Sur la côte de Grand-Pré
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Sur la côte de Grand-Pré

  1. 380 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Sur la côte de Grand-Pré

Détails du livre
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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

À l'été de 1755, Amélie Belliveau vit avec sa famille en Acadie entourée de la mer, des collines verdoyantes et de ses amis micmacs. Sereine. Habitués à leur vie paisible de fermiers, les gens de la communauté croient qu'ils pourront conserver leur statut politique neutre malgré les rumeurs inquiétantes qui circulent. Mais lorsque les Acadiens refusent de prêter serment d'allégeance à la Grande-Bretagne dans sa guerre contre la France, l'armée britannique envahit brutalement Grand Pré, prend possession des terres et expulse les familles de leurs demeures. C'est ainsi qu'Amélie et les siens sont envoyés en exil vers différents ports à bord de vaisseaux délabrés, dans des conditions atroces. Heureusement, la jeune femme peut compter sur un allié précieux: le caporal Connor MacDonnell, un officier écossais ayant jadis subi, à cause des Anglais, une épreuve horrible. Tandis que sa sympathie pour Amélie évolue en un amour d'exception et qu'il réalise avec horreur l'ampleur de la tragédie à laquelle il doit participer, il mettra tout en oeuvre pour porter secours à Amélie et son peuple, quitte à être accusé de trahison et risquer sa vie. Car sa vie et celle d'Amélie sont désormais liées par un amour plus fort que toutes les guerres…

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Informations

Année
2020
ISBN
9782897588076

PREMIÈRE PARTIE

La Déportation

Amélie

CHAPITRE UN

Juin 1755

Les oiseaux-mouches allaient bientôt être de retour. À leur manière frénétique et efficace, ces minuscules guerriers donnaient le réel coup d’envoi à l’été. Je souriais chaque fois que je les voyais. En attendant, je devais me contenter des merles qui donnaient de petits coups de bec dans la terre pour récupérer tout ce qu’ils pouvaient y trouver de bon.
Comme la vie était simple pour eux ! pensai-je en soulevant mon deuxième seau d’eau. Ils se nourrissaient à même la terre, s’abreuvaient de rosée et n’avaient aucune corvée à faire. En ce début d’été – nipk en micmac, la période pendant laquelle Nipniku amène la lune d’été –, la boue sous nos sabots était encore froide le matin, alors que plus tard dans la journée, les moustiques étaient impitoyables. À la tombée de la nuit, nous nous écroulions de fatigue, la peau irritée à force de nous gratter.
Quand même, songeai-je, ces petits oiseaux ne pouvaient pas profiter de tout ce que j’avais. À la pluie battante, ou lorsque le vent faisait claquer les volets, ils ne pouvaient pas entrer dans une maison pour se réchauffer auprès d’un feu invitant. Ils ne pouvaient pas protéger leurs petits pieds comme je le faisais dans des chaussettes de laine douce ou des sabots de bois. Ils n’avaient même aucune idée de la chance que nous avions de vivre dans ce merveilleux endroit auprès d’une famille aimante et de nombreux amis.
J’entendis maman chanter, bientôt imitée par Giselle, de sa jolie voix haute. Ma soeur cadette avait quatorze ans, mais elle m’apparaissait souvent plus jeune. Je déposai mon seau d’eau sur le seuil pour ouvrir la porte, puis j’entrai et le vidai dans la grande casserole suspendue au-dessus du poêle. Personne n’avait préparé le feu. Je jetai un regard à ma mère et à ma soeur, mais aucune ne remarqua mon irritation. Je songeai à leur dire qu’elles étaient bien paresseuses, mais leurs rires m’en dissuadèrent. Rien n’affecterait leur bonne humeur. Je m’agenouillai et attisai la flamme en remuant les bûches rougeoyantes.
— Oh ! Merci, Amélie, dit maman. Je ne sais pas où j’ai la tête ce matin.
— Moi, je le sais, rétorqua Giselle.
— Toi, petite taquine, ajouta maman en hochant la tête et en souriant.
Je me sentis soudain rougir de honte et tournai la tête pour qu’elles ne voient pas mon embarras. Comment avais-je pu oublier ?
— Tu étais distraite parce que tu pensais à Claire et Guillaume, dis-je.
— Pas toi ? fit Giselle. Ce seront de merveilleuses noces ! Puis, Claire aura sa propre maison et ses propres enfants, et je serai tante ! Oh, si seulement nous n’avions pas à attendre jusqu’en septembre ! J’imagine que c’est mieux comme ça. Nous en profiterons encore davantage après la récolte. Et toi, Amélie ? Tu as déjà dix-sept ans. Quand te marieras-tu ?
Elle adorait me poser cette question que j’exécrais. Non pas que je ne voulais pas me marier. Simplement, je n’avais encore trouvé personne avec qui je pouvais imaginer passer le restant de mes jours. Quand je songeais au nombre d’heures qu’il y avait dans une journée, je savais que je ne pourrais pas me contenter d’un mari uniquement fort et travailleur. Il faudrait que ce soit un homme avec qui je pourrais aborder n’importe quel sujet, et aucun au village ne répondait à mes standards.
— Tais-toi, Giselle. Ne me pose pas cette question.
— Tu sais, Pierre Mélanson… avança maman en pinçant les lèvres.
— Je n’ai pas envie de parler de cela maintenant.
— Voyons, Amélie ! gémit Giselle, il doit bien y avoir quelqu’un…
— Ça suffit, répliquai-je en ouvrant brusquement la porte. J’ai dit que ce n’était pas le moment d’en parler. Je suppose que je dois aussi aller chercher le lait puisque tout le monde, sauf moi, semble trop occupé pour faire quoi que ce soit aujourd’hui.
Une odeur douce et tenace m’accueillit à l’intérieur de la grange. J’inspirai profondément, ce qui me calma aussitôt.
Papa et André me saluèrent sans interrompre leur travail.
Les hommes de ma famille ne me pressaient pas de trouver un mari. Le mariage était important, certes, mais ils semblaient comprendre qu’il ne servait à rien de m’embêter.
— Bonjour, répondis-je. Le petit-déjeuner sera bientôt prêt.
— Merci, mon ange*, lança papa en passant le râteau sur le sol de l’étable.
— Il m’a dit qu’ils avaient besoin de leurs canots pour pêcher, indiqua André.
Je compris que j’avais interrompu leur conversation sans le vouloir. Je me mis à les écouter, ragaillardie. N’importe quel sujet serait plus intéressant que le mariage.
— Et ils ont dit qu’ils perdaient du bétail à cause des prédateurs dans la forêt.
— C’est vrai, reconnut papa en hochant la tête d’un air sombre. Maintenant que les Micmacs ne sont plus là pour chasser…
— Quoi ? Ils sont partis ? m’écriai-je.
Impossible que Mali soit partie sans me parler ou me dire au revoir.
— Pas très loin, mais assez quand même, répondit papa. Ne t’en fais pas, Mali s’en sortira. Continue, André. Quoi d’autre ? La pétition ? Qu’est-ce que ton ami a entendu dire à ce propos ? (Il fit un geste du menton.) Et ne t’arrête pas de travailler pendant que tu parles.
Cela me rappela que j’avais aussi une tâche à faire. J’installai un tabouret à côté de la vache et appuyai mon épaule contre son flanc chaud pour lui signifier ma présence. Je refermai mes doigts autour de ses pis et me mis à la traire en cadence.
À l’autre bout de la grange, André commença à remplir la brouette, de fines particules de poussière emplirent l’air autour de lui.
— Le gouverneur Lawrence a interdit aux hommes de lire la pétition, papa, affirma-t-il. Il les a plutôt réunis – ils étaient une centaine – pour qu’ils prêtent serment d’allégeance à la couronne d’Angleterre et s’engagent ainsi à prendre les armes contre le roi de France.
Papa et moi interrompîmes nos tâches, incrédules.
— Prendre les armes ? fit papa, dans un souffle.
— Nous ne pouvons pas nous rallier aux Anglais dans quelque guerre que ce soit, raisonnai-je. Ils ne peuvent pas nous y obliger, n’est-ce pas ?
Que feraient les Micmacs si les Acadiens étaient contraints de rejoindre le camp des Britanniques ? Devraient-ils se battre contre nous ? Le seul fait d’imaginer cela m’était intolérable.
— Continue de travailler, Amélie, me conseilla mon père en pointant la vache du menton. Elle va devenir impatiente sinon.
Il se tourna vers André.
— Qu’ont fait les hommes ?
— Ils ont refusé de suivre cet ordre, bien entendu, précisa-t-il en haussant les épaules. Ils ont dit qu’un tel serment nous déposséderait de notre religion et de tout ce en quoi nous croyons. Alors, le gouverneur Lawrence les a tous fait arrêter et envoyés dans une prison près de Halifax !
— Ce Lawrence ! grogna papa. J’ai entendu dire des choses terribles à son sujet. Apparemment, il menace les gens avec son épée, il les effraie pour s’amuser. C’est un tyran ! Est-ce que ton ami sait ce qu’ils prévoient faire ensuite ?
— Non. Il s’est enfui quand il a cru que les soldats l’avaient découvert.
Il soupira.
— J’ai bien peur que ce ne soit pas tout.
L’aîné de mes trois frères était un homme intense. Même lorsqu’il était enfant, il était différent des autres, précis dans tout ce qu’il faisait. Nous avions souvent de la difficulté à savoir ce qu’il pensait, car il cachait délibérément ses sentiments. Ce matin, cependant, il était étonnamment expressif.
— Le gouverneur Lawrence a chassé les prêtres ! s’écria-t-il en s’étranglant de colère, à tel point que j’eus peur qu’il fasse une syncope. Puis, il a transformé l’église en poste de commandement…
— Quoi ? ! laissai-je échapper.
— Lui-même a emménagé au presbytère. Ils ont installé des tentes partout sur le terrain pour les soldats. Le drapeau anglais flotte maintenant au-dessus de notre église, papa, et ils se débarrassent des objets sacrés comme si c’était de la camelote !
Il repoussa sa pelle.
— Et pour couronner le tout, d’autres soldats sont arrivés.
Je demeurai sans voix. Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Qu’est-ce qui avait incité les Britanniques à agir ainsi ? L’occupation de notre église était une insulte pour nous. Nous n’étions pas un peuple belliqueux. Qu’allions-nous faire si les Anglais nous déclaraient la guerre ?
Jusqu’à l’année de ma naissance, en 1738, les Britanniques et les Français s’étaient disputé le territoire sur lequel nous habitions à de nombreuses reprises, mais mon peuple ne s’en était jamais mêlé. Et lorsque les Britanniques avaient défait les Français pour de bon, ils avaient baptisé Nouvelle-Écosse la région que nous avions toujours appelée Acadie. Je ne m’étais jamais préoccupée de savoir quel pays se croyait aux commandes, car nous, Acadiens, vivions indépendamment de tous. Je n’étais pas une Néo-Écossaise, j’étais une Acadienne. La politique ne m’avait jamais affectée avant ce jour.
Je sortis de la grange en emportant mon seau de lait, puis je fixai du regard le terrain de l’église au loin. Je distinguai des silhouettes d’hommes entre les parfaites rangées de tentes blanches. Ce n’était pas un paysage nouveau pour moi, mais il ne m’avait jamais paru aussi menaçant.

CHAPITRE DEUX

Nous ne nous attendions pas à ce qu’on frappe à la porte. Habituellement, nous pouvions entendre les gens parler à mesure qu’ils approchaient de la maison, mais ceux-là avaient été très silencieux. Le bruit nous fit sursauter, et nous cessâmes toute activité pour nous regarder les uns les autres, évaluant nos réactions.
Ces visiteurs, quels qu’ils soient, avaient de la chance de nous trouver chez nous. C’était la fin de l’après-midi, et papa, mon plus jeune frère et moi revenions tout juste du champ. Papa voulait manger un morceau et venait d’allumer une pipe, dont la fumée embaumait l’air de la maison. Mathieu avait transporté un autre seau d’eau pour la soupe, tandis que maman et moi faisions du reprisage, éclairées par les rayons du soleil qui pénétraient par la fenêtre.
On frappa de nouveau à la porte. Mathieu jeta un coup d’oeil par la fenêtre.
— Deux soldats anglais*, chuchota-t-il.
Que venaient-ils faire chez nous ? Cette visite était une première. Je tentai en vain de déchiffrer l’expression de mes parents. Au fond, je savais qu’ils étaient inquiets.
Pour autant, papa afficha un sourire cordial lorsqu’il souleva le loquet et ouvrit la porte.
— Bonjour, messieurs*, les salua-t-il.
Deux soldats aux manteaux rouges se tenaient devant lui. Le premier, de grande taille, était de toute évidence le chef, car le deuxième, plus petit, se tenait derrière lui en gardant le silence. L’officier parla dans un français hésitant, mais ses ordres n’en furent pas moins clairs. Sa Majesté, nous informa-t-il, avait décrété que les Acadiens devaient remettre leurs armes aux soldats britanniques afin que ceux-ci puissent les conserver en lieu sûr. L’armée devait s’assurer que nous respecterions notre promesse de ne pas nous battre contre les Britanniques.
— Nos armes ? fit papa. Je ne comprends pas ce que vous dites.
Je traduisis l’ordre ignoble pour lui. Il cligna des yeux de surprise.
— Je n’ai pas l’intention de me battre contre qui que ce soit, plaida mon père, tandis que l’officier entrait de force dans la maison.
Les deux fusils de chasse de papa étaient appuyés contre le mur près du poêle, bien en évidence. Ils étaient tout ce que nous avions pour nous défendre, mis à part nos couteaux de cuisine et nos poings. Notre maison, comme toutes celles de Grand-Pré, était petite. Nous n’avions pas de place pour cacher quoi que ce soit, à supposer que nous l’ayons voulu. L’arrogance que je décelai dans les yeux du Britannique me fit souhaiter le contraire.
— Ces fusils servent à protéger notre ferme contre les bêtes sauvages.
La voix de mon père se voulait apaisante, mais l’officier n’écoutait pas.
— Ça ne fait rien, répliqua-t-il dans son français approximatif. Nous les prenons. Poussez-vous.
Après une seconde d’hésitation, papa recula et hocha imperceptiblement la tête en direction de maman, qui baissa les yeux. Elle avait les doigts croisés, comme si elle tentait de contenir sa nervosité. À côté d’elle, Mathieu fit mine de vouloir parler, mais papa lui jeta un regard qui le fit taire.
Pendant que l’officier s’avançait d’un pas raide vers le poêle, son second entra. Il transportait la hache de mon père. Il l’avait probablement ramassée dehors, près du tas de bois.
— Est-ce que vous nous rendrez notre hache quand il se mettra à faire froid ? demanda Mathieu, exprimant tout haut ce que je pensais.
Les deux soldats s’arrêtèrent net, et tout le monde, y compris moi, fixa mon jeune frère téméraire de treize ans. Comment aurait-il pu faire autrement ? Il disait simplement la vérité. Comment allions-nous survivre sans notre hache ?
— C’est au roi de décider, répondit l’officier en jetant un regard noir à Mathieu.
C’était la pire insulte qui soit. Maman attrapa instinctivement mon bras, mais je me dégageai, avant de me diriger vers le soldat qui tenait la hache de mon père. Il n’avait encore rien dit, laissant croire qu’il serait plus facile à amadouer.
— Je suis sûre que Sa Majesté ne nous demanderait pas de passer l’hiver sans faire de feu ! m’écriai-je en anglais.
C’est l’officier qui me répondit.
— Sa Majesté prendra soin de tous ses sujets, siffla-t-il en me regardant de ses yeux perçants. Ce n’est pas ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Page de titre
  4. PROLOGUE
  5. PREMIÈRE PARTIE : La Déportation
  6. DEUX IÈME PARTIE : Recommencer
  7. REMERCIEMENTS