Apprendre le droit avec des professeurs très particuliers

Cyril Hanouna, Junior le poneu, les soprano, Michel Platini, Bernard Laporte, Louis C. K., Mon oncle Charlie, etc.

Bruno DONDERO

• Éditeur: Enrick B. Editions
• Année: 2018
• ISBN:
  9782356443489
• Sujet: Droit
• Sous-sujet: Théorie et pratique du droit

Cet ouvrage est à la fois un outil d'apprentissage et de vulgarisation au sens noble du terme. Il a pour ambition première de présenter les relations internationales sous un angle disciplinaire et phénoménologique: les différentes théories, les concepts et les grandes notions utiles à leurs études, leurs principaux acteurs, les facteurs qui les influencent et leurs modes de régulation, politique, diplomatique ou juridique. Doté d'une architecture académique, son angle d'approche se veut néanmoins original puisqu'il propose un détour par les fictions cinématographiques et télévisuelles afin d'acquérir les pré-requis indispensables à l'étude de la discipline. Il est particulièrement adapté aux étudiants de première année de licence mais, au-delà, à quiconque souhaite rafraichir ses connaissances ou découvrir les relations internationales et le droit qui les régule en se posant des questions essentielles: La Confédération internationale des sorciers est-elle une institution internationale? La République intergalactique un Etat? Peut-on aimer la bombe atomique? L'action de Rambo est-elle conforme à la légalité internationale? Ici, à la croisée de deux univers, Hans Joachim Morgenthau, Georges Scelle ou Raymond Aron côtoient Stanley Kubrick, Georges Lucas et Steven Spielberg. De manière générale, il s'agit de donner une image plus ludique de la science juridique sans rien ôter au sérieux et à la qualité des analyses. L'ouvrage est assorti de propositions bibliographiques pertinentes afin de permettre aux lecteurs qui le désirent d'approfondir les sujets abordés ainsi que d'un index thématique afin d'en faciliter le maniement.

LEÇON N^o 1

Apprendre le droit avec Cyril Hanouna : le groupe de sociétés

QU’ALLONS-NOUS APPRENDRE ICI ?

Lorsque des sociétés font partie d’un même groupe, sont-elles amenées à se faire concurrence ou bien peuvent-elles fraterniser ? Une société en difficulté peut-elle être aidée par les autres sociétés du groupe ?

Commençons avec un professeur de droit particulièrement cool : Cyril Hanouna.

Attention ! Car si le professeur Hanouna est cool, il vient tout de même nous parler d’un droit qui a la réputation d’être technique, difficile, voire austère : le droit des sociétés.

Mais ne nous jetons pas tout de suite dans le droit et commençons par remettre notre professeur dans son contexte, c’est-à-dire dans son émission – pardon : dans la messe quotidienne qu’il anime.

La messe quotidienne de Touche pas à mon poste

À l’heure où une partie de la France finit de travailler, rentre à la maison et se prépare à dîner, plusieurs millions de personnes communient ensemble autour d’une étrange messe cathodique tous les jours de la semaine. C’est la cérémonie quotidienne Touche pas à mon poste – TPMP pour les intimes –, émission présentée par Cyril Hanouna et diffusée sur la chaîne C8. Les spectateurs retrouvent, assis autour d’une table, des chroniqueurs qui parlent de tout et de n’importe quoi, et commentent surtout des « buzz », des sujets qui ont fait scandale et suscité une effervescence sur les réseaux sociaux, et qui sont généralement assez futiles : « que pensez-vous du clash entre Jean-Marc Morandini et Thierry Ardisson ? », « quelle candidate de téléréalité est la mieux habillée ? ».

« Futile » n’est sans doute pas le bon terme, d’ailleurs, car ce qui provoque une effervescence sur les réseaux sociaux est rarement totalement futile. Quand tel animateur de télévision émet une réflexion désobligeante sur les homosexuels et que ce propos a un retentissement inouï, qui se traduit en millions de vues des vidéos de l’événement et en messages d’une violence incroyable, il n’y a plus de futilité du tout, mais une question fondamentale. La remarque oblige en effet à déterminer où s’arrête l’humour et où commence la violence verbale qui doit être combattue .

Quoi qu’il en soit, il est certain que Cyril Hanouna, présentateur autour duquel l’intégralité de l’émission gravite, a une forte audience dans tout le pays grâce à TPMP. Il est à peu près certain que le garçon ou la fille de seize ans à qui l’on demande en 2019 qui sont Cyril Hanouna et Bruno Le Maire ne placeront pas souvent le second au ministère de l’Économie et des Finances, mais situeront beaucoup mieux le roi de TPMP.

Apprenons le groupe de sociétés avec Cyril Hanouna

À la rentrée 2015, Cyril Hanouna a décidé de devenir professeur de droit des sociétés… Très ponctuellement, il est vrai. Il a en effet décidé de s’intéresser au groupe de sociétés – même s’il est probable qu’il n’ait même pas eu conscience qu’il était en train d’en parler.

Qu’est-ce qu’un groupe de sociétés ? Ce sont des sociétés qui sont liées ; et elles peuvent l’être de différentes manières.

Le lien peut être le fait d’une personne physique détenant des actions d’une société A et d’une société B. On parle alors de « groupe personnel ». Les sociétés A et B sont liées par le fait qu’elles ont le même actionnaire.

Le lien peut aussi résider dans une société, comme l’illustre l’exemple de la société Vivendi : elle contrôle la société Canal+, et dans le même temps elle détient la totalité du capital de la société C81 .

Organigramme du groupe Vivendi (extrait, 2014).

Chacune de ces sociétés est une personne morale distincte, avec son intérêt social propre. Cela veut dire que, comme une personne physique, chacune de ces sociétés est considérée comme un sujet dont l’intérêt doit être respecté. En clair, le dirigeant de l’une de ces sociétés doit agir de manière à gérer au mieux l’entité en question. Mais, dans le même temps, l’action de chacune des sociétés du groupe Vivendi tient compte du fait qu’elles font partie du même groupe de sociétés.

Il n’y a pas, dans notre Code de commerce, de dispositif organisant de manière complète le fonctionnement d’un groupe de sociétés. Ponctuellement, en droit des sociétés, en droit du travail, en droit fiscal, des dispositions prennent en compte l’existence d’un groupe de sociétés pour en tirer des conséquences. Par exemple, si des licenciements sont envisagés par une société, le reclassement des salariés doit être envisagé dans le groupe de sociétés.

La jurisprudence a apporté sa contribution, avec notamment un arrêt rendu en 1985 par la Cour de cassation dans l’affaire Rozenblum2. Dans cette décision, les juges ont énuméré les conditions à respecter pour qu’une opération de soutien intervenant entre plusieurs sociétés d’un même groupe (un prêt, par exemple) ne soit pas constitutive d’un abus de biens sociaux. L’abus de biens sociaux (ABS) est le délit que commet le dirigeant d’une société qui utilise les biens ou les fonds de cette dernière dans son intérêt propre ou pour soutenir une autre société qu’il dirige3. L’arrêt Rozenblum juge que, pour échapper à la qualification d’ABS, l’opération doit :

• – être dictée par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble de ce groupe ;
• – ne pas être démunie de contrepartie ;
• – ne pas rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées ;
• – ne pas excéder les possibilités financières de la société qui en supporte la charge.

Toute la difficulté est là : si chaque société a son intérêt propre, et si les dirigeants ne doivent pas sacrifier cet intérêt à celui des autres sociétés du groupe, sous peine de commettre le délit d’ABS et d’engager leur responsabilité, un fonctionnement coordonné des différentes sociétés est tout de même concevable. Si une société a un besoin de trésorerie urgent et qu’une autre société du même groupe a un excédent de trésorerie, il serait dommage que la société dans le besoin tombe en faillite parce qu’elle ne parvient pas à emprunter auprès des banques ! Attention, la société prêteuse ne doit pas être sacrifiée pour autant.

Cas pratique avec le groupe Vivendi

La situation des deux sociétés du groupe Vivendi exploitant des chaînes de télévision, C8 et Canal+, et ayant du coup des émissions directement concurrentes a été l’occasion pour Cyril Hanouna de procéder à un petit cas pratique de droit des sociétés.

Votre professeur de droit des sociétés.

Que faire lorsque les sociétés du groupe connaissent des fortunes diverses ?

La rentrée 2015 a été désastreuse pour l’émission de Canal+ Le Grand Journal, comme tous les médias l’ont répété alors, tandis que, sur la chaîne C8, Touche pas à mon poste vivait « la meilleure rentrée [que Cyril Hanouna ait] connue », d’après la chaîne elle-même, citée par Le Monde4. C’est que des sociétés appartenant à un même groupe peuvent être concurrentes, et deux sociétés d’un même groupe télévisuel peuvent voir leurs émissions s’affronter sur le même créneau horaire.

Une déclaration de Cyril Hanouna a permis de comprendre qu’il était, comme d’autres, conscient de la situation particulière que crée le groupe de sociétés. Dans le même article du Monde, il tenait en effet les propos suivants : « On est du même groupe et, si on peut aider Le Grand Journal, on le fera. » Était ensuite évoquée l’idée d’une séquence spéciale sur l’émission de Canal+, qui, toujours selon M. Hanouna, « ne marche pas comme on voudrait pour l’instant »… Se manifestait donc une forme de solidarité entre les...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Copyright
• Sommaire
• Le mot de la directrice de collection
• Introduction
• Leçon N° 1 : Apprendre le droit avec Cyril Hanouna : le groupe de sociétés
• Leçon N° 2 : Apprendre le droit avec Junior le poney : l'interprétation stricte de la loi pénale
• Leçon N° 3 : Apprendre le droit avec Bernard Tapie : le préjudice moral
• Leçon N° 4 : Apprendre le droit avec Nadine Morano et Jean Giraudoux : l'injure et la diffamation
• Leçon N° 5 : Apprendre le droit avec Mario Balotelli : le contrat et l'ordre public
• Leçon N° 6 : Apprendre le droit avec Suits et AC/DC : le monopole des avocats
• Leçon N° 7 : Apprendre le droit avec Mon oncle Charlie : les devoirs de l'administrateur
• Leçon N° 8 : Apprendre le droit avec Les Soprano : la créance, le prêt et la société
• Leçon N° 9 : Apprendre le droit avec Louis C. K. : la nécessité du droit pénal
• Leçon N° 10 : Apprendre le droit avec Rachida Dati : les conflits d'intérêts
• Leçon N° 11 : Apprendre le droit avec Michel Platini et Gaston Lagaffe : le droit des contrats
• Leçon N° 12 : Apprendre le droit avec les Républicains et les Schtroumpfs : l'exclusion des insoumis et le quorum
• Leçon N° 13 : Apprendre le droit avec Bernard Laporte : l'affectio societatis
• Leçon N° 14 : Apprendre le droit avec Harvey Weinstein : la personnalité morale
• Fin des leçons
• Bibliographie