Le thérapeute et le philosophe
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Le thérapeute et le philosophe

Atteindre un but par le non agir

  1. French
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Le thérapeute et le philosophe

Atteindre un but par le non agir

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À propos de ce livre

Pour atteindre le but, il faut l'abandonner. Cette étrange assertion de Gregory Bateson, père fondateur de l'approche systémique, est le fil conducteur de ce livre. Il explore les processus que nous mettons en œuvre lorsque nous poursuivons un but, quel qu'il soit. D'abord le rétrécissement du champ de la conscience qui se produit alors, lorsque nous ne prenons plus en compte que les informations susceptibles de nous rapprocher du but. Tout se met à ressembler à un marteau pour qui doit enfoncer un clou. Puis nous élaborons des plans, étapes par étapes. Nous planifions. Enfin nous nous efforçons de modeler notre environnement à l'image du plan. Et ce faisant, nous négligeons les régulations systémiques de la nature, engendrant par là des désastres écologiques mais aussi une corruption des relations humaines. Les effets dommageables de ce processus, l'auteur les constate aussi dans sa pratique de thérapeute: un homme d'affaire, mu par la volonté de développer son entreprise, ne remarque pas qu'il s'éloigne irrémédiablement de sa femme et de ses enfants; une enseignante voulant absolument contrôler sa classe finit par se faire agresser par ses élèves; une maman voulant rassurer sa fille inquiète de l'avenir n'aboutit qu'à l'effrayer davantage… telles sont quelques-unes des illustrations cliniques qui émaillent cet ouvrage.

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Informations

Année
2017
ISBN
9782356441669

DEUXIÈME PARTIE

LA VOIE SPIRITUELLE



CHAPITRE XI

Le paradoxe du but conscient,
le Zen et le tir à l’arc !


Il existe une autre « issue » au paradoxe du but conscient.
Si la thérapie stratégique peut permettre à une personne d’atteindre son but… en y renonçant, elle implique nécessairement l’intervention d’un tiers (en l’occurrence, le thérapeute). Mais pouvons-nous, sans recourir à une aide extérieure, sortir de la logique du but conscient et trouver l’action juste ?
Il semble qu’il y ait une voie, et que celle-ci puisse être qualifiée de spirituelle.
C’est ici que la pensée de Bateson rejoint certaines philosophies orientales, le bouddhisme zen et le taoïsme notamment. Mais ne nous y trompons pas. Même s’il cherche à élaborer une épistémologie du sacré, Bateson n’a rien d’un illuminé. Ce qui le conduit, avec prudence, à la frontière de ces territoires habituellement réservés aux mystiques, c’est une démarche rigoureusement scientifique. Et encore n’y fait-il allusion que discrètement, notamment dans sa théorie de l’apprentissage, lorsqu’il aborde l’apprentissage de niveau 3.
Bien sûr, rendre compréhensible ce que Bateson entend par apprentissage de niveau III nous amène à faire le détour par sa théorie de l’apprentissage.
Et que le lecteur me pardonne, mais pour exposer cette théorie, fût-ce succinctement, il me faut faire un autre détour pour présenter le concept de niveaux logiques. C’est en effet cet outil de pensée qui permettra à Bateson de formaliser son analyse du phénomène d’apprentissage. Par ailleurs, une bonne compréhension de celle-ci est extrêmement utile pour la pratique de la thérapie stratégique, notamment en ce qui concerne la façon de comprendre et d’appréhender les symptômes des patients, ainsi que nous le verrons plus loin.

La théorie des niveaux logiques

Nous la devons à deux mathématiciens philosophes : Bertrand Russell et Alfred North Whitehead. Présenter ici, de manière complète et rigoureuse, leur théorie, nous entraînerait trop loin. Notons simplement que Russell et Whitehead attirent notre attention sur la nécessité de distinguer clairement, en mathématiques, les opérations portant sur une classe d’éléments (par exemple l’ensemble des êtres humains) et les opérations portant sur les éléments eux-mêmes (tel être humain en particulier), sous peine d’aboutir à des conclusions paradoxales.
Transposée à d’autres champs d’application, la théorie des niveaux logiques rejoint certaines distinctions opérées en linguistique. Ainsi, on connaît la célèbre formule de Korzysbsky : « le nom n’est pas la chose nommée ». Le mot « chat » ne miaule pas, aimait à rappeler Bateson. Dans le même ordre d’idées, le linguiste Ferdinand de Saussure distinguait entre le signifié, à savoir la forme phonique d’un mot (lequel n’est qu’un son, une longueur d’onde, voire un signe écrit), et le signifiant, c’est-à-dire le sens que nous lui conférons. Distinction de niveau logique encore quand Paul Watzlawick établit deux types de réalités : les réalités de premier ordre, à savoir les phénomènes tangibles et observables, les faits (par exemple : mon fils sèche les cours) et les réalités de deuxième ordre, à savoir l’interprétation des faits, laquelle est une construction du sujet (dans l’exemple : il est mal dans sa peau parce que j’ai divorcé). On le voit, la théorie des types logiques permet notamment d’éviter l’erreur du « concret mal placé », comme lorsque nous prenons des concepts ou des constructions de sens pour une réalité objective.
En réalité, la théorie des niveaux logiques n’est pas vraiment une théorie. Elle ne cherche pas à rendre compte d’un phénomène observé, elle n’explique rien, simplement elle établit des distinctions dans la procédure d’abstraction.
Elle constituera pour Bateson un outil de pensée rigoureux qui marquera toute son œuvre1 et qui lui permettra notamment de structurer sa théorie de l’apprentissage.

La théorie de l’apprentissage

Je ne l’évoquerai ici que très succinctement, avec les pertes de nuances qu’implique un résumé.
Bateson définit l’apprentissage comme un processus d’accroissement de la redondance entre l’individu et l’environnement. C’est parce que certains événements se répètent que nous pouvons apprendre. Par exemple, je peux apprendre à jouer du piano parce que, chaque fois que je pousse sur une touche, elle produit la même note. Il serait impossible d’apprendre à jouer du piano si l’instrument produisait les notes de manière aléatoire.
Ce processus d’accroissement des redondances, nous l’expérimentons en permanence, nous apprenons tout au long de notre vie. C’est un processus de changement perpétuellement en cours, et qui connaît lui-même des changements : il y a des changements de changements. Pour illustrer cette idée, on peut prendre l’exemple du mouvement : être en mouvement implique une certaine continuité dans le changement, mais le mouvement lui-même peut connaître des changements, comme l’accélération. En ce qui concerne l’apprentissage, le processus de changement procède par sauts, par élévation dans la procédure d’abstraction, par changements de niveaux logiques.
Ainsi, Bateson distingue quatre niveaux d’apprentissage, du niveau zéro au niveau trois. Chaque niveau englobe, à la manière des poupées russes, un ensemble d’apprentissages réalisés au stade inférieur.

L’APPRENTISSAGE DE NIVEAU ZÉRO

Le niveau zéro est celui de la simple réception d’une information. Quelque chose vient faire une différence dans ce que nous percevons, et nous y réagissons. Par exemple, les cloches de l’église sonnent, j’apprends qu’il est midi. Il en sera de même demain. Ce niveau d’apprentissage désigne ce que nous entendons par « apprendre » dans le langage courant : nous enregistrons des informations sur nous, sur le monde. Ce type d’apprentissage n’est pas susceptible d’être modifié par le processus d’essais/erreurs.
Ainsi Marie fait-elle un apprentissage de niveau zéro lorsqu’elle voit pour la première fois sa sœur aînée se mettre à pleurer et à faire une crise d’angoisse.

L’APPRENTISSAGE DE NIVEAU 1

Le niveau 1 implique une généralisation effectuée à partir d’une série d’apprentissages de niveau zéro. À un moment donné, l’organisme réagit différemment à la même information répétée. Il y a, dit Bateson, un changement dans la spécificité de la réponse. C’est le chien de Pavlov : au temps 2, il salive en réponse au coup de sonnette, alors qu’il ne le faisait pas au temps 1. Il a compris que la sonnerie précédait à chaque fois l’apparition de la nourriture. Nous sommes donc là au niveau du conditionnement associatif décrit par les comportementalistes.
Marie voit les crises de larmes et les angoisses de sa sœur aînée se répéter régulièrement, elle y réagit, par exemple en cherchant à la rassurer et à la consoler.
Le cycle des tentatives de solution commence à se mettre en place.

L’APPRENTISSAGE DE NIVEAU 2

Le niveau 2 obéit au même principe : c’est une généralisation à partir d’un ensemble d’apprentissages de niveau 1. Nous apprenons à apprendre. Certaines situations présentant quelques similarités (accroissement de la redondance) se répètent, et l’organisme en tire une leçon générale. Si l’on soumet le chien de Pavlov à différentes expériences du même type, le chien finit par apprendre qu’il n’a aucun pouvoir sur leur déroulement, il adopte un comportement de soumission, il devient fataliste. En d’autres termes, il s’est constitué une conviction intérieure relative aux contextes dans lesquels il vit, laquelle lui sert de guide pour le comportement. C’est ce que Bateson appelle un apprentissage de contexte : nous dégageons une série de caractéristiques communes à différentes situations, une sorte de règle générale, et nous adaptons notre comportement en conséquence. Nous sommes là, en ce qui concerne les humains, au niveau où nos expériences de vie nous conduisent à élaborer des croyances, sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde.
Ainsi, notre expérience, nécessairement singulière, nous conduit-elle à élaborer un ensemble de croyances personnelles, constituées de théories explicatives (vraies ou fausses sur le plan scientifique, peu importe), de constructions de sens, de valeurs morales. L’ensemble de ces constructions intellectuelles et émotionnelles constitue notre vision du monde. Remarquons que cette conception de l’apprentissage ne prétend pas que celui-ci nous permet d’accéder à une connaissance objective de quoi que ce soit. Il est au contraire complètement subordonné à notre relation au monde. Il repose sur certaines prémisses, et Bateson insiste sur leur caractère auto validant. Pour esquisser un exemple à grands traits, un paranoïaque décodera son environnement à partir de la prémisse « les autres cherchent à me nuire ». Dès lors, loin d’afficher envers eux une attitude d’ouverture, il les abordera avec une profonde méfiance.
Cette attitude défensive induira chez eux une attitude complémentaire, et il y a fort à parier que leur comportement traduira une certaine antipathie, qui confirmera notre paranoïaque dans sa croyance. Nous constatons le même processus dans le cas de Marie : elle voit sa sœur aînée, puis la suivante, puis la troisième, connaître des crises d’angoisse et des épisodes dépressifs dès l’adolescence. Elle sait que son père a eu lui aussi des épisodes semblables au même âge, et que sa maman prend des anxiolytiques. Il y a accroissement de la redondance, Marie apprend. Elle se construit une croyance : « on passe tous par là dans la famille ». Elle est donc la suivante sur la liste. Et cette perspective est effrayante. Marie a peur d’avoir des crises d’angoisse. Mais lorsqu’on a peur d’avoir peur, on a peur, tout simplement. La peur est déjà là. C’est ainsi que Marie déclenche elle-même ses crises d’angoisse, confirmant par-là sa croyance.
Pour insister sur le caractère subjectif de nos croyances, Giorgio Nardone parle de nos auto-tromperies, qu’il classe en auto-tromperies fonctionnelles (des croyances dont on ne peut savoir si elles sont « vraies », mais qui nous permettent de trouver une réponse adaptée aux situations que nous traversons) et en auto-tromperies dysfonctionnelles (qui nous mènent à des impasses adaptatives).
Bateson insiste sur le rôle important que les apprentissages de niveau 2 jouent dans ce qu’il appelle « la formation du caractère ». Il y va de notre identité : l’ensemble de nos apprentissages de contexte est en effet ce que nous appelons le « moi ».

L’APPRENTISSAGE DE NIVEAU 3

Nous y voilà enfin ! Car c’est ici que ce long détour par la théorie des niveaux logiques et les niveaux d’apprentissage devait nous mener : il s’agit de montrer en quoi l’apprentissage de niveau 3 est le point de jonction entre la pensée de Bateson, le zen et le taoïsme !
Bateson prend quelques précautions pour aborder ce concept d’apprentissage de niveau 3. Rares sont ceux qui atteignent ce niveau, dit-il, et ceux qui l’ont fait, comme certains maîtres zen, affirment que l’expérience se situe au-delà du langage. Mais il répond au principe existant aux niveaux inférieurs : il s’agit d’une expérience plus vaste, englobant l’ensemble de nos apprentissages de contexte, à un niveau où nous pourrions saisir les métarègles qui les gouvernent… et découvrir lucidement leur aspect illusoire.
A ce niveau, nous dit Bateson, « le soi cesserait d’être le point nodal à partir duquel nous ponctuons l’expérience ».
Autrement dit, nous cesserions de nous percevoir comme des entités isolées, séparées du Procès, nous ne ferions plus qu’un avec lui. Le soi cesserait d’être le centre organisateur des données, il n’y aurait plus de sujet de la connaissance distinct de son objet, plus de barrière séparant le spectateur du spectacle.
Fort bien, me direz-vous peut-être, voilà pour l’expérience spirituelle, mais en quoi l’apprentissage 3 constitue-t-il une solution au paradoxe du but conscient ?
Il est un petit livre, écrit par un philosophe allemand, qui illustre admirablement le paradoxe en question, et montre en quoi un apprentissage de niveau 3 permet de le transcender. Il s’agit de l’ouvrage d’Eugène Herrigel : Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc2 Bien entendu, Herrigel ne parle ni de but conscient, ni d’apprentissage 3, du moins n’utilise-t-il pas ces termes-là. Parti au Japon s’adonner au tir à l’arc pour tenter de comprendre et d’appréhender le Zen, Herrigel ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Remerciements
  5. Préface - Lâcher (la) prise, pour toucher au but ?
  6. Introduction
  7. PREMIÈRE PARTIE - La thérapie stratégique
  8. DEUXIÈME PARTIE - La voie spirituelle
  9. Conclusion
  10. Postface
  11. Bibliographie