Ma vie avec un trou dans la tête
eBook - ePub

Ma vie avec un trou dans la tête

Mémoire d'un beatnik trépané

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Ma vie avec un trou dans la tête

Mémoire d'un beatnik trépané

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« Voici mon histoire, comment j'en suis venu à percer mon crâne pour planer en permanence. » Les mémoires de Joey Mellen sont devenus une histoire culte… Ils ont été à la fois salués comme le projet d'une nouvelle étape dans l'évolution de l'homme, dénoncés comme un exemple tragique des dangers de l'expérimentation de la drogue et racontés encore et encore comme un récit envoûtant de folie totale. L'auto-trépanation est aujourd'hui le nec plus ultra de l'élargissement de la conscience, l'apogée extrême des psychédéliques Sixties. Extrait de l'introduction de Mike Jay. Ce livre est une réédition très enrichie des mémoires de Joey Mellen, dont les 500 premiers exemplaires qu'il fit paraître en 1970 sont depuis longtemps épuisés. Mellen nous plonge dans les débuts de la contre-culture psychédélique britannique en nous contant son itinéraire personnel, mais il défend aussi avec conviction et sincérité la pratique de la trépanation et ses bienfaits. Du Maroc à Ibiza, puis de nouveau en Angleterre pour le premier printemps du Swinging London, Joey Mellen découvre les plaisirs du haschich, est séduit par la vision intense que procure le LSD et, après sa rencontre avec le gourou psychédélique hollandais Bart Huges qu'il nous présente dans ce livre, tente le voyage suprême – la trépanation.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Ma vie avec un trou dans la tête par Joey Mellen en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Medicine et Medical Theory, Practice & Reference. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2018
ISBN
9782356443267
Voici mon histoire, comment j’en suis venu à percer mon crâne pour planer en permanence.
Je suis né dans une petite ferme de l’Essex quelques jours après le début de la guerre en septembre 1939. Mon père était d’origine américaine, mais, après son passage à l’université d’Oxford, il avait pris la nationalité britannique et décidé de vivre en Angleterre. Il était le troisième de trois frères et avait une sœur cadette. Il épousa ma mère quand il avait 31 ans et elle avait dix ans de moins que lui. Elle appartenait à une famille de « propriétaires terriens » du Derbyshire. C’était la plus jeune d’une fratrie qui comprenait trois sœurs et un frère cadet. À la déclaration de guerre, mon père s’enrôla dans l’armée et fut transféré d’un camp à un autre. Au bout de dix mois, Hitler menaçant d’envahir notre pays, mes parents décidèrent de nous envoyer mon grand frère et moi en Amérique dans la famille de mon père pour la durée de la guerre. Ma mère nous emmena chez ma grand-mère, puis repartit retrouver son mari.
Mon grand-père paternel avait été avocat, comme nombre de ses ancêtres, mais il était mort avant ma naissance. Nous vivions avec ma grand-mère, qui régnait sur une grande famille composée de tantes, d’oncles, de cousins, etc., à New York en hiver et dans le Maine, au bord de la mer, les mois d’été.
J’ai appris à marcher et à parler en Amérique. J’y restai pendant trois ans et demi. Je me souviens des remorqueurs sur le fleuve à New York et des taxis à carreaux jaunes et noirs et je me souviens aussi avoir chanté « Onward Christian Soldiers1 » avec ma grand-mère tous les soirs après m’être lavé les dents. Puis il fut décidé que, la menace de l’invasion par Hitler étant passée, nous retournerions en Angleterre. Mon frère partit le premier sur le cuirassé HMS Queen Elizabeth. Pendant la traversée, il tomba dans une écoutille et se cassa la clavicule. Je restai à New York et perdis la moitié de mon pouce gauche dans un hachoir à viande, que ma curiosité m’avait poussé à examiner pendant que ma grand-mère parlait au boucher. Deux mois plus tard, je voguais sur l’Atlantique sur un vieux cargo transportant un avion de chasse Hurricane et un canon anti-aérien. Tous les jours, il y avait des exercices de tir au canon, qui faisaient trembler le navire entier.
Nous étions quatorze enfants confiés à la garde d’une bonne. Le jour, j’étais attaché à un siège sur le pont avec une corde juste assez longue pour que je puisse m’agripper au bastingage le long du navire. De là je regardais la mer et les vagues rouler à l’horizon. La nuit, je dormais dans une cabine qui avait un hublot. À travers celui-ci, je pouvais voir la surface de la mer seulement trente ou soixante centimètres plus bas. Souvent une vue sous-marine s’offrait à moi tandis que le navire oscillait dans un creux, puis tremblait en s’efforçant de remonter le pic, les vagues s’écrasaient contre ses flancs et les balayaient avec une force énorme qui faisait craquer dans leurs écrous les boulons des poutres d’acier couleur crème de ma couchette. Par une belle journée dégagée, une flottille de destroyers nous dépassa. Leur acier brillait dans la lumière du soleil et de longues crinières de gouttelettes formaient une arche à la proue dans leur sillage. On aurait dit une meute de loups de mer partant à la chasse. Puis ils disparurent et il n’y eut rien d’autre à nouveau que l’eau.
Il me reste de nombreux souvenirs de ce voyage en mer, qui a dû provoquer en moi une forte et réelle impression. Ce n’est pas surprenant, parce qu’il était extraordinaire en soi, mais il a dû représenter aussi un moment psychologique extrêmement important pour un enfant de 4 ans, seul sur le vaste océan, en transit entre un nouveau et un vieux monde.
De retour en Angleterre, j’eus quelques difficultés à m’adapter à cette famille d’étrangers qu’était ma vraie famille. Je ne reconnaissais pas mes parents, et dans l’entre-temps un petit frère était né. Je mis un peu de temps à m’intégrer, mais, une fois acquis, ce don d’intégration m’est resté : dès que j’étais au contact d’une autre famille, je ne tardais pas à être adopté rapidement comme un de leurs membres. La première fois que je vis mon père, il était en uniforme. Il paraissait très imposant. Nous vivions dans une grande maison qui appartenait aux parents de ma mère. Leurs autres enfants et leur famille étaient là aussi le plus souvent. Je passais la plupart de mon temps avec mon grand frère Danny. Il avait mauvais caractère et nous nous battions fréquemment, j’y laissais des plumes, mais je voulais quand même être avec lui. Un jour, juste avant le déjeuner, je me trouvais sur la pelouse avec mon jeune frère, William. Il pouvait se tenir debout, mais ne marchait pas encore. Pourtant, lorsque je l’appelai, il traversa la pelouse pour marcher vers moi. Par la suite, il est progressivement entré dans ma vie.
Nous déménageâmes dans une maison beaucoup plus petite, où ma famille proche fut réunie pour la première fois. Mon père disait que l’on n’était pas un bon cavalier tant que l’on n’était pas tombé trois fois de cheval. Je ne mis pas longtemps à savoir bien monter. Pendant l’année que nous passâmes là, au milieu des fougères et de la forêt, j’allai à la chasse aux renards pour la première fois. Nous partîmes très tôt le matin, il faisait noir dehors et l’air était glacial. Nous avions eu des œufs pour le petit déjeuner dans la cuisine. À la fin de la chasse, j’étais en compétition avec un autre garçon : le premier qui arriverait à la mise à mort serait « peinturluré de sang », c’est-à-dire qu’il aurait le visage enduit du sang provenant de la queue du renard (la queue avait été tranchée) et ne devrait pas le laver pendant vingt-quatre heures. Je fus soulagé de perdre la course.
Face à notre maison, de l’autre côté de la route, se trouvait un moulin, dont le propriétaire, M. Robertson, avait perdu plusieurs doigts dans des accidents. Un jour que Danny et moi lui rendions visite, il apparut avec un chiffon enserrant le moignon du pouce qu’il venait de se couper ce matin-là. Il n’avait pas l’air trop inquiet. Je crois qu’il ne lui restait alors plus que quatre doigts complets. Comparativement, ma moitié de pouce perdue paraissait insignifiante.
Les relations avec ma mère n’étaient, bien évidemment, pas facilitées par le fait que nous n’avions pas été ensemble durant une partie de mon enfance, puisque j’avais vécu en Amérique de l’âge de 10 mois à 4 ans. La période d’identification à ma mère avait donc été interrompue à ses débuts et, au moment où je la retrouvai, les fondations de ma personnalité étaient déjà posées. Cette première identification à la mère, qui aurait normalement dû être à la base de la formation de ma personnalité, s’était déplacée vers une autre personne, ou peut-être même plusieurs.
Le personnage central de mon séjour américain fut ma grand-mère, une vieille dame frêle et très droite, aux convictions morales inébranlables typiques de son éducation Nouvelle-Angleterre. Il y avait quelque chose de spartiate chez elle et son mari, mon grand-père, avait vécu l’enfance romantique d’un pionnier. Son père s’était associé à un certain général Palmer pour construire le premier chemin de fer en direction de Colorado Springs dans les Rocheuses. Il était parti s’installer dans l’Ouest, avait construit une maison dans la forêt et y avait élevé ses enfants. Mon arrière-grand-mère s’était liée d’amitié avec ses voisins indiens et les invitait à manger chez elle. Alors que mon grand-père se rendait dans son pensionnat sur la côte Est en diligence, la légende veut qu’il ait été un jour poursuivi par des Indiens hostiles. Malheureusement, il mourut avant ma naissance, aussi ne l’ai-je jamais connu.
Mon seul souvenir d’une réelle contrariété provoquée par ma grand-mère porte, comme je l’ai dit, sur la chanson « Onward Christian Soldiers » que je devais chanter avec elle après m’être lavé les dents le soir. Plutôt qu’un moment unique, il s’agit d’une accumulation de plusieurs souvenirs identiques que la répétition quotidienne a sûrement renforcés. Toutefois, sa présence bienveillante plane au-dessus de cette période de ma vie et ce fut peut-être la plus formatrice de toutes, en tout cas celle dont je garde des souvenirs ancrés au plus profond de moi, qui sont à la base de ma conscience. Mon sentiment à son égard est celui d’une grande gentillesse. Ses cheveux gris serrés dans un chignon au-dessus de sa tête lui donnaient un air autoritaire, mais elle irradiait et souriait. Dans ma mémoire, le personnage qui lui ressemble le plus est la vieille dame des histoires de Babar.
À mon retour, ma mère était un objet de désir lointain et non une vraie maman câline. Elle avait eu un nouveau bébé, qui devait avoir presque l’âge que j’avais quand nous étions partis. J’avais du mal à comprendre la situation et elle devait ressentir une certaine culpabilité envers moi. Avec mon frère aîné, Danny, elle avait bien sûr tissé des liens avant qu’elle nous ait quittés. Il était son premier enfant, né alors qu’elle était jeune mariée, au printemps de l’amour éternel, et évidemment elle l’avait adoré comme c’est normal dans cette circonstance. C’était l’été 1936, la guerre ne constituait pas encore une menace sérieuse. La vie était bien réglée dans cette période de l’avant-guerre où l’ordre naturel des choses n’était pas remis en cause. À ma naissance, Danny avait deux ans et demi. Pendant ces deux ans et demi, il avait été la seule fleur du jardin, absorbant toute la lumière parentale. Cela a dû être assez dur de voir arriver un frère rival, puis, dix mois plus tard, être abandonné par sa mère a dû être profondément traumatisant, et cela l’a été en réalité. Son éducation en a été gravement perturbée.
La situation au moment de ma naissance était tout à fait différente. Je suis arrivé à la déclaration de la guerre. Je ne pouvais être qu’un embarras. Ma mère m’a allaité, mais, comme elle l’a admis elle-même, elle ne s’est jamais vraiment attachée à moi. Rien n’était stable, l’incertitude régnait. L’Angleterre s’attendait à être envahie par Hitler. Ma mère était follement amoureuse de mon père et voulait être à ses côtés, quoi qu’il arrive. L’option de se débarrasser de ses garçons chez la grand-mère en Amérique était trop tentante pour y résister. Je n’émets pas de jugement définitif sur cette décision. Je peux la comprendre. C’est arrivé, c’est ainsi. Certains disent qu’ils ne peuvent pas imaginer comment une mère ait pu faire une chose pareille. Pourquoi n’est-elle pas restée avec vous ? se demandent-ils. Comment a-t-elle pu confier ses bébés ? Sans aucun doute de tels arguments se disputaient dans la tête de ma mère à l’époque et sans aucun doute aussi résonnent-ils encore profondément et en sourdine dans sa mémoire. Tout au fond de moi-même j’ai une certaine indépendance, que je ne peux qu’attribuer à cette identification divisée à l’image de la mère, et je pense que cela m’a poussé vers le monde autonome des livres.
Je n’ai aucun souvenir d’une relation intime et tendre avec ma vraie mère. Je la trouvais belle, je l’aimais et voulais lui faire plaisir. J’y arrivais, relativement, en étant bon élève. J’étais celui qui réussissait le mieux des trois frères et de cette façon je remportais son approbation. Après la mort de mon père en particulier, quand je devins le plus âgé de la maison, j’aimais parler avec elle de choses sérieuses. Elle n’était pas très instruite. On ne considérait pas cela nécessaire pour une femme à l’époque. L’important était d’être jolie et de savoir gérer une maison, et aussi de séduire un homme de valeur avec qui fonder une famille. Le jardinage et les antiquités étaient ses principaux domaines de compétence. Elle regrettait de ne pas être allée à l’université et de ne pas avoir continué sa scolarité au-delà de l’école élémentaire. Elle aimait réfléchir. Elle aimait discuter des questions importantes de la vie.
D’une certaine façon, nos relations ressemblaient à celles que j’avais eues avec ma grand-mère américaine, dans la mesure où elle était loin de moi tout le temps. Elle montrait aussi la même conviction déterminée sur les questions morales. Au début, avant la pension, des filles du village venaient s’occuper de nous et il y avait Nanny en arrière-plan. Tout d’abord vinrent Peggy et Doris, puis une fille du nom de Primrose et plus tard May Bang. May avait onze frères, qui allaient en prison à un moment ou un autre, « sous les verrous » comme on dit ! La présence de ces filles maintenait la distance entre notre mère et nous. Nous nous voyions aux heures de repas, puis peut-être un peu le soir lorsque mon père rentrait du travail, avant d’aller nous coucher.
Quand je pense à ma mère, j’ai surtout le sentiment de quelqu’un d’une équité et d’une intégrité absolues. Elle était sûre de ses valeurs et leur était fidèle. Si elle disait oui, cela voulait dire oui, et si c’était non, c’était non. Vous pouviez en être sûr. Je suppose que l’on pourrait dire que nos relations étaient de celles qui sont fondées sur une admiration mutuelle plutôt que sur l’amour. L’amour, du moins de son côté, était conditionnel, mais il le fut davantage encore plus tard.
Comme mon enfance a été en grande partie celle d’un petit frère, essayant de suivre son grand frère sans y réussir vraiment, je pris l’habitude de prétendre que j’avais moins peur que dans la réalité et que je pouvais faire ce qu’en fait je ne pouvais pas. Ma spécialité, c’était le langage. À 5 ans, je devins un lecteur avide, et entre 5 et 8 ans je dévorais des volumes de mots. Je me perdais dans le monde fantastique du roi Arthur, de Robin des Bois et de tous les autres héros des classiques pour enfants. Un jour, je me rappelle être resté assis à lire le dos contre un pare-feu juste devant une cheminée électrique. Ma rêverie fut brusquement interrompue par Nanny qui entra précipitamment dans la pièce pour donner l’alerte. La pièce était remplie de fumée et le dos de mon pull-over était carbonisé, comme du pain brûlé. Moi, je n’avais rien remarqué.
Nanny était une vieille fille au visage poilu, ou peut-être duveteux serait-il le terme le plus adapté. Il n’était pas couvert, mais en quelque sorte parsemé de longs poils gris duveteux, qui ne formaient pas tout à fait comme une barbe. J’aimais beaucoup Nanny, mais je n’aimais pas quand elle m’embrassait pour me souhaiter bonne nuit à cause de ses moustaches. Elle possédait une minuscule théière en étain suffisante pour une tasse et elle faisait l’aller et le retour entre notre chambre d’enfants et la cuisine toute la journée, pour se faire du thé.
Nous déménageâmes une dernière fois pour nous installer dans une vieille ferme Tudor pleine de coins et recoins et dotée d’un grand jardin. Mon père avait obtenu un travail bien payé comme agent de change à la City de Londres et faisait les trajets tous les jours en train. Doté d’un patrimoine très modeste, son but était de vivre bien et d’envoyer ses enfants dans les meilleures écoles. À l’époque, le système éducatif privé était considéré comme gage de la meilleure éducation, mais les coûts étaient élevés. En tant qu’agent de change, ses revenus lui permettaient de réaliser son but. Pourtant il n’était pas très satisfait de ce travail qu’il trouvait improductif, il aurait préféré être fermier. L’été, il avait l’habitude de se lever à 5 heures du matin et de monter son cob, Gunner, avant le petit déjeuner, puis de se changer pour mettre son costume et se rendre en voiture à la gare.
Danny aimait beaucoup les travaux de la ferme. Il était dehors toute la journée sur les tracteurs. Selon moi, il se comportait comme s’il était beaucoup plus grand et mûr, en travaillant dehors la journée entière. Alors qu’il avait 8 ans, il rentra un jour à la maison en se pavanant et en proclamant « Ouf, premier repas chaud de la semaine ! », en se mettant à table. Moi, j’aimais bien monter sur les tracteurs, mais je m’ennuyais très vite quand je m’apercevais qu’ils allaient et venaient en faisant la même chose tout le temps.
Peu après notre arrivée dans la nouvelle maison, quand il eut 8 ans, Danny fut envoyé en pension. Je trouvais qu’il était vraiment courageux de partir tout seul et j’avais de la peine pour lui. Son départ mit fin à notre complicité. Quand il revint pour les vacances, trois mois plus tard, j’avais noué une nouvelle relation avec William, dans laquelle je jouais maintenant le rôle du grand frère, un rôle que je préférais nettement. Mon amitié avec William dura pendant le reste de mon enfance. Plus tard, nous eûmes tous deux des chiens, lui un grand Labrador noir et moi un petit terrier blanc qui était un vrai tyran.
Notre maison se trouvait juste à l’extérieur du village. Nous connaissions tous les enfants, les Reynolds, les Tricker, les Barker, les Baker et les Monks. Le village ne comptait que quelques grandes familles, toutes liées entre elles par mariage, comme c’était courant dans les villages à l’époque. Presque tous les hommes travaillaient en tant qu’ouvriers agricoles dans les fermes du coin. Les Tricker avaient treize enfants. Ma première petite amie fut la fille du pasteur. Quand j’eus 8 ans, ce fut à mon tour de partir en pension. Cela créa un fossé entre « nous » et « eux » qui ne se combla jamais vraiment. J’adorais le cricket, pas eux. J’apprenais le latin et tous mes amis parlaient avec un accent snob. Quand je rentrais à la maison, le village et les jeux des enfants du village me paraissaient plutôt lents et ennuyeux. Même si nous nous connaissions tous de vue et de nom, un grand fossé social nous séparait. Nous trouvions nos amis parmi les familles voisines de notre classe. Plusieurs se trouvaient à une distance raisonnable à bicyclette ou à cheval. Pendant quelques années, la ferme d’à côté fut occupée par une famille qui avait deux filles, Venetia et Ginny, l’une de mon âge et l’autre de celui de William. Elles restèrent pendant longtemps nos compagnes de jeux. Je me souviens du premier frisson sexuel que j’éprouvais caché dans une armoire dans le noir avec Ginny. Ma sœur Susan naquit pendant ma première année de pension. Mon père était aux anges d’avoir enfin une petite fille.
À un moment donné, mon père a dû gagner pas mal d’argent, parce que nous eûmes une cuisinière et un majordome. Ils habitaient dans la partie arrière, au-delà de la cuisine, qui avait été séparée du reste de la maison pour devenir le logement des domestiques. Nous vîmes se succéder des tandems de mari et femme, mais ceux qui restèrent le plus longtemps furent les Goddard. Goddard, comme ma mère et mon père l’appelaient (M. Goddard pour les enfants), était entièrement chauve. Le traumatisme causé par la guerre était apparemment la raison de cette perte de cheveux. En conséquence, il portait toujours un trilby2 marron dès qu’il mettait le pied dehors.
À plusie...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Sommaire
  5. Introduction
  6. Avant-propos
  7. Ma vie avec un trou dans la tête
  8. Postface
  9. Bart : Trop près du soleil
  10. Conclusion
  11. Quelques mots sur Bart. Communication de Joe Mellen à la Breaking Convention, Université de Greenwich, Royaume-Uni, juillet 2015
  12. Interview de Bart Huges par Joe Mellen. The Transatlantic Review, 1966
  13. Mon histoire à trou par Jenny Gathorne-Hardy. The Independent On Sunday, 1995
  14. Table des illustrations