§1 Les choses
Il est classique d’opposer les personnes aux choses, les premières accédant au rang de sujet de droit là où les secondes demeurent de simples objets de droit. Malgré ce trait commun à toutes les choses, le droit des biens distingue différentes catégories de choses, lesquelles catégories traduisent une particularité de la chose dans son rapport à l’appropriation privée. Sous cet angle, les choses communes ou res communis (I), sont classiquement distinguées des choses non appropriées ou res nullius (II) ainsi que des choses abandonnées ou res derelictae (III).
I. Les choses communes ou res communis
Les choses communes (par exemple, l’air ou l’eau) ont pour particularité de ne pouvoir faire l’objet d’aucune appropriation privée. Cette particularité n’a pas pour but de les soustraire de manière définitive de l’emprise des individus, mais bien plutôt d’en permettre l’usage par tous (C. civ., art. 714, al. 1er). Tout au plus, « la manière d’en jouir » fait-elle l’objet de règlementations particulières (C. civ., art. 714, al. 2), afin notamment d’organiser leur usage commun.
Les choses communes se distinguent des choses dites sans maître, dont la nature ne s’oppose pas à l’appropriation privée. Les choses sans maître sont simplement des choses qui ne sont pas appropriées. Elles sont réparties en deux catégories selon qu’elles ont déjà fait l’objet d’une appropriation ou pas. La première catégorie regroupe les choses non appropriées ou res nullius, la seconde les choses abandonnées ou encore res derelictae.
II. Les choses non appropriées ou res nullius
Les res nullius sont des choses qui, en raison de leur nature, n’ont jamais fait l’objet d’une appropriation privée. Elles naissent ou sont créées non appropriées (les animaux sauvages, par exemple). En revanche, leur nature propre n’empêche pas une appropriation à venir, laquelle s’opère par voie d’occupation (V. Fiche no 7). La propriété est alors acquise au premier occupant.
III. Les choses abandonnées ou res derelictae
Les res derelictae sont des choses abandonnées par leur propriétaire. À la différence des res nullius, ces choses ont fait l’objet d’une appropriation privée antérieure, à laquelle le propriétaire a renoncé.
Envisagées sous cet angle, les res derelictae se distinguent des biens perdus par leur propriétaire. Relevant de la qualification d’épaves, les biens perdus sont soumis à des régimes juridiques de réappropriation particuliers en fonction de leur nature (épaves maritimes ou épaves terrestres, par exemple).
Les res derelictae peuvent faire l’objet d’une nouvelle appropriation. Leur propriété s’acquiert alors par voie d’occupation (V. Fiche no 7).
§2 La notion de bien
Bien que consacrées aux biens et différentes modifications de la propriété, les dispositions du livre II du Code civil ne contiennent pas de définition de la notion de bien, pas plus d’ailleurs qu’elles ne définissent la notion de chose.
Or en droit, les termes de chose et de bien ne semblent pas désigner les mêmes réalités, encore qu’elles se recouvrent partiellement. En effet l’on peut considérer qu’une partie des choses (seulement) peut accéder au rang de bien.
Plusieurs définitions de la notion de bien ont été proposées en doctrine. Il en ressort - à tout le moins dans son acception en droit interne – que le bien se distingue de la chose notamment par son aptitude à faire l’objet d’une appropriation privée laquelle permet à un ou plusieurs individus d’accéder à ses utilités et d’en mobiliser la valeur.
La notion de bien a longtemps été réservée aux choses corporelles, pourvu qu’elles remplissent les critères de caractérisation du bien. Or, il est aujourd’hui classique de considérer que les droits portant sur les biens constituent également des biens. L’article 520 de la proposition de réforme du droit des biens élaborée par un groupe de travail placé sous la présidence du Professeur H. Perinet-Marquet et sous l’égide de l’Association Henri Capitant, présenté le 31 octobre 2008 à la Direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice prend acte de cette conception en retenant la définition du bien suivante : « sont des biens, au sens de l’article précédent, les choses corporelles ou incorporelles faisant l’objet d’une appropriation, ainsi que les droits réels et personnels tels que définis aux articles 522 et 523 ».
La catégorie des biens n’est pas intangible dans sa composition. De nouvelles choses sont en effet susceptibles de devenir des biens, dès lors qu’elles en remplissent les caractères ou que le législateur leur octroie cette qualification (V. C. env., art. L. 229-15, concernant les quotas d’émission de gaz à effet de serre).
À l’inverse, des éléments historiquement qualifiés de biens tendent à se détacher de cette catégorie. Les animaux en fournissent une illustration topique. Longtemps considéré...