Z pour Zombies
  1. 230 pages
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  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Qu'est-ce qu'un zombie? Un « paradoxe ambulant » précédé d'une odeur nauséabonde, selon certains; un « héros culturel de l'ère néobaroque », selon d'autres. Parfois comique, le plus souvent terrifiant, cet être putride possède un insatiable appétit pour la chair fraîche et, occasionnellement, le sexe.Le monstre a envahi depuis longtemps la culture populaire: cinéma, bande dessinée, télévision, littérature et jeux vidéo regorgent de sa répugnante présence, qui commence aussi à infester le monde universitaire. À preuve, ce livre où des spécialistes de diverses disciplines se penchent sur le phénomène des morts-vivants, et posent des hypothèses pour mieux comprendre leur incroyable vitalité dans la psyché collective. Bernard Perron est professeur titulaire au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal.Antonio Dominguez Leiva et Samuel Archibald sont tous deux professeurs au Département d'études littéraires de l'Université du Québec à Montréal.

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Chapitre 1

Zombie: le paradoxe déambulant

Vincent Brault
L’homme est cette nuit, ce pur néant, qui contient tout dans sa simplicité, une infinie richesse de multiples représentations et d’images… En de fantasmagoriques représentations tout autour est nuit; soudain surgit ici une tête ensanglantée, là-bas une autre figure blanche et tout aussi subitement elles disparaissent – c’est cette nuit que l’on contemple, lorsque l’on fixe les yeux d’un homme – dans une nuit, qui devient effrayante; chacun est ici suspendu à la nuit du monde.
Hegel, Leçon de 1805-1806
Cet ouvrage contient treize chapitres sur les zombies, des chapitres complètement insignifiants, à mon avis, puisque parler du zombie est une tâche impossible.
Le zombie n’existe pas, c’est évident, mais ce n’est pas la raison pour laquelle on ne peut en parler. Pour qu’une chose puisse être l’objet d’une discussion, d’un colloque, d’un livre, nul besoin que cette chose existe réellement. De nombreux ouvrages, qu’ils soient littéraires, philosophiques ou scientifiques, traitent d’ailleurs de concepts qui ne correspondent à aucun phénomène. Je ne défendrai pas la thèse selon laquelle on ne peut parler d’aucune créature imaginaire. Pourtant, si toutes sortes de bêtes merveilleuses peuvent faire l’objet de discours, le zombie, lui, se trouve dans une classe à part. On ne peut en parler. On ne peut l’imaginer. On ne peut même pas le penser.
J’imagine néanmoins que si on réunit ici une horde de chercheurs autour du zombie, c’est pour essayer de cerner le monstre. Il ne faudrait pas qu’il s’échappe. Ou… est-il déjà trop tard? Difficile, en vérité, de cerner une figure aussi évanescente. Cet ouvrage évitera d’ailleurs la question. On parlera de film, de bande dessinée, de photographie, de sexe, de parfum, de jeu vidéo; jamais du zombie en tant que tel. Rien d’étonnant, au fond, puisqu’imaginer un zombie, c’est imaginer autre chose qu’un zombie. Penser à un zombie, c’est penser à autre chose qu’à un zombie. C’est du moins ce que je vais tenter de montrer.

Le paradoxe

Pour Max Brooks, le zombie hollywoodien est «un cadavre animé qui se nourrit de chair humaine» (2003: 1, ma traduction). L’élément «cadavre animé» est essentiel à la définition de tous types de zombies. Notons tout de suite une subtilité. Il n’est pas ici question de cadavre «vivant», mais bien de cadavre «animé». On pourrait croire que Brooks résout ainsi le paradoxe inhérent au terme «mort-vivant». Il tente clairement d’échapper au piège de la définition antinomique. Mais l’oxymore n’est évité qu’en apparence. Sa définition comprend d’abord le terme «cadavre», dérivé du latin «cadere», tomber, et «cadaver», corps mort. Vient ensuite le participe passé «animé», dérivé du latin «anima» qui signifie «souffle vital». Le zombie serait donc, selon Brooks, un «corps inanimé animé», un «corps mort vivant». Le paradoxe mort-vie n’est en rien évité. Le zombie est mort. Et, selon Épicure, il est impossible d’être mort puisqu’«être» et «mort» sont des termes antinomiques. En effet, «tant que nous sommes, la mort n’est pas là, et une fois que la mort est là, alors nous ne sommes plus» (Épicure in Morel, 2009: 193).
Jusqu’ici, pas de surprise. Le zombie est une créature imaginaire. Pas surprenant qu’il soit impossible. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas le penser. Après tout, ma tête est remplie de monstres plus impossibles les uns que les autres! Le cas du zombie est cependant particulier. Lui, vraiment, quand on y pense, c’est nécessairement à autre chose que l’on pense.

L’imposture

La pensée, c’est du langage. Et je dis bien du langage et non une langue. Un paysage, une mélodie, une caresse, un parfum, tout ça, c’est du langage. «Là seulement où il y a langage, il y a un monde» (Heidegger, 1962c: 48). Ce qui se trouve à l’extérieur du langage ne peut être pensé. Or, le zombie, en raison de sa définition antinomique, se retrouve nécessairement à l’extérieur du langage, et donc à l’extérieur de la pensée. On croit penser le zombie, mais en réalité, on pense nécessairement autre chose.
Le langage est par nature signifiant. Si on l’ampute du sens, le langage disparaît parce que, selon Heidegger, le sens, c’est l’essence du langage. Or, le zombie, en tant que «cadavre animé», que «mort-vivant», que «concept contradictoire», ouvre nécessairement le spectre du non-sens, de l’impensée.
Parler de mort-vivant ne signifie pas «penser le mort-vivant». Parler de mort-vivant, c’est se tromper, c’est ne rien dire, ne rien exprimer. Pire encore, c’est être aspiré par le vide, par l’insensé, et même par l’insignifiance.
C’est facile à dire. À démontrer, c’est autre chose. Raison pour laquelle je vous propose maintenant une petite expérience de pensée. Imaginez un triangle. Si vous vous concentrez suffisamment, vous devriez arriver à voir un triangle dans votre tête. Maintenant, imaginez une figure à mille côtés, un chiliogone. Avez-vous une image précise du chiliogone en tête? Assurément pas. Mais cela ne vous empêche aucunement de penser un chiliogone – de le concevoir, dirait Descartes (2009) – de la même manière que vous pouvez concevoir un dragon à mille têtes sans qu’apparaisse clairement en votre esprit chacune des têtes du dragon. Vous pouvez concevoir une figure à mille côtés aussi bien qu’un monstre à mille têtes puisque l’une et l’autre sont logiquement possibles.
Maintenant, pensez à un carré rond. Est-ce possible à concevoir? Non. Impossible de penser un carré rond puisque si vous pensez à un carré, il n’est pas rond, si vous pensez à un rond, il n’est pas carré. Ce n’est pas parce qu’on peut dire carré-rond qu’on peut penser carré-rond. Idem pour le mort-vivant. Ce n’est pas parce qu’on peut dire mort-vivant qu’on peut penser mort-vivant. «Ceux qui imaginent un zombie se méprennent, ils croient imaginer quelque chose alors qu’en réalité ils n’imaginent rien» (Marcus, 2004: 489, ma traduction), «ils sous-estiment invariablement le fait de concevoir (ou d’imaginer), et finissent par imaginer quelque chose de contraire à leur propre définition [du zombie]» (Dennett, 1995: 322, ma traduction).

Le zombie philosophique

Plus je réfléchis, plus je trouve gênant le fait de participer à un ouvrage collectif sur un sujet dont on ne peut même pas parler. C’est pour chasser ce malaise que j’introduirai maintenant un type de zombie qui, je l’espère, pourra faire l’objet d’une véritable réflexion: le zombie philosophique.
Le zombie philosophique a été défini par le philosophe anglais Robert Kirk en 1974 dans un article de l’Aristotelian Society: «Zombies v. Materialists». Ce concept permet le déploiement, chez Kirk, d’un argument qui remplace par un monisme le traditionnel dualisme corps-esprit, de manière à penser le lien entre le cerveau et la conscience.
De quoi s’agit-il? «Le zombie philosophique est exactement comme nous sur le plan physique, jusqu’aux plus minuscules détails, mais il n’a pas d’expériences conscientes» (Kirk, 1999: 1, ma traduction). Autrement dit, le zombie philosophique peut jouer aux échecs (gagner ou perdre la partie), il peut se marier, avoir des enfants, dire «je t’aime», pleurer à la fin de Titanic, se promener en forêt et s’exclamer «comme c’est magnifique!», devenir premier ministre du Canada, etc. Il se comporte donc tout à fait comme n’importe quel humain. De l’extérieur, personne ne peut s’apercevoir que c’est un zombie. Dans cette optique, je suis peut-être moi-même un zombie philosophique, c’est-à-dire une espèce d’automate dépourvu de conscience.
Avant de poursuivre, penchons-nous un instant sur la notion de conscience. Imaginez qu’on projette un film – disons un film de zombies – sur un écran de cinéma. Si vous êtes dans la salle, vous savez (vous avez conscience) qu’un film est projeté. Penser, ce n’est pas nécessairement être conscient; savoir qu’on pense, ça, c’est être conscient. Maintenant, que se passe-t-il si personne n’est dans la salle pour voir le film? Le film se déroule normalement quand même. Seulement, personne n’est là pour le savoir. En somme, être conscient, c’est savoir que l’on est en train de voir, de toucher, de sentir, de goûter, de penser. Être non conscient, c’est faire les mêmes choses sans que rien soit présent pour recevoir l’information. Le zombie philosophique est comme une salle de cinéma vide. Un film est projeté sur ses rétines, mais personne n’est , à l’intérieur, pour se dire «je reçois une image».

Le zombie philosophique est-il possible?

Si, tel que Robert Kirk l’affirme, la conscience se réduit à un ensemble de connexions dans le cerveau, qu’il n’y a rien de plus dans ce que l’on nomme conscience que dans ce qui se trouve physiquement dans notre tête, que le cerveau produit de la conscience comme le foie produit de la bile, que «tous les comportements humains sont explicables en termes de processus physiques» (Kirk, 2012: 2, ma traduction), que la conscience, au bout du compte, c’est de la matière, alors on ne pourrait retirer cette matière de nos crânes sans en retirer la conscience, comme nous serait enlevée la vue si on amputait nos cerveaux du lobe occipital. Puisqu’il défend la thèse selon laquelle la conscience est matérielle, Kirk doit être comparé à Saturne qui dévore un des ses fils (connu entre autres par l’entremise de la célèbre toile de Goya, 1819-1823). En effet, le père du concept de zombie philosophique est aussi celui qui affirme qu’un pareil zombie ne peut exister. Pourquoi? Imaginez qu’on vous clone en zombie philosophique. Puisque votre clone zombie vous serait strictement identique, molécule par molécule, il posséderait aussi un cerveau identique au vôtre. Il serait ainsi impossible que votre clone soit dépourvu de conscience et que vous en soyez pourvu puisque la conscience, c’est de la matière. À cerveaux identiques, consciences identiques. De ce point de vue, le zombie philosophique – c’est-à-dire une réplique physiquement identique à un humain conscient, mais non consciente – est impossible.
Ce n’est pas l’avis de David Chalmers. Dans le deuxième chapitre de son livre The Conscious Mind: In Search of a Fundamental Theory (1996), il tient le raisonnement suivant: 1) Le zombie est concevable; 2) Ce qui est concevable est possible; et 3) Alors, le zombie est possible. Le syllogisme est bien construit, mais il est fallacieux puisque la prémisse majeure est fausse. On ne peut concevoir un être physiquement identique à un être humain conscient qui serait dépourvu de conscience. C’est du moins ce que prétendent les physicalistes comme Kirk.
Mais au fond, pourquoi serait-il impossible de concevoir un être tel que le zombie philosophique, seulement parce qu’il est non conscient? Je conçois tous les jours une foule d’entités dépourvues de conscience: les plantes vertes qui décorent mon appartement et l’arrosoir pour les arroser, les trois pierres rouges que j’ai ramassées au cap de Bonne-Espérance et le bord de fenêtre sur lequel elles reposent, le soleil, le ciel et mille autres choses. Pourquoi concevoir un zombie, aussi philosophique soit-il, poserait-il problème? Après tout, je conçois facilement qu’un humain tout à fait normal, lorsqu’il est plongé dans le sommeil ou dans le coma, puisse être complètement dépourvu de conscience. Je peux même concevoir que mon propre cerveau puisse être, lorsque je serai vieux et malade, inapte à produire de la conscience. Tout cela, je peux aisément le concevoir. La preuve: je le conçois!
Mais est-ce la même chose de concevoir une pierre, une plante, un vieillard, que de concevoir un zombie philosophique? Non. Ce qui rend la créature si problématique, je le répète, c’est qu’elle est physiquement identique à un humain conscient. Autrement dit, il est impossible de l’imaginer pour les mêmes raisons qu’on ne peut imaginer de l’eau sans hydrogène. En effet, «que de l’eau puisse se présenter sans hydrogène contrevient à sa propre définition» (Alter, 2007: 92, ma traduction). De manière analogue, que le cerveau d’un zombie philosophique puisse produire des synapses différentes de celui de son jumeau conscient contrevient à la définition du zombie philosophique.
Chalmers, partisan d’un dualisme corps-esprit, écarte facilement l’argument physicaliste. Philosophiquement parlant, il est vrai que ce dernier est faible, car il est fondé sur un postulat invérifiable, à savoir que la conscience est réellement de la matière. Kant a établi depuis longtemps la distinction entre phénomène et noumène. Ce qu’on peut connaître, ce sont uniquement les phénomènes, ce qui apparaît. C’est parce qu’ils agissent comme moi que je crois les autres pourvus de conscience. Il est important de noter que j’imagine apercevoir des entités conscientes. Qu’elles le soient réellement ou pas, je ne pourrai jamais le vérifier. Tout ce à quoi j’aurai jamais accès, c’est au phénomène de l’autre, jamais à l’autre lui-même. «Considérée dans sa pureté, [la conscience] doit être tenue pour un système d’être fermé sur soi, pour un système d’être absolu dans lequel rien ne peut pénétrer et duquel rien ne peut échapper» (Husserl, 1950: 93). Au sens strict, le zombie philosophique n’est donc pas une entité impossible, mais une entité insignifiante, puisqu’il suppose l’existence d’une chose dont on ne peut faire l’expérience, phénoménologiquement parlant. Cela dit, le phénomène du zombie ne se réduit pas à son seul être phénoménologique. C’est justement cette réduction qui le rend complètement insignifiant. Ce dont on parle plutôt lorsqu’on parle de morts-vivants, c’est de la multitude de phénomènes artistiques, sociologiques, philosophiques et culturels qu’ils produisent et qui, eux, sont bien réels.
Sans doute. Mais la question ne s’arrête pas là. Comment peut-on prétendre fonder un phénomène culturel, aussi réel soit-il, sur un concept impossible à penser? La réponse provient de la philosophie analytique, laquelle échoue généralement à penser ce qui est antinomique.

La valeur du paradoxe

Je l’ai dit plus haut, pour Heidegger, le langage est par nature signifiant. Si on l’ampute du sens, il disparaît, parce que le sens est son essence. Or, le zombie, en tant que «cadavre animé», «mort-vivant» ou «concept contradictoire», ouvre nécessairement le spectre du non-sens et conséquemment, de l’impensée. Heidegger n’endosserait évidemment pas cette analyse. Pour lui, plus un énoncé est paradoxal, plus il porte à interprétation, et plus il est signifiant, puisque la signification se trouve dans l’interprétation, l’interprétation comme re-sassement, comme re-cherche, comme dé-voilement incessant de ce qui se voile et se dévoile simultanément. «Le dévoilement, non seulement n’exclut jamais le voilement, mais a besoin de lui pour déployer son être tel qu’il est» (Heidegger, 1958: 328). Chercher le sens, c’est accepter de s’enfoncer dans un gouffre abyssal. Pour saisir le sens, il faut plonger en dire...

Table des matières

  1. Introduction
  2. Chapitre 1
  3. Chapitre 2
  4. Chapitre 3
  5. Chapitre 4
  6. Chapitre 5
  7. Chapitre 6
  8. Chapitre 7
  9. Chapitre 8
  10. Chapitre 9
  11. Chapitre 10
  12. Chapitre 11
  13. Chapitre 12
  14. Chapitre 13
  15. Les auteurs