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Les grands projets urbains
Territoires, acteurs et stratégies
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Les grands projets urbains
Territoires, acteurs et stratégies
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Table des matiĂšres
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Ă propos de ce livre
Qu'est-ce qu'un grand projet urbain? Quelles sont ses conditions d'implantation et ses rĂ©percussions sur la ville? Comment en mesurer les retombĂ©es Ă©conomiques, ou comprendre les relations complexes qui s'Ă©tablissent entre les entrepreneurs immobiliers et les collectivitĂ©s qui les accueillent?Avec plusieurs exemples de grands projets immobiliers et patrimoniaux Ă MontrĂ©al et dans le monde â et Ă travers un large spectre disciplinaire incluant l'architecture et l'urbanisme, bien sĂ»r, mais aussi la gĂ©ographie, l'histoire, la politique et l'Ă©conomie â, cet ouvrage aborde trois grands thĂšmes: les acteurs, leur discours et leurs reprĂ©sentations; le design et l'attractivitĂ©; le dĂ©veloppement urbain.
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Informations
Sujet
ArchitectureSous-sujet
Critique de l'architectureChapitre 1
LâacceptabilitĂ© sociale des grands projets
urbains est-elle prévisible?
Une réflexion à partir
de quatre cas montréalais
Michel Gariépy
Si certains grands projets urbains passent comme lettre Ă la poste, dâautres suscitent une forte opposition, au point oĂč la mise en dĂ©bat public de projets dâamĂ©nagement paraĂźt maintenant suspecte aux yeux de certains acteurs importants qui la rangent dâemblĂ©e Ă lâenseigne de lâ«immobilisme». En prenant appui sur une Ă©tude comparative portant sur quatre grands projets montrĂ©alais lancĂ©s au cours des derniĂšres annĂ©es, nous cherchons Ă dĂ©passer cette rĂ©action et nous posons lâhypothĂšse que la façon selon laquelle sont planifiĂ©s les grands projets urbains, de mĂȘme que la façon dont se constitue la configuration des acteurs â des «parties prenantes», pour utiliser un jargon Ă la mode â, ne sont pas Ă©trangĂšres Ă lâacceptabilitĂ© sociale qui en rĂ©sulte.
Trois variables, nature, territoire, processus, sont croisĂ©es pour Ă©tablir des critĂšres et conditions selon lesquels on pourrait prĂ©sumer de lâacceptabilitĂ© sociale dâune intervention projetĂ©e et dĂ©gager une typologie de ces interventions. Une telle typologie, par lâidentification des stratĂ©gies en cause, trouverait son utilitĂ© dans la maximisation des effets structurants dâun projet.
Au-delĂ de la stigmatisation
réductionniste
Au QuĂ©bec, aura marquĂ© la derniĂšre dĂ©cennie la stigmatisation faite par certaines Ă©lites Ă©conomico-politiques dâun courant social qui se caractĂ©riserait par le refus du changement, un courant social que ces «lucides» ont qualifiĂ© «dâimmobilisme1». Le dĂ©bat public associĂ© aux grands projets dâamĂ©nagement se retrouvait au cĆur de cette stigmatisation: il permettrait lâĂ©mergence dâune «levĂ©e de boucliers, [dâ]une fin de non-recevoir» Ă lâencontre du «moindre projet audacieux». En fait, plutĂŽt que des actions de faible envergure, ce sont deux trĂšs grands projets, celui de la centrale thermique de production Ă©lectrique du SuroĂźt, puis celui du complexe montrĂ©alais Casino-Cirque du Soleil qui ont suscitĂ© un vif dĂ©bat, dĂ©bat qui a Ă©tĂ© suivi de leur mise au rancart.
De multiples arguments peuvent ĂȘtre avancĂ©s pour faire ressortir le caractĂšre parfois spĂ©cieux et idĂ©ologique de la charge des «lucides» Ă lâencontre du dĂ©bat public. Tout dâabord, de solides raisons permettent de croire que câest la faisabilitĂ© Ă©conomique mĂȘme des projets, plutĂŽt que le dĂ©bat public, qui a entraĂźnĂ© leur mise au rancart2. De plus, Ă supposer que le dĂ©bat public ait Ă©tĂ© la cause directe de lâabandon de ces deux projets, la position des «lucides» faisait lâimpasse sur le fait que la trĂšs grande majoritĂ© des interventions assujetties Ă une forme quelconque de dĂ©bat public au QuĂ©bec depuis son institutionnalisation dans le processus dâautorisation des grands projets, au tournant des annĂ©es quatre-vingt, ont effectivement Ă©tĂ© autorisĂ©es. Cette position â dont il est permis de se demander si elle nâest pas le reflet de la nostalgie dâun temps oĂč la dĂ©cision de rĂ©aliser un projet Ă©tait sinon le fait du prince, relevait du moins dâune rĂ©gulation minimaliste par la puissance publique â vĂ©hicule une conception rĂ©ductionniste du dĂ©veloppement aux seuls effets multiplicateurs de tout projet sur lâĂ©conomie3. Mais elle vĂ©hicule surtout une conception passĂ©iste de la sphĂšre de lâaction publique ignorant que «lâimpĂ©ratif dĂ©libĂ©ratif» fait maintenant partie de cette sphĂšre (Blondiaux et Sintomer 2002), que lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ne constitue plus une donnĂ©e transcendante que les pouvoirs publics ne feraient quâappliquer mais un «construit social» Ă©manant prĂ©cisĂ©ment de la confrontation de diffĂ©rents points de vue (Lascoumes et Le Bourhis 1998). Enfin, posture inquiĂ©tante quand elle Ă©mane dâĂ©lites politico-Ă©conomiques, cette position faisait aussi lâimpasse sur les dĂ©bats autrement fĂ©roces qui entourent la rĂ©alisation des grands projets dans dâautres pays, comme sâil nây avait quâau QuĂ©bec oĂč la sociĂ©tĂ© civile donnait son avis sur la justification et les impacts apprĂ©hendĂ©s des projets: quâon pense, par exemple, aux dĂ©bats qui se sont Ă©chelonnĂ©s sur plusieurs annĂ©es sur les nouveaux corridors de TGV en France (Beaucire 2009) ou Ă la dĂ©molition imposĂ©e de barrages hydro-Ă©lectriques suite au processus de relicensing aux Ătats-Unis (Valin 2006). Les mĂȘmes «lucides» ont curieusement Ă©tĂ© silencieux quand des projets du Cirque du Soleil incorporĂ©s Ă des Ă©quipements rĂ©crĂ©otouristiques dâenvergure ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s, Ă Miami en 2006, puis Ă New York en 2008, chaque fois, en rĂ©action Ă une forte controverse locale.
Mais mĂȘme si le dĂ©bat public est, depuis, lui-mĂȘme restĂ© en dĂ©bat, nous laisserons aux politologues le soin dâanalyser plus Ă fond la position des «lucides» et de situer ce mouvement dans la dynamique sociopolitique dâensemble du QuĂ©bec. Notre intention est de nous centrer sur lâĂ©laboration et la production des grands projets urbains, soit dâune nouvelle construction, dâun nouvel Ă©quipement ou dâune infrastructure quâil sâagit dâintĂ©grer dans un milieu qui devient leur territoire, et de nous interroger sur lâacceptabilitĂ© sociale de ces interventions: quelles sont les composantes qui peuvent ĂȘtre associĂ©es Ă cette notion, et surtout, est-il possible de les traduire en principes ou prescriptions pouvant guider les maĂźtres dâouvrage dans lâĂ©laboration de leurs interventions pour que justement il y ait acceptabilitĂ© sociale? Ă cette fin, nous faisons appel Ă quatre exemples de grands projets dâamĂ©nagement dont la rĂ©alisation a Ă©tĂ© discutĂ©e en contexte montrĂ©alais au cours des derniĂšres annĂ©es: ils sont prĂ©sentĂ©s briĂšvement dans la section suivante. Par aprĂšs, nous effectuons un retour sur la notion dâacceptabilitĂ© sociale et nous tentons de dĂ©gager les variables en cause. Ces variables sont ensuite illustrĂ©es Ă partir des cas. En conclusion, nous nous interrogeons sur la possibilitĂ© pour un maĂźtre dâouvrage de prĂ©dire, mieux de fabriquer lâacceptabilitĂ© sociale dâune intervention quâil projette.
Les grands projets urbains mobilisés
Que faut-il entendre par grand projet urbain? Il sâagit lĂ , pour paraphraser nombre dâauteurs, dâune notion floue. Quatre aspects interviennent dans notre dĂ©finition de ce quâest un tel projet urbain, outre le fait quâil prenne place en milieu urbain montrĂ©alais, et ont servi de critĂšres pour la sĂ©lection des interventions analysĂ©es. Tout dâabord, cette notion de projet et de «grand» projet a donnĂ© lieu en France Ă une littĂ©rature plĂ©thorique, mais surtout sâest traduite par une inscription dans le cadre juridique et institutionnel de ce pays. De cette problĂ©matique essentiellement française, nous avons retenu deux aspects, Ă cause de leur pertinence pour le contexte quĂ©bĂ©cois. Premier aspect, la notion tĂ©moigne du rejet du processus de planification technocratique et linĂ©aire, du rejet de la pensĂ©e sectorielle qui rĂ©git trop souvent la planification des rĂ©seaux: le projet ne tire pas sa cohĂ©rence de lâapplication linĂ©aire de normes et critĂšres, mais sâadapte Ă un contexte et Ă ses alĂ©as dans lâaction (Ingallina 2001). Câest aussi dans lâaction que se dĂ©finissent les acteurs du projet, ceux qui concourent dâune façon ou dâune autre Ă sa rĂ©alisation: aussi, retenons-nous, comme deuxiĂšme aspect ou critĂšre, quâun grand projet implique la mise en Ćuvre de ce que Pinson (2004: 201) appelait la «rationalitĂ© interactionniste».
Dans les grands projets, lâenvergure des interventions est nĂ©cessairement en cause. Elle pourrait nâĂȘtre dĂ©finie quâen fonction de seuils dans les coĂ»ts impliquĂ©s: câest lâapproche quâavait privilĂ©giĂ©e le gouvernement du QuĂ©bec pour dĂ©terminer quand recourir aux partenariats public-privĂ©, avant que la crise financiĂšre des derniĂšres annĂ©es ne ramĂšne les pendules Ă lâheure4. Par ailleurs, les exigences pour la conclusion de tels partenariats, en particulier, la prĂ©cision du programme pour lâintervention et la confidentialitĂ© des tractations, nous semblaient incompatibles avec lâouverture et lâadaptation dans lâaction inhĂ©rente aux deux premiers aspects que nous avons mentionnĂ©s. PlutĂŽt, par grands projets, nous avons voulu retenir des actions entrant en rĂ©sonance avec plusieurs Ă©chelles de territoire dont tout particuliĂšrement lâĂ©chelle mĂ©tropolitaine, notre troisiĂšme critĂšre de dĂ©finition. Enfin, dernier aspect et critĂšre, nous avons choisi des projets ayant suscitĂ© une controverse dans lâopinion publique, telle quâelle pouvait se reflĂ©ter dans les mĂ©dias.
Les projets montréalais suivants répondaient à ces critÚres et ont été retenus pour notre analyse:
- Le projet de Complexe de divertissement Loto-QuĂ©bec-Cirque du Soleil. InitiĂ© par la sociĂ©tĂ© dâĂtat Loto-QuĂ©bec, le projet du dĂ©mĂ©nagement du Casino de MontrĂ©al est devenu, en association avec la firme Le Cirque du Soleil, celui dâun vaste complexe rĂ©crĂ©otouristique, qui devait prendre place au bassin Peel, Ă cĂŽtĂ© du canal de Lachine, dans lâarrondissement le Sud-Ouest de MontrĂ©al. AnnoncĂ© Ă lâautomne de 2005, le projet sera mis au rancart quelques mois plus tard, au printemps de 2006.
- Le projet Griffintown est celui dâun vaste dĂ©veloppement immobilier multifonctionnel qui doit prendre place Ă©galement dans lâarrondissement Sud-Ouest. InitiĂ© par un promoteur privĂ©, Devimco, en partenariat avec des institutions financiĂšres et des sociĂ©tĂ©s dâaffaires, il prĂ©voit des investissements de 1,3 milliard $ pour la construction de surfaces commerciales (100 000 m2), dâenviron 4000 logements, des espaces Ă bureaux et des Ă©quipements rĂ©crĂ©otouristiques, dont une salle de spectacles. Le projet a fait lâobjet dâun programme particulier dâurbanisme (PPU) en 2008, aux fins dâapprobation des modifications nĂ©cessaires au plan dâurbanisme par lâarrondissement et la ville. Sa mise en Ćuvre, qui aurait dĂ» dĂ©marrer dans les mois suivants le dĂ©bat public sur le PPU, a Ă©tĂ© reportĂ©e depuis la crise financiĂšre mondiale qui sâest dĂ©clenchĂ©e cette mĂȘme annĂ©e et son envergure rĂ©duite Ă 300 millions $.
- Le Quartier international de MontrĂ©al (QIM) est un projet dâamĂ©nagement du territoire Ă lâest de la rue University, Ă la jonction du Vieux-MontrĂ©al et du quartier des affaires, ciblĂ© comme son nom lâindique sur lâaffirmation de la vocation internationale de MontrĂ©al. Ses comÂposantes principales consistaient en lâamĂ©nagement de lâespace urbain, avec en particulier la crĂ©ation de deux places publiques, la nouvelle Place Jean-Paul Riopelle et la Place Victoria, entourant le bĂątiment abritant le siĂšge social de la Caisse de dĂ©pĂŽt et placement du QuĂ©bec. Il a Ă©tĂ© inaugurĂ© en 2004.
- Le dernier projet est celui de lâautoroute Notre-Dame, officiellement qualifiĂ© de modernisation mais constituant, dans les faits, une transformation de la rue Notre-Dame en autoroute sur une distance de 8,7 km, dans lâest de MontrĂ©al. ĂvaluĂ© Ă 263 millions $ en 2001, il Ă©tait au dĂ©part un exemple dâun projet sectoriel, source de coupures dans le tissu urbain, et fortement dĂ©criĂ©: il a Ă©tĂ© retenu pour montrer comment lâapproche sectorielle est maintenant battue en brĂšche en faveur de la transformation dâun projet dâinfrastructure en projet urbain.
LâacceptabilitĂ© sociale
et les variables en cause
Dans les ouvrages qui traitent de lâacceptabilitĂ© sociale, cette notion est rarement dĂ©finie: elle est prĂ©sentĂ©e comme une Ă©vidence, comme allant de soi. Or câest plutĂŽt lâinverse. Il sâavĂšre plus facile de dire ce quâelle nâest pas, quand elle nâest pas au rendez-vous: quand des controverses Ă©mergent du dĂ©bat sur un projet, câest alors quâon parle de son absence. Par exemple, dĂšs 1987, le rapport du Bureau dâaudiences publiques sur lâenvironnement (BAPE) relativement Ă un controversĂ© projet de ligne Ă haute tension, parlait dâun coĂ»t Ă©levĂ© pour lâharmonie sociale, si le projet se rĂ©alisait dans la forme initialement prĂ©vue (Bureau dâaudiences publiques sur lâenvironnement 1987: 10.14). Caron-Malenfant et Conraud (2009: 14) comptent parmi les rares Ă avoir proposĂ© une dĂ©finition de lâacceptabilitĂ© sociale: «Le rĂ©sultat dâun processus par lequel les parties concernĂ©es construisent ensemble les conditions Ă mettre en place, pour quâun projet, programme ou politique sâintĂšgre harmonieusement, et Ă un moment donnĂ©, dans son milieu naturel et humain.» Cette dĂ©finition, malgrĂ© quâelle soit correcte, est prĂ©maturĂ©e pour notre propos, parce que, trop normative; elle gomme les dimensions sur lesquelles nous souhaitons nous interroger.
La question de lâacceptabilitĂ© sociale sâinsĂšre dans la problĂ©matique de lâintĂ©gration, autre problĂ©matique Ă laquelle la frĂ©quente rĂ©fĂ©rence qui lui est faite nâa dâĂ©gal que le flou qui lâentoure. Or, Ă la base, il sâagit de mettre en relation deux objets, dâintĂ©grer deux Ă©lĂ©ments. Sont donc en cause la nature et les attributs des deux Ă©lĂ©ments Ă intĂ©grer, lâĂ©tat initial de chacun puis la situation rĂ©sultant de leur intĂ©gration, mais aussi les modalitĂ©s selon lesquelles cette intĂ©gration sâopĂšre. Trois variables sont donc concernĂ©es et fournissent une trame dâinterrogation pour comprendre comment un promoteur ou un maĂźtre dâouvrage peut prendre en charge lâacceptabilitĂ© sociale5: le projet, le milieu dâaccueil, puis la façon dont lâintĂ©gration est menĂ©e, chacune de ces variables Ă©tant dĂ©finie Ă son tour par plusieurs paramĂštres, dimensions ou caractĂ©ristiques (Figure 1.1). Si ces variables peuvent apparaĂźtre comme des Ă©vidences, il importe prĂ©cisĂ©ment de dĂ©passer ce niveau dâĂ©vidence pour analyser et bien saisir les caractĂ©ristiques inhĂ©rentes Ă chacune dâelle.
Le projet, câest lâĂ©lĂ©ment perturbateur du milieu dâaccueil. LâinterÂvention projetĂ©e va dĂ©jĂ rĂ©gir ou, Ă tout le moins, baliser le processus dâintĂ©gration en fonction des paramĂštres qui la caractĂ©risent. Parmi ceux-ci, deux paramĂštres nous semblent particuliĂšrement dĂ©terminants pour la qualitĂ© de lâintĂ©gration qui va rĂ©sulter.
Un premier paramĂštre concerne la nature mĂȘme du projet ou la logique fonctionnelle Ă laquelle il rĂ©pond: les fonctions quâil implique et la marge de manĆuvre que dictent celles-ci quant Ă son intĂ©gration. Cette logique peut ĂȘtre soit sectorielle, ou monofonctionnelle, soit multifonctionnelle. Au sein des projets rĂ©pondant Ă une logique monofonctionnelle, il est possible de distinguer le projet dâinfrastructure du projet dâĂ©quipement. Dâun cĂŽtĂ©, le projet dâinfrastructure est rĂ©gi par des normes techniques et sâinsĂšre dans un rĂ©seau technique: son sens lui est donnĂ© par le rĂ©seau. Cette relation au rĂ©seau limite les possibilitĂ©s dâintĂ©grer les requĂȘtes Ă©mergeant du milieu local; elle rĂ©git en quelque sorte la permĂ©abilitĂ© potentielle du projet Ă lâĂ©gard de celui-ci. Deux exemples pourront illustrer cette catĂ©gorie de projets. Les lignes de transport dâĂ©lectricitĂ© Ă trĂšs haute tension peuvent simplement traverser un territoire pour se rendre Ă destination: ne pouvant alors servir Ă lâalimentation directe des territoires traversĂ©s sans la construction de postes de transformation, elles se prĂȘtent bien Ă une rĂ©action de rejet par les habitants du territoire traversĂ©: câest le type mĂȘme de projet qui suscite une rĂ©action de type NIMBY (Not in My Back Yard). Dâun autre cĂŽtĂ©, certains projets dâinfrastructure, toujours Ă lâintĂ©rieur de leur logique fonctionnelle, peuvent avoir une permĂ©abilitĂ© Ă lâĂ©gard du milieu traversĂ©, et ainsi permettre une certaine intĂ©gration: câest le cas de tronçons dâautoroute, oĂč des Ă©changeurs peuvent toujours ĂȘtre amĂ©nagĂ©s pour desservir le milieu, mais selon une frĂ©quence limitĂ©e par la vitesse moyenne que ses concepteurs cherchent Ă assurer aux vĂ©hicules circulant sur lâinfrastructure. Le projet dâĂ©quipement quant Ă lui vise spĂ©cifiquement Ă assurer un service collectif ou la desserte dâun milieu donnĂ©: il est donc dâemblĂ©e permĂ©able Ă ce milieu, susceptible dâĂȘtre mieux accueilli6. En poursuivant ce raisonnement, le projet rĂ©gi par une logique multifonctionnelle, un grand projet urbain, par les diversitĂ©s des fonctions mobilisĂ©es, interpelle des acteurs multiples et multiplie les possibilitĂ©s dâaccommoder lâintĂ©gration au milieu dâaccueil; il est donc a priori plus permĂ©able Ă son environnement.
Un deuxiĂšme paramĂštre reliĂ© au projet consiste dans la finalitĂ© de lâintervention. Le projet tire de cette finalitĂ© sa symbolique, soit la perception qui lui est associĂ©e dans lâopinion publique. Si elle est dâemblĂ©e positive, câest-Ă -dire si le projet dĂ©coule dâune justification claire et bien Ă©tablie, rĂ©pond Ă lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou Ă un besoin Ă©vident, la question de son intĂ©gration au milieu local, avant mĂȘme que nâaient Ă©tĂ© analysĂ©s les divers impacts quâil pourra crĂ©er, sâannonce sous un jour favorable. Au contraire, si elle apparaĂźt trop exclusivement liĂ©e Ă des intĂ©rĂȘts particuliers ou, pire, si elle est perçue nĂ©gativement ou de façon mitigĂ©e dans la sociĂ©tĂ©, lâintĂ©gration sâannonce au dĂ©part problĂ©matique.
Les caractĂ©ristiques de la deuxiĂšme variable, le milieu dâaccueil, sont bien Ă©videmment dĂ©terminantes pour lâintĂ©gration du projet dâamĂ©nagement. Une premiĂšre caractĂ©ristique, dont lâanalyse sâimpose, câest lâĂ©chelle du territoire concernĂ©. Quelle est cette Ă©chelle? Ne peut-elle ĂȘtre multiple, et ce faisant, justifier de parler des territoires dâune intervention plutĂŽt que du territoire; câest le cas, par exemple, lorsquâune infrastructure va rĂ©pondre Ă un besoin Ă lâĂ©chelle rĂ©gionale, mĂȘme si elle est implantĂ©e localement. Une autre caractĂ©ristique qui servira Ă dĂ©finir le milieu dâaccueil rĂ©side dans la diversitĂ© des fonctions quâil h...
Table des matiĂšres
- Territoires, acteurs et stratégies
- Présentation
- Chapitre 1
- Chapitre 2
- Chapitre 3
- Chapitre 4
- Chapitre 5
- Chapitre 6
- Chapitre 7
- Chapitre 8
- Chapitre 9
- Chapitre 10
- Chapitre 11
- Chapitre 12
- chapitre 13
- Chapitre 14
- Conclusion