Monsieur Thomas, galeriste, dĂ©cide de regagner la mĂ©tropole, aprĂšs dix annĂ©es passĂ©es Ă lâĂźle de la RĂ©union. Il confie le dĂ©mĂ©nagement de sa galerie dâart Ă la sociĂ©tĂ© « Les dĂ©mĂ©nageurs de lâOcĂ©an indien », dont les tarifs Ă©levĂ©s semblent justifiĂ©s par sa rĂ©putation et son expertise en matiĂšre de dĂ©mĂ©nagements vers la mĂ©tropole.
La sociĂ©tĂ© de dĂ©mĂ©nagement a emportĂ© les objets le 22 juin 2017 dans un conteneur pour un dĂ©barquement prĂ©vu au port de Fos-sur-Mer. Le 10 aoĂ»t 2017, le conteneur a Ă©tĂ© dĂ©chargĂ© puis transportĂ© Ă Montpellier, oĂč ont Ă©tĂ© constatĂ©s de trĂšs importants dommages de moisissures et dâhumiditĂ©. Le prĂ©judice est considĂ©rable. Les Ćuvres dâart sont trĂšs endommagĂ©es.
Aux termes dâun rapport dâexpertise, il apparaĂźt que la sociĂ©tĂ© de dĂ©mĂ©nagement a manquĂ© de rĂ©flexion dans la prĂ©paration du dĂ©mĂ©nagement en nĂ©gligeant des paramĂštres importants, puis, dans sa mise en Ćuvre, manquĂ© aux rĂšgles de lâart, en omettant dâassurer la ventilation nĂ©cessaire Ă lâintĂ©rieur du conteneur et de placer des absorbeurs dâhumiditĂ© que le rapport dâexpertise qualifie pourtant dâusuels.
Monsieur Thomas demande aujourdâhui rĂ©paration de son prĂ©judice. La sociĂ©tĂ© de dĂ©mĂ©nagement reconnaĂźt quelques « dysfonctionnements » mais oppose au client une clause selon laquelle lâindemnisation sera limitĂ©e au strict coĂ»t du transport.
Dépité, Monsieur Thomas vient vous demander conseil.
NB : on postulera, pour les besoins de lâexercice que le litige nâĂ©tait pas soumis aux textes du Code de commerce introduits par la loi no 2009-1503 du 8 dĂ©cembre 2009. Vous rĂ©soudrez donc ce cas pratique en excluant lâapplication des articles L. 133-1 Ă L. 133-8 du Code de commerce rĂ©gissant les contrats de transport.
âșâș CORRIGĂ
Le contrat ayant été signé en juin 2017, nous appliquerons le « droit intermédiaire » (Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, art. 9).
Il convient de savoir si Monsieur Thomas peut obtenir rĂ©paration de son prĂ©judice. Pour sâopposer Ă lâindemnisation de son prĂ©judice, la sociĂ©tĂ© de dĂ©mĂ©nagement lui oppose une clause selon laquelle, en cas de sinistre, lâindemnisation maximale sera limitĂ©e « au strict coĂ»t du dĂ©mĂ©nagement ».
Cette clause sâanalyse comme une clause limitative de rĂ©paration, en ce quâelle permet au dĂ©biteur de limiter sa responsabilitĂ© Ă un certain montant. Il convient dâenvisager le droit spĂ©cial (droit de la consommation) avant dâenvisager le droit commun.
Il faut dĂ©terminer si la clause limitative de rĂ©paration insĂ©rĂ©e dans le contrat de dĂ©mĂ©nagement peut ĂȘtre valablement opposĂ©e Ă Monsieur Thomas.
Aux termes de lâarticle L. 212-1 du Code de la consommation :
(C. consom., art. L. 212-1, 3°)
« Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
La clause présumée ou déclarée abusive est réputée non écrite.
Il serait avantageux de se positionner sur ce fondement, Ă supposer que le texte soit applicable, dans la mesure oĂč la clause limitative de rĂ©paration figure sur la « liste noire » de lâarticle R. 212-1 du Code de la consommation, ce qui signifie quâelle est prĂ©sumĂ©e abusive de maniĂšre irrĂ©fragable (C. consom., art. R. 212-1, 6°). Reste Ă voir si la situation de M. Thomas entre dans les prĂ©visions de ce texte.
Rationae personae, les articles L. 212-1 et L. 212-2 du Code de la consommation visent les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.
Le dĂ©biteur de cette protection est le professionnel, qui peut se dĂ©finir comme toute personne physique ou morale agissant dans le cadre de son activitĂ© professionnelle. En lâoccurrence, la sociĂ©tĂ© de dĂ©mĂ©nagement peut sans difficultĂ© ĂȘtre qualifiĂ©e de professionnelle.
Les bénéficiaires de cette protection sont quant à eux le consommateur et le non-professionnel.
(C. consom., art. prélim.) Le consommateur
est défini comme «
toute personne physique qui agit Ă des fins qui nâentrent pas dans le cadre de son activitĂ© commerciale, industrielle, artisanale ou libĂ©rale ».
En lâespĂšce M. Thomas a agi dans le cadre de son activitĂ© professionnelle (il dĂ©mĂ©nage sa galerie dâart). Il ne peut donc ĂȘtre qualifiĂ© de consommateur.
Peut-il ĂȘtre qualifiĂ© de non-professionnel ? Depuis 1995 (Cass. civ. 1re, 25 janvier 1995, no 92-18.227), le non-professionnel peut se dĂ©finir comme celui qui contracte dans un domaine nâayant pas de rapport direct avec son activitĂ© professionnelle. Il faut nĂ©anmoins remarquer que la liste des actes accomplis en lâabsence de rapport direct avec lâactivitĂ© professionnelle du contractant est extrĂȘmement rĂ©duite (V. par ex. Cass. civ. 1re, 5 nov. 1996, no 94-18.667, pour lâaffirmation dâun rapport direct entre la conclusion dâun contrat de location de matĂ©riel tĂ©lĂ©phonique et lâactivitĂ© de fabricant de bracelets en cuir !).
Lâarticle liminaire du Code de la consommation, de son cĂŽtĂ©, dĂ©finit le non-professionnel comme « toute personne morale qui nâagit pas Ă des fins professionnelles ».
Que lâon sâappuie sur la dĂ©finition jurisprudentielle ou lĂ©gale du non-professionnel, force est de constater que les dispositions des articles L. 212-1 et L 212-2 du Code de la consommation ne sont pas applicables.
Il convient désormais de se placer sur le terrain du droit commun des obligations.
(C. civ., art. 1171) «
Dans un contrat dâadhĂ©sion, toute clause qui crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre significatif entr...