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Les comités de citoyens au Québec et en France

  1. 272 pages
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Les comités de citoyens au Québec et en France

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À propos de ce livre

Construite sur une séparation entre la vie publique et la vie privée, la politique moderne a façonné l'espace public comme un lieu de transition entre les deux sphères. À la première, les discussions sur les grands enjeux économiques et sociaux; à la seconde, les conversations intimes sur les émotions et la quotidienneté. Toutefois, selon certains, le dialogue guidé par l'esprit public se serait désormais évaporé. Dans cette chronique, Caroline Patsias revêt des habits d'ethnologue et explore les questions soulevées au cours de ses enquêtes auprès de groupes de citoyens en France et au Québec. Comment ces derniers, soucieux d'améliorer la vie de leur quartier, se politisent-ils ou, au contraire, évitent-ils le politique? Comment nouent-ils des relations avec leurs institutions? Comment parlent-ils politiquement de la vie en commun et où le font-ils? Pour répondre à ces questions, l'auteure a prêté une oreille attentive tant aux propos tenus en public qu'à ceux tenus en privé de citoyens « ordinaires » et de leurs dirigeants. Elle livre ici le fruit de ses réflexions qui intéresseront tous les gens attachés à comprendre les transformations de la démocratie. Professeure agrégée au Département de science politique de l'UQAM, Caroline Patsias collabore au Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société, au Centre d'études et de recherches sur le Brésil et au Centre de recherche sur les innovations sociales.

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CHAPITRE 1

Pourquoi s’engager dans un comité?

Quiconque demanderait à un journaliste marseillais ou à tout quidam s’intéressant à la politique locale marseillaise si les comités d’intérêt de quartier (CIQ) sont politiques recevrait une réponse positive accompagnée d’un sourire entendu. À Québec la réponse serait peut-être plus nuancée, mais l’interlocuteur averti reconnaîtrait sans peine le rôle des groupes communautaires dans la formulation des politiques publiques, ou du moins leurs relations particulières avec l’État québécois.
Paradoxalement, les membres des deux groupes n’évoquent jamais une quelconque dimension politique; le terme n’affleure même pas lors des interviews, quand vient le temps de se rappeler et de justifier leur engagement aussi bien au sein de la métropole phocéenne que dans la cité québécoise. Autre paradoxe, les deux groupes ne ressemblent pas au portrait dressé par les critiques, particulièrement en France. L’accusation de nimbysme associe les groupes et leurs membres à une petite bourgeoisie conservatrice, frileuse de ses avantages face aux populations plus précaires. Peut-être tout n’est-il pas faux dans cette lecture (j’y reviendrai), mais elle est en tout cas contrariée par la sociologie des membres qui, dans un comité comme dans l’autre, sont loin d’appartenir à la bourgeoisie, bien qu’ils soient tous issus d’une population implantée depuis plusieurs générations dans le quartier. Dans le CIQ, où la moyenne d’âge est relativement élevée chez les membres réguliers (aux alentours de 50 ans), une partie des retraités sont des anciens ouvriers des tuileries ou des savonneries. Les filles du groupe ont travaillé ou travaillent encore dans des petits emplois du tertiaire, comme femmes de ménage, ou bien comme caissières à la grande surface du quartier. Les cadres sont rares; j’en ai compté deux au sein de l’organisation sur l’ensemble des années d’enquête. En fait, les membres reflètent la population du quartier. À Québec, les participants au CCQSS peuvent être dans des situations encore plus précaires, puisqu’à des situations économiques difficiles (nombre d’entre eux vivent du bien-être social29) s’ajoutent des parcours de vie marqués par des ruptures familiales. Quelques-uns d’entre eux sont atteints de maladie mentale ou de problèmes comportementaux qui ont rendu leur insertion sociale problématique, d’autres sont venus au comité pour renouer avec une certaine socialité et rompre avec la solitude après un divorce ou des décès qui les ont laissés orphelins. La population qui se rend aux deux comités n’a donc que peu à voir avec la bourgeoisie ou la petite bourgeoisie que l’esprit des comités est censé incarner. Comment expliquer ces paradoxes? Et si les comités ne sont pas politiques, comment les définir et comment justifier qu’ils soient perçus comme tels? Répondre à ces questions revient à s’interroger sur la notion de politique et sur les cercles de «concernement» (Schemeil, 2012b). Autrement dit, comment un individu, un citoyen en vient-il à décrire une activité et un engagement comme politique (Eliasoph, 2010; Schemeil, 2012b)? Quelles sont leurs visions du politique et pourquoi revendiquent-ils parfois le terme pour tenter de s’en défaire dans d’autres circonstances? Une première partie de la réponse consiste à comprendre les raisons de l’engagement des membres des comités.
Cet objectif explique les choix opérés et l’utilisation partielle de la riche littérature sur l’engagement, largement nourrie des études sur le militantisme. Je n’évoque en effet les raisons de l’engagement que pour mieux saisir la façon dont les membres des comités se réfèrent ou non au politique, et pour éclairer leur rapport au politique – rapport qui est également significatif de leurs stratégies d’action et réciproquement. Cette perspective ne signifie pas que la formulation par ces citoyens du politique n’est pas liée à leur parcours de vie, mais je me suis davantage concentrée sur les motifs présentés pour justifier l’engagement, plutôt que sur le détail des parcours de vie. Les réflexions sur l’engagement ont souligné combien ces parcours faisaient l’objet d’un travail de reconstruction des acteurs sociaux. Comme le souligne Faucher (1999: 104-105), à l’instar de Berger (1986: 127), les histoires de vie ne révèlent pas un passé objectif, mais une interprétation de ce dernier en fonction de la conjoncture présente. Elles sont révélatrices des processus d’individuation et de personnalisation à l’œuvre (Barnes et Kaase, 1979; Inglehart, 1997).
Je me distancie également de la distinction opérée entre «militants en conscience» et «bénéficiaires». Cette catégorisation établit une stricte séparation entre des membres militants qui s’engageraient pour des valeurs et des bénéficiaires qui ne feraient que récolter les avantages de l’appartenance au groupe (Siméant, 1998; 2001). Certes, cette distinction, qui témoigne de quelques relents de la théorie du ticket gratuit de Olson, n’est pas sans fondement: certains adhérents à une association ne participent pas aux activités et ne font que retirer les bénéfices de leur adhésion. Là où ce cadre d’analyse est problématique, c’est dans sa prétention (laquelle n’est d’ailleurs pas dénuée de toute normativité) à nettement distinguer les motivations des acteurs jusqu’à saisir les méandres de leur conscience (Hamidi, 2010). Un adhérent non directement impliqué peut, en plus des avantages concrets escomptés, affirmer par son adhésion un soutien symbolique (Pizzorno, 1986). En outre, nombre de participants peuvent donner plusieurs raisons à l’engagement qui oscillent entre intérêts, définition d’une identité et valeurs (Cefaï 2007; Prouteau et Wolff, 2004). Pareil cadre analytique présuppose une définition strictement objective des intérêts sociaux que retirent les membres d’un groupe, or ces intérêts comme l’interprétation des bénéfices ne sont pas indépendants de constructions sociales (Collovald et al., 2002; Hamidi, 2010). J’ai donc choisi de ne pas présupposer de la conscience des membres, d’autant que je m’en suis tenue à l’analyse des membres actifs, à savoir les membres présents aux réunions, dont j’ai pu observer les comportements et noter les déclarations.

Les insuffisances de l’égoïsme

Selon Mme Pelligrino, la présidente du groupe marseillais, devenir membre du comité n’est pas difficile: «tout le monde peut entrer dans le comité, il n’y a qu’à pousser la porte». Au-delà du geste, la réalité s’avère pourtant plus complexe. Aussi bien à Saint-André qu’à Saint-Sauveur, le nombre d’inscrits sur les listes, respectivement aux alentours de cent et cent dix, demeure faible par rapport à la population totale des quartiers. Force est donc de constater que tous les habitants ne se rendent pas aux comités puisque le petit local du Centre d’animation du quartier, à Marseille, et les vingt mètres carrés de la salle de réunion du 301, rue Carillon, à Québec, suffisent amplement, sauf quelques rares jours d’affluence, à recevoir l’ensemble des participants. Parmi ces derniers, il faut encore discerner, à la fois à Marseille et à Québec, entre les participants réguliers (moins d’un tiers des effectifs dans chacun des groupes) et les nouveaux venus. Nombre des membres prennent leur carte pour affirmer leur soutien aux actions menées par le groupe; ils en ont d’ailleurs souvent bénéficié. Ces membres irréguliers viennent «lorsqu’ils en ont le temps», le plus souvent lors de grandes réunions consacrées à un problème important affectant le quartier, ou lorsqu’ils ont un problème particulier à résoudre. Généralement, ils se contentent de transmettre leurs doléances à leurs voisins ou amis, connus pour fréquenter assidûment le comité et s’y impliquer.
Ces membres correspondent au modèle de l’individu rationnel et égoïste dépeint par Olson (1978) ou les utilitaristes. Ils illustrent la stratégie du ticket gratuit puisque l’adhésion est conditionnée par l’obtention d’un bien et la satisfaction d’un intérêt sans avoir pour autant à accomplir des efforts à plus long terme. Même chez les membres les plus fidèles du groupe, l’intérêt peut avoir été la prémisse à l’engagement. L’entrée de la présidente, Mme Pelligrino, au comité remonte à plus de quinze ans. Elle fait partie de la jeune génération du comité, des quarantenaires qui pour la plupart se sont impliqués lors de la décision de la municipalité de construire des tuileries à Saint-André. Mesdames Côte et Chabot, avec l’époux de celle-ci, ont joint le groupe lors d’un conflit avec la SNCF (Société nationale des chemins de fer français). Quant à Mme Luciani et M. Babir, des problèmes d’égout et de voisinage ont présidé à leur venue. L’ensemble de ces membres réguliers tourne autour d’une vingtaine de personnes, la répartition entre femmes et hommes étant assez équitable, ce qui distingue les comités des autres organisations publiques.
Cependant, la perspective olsonienne est insuffisante pour expliquer l’engagement de Mme Pelligrino et des autres habitués. En effet, chacun des membres du groupe aurait dû compter sur l’engagement du voisin; l’action collective était d’autant plus improbable que le public concerné par le projet municipal était large, rendant quasiment négligeable la participation individuelle (Barry, 1970: 32). Poussée à son terme, la logique olsonienne va à l’encontre de la renaissance du comité de quartier sous l’impulsion de Mme Pelligrino, qui au décès de l’ancien président décida de «donner un nouveau souffle au comité». Même dans le cas d’individus isolés, recherchant grâce au comité à obtenir un service, la théorie du choix rationnel présente des lacunes puisqu’elle ne parvient pas à expliquer le retour assidu de certains individus au comité, après qu’ils ont obtenu satisfaction. Le même constat peut être établi pour les membres du CCQSS, et ici l’argument de l’égoïsme est encore plus difficile à invoquer puisque ce comité, à la différence du groupe marseillais, ne répond pas aux doléances particulières des habitants.
En effet, la grande majorité des participants du groupe a découvert l’existence du CCQSS lors d’actions spéciales menées à l’attention des habitants du quartier ou de journées consacrées aux groupes communautaires. Henri me raconta que sa première visite au CCQSS remontait au «Parlement de la Rue», contre-parlement organisé dans les quartiers de la basse-ville par le Collectif sans pauvreté30 pour contester, notamment, la politique sociale du gouvernement. Lili a entendu parler pour la première fois du comité alors qu’elle était membre de l’association des enfants du Sacré-Cœur (église de la paroisse voisine). À ce titre, elle assistait à une conférence sur l’aide sociale organisée par le comité et d’autres groupes communautaires du quartier. La réunion donna l’occasion à Lili de discuter avec Lise (la permanente du groupe), qui lui présenta le comité et ses objectifs. Maria a appris l’existence du groupe grâce à un tract du comité annonçant une réunion sur la défense du logement social. Après la séance, elle a décidé d’adhérer au groupe. D’autres ont eu vent du CCQSS grâce à la journée portes ouvertes ou à d’autres activités de recrutement.
De telles activités distinguent le groupe québécois de son homologue marseillais, où la recherche de nouveaux membres qui s’appuie surtout sur le bouche-à-oreille n’est pas une priorité. Ces activités qui nécessitent la formation de bénévoles comportent le plus souvent deux périodes. L’objectif du groupe est d’abord de susciter une socialité par le partage de café, thé et autres douceurs. Durant une deuxième période, les permanents présentent les buts du comité, ses fondements. Lors de l’assemblée de portes ouvertes de 2001, Lise a brossé l’histoire du groupe, ses objectifs sociaux, mais aussi insisté sur la sociabilité entretenue au comité. Un goûter fut servi où les nouveaux venus purent se présenter et faire connaissance avec les habitués. Le comité peut aussi organiser un «souper de pâtes» ouvert à l’ensemble des citoyens. Comme me le confia la permanente du groupe, dans le quartier, «les gens sont assez pauvres et souvent seuls, ce genre d’activités attire du monde, pour eux c’est l’occasion de partager un repas en plus de nouer des liens, et nous on en profite pour exposer nos actions concrètes, mais aussi comment on conçoit notre rôle dans le quartier». Les membres sont donc, dès leur arrivée, plus au fait de l’idéologie du groupe qu’à Marseille. Et l’entrée dans le groupe réclame au moins quelques affinités idéologiques avec la philosophie qui sous-tend les actions entreprises par le comité.
Cependant, l’argument idéologique, les valeurs et les objectifs du CCQSS et des groupes communautaires (sur lesquels je reviendrai) ne sont pas les premiers arguments invoqués par une majorité de membres pour justifier leur présence. Lorsque je demandai à Henri pourquoi il était venu au comité, celui-ci ne fit pas le lien entre le Parlement de la rue et les revendications et principes mis en avant par cette activité; il invoqua d’abord les relations d’amitié avec les autres membres du groupe qui brisaient sa solitude. Henri insista sur le rôle du comité dans sa vie personnelle et quotidienne alors qu’il s’était retrouvé seul et dépressif, vivant de l’aide sociale, dans une nouvelle ville. Les valeurs du comité et du mouvement communautaire ne sont pas non plus le premier motif dont a témoigné Lili. Originaire de l’Abitibi, celle-ci me confia avoir été marquée par une enfance pauvre et un père violent. Installée en Ontario après son mariage, le retour au Québec a suivi sa séparation. Elle élevait seule sa fille. Le comité l’a aidée «à réintégrer la société». «Il ne faut pas être timide, tu vas voir tu vas aimer ça», me dit-elle, lors de ma première visite au comité. «Le comité occupe une large place dans ma vie, je fais en sorte d’adapter mes horaires pour pouvoir assister aux réunions car c’est là que je m’épanouis, j’ai des amis, comme une deuxième famille.» Les témoignages des autres membres relevaient du même acabit. Marc, issu d’une famille bourgeoise de la ville, était schizophrène, ce qui l’avait empêché de poursuivre ses études de mathématiques à Polytechnique et l’avait conduit à s’isoler. Le comité avait été un moyen pour lui de renouer des liens sociaux. Maria a été «mariée à un universitaire connu». Après son divorce et faute de revenus suffisants, elle avait dû déménager et «descendre en basse-ville». De ce point de vue, les comités ne dérogeaient pas aux constats formulés par les études sur les groupes et les associations. L’insertion dans le groupe était l’occasion de développer une sociabilité propice à une réinsertion dans la société et à la construction d’un lien social qui pouvait avoir été mis à mal par des parcours de vie pénibles (Becker, 1985). La sociabilité était aussi un argument pour les membres du comité marseillais. Roro m’avait ainsi raconté, sourire aux lèvres, ses liens avec ses amis des CIQ, des liens qui, avec certains, remontaient à l’école primaire ou à un passé ouvrier à l’usine des tuileries. «C’est une manière de maintenir un lien, de connaître des gens, sortir quoi, surtout pour le vieux garçon que je suis.»

Un idéal de civisme et de solidarité

L’évocation d’une sociabilité partagée est accompagnée par un motif plus altruiste: faire quelque chose pour les autres et améliorer la vie dans le quartier. Si l’argument n’apparaissait pas au premier plan, tous les membres soulignaient, à un moment ou à un autre de l’entrevue, la portée éthique de leur geste, ou justifiaient leur engagement par des valeurs plus larges.
Capucine me confia avoir été attirée par l’esprit de civisme du comité. Cet idéal préexistait d’ailleurs à l’engagement chez ces membres, parmi les plus actifs du groupe. «Que ferions-nous dans un monde si dur sans engagement et sans solidarité, sans penser aux autres?» Capucine avait elle-même bénéficié de l’aide des membres du comité: puisque le revenu de ses ménages était insuffisant pour couvrir les frais d’une chambre individuelle à l’hôpital, le groupe s’était cotisé pour l’aider. Pour les membres, il s’agissait à la fois d’un geste de compassion et d’amitié, mais aussi d’une nécessité. À cette occasion, «la présidente souligna l’injus- tice d’une telle situation, au XXe siècle, ne pas pouvoir se faire soigner correctement». L’aide apportée à Capucine relevait donc de deux arguments, la solidarité et l’injustice. Mme Pelligrino interprétait son geste comme relevant du sens civique propre à chaque citoyen. Celui-ci correspondait à l’idée d’un engagement pour les autres qui s’apparenterait à un devoir. C’est à l’aune du civisme et de la solidarité que Mme Pelligrino justifiait son engagement syndical dans son travail (elle était caissière à la grande surface du quartier). Elle était aussi présidente des donneurs de sang du quartier et vice-présidente de l’association culturelle du quartier. «J’ai toujours considéré qu’agir était ma prérogative de citoyenne.» «On se plaint beaucoup, mais si on ne fait rien ça ne changera pas.» Le civisme revient d’ailleurs dans les propos des membres. Mme Acampo, en plus du CIQ, était aussi membre de l’Association des petits frères des pauvres31; elle y voyait une «complémentarité» avec son implication dans le comité: «il faut bien faire quelque chose pour les autres, mais c’est à deux niveaux différents».
D’ailleurs, le CIQ agissait souvent de concert avec l’organisation catholique dans le traitement de dossiers que le groupe ne pouvait assumer seul. Ce civisme était aussi relié à un idéal de démocratie. Pour Capucine, la démocratie impliquait la participation du citoyen, et le comité permettait de «faire quelque chose à notre niveau». Ce civisme fleurissait sur les tracts du groupe. Le dépliant de la fédération des CIQ marseillais avait pour slogan un éloquent «Participez».
Le même attachement à l’endroit de l’engagement et de la solidarité pointait chez les membres du comité Saint-Sauveur, mais au sein de ce dernier la césure était plus profonde entre les membres réguliers et les permanents ou membres du comité exécutif. Pour les premiers, la participation au comité était liée à une valorisation de soi et à une reprise en main de leur propre vie. Lili et Isabelle me confièrent, au cours...

Table des matières

  1. Table des matières
  2. Avant-propos
  3. Remerciements
  4. Introduction
  5. CHAPITRE 1
  6. CHAPITRE 2
  7. CHAPITRE 3
  8. CHAPITRE 4
  9. CHAPITRE 5
  10. Épilogue
  11. Bibliographie
  12. Annexe