Quand on éprouve une émotion notre cerveau s’active et engendre une réaction psychologique et physiologique spécifique qui sert à décharger l’énergie générée. Par exemple, la préoccupation pour un être cher peut nous pousser à lui téléphoner, pour vérifier si quelque chose de désagréable ne lui soit arrivé, évacuant ainsi la tension provoquée par l’attente et l’angoisse.
De ce fait, les états émotionnels influencent de manière importante la pensée, le comportement, les vécus psychologiques et notre physiologie. Pour cette raison, la peur peut nous faire battre le cœur plus rapidement ou nous stimuler à fuir ou en revanche nous paralyser soit l’esprit soit le corps.
Cette opinion prouve comment les réactions émotionnelles représentent une démonstration efficace de l’interaction étroite entre les états psychologiques et la fonction physiologique. Comprendre ces interactions nous aide à mieux gérer nos propres émotions tout comme celles des autres.
1.1 APPRENDRE À COMPRENDRE LES ÉMOTIONS DE L’AUTRE ET RECONNAÎTRE LES SIENS
Les émotions que je ressens mais que je n’accepte pas d’exprimer influencent considérablement mon attitude et par conséquent la réponse à la réaction émotionnelle de l’autre.
Si en tant qu’intervenant je ne me rends pas compte que je suis en colère ou trop impliqué émotionnellement dans une situation, je pourrai difficilement gérer ces émotions.
Sur ce point, il serait aussi difficile que je comprenne entièrement les émotions du patient, du soignant familial, alors comment pourrais-je me relier à eux d’une façon plus adéquate ?
La même chose est valable pour le patient qui est en train de vivre une situation très difficile, dont les caractéristiques et l’ampleur des émotions vécues influenceront, de toute évidence l’interaction avec les membres de sa famille et le personnel médical.
De même, le premier soignant familial, le cousin qui prend en charge de façon prépondérante la personne gravement malade, éprouve des émotions intenses et hétérogènes, qu’il peut reporter involontairement sur son proche et sur le personnel médical avec qui il doit se relier.
Étant donné que les émotions influencent les attitudes et les comportements, il est important de bien les connaître, plus on connaît les émotions, plus on réussit à les comprendre et à les gérer.
1.2 L’INFLUENCE DES ÉTATS ÉMOTIONNELS
Les sensations et les émotions que nous éprouvons par rapport au patient impactent notre relation avec lui. Si un patient nous transmet la tristesse probablement nous réagirons de sorte que nous lui remontions le moral, le stimulant positivement ou par contre, nous limiterions les interactions le plus possible, si cette tristesse est pour nous un poids excessif à supporter.
Tout ceci est bien évidemment un seul exemple de répercussions émotionnelles possibles qui nous influencent dans la relation avec la personne malade et pourtant, nous devons nous occuper d’elle.
Mais quelles sont les dynamiques à la base des émotions ?
À partir de la deuxième moitié des années 1800 de nombreux scientifiques ont commencé à s’intéresser davantage au lien entre la réaction physiologique et la pensée. Ils cherchaient à comprendre s’il y avait des altérations physiques comme le battement de cœur accéléré, qui nous font comprendre qu’avoir peur veut dire que nous savons que devant nous il y a une personne malintentionnée, ce qui nous fait réagir de façon physiologique. Par ailleurs, l’autre dilemme c’est si nos émotions sont universelles ou non.
Les études des émotions englobent donc plusieurs recherches qui pendant des années se sont succédées fournissant les explications souvent contradictoires. Pour certains scientifiques (théorie périphérique de James et Lange 1884) l’expérience émotionnelle naît de la transformation physiologique donc j’ai peur parce que je me rends compte que je tremble et non l’inverse. Canon (1927) et Bard (1929) ont contredit cette théorie affirmant que c’est la perception de stimuli qui produit les modifications somatiques et comportementales à travers l’activation de l’hypothalamus. Donc, pour ces scientifiques, quand j’aperçois le stimulus comme dangereux je transmets l’information au niveau des structures cérébrales (hypothalamus) qui démarrent les réactions physiologiques et les modifications comportementales.
La théorie de Canon Bard est corroborée par les recherches du cerveau effectuées par Papez (1937 le Circuit de Papez) et successivement de Mc Lean (1949 le système limbique de Mc Lean), les recherches ont indiqué les zones spécifiques cérébrales qui, selon les auteurs activaient et contrôlaient les processus émotionnels.
Successivement depuis les années 50, les études des psychologues cognitivistes ont confirmé que le vécu émotionnel est directement influencé par le mode dont chaque personne élabore mentalement ce qu’elle est en train de vivre. Donc, pour pouvoir éprouver une émotion il faut d’abord l’interpréter mentalement. Lazarus (1982 ) a expliqué que l’interprétation pouvait être la cause de l’émotion parce que chaque personne effectue une évaluation cognitive très rapide se basant seulement les informations minimales.
Contrairement à Lazarus, le scientifique Zajonc (1984) affirme qu’il peut y avoir indépendance entre les sensations subjectives et les évaluations cognitives vu que les sensations peuvent se révéler avant, après ou simultanément avec les processus cognitifs. Il a fait référence à une expérience de Wilson (1979) par laquelle on démontre que les émotions peuvent se produire même en absence d’élaboration cognitive.
En ce qui concerne l’universalité des émotions, dans les études effectuées des années 70 jusqu’aux années 90 on prétend que les émotions sont innées et importantes pour la survie de l’individu. Selon une recherche sur les expressions faciales, le chercheur américain soutient la thèse que les émotions qu’il nomme primaires ou basiques (joie, colère, tristesse, surprise, peur, dégoût, mépris) sont vécues et manifestées de la même façon dans toutes les cultures diverses. Ce qui crée les différences dans les expériences émotionnelles est dû aux règles sociales qui influencent leur modalité d’expression et aussi le mode par lequel l’émotion est gérée mais non l’expression en soi. Par exemple, dans notre culture exprimer la colère est censé être malpoli, mais la face de la colère, si elle est laissée s’exprimer est la même pour tous. Cependant, les émotions qu’il définit comme secondaires (gaieté, envie, angoisse, résignation, honte, jalousie, espoir, pardon, injure, nostalgie, remords, déception) naissent de la combinaison des émotions primaires et de l’influence sociale.
Les études successives ont contesté l’universalité des émotions et la méthode par laquelle la recherche d’Ekman les a décelées. Annoli (2002) affirme qu’il y a une interdépendance entre les réactions physiologiques et les influences culturelles dans la manifestation des émotions.
En conclusion, de la synthèse de diverses études qui ont élaboré comment et pourquoi nous nous émouvons on peut déduire, étant donné les vécus émotionnels considérablement subjectifs et contextuels (par exemple dans certains cas j’ai peur seulement si je suis seule) que chaque théorie pourrait avoir sa part de vérité.
Ce qui reste majoritairement partagé est que les émotions englobent deux divers systèmes de réaction qui sont :
- L’élaboration cognitive
- La modification du comportement
- Le vécu intérieur
LA RÉACTION PHYSIOLOGIQUE
La réaction physiologique concerne les modifications qui surviennent au niveau corporel, viscéral, neurologique, hormonal, aux niveaux des organes etc. De ce fait, toutes ces altérations physiques de la personne comme la respiration qui devient plus rapide, le visage qui devient pâle, la difficulté de digestion, les mains froides, n’en sont que quelques exemples.
Une grande partie de réactions physiologiques sont aperçues par celui qui les ressent, et le niveau d’intensité et de modalité par lesquelles elles se manifestent la plupart du temps est différent selon l’individu concerné.
Par exemple, si j’ai peur du chien qui s’approche, en fonction de l’intensité de ma peur je peux avoir les battements cardiaques accélérés, les yeux écarquillés, la perte du contrôle des sphincters, etc., plus ma peur sera forte, plus les symptômes seront importants. Justement à cause de la subjectivité de la réaction physiologique, certaines personnes sont plus prédisposées aux réactions déterminées par rapport aux autres, résultant au final que dans la même situation de peur certains perdront le contrôle des sphincters et d’autres non.
Contrairement à ceci, il y a des situations où les émotions s’activent suite aux réactions physiologiques. « J’ai piqué une telle trouille puis je me suis aperçue que j’étais toute mouillée au milieu de la foule et j’ai ressenti une honte ». Dans ce cas - là, l’émotion de peur active la réponse physiologique qui implique la perte d’urine et cette perte d’urine provoque l’émotion sociale de la honte.
Il peut aussi arriver que l’interprétation cognitive suscitant l’émotion soit inconsciente. Par exemple« Quand j’ai ressenti la rougeur, j’ai compris que j’éprouvais une gêne énorme.» Dans ce cas-là il semble que l’interprétation cognitive se produit à cause de la réaction physiologique mais en fait il est probable qu’au niveau psychologique, il y ait déjà eu l’élaboration de la pensée qui a por...