vous devez d’abord me contacter. J’enverrai le masque immédiatement après avoir reçu le paiement. Bonne chance!
Peu après la publication de l’annonce de l’utilisateur «realface13», eBay l’enlève et un porte-parole explique à ABC News: «L’offre a été supprimée, car elle ne respectait pas notre règlement concernant les objets interdits, contestables ou contrevenants. Par respect pour les victimes des crimes violents, eBay n’autorise pas les offres qui essayent de tirer profit de la tragédie humaine et de la souffrance.»

Catwoman a le cœur qui saigne

Je lis les informations: impossible de m’arrêter. Je passe une partie de la nuit à surfer d’un site à l’autre.
Holmes – qui a abattu 12 personnes, dont Veronica Moser-Sullivan âgée de 6 ans – est entré en prison sous les cris de «tueur d’enfants». Wayne Medley, un prisonnier de 24 ans – qui était dans la maison d’arrêt d’Arapahoe, dans l’État du Colorado, quand Holmes y a été incarcéré – a dit: «Tous les détenus parlaient de le tuer, attendant le moment propice. On ne parlait plus d’autre chose.»
James Holmes a dit aux policiers qu’il était le Joker, l’ennemi de Batman. Son répondeur téléphonique était aussi inspiré du personnage du Joker. Une fois en prison, il n’arrêtait pas de cracher sur les gardiens. Une source interne a dit à propos du tireur, qui était sous surveillance permanente dans une cellule individuelle de confinement: «Il n’a montré aucun remords. Il se croit dans un film.»
Après la fusillade, Anne Hathaway, qui joue Catwoman dans le film, a pris la parole: «Mon cœur saigne lorsque je pense à toutes les vies volées et détruites par cet acte incompréhensible et insensé. Les mots me manquent pour exprimer ma peine. Mon esprit et mes prières vont aux victimes et à leurs familles.»
Christopher Nolan, le réalisateur de The Dark Knight Rises, a publié une déclaration:
Au nom des acteurs et de l’équipe de The Dark Knight Rises, j’aimerais faire part de notre profonde tristesse provoquée par la folle tragédie qui atteint toute la communauté d’Aurora. Je ne peux prétendre savoir quoi que ce soit des victimes de la fusillade, sinon qu’elles étaient là, hier soir, pour voir un film. Je crois que le cinéma est une des plus belles formes artistiques américaines. Suivre ensemble une histoire qui se déroule à l’écran est une passion hautement réjouissante. Le cinéma est mon foyer, innocent et plein de promesses, et je suis dévasté à l’idée que quelqu’un puisse le violer si sauvagement. Rien de tout ce que nous pourrions dire n’exprimera jamais de façon adéquate ce que nous ressentons pour les victimes de ce crime épouvantable, mais nos pensées sont avec elles et leurs familles.
Plus tard, DC Comics a reporté la sortie de Batman Incorporated no 3, qui contenait une scène dans laquelle une femme de l’organisation Leviathan, déguisée en enseignante, brandit un pistolet dans une salle de classe pleine d’enfants. La Warner Bros a aussi retiré la bande-annonce du film Gangster Squad à cause d’une scène dans laquelle un personnage tire avec une mitrailleuse sur le public d’une salle de cinéma.

Le Joker et Dieu

Qui est James Holmes? Qui est le jeune homme qui s’est infiltré dans le cinéma d’Aurora pour franchir le mur qui sépare l’art et la vie?
Le Joker de 24 ans a été qualifié de «dérangé», «instable» ou «indifférent à la réalité», à l’avenant. Quelqu’un a dit que le jeune tueur avait agi sous l’influence de Satan. Mais le pasteur Jerald Borgie de l’église luthérienne de Penasquitos à San Diego a gardé le souvenir d’un garçon timide, intelligent, qui promettait de réussir dans ses études. Il a expliqué que la famille de Holmes était membre de la paroisse de l’église de San Diego depuis dix ans, que la mère du tireur assistait à la messe régulièrement et qu’elle faisait aussi du bénévolat.
Selon Benge Nsenduluka, qui écrit dans le Christian Post, James était un «un bon chrétien», éduqué dans la vérité divine d’une Bible infaillible, comme des millions de jeunes chrétiens américains. James était un «chrétien normal», extrêmement impliqué dans l’église presbytérienne locale.
Dans un article intitulé «What Presbyterians Believe[1]», le révérend George Aiken Taylor écrit: «Les presbytériens croient que tout ce qui arrive est la volonté de Dieu, et ne peut être compris que par Sa volonté. Rien ne peut arriver qu’Il n’autorise pour Ses raisons et Sa gloire propres. Il règne sur les actes des hommes diaboliques et réduit leur maléfice à néant. Il façonne toute chose après avoir consulté Sa volonté et transforme toute chose – même celles à priori maléfiques – en un bonheur extrême dans les vies de ceux qui L’aiment, ceux qui sont baptisés selon Ses vœux.»
Juste après le carnage, l’apologiste chrétien Rick Warren a accusé «le tournant progressiste» que l’enseignement de la théorie de l’évolution et l’interdiction des prières à l’école ont fait prendre à l’école publique. Dans un tweet à ses suiveurs et adeptes, il écrit: «Quand on dit aux élèves qu’ils sont comme des animaux, ils se comportent comme eux.» Bryan Fischer, responsable de l’évaluation pour le gouvernement et les politiques publiques de la American Family Association, insinue que la fusillade serait directement liée aux progressistes qui «ont passé soixante-dix ans à envoyer Dieu se faire voir». À l’émission de radio Focal Point, diffusée dans tout le pays sur les ondes des 125 stations de la American Family Radio, Fischer explique que:
L’Amérique existe parce que Dieu a créé cette nation afin de montrer ce qu’une nation qui suit les Écritures et le Dieu des Écritures peut être […] pour fournir au reste du monde un modèle qui montre à quoi ressemble la culture quand elle est imprégnée de l’esprit du Seigneur et qu’elle répand l’Évangile dans le monde. Aujourd’hui, il n’est plus possible de prier dans les écoles publiques. La Bible a été chassée des écoles publiques en 1963 […]. Ensuite, on s’est débarrassé des Dix Commandements en 1980. N’oubliez pas le Commandement: «Tu ne tueras point». Et si [James Holmes] y avait été confronté tous les jours dans le système éducatif? Et si les Dix Commandements étaient renforcés: «Tu n’assassineras pas»? […] Qui sait si les choses n’auraient pas pu être différentes? Mais on a fait un autre choix. On a essayé la façon des progressistes pendant soixante ans maintenant. Qu’avons-nous obtenu? Des morts à Aurora.
Mike Huckabee, 44e gouverneur de l’Arkansas et candidat en 2008 aux primaires des élections présidentielles du Parti républicain, blâme le péché – quoi d’autre? – et une sécularisation mythique envahissante: «En fin de compte, le problème n’est pas celui du crime ou des armes – ou même de la violence. Le problème, c’est le péché.»

Ostracisé

Des semaines avant que James Holmes ne mette en branle son plan macabre, il a tenté de nouer une liaison sur un site de rencontres. Il semble qu’il planifiait déjà son arrestation imminente, car son profil incluait cette phrase: «Viendras-tu me voir en prison?» Dans son paragraphe de présentation, il écrivait: «Je cherche une relation d’un soir ou une fille pour baiser de temps en temps. Je suis un mec sympa. Bon, assez sympa, disons, pour un mec qui fait ce genre de combines.»
Après l’ouverture de son compte le 5 juillet, Holmes a essayé de contacter trois femmes différentes, mais elles ont toutes refusé. L’une d’elles a déclaré que Holmes n’était en fait pas vraiment intéressé par le sexe, et qu’il «cherchait seulement à bavarder […] rien de sexuel».
Le neuropsychologue Dominic Carone a soutenu que Holmes ne parvenait pas à interagir sur le plan émotionnel. Il a de plus émis l’hypothèse que Holmes se serait identifié au personnage du Joker à force d’avoir été persécuté et rejeté.
Jeudi soir, prêt à rendre les coups, Holmes a parcouru les 8 kilomètres entre sa maison et les 16 salles de cinéma du complexe Century, dans un vaste centre commercial du centre-ville. Là, il a acheté un billet pour la séance de minuit de The Dark Knight Rises, le nouveau Batman. Il est entré dans la salle avec d’autres cinéphiles excités, pour s’échapper ensuite vers le parking par la sortie de secours. Il a donné le coup d’envoi de son carnage réel au moment où il est retourné dans la salle, armé jusqu’aux dents.

Armes

Dan Oates, le chef de la police d’Aurora, a déclaré:
Holmes a acheté 4 armes dans les armureries de la ville et 6 000 munitions par internet: plus de 3 000 cartouches de calibre 0.223 pour le fusil d’assaut, 3 000 cartouches de calibre 0.40 pour les 2 Glock en sa p...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Préface
  4. Nécrocapitalisme. À propos du diable, du suicide et de la guerre
  5. Bowie, 1977
  6. 1. Le Joker
  7. 2. L’humanité est surfaite
  8. 3. Gagner, pour un instant
  9. 4. La psychosphère de Cho
  10. 5. Qu’est-ce qu’un crime?
  11. 6. L’automate
  12. 7. Mémoire
  13. 8. Vous ne serez jamais à l’abri
  14. 9. La vague suicidaire
  15. 10. Un voyage à Séoul
  16. 11. Que faire quand il n’y a rien à faire?
  17. Remerciements
  18. Bibliographie
  19. Filmographie
  20. Table des matières
  21. Quatrième de couverture