Les grands projets urbains
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Les grands projets urbains

Territoires, acteurs et stratégies

  1. 410 pages
  2. French
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Les grands projets urbains

Territoires, acteurs et stratégies

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À propos de ce livre

Qu'est-ce qu'un grand projet urbain? Quelles sont ses conditions d'implantation et ses rĂ©percussions sur la ville? Comment en mesurer les retombĂ©es Ă©conomiques, ou comprendre les relations complexes qui s'Ă©tablissent entre les entrepreneurs immobiliers et les collectivitĂ©s qui les accueillent?Avec plusieurs exemples de grands projets immobiliers et patrimoniaux Ă  MontrĂ©al et dans le monde – et Ă  travers un large spectre disciplinaire incluant l'architecture et l'urbanisme, bien sĂ»r, mais aussi la gĂ©ographie, l'histoire, la politique et l'Ă©conomie –, cet ouvrage aborde trois grands thĂšmes: les acteurs, leur discours et leurs reprĂ©sentations; le design et l'attractivitĂ©; le dĂ©veloppement urbain.

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Informations

Chapitre 1

L’acceptabilitĂ© sociale des grands projets
urbains est-elle prévisible?
Une réflexion à partir
de quatre cas montréalais

Michel Gariépy
Si certains grands projets urbains passent comme lettre Ă  la poste, d’autres suscitent une forte opposition, au point oĂč la mise en dĂ©bat public de projets d’amĂ©nagement paraĂźt maintenant suspecte aux yeux de certains acteurs importants qui la rangent d’emblĂ©e Ă  l’enseigne de l’«immobilisme». En prenant appui sur une Ă©tude comparative portant sur quatre grands projets montrĂ©alais lancĂ©s au cours des derniĂšres annĂ©es, nous cherchons Ă  dĂ©passer cette rĂ©action et nous posons l’hypothĂšse que la façon selon laquelle sont planifiĂ©s les grands projets urbains, de mĂȘme que la façon dont se constitue la configuration des acteurs – des «parties prenantes», pour utiliser un jargon Ă  la mode –, ne sont pas Ă©trangĂšres Ă  l’acceptabilitĂ© sociale qui en rĂ©sulte.
Trois variables, nature, territoire, processus, sont croisĂ©es pour Ă©tablir des critĂšres et conditions selon lesquels on pourrait prĂ©sumer de l’acceptabilitĂ© sociale d’une intervention projetĂ©e et dĂ©gager une typologie de ces interventions. Une telle typologie, par l’identification des stratĂ©gies en cause, trouverait son utilitĂ© dans la maximisation des effets structurants d’un projet.

Au-delĂ  de la stigmatisation
réductionniste

Au QuĂ©bec, aura marquĂ© la derniĂšre dĂ©cennie la stigmatisation faite par certaines Ă©lites Ă©conomico-politiques d’un courant social qui se caractĂ©riserait par le refus du changement, un courant social que ces «lucides» ont qualifiĂ© «d’immobilisme1». Le dĂ©bat public associĂ© aux grands projets d’amĂ©nagement se retrouvait au cƓur de cette stigmatisation: il permettrait l’émergence d’une «levĂ©e de boucliers, [d’]une fin de non-recevoir» Ă  l’encontre du «moindre projet audacieux». En fait, plutĂŽt que des actions de faible envergure, ce sont deux trĂšs grands projets, celui de la centrale thermique de production Ă©lectrique du SuroĂźt, puis celui du complexe montrĂ©alais Casino-Cirque du Soleil qui ont suscitĂ© un vif dĂ©bat, dĂ©bat qui a Ă©tĂ© suivi de leur mise au rancart.
De multiples arguments peuvent ĂȘtre avancĂ©s pour faire ressortir le caractĂšre parfois spĂ©cieux et idĂ©ologique de la charge des «lucides» Ă  l’encontre du dĂ©bat public. Tout d’abord, de solides raisons permettent de croire que c’est la faisabilitĂ© Ă©conomique mĂȘme des projets, plutĂŽt que le dĂ©bat public, qui a entraĂźnĂ© leur mise au rancart2. De plus, Ă  supposer que le dĂ©bat public ait Ă©tĂ© la cause directe de l’abandon de ces deux projets, la position des «lucides» faisait l’impasse sur le fait que la trĂšs grande majoritĂ© des interventions assujetties Ă  une forme quelconque de dĂ©bat public au QuĂ©bec depuis son institutionnalisation dans le processus d’autorisation des grands projets, au tournant des annĂ©es quatre-vingt, ont effectivement Ă©tĂ© autorisĂ©es. Cette position – dont il est permis de se demander si elle n’est pas le reflet de la nostalgie d’un temps oĂč la dĂ©cision de rĂ©aliser un projet Ă©tait sinon le fait du prince, relevait du moins d’une rĂ©gulation minimaliste par la puissance publique – vĂ©hicule une conception rĂ©ductionniste du dĂ©veloppement aux seuls effets multiplicateurs de tout projet sur l’économie3. Mais elle vĂ©hicule surtout une conception passĂ©iste de la sphĂšre de l’action publique ignorant que «l’impĂ©ratif dĂ©libĂ©ratif» fait maintenant partie de cette sphĂšre (Blondiaux et Sintomer 2002), que l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ne constitue plus une donnĂ©e transcendante que les pouvoirs publics ne feraient qu’appliquer mais un «construit social» Ă©manant prĂ©cisĂ©ment de la confrontation de diffĂ©rents points de vue (Lascoumes et Le Bourhis 1998). Enfin, posture inquiĂ©tante quand elle Ă©mane d’élites politico-Ă©conomiques, cette position faisait aussi l’impasse sur les dĂ©bats autrement fĂ©roces qui entourent la rĂ©alisation des grands projets dans d’autres pays, comme s’il n’y avait qu’au QuĂ©bec oĂč la sociĂ©tĂ© civile donnait son avis sur la justification et les impacts apprĂ©hendĂ©s des projets: qu’on pense, par exemple, aux dĂ©bats qui se sont Ă©chelonnĂ©s sur plusieurs annĂ©es sur les nouveaux corridors de TGV en France (Beaucire 2009) ou Ă  la dĂ©molition imposĂ©e de barrages hydro-Ă©lectriques suite au processus de relicensing aux États-Unis (Valin 2006). Les mĂȘmes «lucides» ont curieusement Ă©tĂ© silencieux quand des projets du Cirque du Soleil incorporĂ©s Ă  des Ă©quipements rĂ©crĂ©otouristiques d’envergure ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s, Ă  Miami en 2006, puis Ă  New York en 2008, chaque fois, en rĂ©action Ă  une forte controverse locale.
Mais mĂȘme si le dĂ©bat public est, depuis, lui-mĂȘme restĂ© en dĂ©bat, nous laisserons aux politologues le soin d’analyser plus Ă  fond la position des «lucides» et de situer ce mouvement dans la dynamique sociopolitique d’ensemble du QuĂ©bec. Notre intention est de nous centrer sur l’élaboration et la production des grands projets urbains, soit d’une nouvelle construction, d’un nouvel Ă©quipement ou d’une infrastructure qu’il s’agit d’intĂ©grer dans un milieu qui devient leur territoire, et de nous interroger sur l’acceptabilitĂ© sociale de ces interventions: quelles sont les composantes qui peuvent ĂȘtre associĂ©es Ă  cette notion, et surtout, est-il possible de les traduire en principes ou prescriptions pouvant guider les maĂźtres d’ouvrage dans l’élaboration de leurs interventions pour que justement il y ait acceptabilitĂ© sociale? À cette fin, nous faisons appel Ă  quatre exemples de grands projets d’amĂ©nagement dont la rĂ©alisation a Ă©tĂ© discutĂ©e en contexte montrĂ©alais au cours des derniĂšres annĂ©es: ils sont prĂ©sentĂ©s briĂšvement dans la section suivante. Par aprĂšs, nous effectuons un retour sur la notion d’acceptabilitĂ© sociale et nous tentons de dĂ©gager les variables en cause. Ces variables sont ensuite illustrĂ©es Ă  partir des cas. En conclusion, nous nous interrogeons sur la possibilitĂ© pour un maĂźtre d’ouvrage de prĂ©dire, mieux de fabriquer l’acceptabilitĂ© sociale d’une intervention qu’il projette.

Les grands projets urbains mobilisés

Que faut-il entendre par grand projet urbain? Il s’agit lĂ , pour paraphraser nombre d’auteurs, d’une notion floue. Quatre aspects interviennent dans notre dĂ©finition de ce qu’est un tel projet urbain, outre le fait qu’il prenne place en milieu urbain montrĂ©alais, et ont servi de critĂšres pour la sĂ©lection des interventions analysĂ©es. Tout d’abord, cette notion de projet et de «grand» projet a donnĂ© lieu en France Ă  une littĂ©rature plĂ©thorique, mais surtout s’est traduite par une inscription dans le cadre juridique et institutionnel de ce pays. De cette problĂ©matique essentiellement française, nous avons retenu deux aspects, Ă  cause de leur pertinence pour le contexte quĂ©bĂ©cois. Premier aspect, la notion tĂ©moigne du rejet du processus de planification technocratique et linĂ©aire, du rejet de la pensĂ©e sectorielle qui rĂ©git trop souvent la planification des rĂ©seaux: le projet ne tire pas sa cohĂ©rence de l’application linĂ©aire de normes et critĂšres, mais s’adapte Ă  un contexte et Ă  ses alĂ©as dans l’action (Ingallina 2001). C’est aussi dans l’action que se dĂ©finissent les acteurs du projet, ceux qui concourent d’une façon ou d’une autre Ă  sa rĂ©alisation: aussi, retenons-nous, comme deuxiĂšme aspect ou critĂšre, qu’un grand projet implique la mise en Ɠuvre de ce que Pinson (2004: 201) appelait la «rationalitĂ© interactionniste».
Dans les grands projets, l’envergure des interventions est nĂ©cessairement en cause. Elle pourrait n’ĂȘtre dĂ©finie qu’en fonction de seuils dans les coĂ»ts impliquĂ©s: c’est l’approche qu’avait privilĂ©giĂ©e le gouvernement du QuĂ©bec pour dĂ©terminer quand recourir aux partenariats public-privĂ©, avant que la crise financiĂšre des derniĂšres annĂ©es ne ramĂšne les pendules Ă  l’heure4. Par ailleurs, les exigences pour la conclusion de tels partenariats, en particulier, la prĂ©cision du programme pour l’intervention et la confidentialitĂ© des tractations, nous semblaient incompatibles avec l’ouverture et l’adaptation dans l’action inhĂ©rente aux deux premiers aspects que nous avons mentionnĂ©s. PlutĂŽt, par grands projets, nous avons voulu retenir des actions entrant en rĂ©sonance avec plusieurs Ă©chelles de territoire dont tout particuliĂšrement l’échelle mĂ©tropolitaine, notre troisiĂšme critĂšre de dĂ©finition. Enfin, dernier aspect et critĂšre, nous avons choisi des projets ayant suscitĂ© une controverse dans l’opinion publique, telle qu’elle pouvait se reflĂ©ter dans les mĂ©dias.
Les projets montréalais suivants répondaient à ces critÚres et ont été retenus pour notre analyse:
  1. Le projet de Complexe de divertissement Loto-QuĂ©bec-Cirque du Soleil. InitiĂ© par la sociĂ©tĂ© d’État Loto-QuĂ©bec, le projet du dĂ©mĂ©nagement du Casino de MontrĂ©al est devenu, en association avec la firme Le Cirque du Soleil, celui d’un vaste complexe rĂ©crĂ©otouristique, qui devait prendre place au bassin Peel, Ă  cĂŽtĂ© du canal de Lachine, dans l’arrondissement le Sud-Ouest de MontrĂ©al. AnnoncĂ© Ă  l’automne de 2005, le projet sera mis au rancart quelques mois plus tard, au printemps de 2006.
  2. Le projet Griffintown est celui d’un vaste dĂ©veloppement immobilier multifonctionnel qui doit prendre place Ă©galement dans l’arrondissement Sud-Ouest. InitiĂ© par un promoteur privĂ©, Devimco, en partenariat avec des institutions financiĂšres et des sociĂ©tĂ©s d’affaires, il prĂ©voit des investissements de 1,3 milliard $ pour la construction de surfaces commerciales (100 000 m2), d’environ 4000 logements, des espaces Ă  bureaux et des Ă©quipements rĂ©crĂ©otouristiques, dont une salle de spectacles. Le projet a fait l’objet d’un programme particulier d’urbanisme (PPU) en 2008, aux fins d’approbation des modifications nĂ©cessaires au plan d’urbanisme par l’arrondissement et la ville. Sa mise en Ɠuvre, qui aurait dĂ» dĂ©marrer dans les mois suivants le dĂ©bat public sur le PPU, a Ă©tĂ© reportĂ©e depuis la crise financiĂšre mondiale qui s’est dĂ©clenchĂ©e cette mĂȘme annĂ©e et son envergure rĂ©duite Ă  300 millions $.
  3. Le Quartier international de MontrĂ©al (QIM) est un projet d’amĂ©nagement du territoire Ă  l’est de la rue University, Ă  la jonction du Vieux-MontrĂ©al et du quartier des affaires, ciblĂ© comme son nom l’indique sur l’affirmation de la vocation internationale de MontrĂ©al. Ses com­posantes principales consistaient en l’amĂ©nagement de l’espace urbain, avec en particulier la crĂ©ation de deux places publiques, la nouvelle Place Jean-Paul Riopelle et la Place Victoria, entourant le bĂątiment abritant le siĂšge social de la Caisse de dĂ©pĂŽt et placement du QuĂ©bec. Il a Ă©tĂ© inaugurĂ© en 2004.
  4. Le dernier projet est celui de l’autoroute Notre-Dame, officiellement qualifiĂ© de modernisation mais constituant, dans les faits, une transformation de la rue Notre-Dame en autoroute sur une distance de 8,7 km, dans l’est de MontrĂ©al. ÉvaluĂ© Ă  263 millions $ en 2001, il Ă©tait au dĂ©part un exemple d’un projet sectoriel, source de coupures dans le tissu urbain, et fortement dĂ©criĂ©: il a Ă©tĂ© retenu pour montrer comment l’approche sectorielle est maintenant battue en brĂšche en faveur de la transformation d’un projet d’infrastructure en projet urbain.

L’acceptabilitĂ© sociale
et les variables en cause

Dans les ouvrages qui traitent de l’acceptabilitĂ© sociale, cette notion est rarement dĂ©finie: elle est prĂ©sentĂ©e comme une Ă©vidence, comme allant de soi. Or c’est plutĂŽt l’inverse. Il s’avĂšre plus facile de dire ce qu’elle n’est pas, quand elle n’est pas au rendez-vous: quand des controverses Ă©mergent du dĂ©bat sur un projet, c’est alors qu’on parle de son absence. Par exemple, dĂšs 1987, le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) relativement Ă  un controversĂ© projet de ligne Ă  haute tension, parlait d’un coĂ»t Ă©levĂ© pour l’harmonie sociale, si le projet se rĂ©alisait dans la forme initialement prĂ©vue (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement 1987: 10.14). Caron-Malenfant et Conraud (2009: 14) comptent parmi les rares Ă  avoir proposĂ© une dĂ©finition de l’acceptabilitĂ© sociale: «Le rĂ©sultat d’un processus par lequel les parties concernĂ©es construisent ensemble les conditions Ă  mettre en place, pour qu’un projet, programme ou politique s’intĂšgre harmonieusement, et Ă  un moment donnĂ©, dans son milieu naturel et humain.» Cette dĂ©finition, malgrĂ© qu’elle soit correcte, est prĂ©maturĂ©e pour notre propos, parce que, trop normative; elle gomme les dimensions sur lesquelles nous souhaitons nous interroger.


La question de l’acceptabilitĂ© sociale s’insĂšre dans la problĂ©matique de l’intĂ©gration, autre problĂ©matique Ă  laquelle la frĂ©quente rĂ©fĂ©rence qui lui est faite n’a d’égal que le flou qui l’entoure. Or, Ă  la base, il s’agit de mettre en relation deux objets, d’intĂ©grer deux Ă©lĂ©ments. Sont donc en cause la nature et les attributs des deux Ă©lĂ©ments Ă  intĂ©grer, l’état initial de chacun puis la situation rĂ©sultant de leur intĂ©gration, mais aussi les modalitĂ©s selon lesquelles cette intĂ©gration s’opĂšre. Trois variables sont donc concernĂ©es et fournissent une trame d’interrogation pour comprendre comment un promoteur ou un maĂźtre d’ouvrage peut prendre en charge l’acceptabilitĂ© sociale5: le projet, le milieu d’accueil, puis la façon dont l’intĂ©gration est menĂ©e, chacune de ces variables Ă©tant dĂ©finie Ă  son tour par plusieurs paramĂštres, dimensions ou caractĂ©ristiques (Figure 1.1). Si ces variables peuvent apparaĂźtre comme des Ă©vidences, il importe prĂ©cisĂ©ment de dĂ©passer ce niveau d’évidence pour analyser et bien saisir les caractĂ©ristiques inhĂ©rentes Ă  chacune d’elle.
Le projet, c’est l’élĂ©ment perturbateur du milieu d’accueil. L’inter­vention projetĂ©e va dĂ©jĂ  rĂ©gir ou, Ă  tout le moins, baliser le processus d’intĂ©gration en fonction des paramĂštres qui la caractĂ©risent. Parmi ceux-ci, deux paramĂštres nous semblent particuliĂšrement dĂ©terminants pour la qualitĂ© de l’intĂ©gration qui va rĂ©sulter.
Un premier paramĂštre concerne la nature mĂȘme du projet ou la logique fonctionnelle Ă  laquelle il rĂ©pond: les fonctions qu’il implique et la marge de manƓuvre que dictent celles-ci quant Ă  son intĂ©gration. Cette logique peut ĂȘtre soit sectorielle, ou monofonctionnelle, soit multifonctionnelle. Au sein des projets rĂ©pondant Ă  une logique monofonctionnelle, il est possible de distinguer le projet d’infrastructure du projet d’équipement. D’un cĂŽtĂ©, le projet d’infrastructure est rĂ©gi par des normes techniques et s’insĂšre dans un rĂ©seau technique: son sens lui est donnĂ© par le rĂ©seau. Cette relation au rĂ©seau limite les possibilitĂ©s d’intĂ©grer les requĂȘtes Ă©mergeant du milieu local; elle rĂ©git en quelque sorte la permĂ©abilitĂ© potentielle du projet Ă  l’égard de celui-ci. Deux exemples pourront illustrer cette catĂ©gorie de projets. Les lignes de transport d’électricitĂ© Ă  trĂšs haute tension peuvent simplement traverser un territoire pour se rendre Ă  destination: ne pouvant alors servir Ă  l’alimentation directe des territoires traversĂ©s sans la construction de postes de transformation, elles se prĂȘtent bien Ă  une rĂ©action de rejet par les habitants du territoire traversĂ©: c’est le type mĂȘme de projet qui suscite une rĂ©action de type NIMBY (Not in My Back Yard). D’un autre cĂŽtĂ©, certains projets d’infrastructure, toujours Ă  l’intĂ©rieur de leur logique fonctionnelle, peuvent avoir une permĂ©abilitĂ© Ă  l’égard du milieu traversĂ©, et ainsi permettre une certaine intĂ©gration: c’est le cas de tronçons d’autoroute, oĂč des Ă©changeurs peuvent toujours ĂȘtre amĂ©nagĂ©s pour desservir le milieu, mais selon une frĂ©quence limitĂ©e par la vitesse moyenne que ses concepteurs cherchent Ă  assurer aux vĂ©hicules circulant sur l’infrastructure. Le projet d’équipement quant Ă  lui vise spĂ©cifiquement Ă  assurer un service collectif ou la desserte d’un milieu donnĂ©: il est donc d’emblĂ©e permĂ©able Ă  ce milieu, susceptible d’ĂȘtre mieux accueilli6. En poursuivant ce raisonnement, le projet rĂ©gi par une logique multifonctionnelle, un grand projet urbain, par les diversitĂ©s des fonctions mobilisĂ©es, interpelle des acteurs multiples et multiplie les possibilitĂ©s d’accommoder l’intĂ©gration au milieu d’accueil; il est donc a priori plus permĂ©able Ă  son environnement.
Un deuxiĂšme paramĂštre reliĂ© au projet consiste dans la finalitĂ© de l’intervention. Le projet tire de cette finalitĂ© sa symbolique, soit la perception qui lui est associĂ©e dans l’opinion publique. Si elle est d’emblĂ©e positive, c’est-Ă -dire si le projet dĂ©coule d’une justification claire et bien Ă©tablie, rĂ©pond Ă  l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou Ă  un besoin Ă©vident, la question de son intĂ©gration au milieu local, avant mĂȘme que n’aient Ă©tĂ© analysĂ©s les divers impacts qu’il pourra crĂ©er, s’annonce sous un jour favorable. Au contraire, si elle apparaĂźt trop exclusivement liĂ©e Ă  des intĂ©rĂȘts particuliers ou, pire, si elle est perçue nĂ©gativement ou de façon mitigĂ©e dans la sociĂ©tĂ©, l’intĂ©gration s’annonce au dĂ©part problĂ©matique.
Les caractĂ©ristiques de la deuxiĂšme variable, le milieu d’accueil, sont bien Ă©videmment dĂ©terminantes pour l’intĂ©gration du projet d’amĂ©nagement. Une premiĂšre caractĂ©ristique, dont l’analyse s’impose, c’est l’échelle du territoire concernĂ©. Quelle est cette Ă©chelle? Ne peut-elle ĂȘtre multiple, et ce faisant, justifier de parler des territoires d’une intervention plutĂŽt que du territoire; c’est le cas, par exemple, lorsqu’une infrastructure va rĂ©pondre Ă  un besoin Ă  l’échelle rĂ©gionale, mĂȘme si elle est implantĂ©e localement. Une autre caractĂ©ristique qui servira Ă  dĂ©finir le milieu d’accueil rĂ©side dans la diversitĂ© des fonctions qu’il h...

Table des matiĂšres

  1. Territoires, acteurs et stratégies
  2. Présentation
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Chapitre 4
  7. Chapitre 5
  8. Chapitre 6
  9. Chapitre 7
  10. Chapitre 8
  11. Chapitre 9
  12. Chapitre 10
  13. Chapitre 11
  14. Chapitre 12
  15. chapitre 13
  16. Chapitre 14
  17. Conclusion