La question de savoir qui s’efforce de rechercher ou d’écouter de nouvelles informations n’est pas récente. Chaque fois que des gens étudient les problèmes de la diffusion des informations, de la propagande, de la publicité ou de toute autre initiative de ce genre, ils se trouvent immédiatement confrontés aux questions suivantes : qui sera la cible de tel programme ? Qui écoutera volontairement ? Comment peut-on toucher des personnes qui ne seraient pas accessibles en temps normal ? Comment peut-on s’assurer de bien toucher les personnes auxquelles ces informations sont expressément destinées ?
Presque tout le monde aura remarqué qu’existent des facteurs de sélection importants qui s’efforcent de déterminer les caractéristiques d’écoute volontaire. On peut fréquemment trouver des assertions sur cette sélectivité. Klapper (32) déclare, par exemple :
[…] ce phénomène d’auto-sélection peut bien être considéré comme le processus le plus basique établi à ce jour par la recherche sur les effets des mass media. Opérant au niveau intellectuel ou esthétique du sujet, de sa teneur politique, ou au niveau d’une douzaine d’autres aspects, le processus d’auto-sélection tend vers deux manifestations de même finalité : chaque produit des mass-médias (1) attire une audience qui s’intéresse déjà au sujet traité et (2) ne réussit pas à toucher bon nombre de personnes, car elles étaient, au moment de la transmission, soit d’opinion opposée, soit indifférentes au thème abordé [pp. I-16 – I-17].
Alors que remarques, affirmations et généralisations abondent, les données étayant ces propos sont rares. La suite de ce chapitre présentera quelques données concernant ces questions – des données qui ne sont pas toujours aussi irréfutables qu’on le voudrait mais qui, néanmoins, semblent être les meilleures qui existent. Ce chapitre se terminera sur la présentation des résultats d’une expérience conduite dans le seul but de vérifier les hypothèses de la relation entre l’exposition volontaire à l’information et la magnitude de la dissonance.
Recherche d’information avant action
Rappelons que, dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’on pouvait s’attendre à une recherche d’information pertinente relativement active de la part de personnes confrontées à la nécessité, voire à la possibilité d’entreprendre une action future. Bien que cela paraisse extrêmement probable et même évident, il existe cependant de bonnes raisons de vouloir corroborer ces affirmations au moyen d’expériences. De nombreuses données peuvent être interprétées comme servant à une recherche d’informations dans une situation de pré-action. Cependant, la plus grande partie de ces données n’est pas très convaincante, car il est généralement impossible de distinguer le rapport de cause à effet. Par exemple, on pourrait fournir de nombreuses données pour démontrer que les personnes votant lors des élections nationales sont mieux informées des questions et des événements politiques que les non votants. Il est possible d’en tirer la conclusion que ceux dont l’intention est de voter, c’est-à-dire ceux qui agiront bientôt, recherchent des informations pertinentes. Il est toutefois également plausible de suggérer le rapport opposé de cause à effet. Il est tout aussi vraisemblable que ceux qui sont informés des faits et causes sont plus motivés pour se rendre aux urnes et voter. Ce genre d’ambiguïté dans l’interprétation, ainsi que le manque de puissance concomitant au regard de l’hypothèse que nous examinons, est typique des données de ces domaines. Au lieu de présenter un grand nombre de données concernant les questions en réserve, nous avons préféré sélectionner deux études. L’une d’elles, heureusement, contient un groupe de contrôle rendant l’interprétation indiscutable.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu un flot ininterrompu de campagnes d’information et de propagande aux États-Unis. Leur objectif était de sensibiliser les gens au risque de fournir des informations à l’ennemi en ne faisant pas attention à ce qu’on racontait. Le but de cette campagne de sécurité était de toucher le public au travers de divers médias. Cela a été réalisé au moyen de communiqués radiodiffusés. Des articles de journaux et de nombreuses affiches ont également servi à transmettre ce message. Le Bureau Américain des Informations de Guerre (Office of War Information) a mené plusieurs études en vue d’évaluer l’efficacité des divers aspects de cette campagne de sécurité. Deux de ces études comportent des données applicables à la recherche en pré-action d’informations pertinentes.
La première d’entre elles était un sondage réalisé avec un panel de 400 personnes à Jacksonville en Floride (57). Une campagne de sécurité locale intense y avait été menée pendant quelque temps. Les enquêteurs s’étaient assurés que chaque personne interrogée était au fait de cette opération. Chaque sujet questionné devait également répondre à une question lui demandant s’il pensait posséder des informations sensibles ou non. Le tableau 12 présente les données de cette étude. Parmi les personnes qui se sont volontairement soumises à la campagne locale de sécurité, 34 % pensaient posséder ce genre de renseignements. Parmi ceux qui n’étaient pas au courant de cette opération, seuls 15 % pensaient détenir des informations sensibles.
Dans cette étude, il n’y avait pas de groupe de contrôle composé d’un public involontaire et, de ce fait, l’interprétation est plutôt sujette à caution. On peut imaginer que ceux qui pensaient détenir des informations qu’ils ne devraient pas divulguer s’exposeraient plus volontiers à la propagande en question. On pourrait cependant également supposer que ceux qui, pour une raison ou une autre, avaient été exposés à la campagne de sécurité en avaient été affectés. Ils avaient pris conscience de posséder des informations sensibles. On peut souligner incidemment que, si l’explication ci-dessus est correcte, cela signifierait que la campagne de sécurité toucherait les bonnes cibles.
Tableau 12 Enquête sur l’efficacité d’une campagne de sécurité locale |
| Nombre de répondants | % des répondants estimant avoir des informations utiles |
Informé de la campagne locale | 300 | 34 |
Non informé de la campagne locale | 100 | 15 |
Il y a deux raisons d’avoir inclus cette étude dans ce chapitre malgré l’ambiguïté de son interprétation. La première est de présenter un exemple concret de ce genre d’ambiguïté causale, ce qui rend la plupart des données de ce style inapplicables à notre objectif. La seconde est de servir de comparaison pour des données provenant d’une étude très similaire comportant un groupe de contrôle. De cette manière, l’interprétation des faits sera sans équivoque. Cette dernière étude a rapporté les résultats d’une enquête menée dans deux villes. Elle avait pour but de s’assurer de l’efficacité d’un tract sur la sécurité. Celui-ci était intitulé Message Personnel (56). Il décrivait les mesures de sécurité à prendre, les raisons de le faire, et listait les arguments suivants :
1 – Les agents ennemis œuvrent en collectant et assemblant « des petits bouts » d’informat...