L'ordre et la fête
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L'ordre et la fête

  1. 198 pages
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L'ordre et la fête

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À propos de ce livre

Véritables catalyseurs d'enjeux économiques et sociaux, les grands événements sportifs ou artistiques rythment la vie collective. Ils sont aussi au cœur des débats sur la place du risque et le partage des responsabilités. Promoteurs, politiques et forces de l'ordre, tous cherchent à réguler l'espace festif pour éviter les catastrophes, juguler les coûts exorbitants et, surtout, faire en sorte que la fête puisse se déployer dans toute sa splendeur.Ce livre unique en son genre rend compte de l'organisation de plus de 30 événements, au Québec et en France, et met en lumière les interactions durant ce moment si particulier de la vie en société. Il intéressera tous ceux qui veulent mieux comprendre le concept de sécurité dans les grands rassemblements, qu'ils y aient ou non un rôle à jouer.Frédéric Diaz est docteur en sociologie. Chercheur permanent au Groupe de recherche sur les espaces festifs (GREF, UQAM), il est chargé de cours à l'Université de Montréal et à l'École nationale de police du Québec. Il est aussi conseiller auprès de plusieurs organisateurs d'événements de grande envergure, ainsi qu'auprès de ministères et de municipalités.

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Informations

Chapitre 1

L’espace festif

L’ethnographie cherche avant tout à comprendre, en rapprochant le lointain, en rendant familier l’étranger […]. L’ethnographe se réserve le droit de douter a priori des explications toutes faites de l’ordre social. Il se soucie toujours d’aller voir de plus près la réalité sociale.
Beaud, Weber (1998: 9-11).
La sécurité ne se donne pas facilement à voir. De manière à pouvoir étudier puis comparer différentes manifestations et leurs dispositifs de sécurité, et ainsi en tirer des leçons, j’ai tenu à me rapprocher le plus possible des acteurs. C’est en les observant que l’on peut véritablement faire ressortir, comme l’entendent les ethnométhodologues, «leurs routines» pour sécuriser un espace8. Deux questions ont été à la base de la démarche de recherche: observer quoi et comment?
L’enquêteur, quand il arrive pour la première fois sur son terrain de recherche, ne connaît pas ce qui l’entoure. Il doit donc adopter une méthodologie qui lui permette d’en déterminer la complexité. L’enjeu principal a été pour moi d’arriver à approcher mon objet d’étude d’aussi près que les acteurs de la sécurité eux-mêmes, délaissant le point de vue de simple spectateur pour un approfondissement et une revue de détail.

Distinguer les pièces du puzzle

La manifestation et ses enjeux sont analysés selon un ensemble de paramètres: juridiques, politiques, économiques, sociaux, médiatiques, sportifs ou culturels. Ces paramètres délimitent ce que j’appelle un champ de contraintes, parmi lesquelles les responsabilités et les budgets. C’est à partir de cette première lecture que se construisent, de manière plus ou moins détaillée et précise, les frontières qui délimitent les fondements de l’évaluation des risques.
Pour étudier un événement et ses dispositifs de sécurité, il convient par la suite de fractionner le temps: préparation en amont, suivi du déroulement de la manifestation, bilan rétrospectif. Différentes actions correspondent à chacune de ces étapes. Finalement, il faut diviser l’espace: l’enceinte du spectacle (entrées, terrains de jeu, scènes, vestiaires, loges, estrades, etc.) et ses abords (stationnements, espaces de restauration et hôtelier, zones de transport, etc.).

Souci du détail et mémoire

Ces principes de base m’ont amené à détailler progressivement ces réalités contextuelles, spatiales et temporelles. Or, on l’a dit, les acteurs de la sécurité connaissent assez mal ce qui se fait ailleurs. Mon expertise et l’avantage de pouvoir porter un œil extérieur sur leur organisation, pour évaluer leur travail et y apporter des améliorations, m’ont ainsi ouvert de nombreuses portes et facilité mon implication dans des événements en Europe comme en Amérique du Nord.
C’est «donnant donnant»: l’accès au terrain, aux personnes, aux informations contre du conseil. La position de chercheur procure par ailleurs une légitimité tout autre que celle d’une société de conseil en sécurité, qui peut avoir des intérêts (par exemple économiques) à donner telle ou telle recommandation.
Pour comprendre l’espace, les acteurs qui y évoluent, l’organisation, d’abord de manière grossière puis de plus en plus finement, il m’a fallu observer, décrire, analyser et présenter des résultats. J’ai multiplié les va-et-vient entre l’observation, les entretiens plus ou moins formels et l’analyse de documents. Le fait d’être légitimé par l’organisation facilite indéniablement les premiers contacts, même si certains peuvent se ressentir d’une présence extérieure dont ils ne connaissent pas toujours les motivations. Seuls le temps et l’investissement personnel permettent de gagner la confiance et de faciliter les rapports.
Au cours de la recherche, j’ai constitué une grille de lecture9, qui permet d’aller plus vite dans la collecte de données. À celle-ci se sont rapidement ajoutés un journal de bord et un carnet de route (descriptions et faits sur les variables représentées dans la Figure 1, ainsi que des analyses, paradoxes et questionnements).
Pour chaque événement, j’ai cherché à rencontrer les principaux responsables, de la sphère publique et de la sphère privée, ainsi que divers spécialistes des questions de sécurité.
À cette fin, j’ai toujours suivi une grille d’entretien comportant des questions clés organisées en quatre axes: parcours et responsabilités, dispositifs de sécurité passifs et actifs, détermination des risques, interactions entre les acteurs. Cela m’a permis de comprendre leur parcours et leur rôle durant la manifestation, mais aussi d’avoir une vision aussi précise que possible des dispositifs mis en place, sur les aspects de sécurité (accueil du public, lutte contre le trafic de stupéfiants, etc.), mais aussi sur les aspects de secours (secours médical, lutte contre les incendies, gestion de crise, etc.). Mon attention s’est portée tant sur l’intérieur de l’espace privé que sur l’extérieur (stadier10, grillages, caméras de surveillance, poste de commandement, forces de l’ordre, etc.).
L’entretien est un outil privilégié qui m’a aidé à obtenir des informations précises: en m’adressant aux personnes ressources et en croisant les informations obtenues avec celles des autres acteurs du champ, j’ai pu mettre en exergue les interactions.
Un décalage est toutefois rapidement apparu entre un discours nécessairement simplifié dans les entretiens et la complexité de la réalité telle que vécue par l’acteur. J’ai aussi été confronté à certaines limites, notamment du fait du court laps de temps accordé à chaque entretien.
J’ai aussi pris conscience des écarts entre l’exposé développé par les acteurs et mes observations de terrain. Les acteurs ont tendance à tenir un discours positif, n’évoquant que très rarement les problèmes rencontrés.
Tout cela a motivé une évolution du dispositif méthodologique. La spécificité du champ implique qu’il est difficile pour une personne extérieure de se rendre compte des problèmes, d’autant plus lorsque l’objet en question témoigne de déviances marginales. Je ne peux que constater, contrairement à l’opinion répandue, la rareté de violences graves. Il est aussi devenu évident qu’aborder un objet comme la sécurité avec la seule entrevue se heurte à des limites, que nous avons contournées avec l’observation devenue participante puis avec la MAG.

Témoin direct des phénomènes étudiés

Comme le souligne Coenen-Huther (1995: 6), c’est parce que des pratiques longtemps restées incompréhensibles et «indéchiffrables commencent à prendre sens, à la suite de patientes observations, telles les pièces d’un puzzle assemblées peu à peu, que le chercheur de terrain se sent récompensé de son obstination».
La démarche utilisée, tout comme la diversité des fonctions endossées, ont permis non seulement de délimiter les problèmes de sécurité et les moyens d’y répondre, mais surtout de relativiser chaque expérience suivant des acteurs, des espaces et des temps différents.
J’ai cherché à appréhender la manière dont les acteurs construisent leur réalité au quotidien, en intégrant les groupes et en prenant parfois le rôle de l’acteur étudié pour le voir non plus à travers les yeux d’un étranger mais à travers ses propres yeux.
Les mécanismes de sécurité, les modes opératoires, les relations et les interactions humaines sont difficiles d’accès. La connaissance de la complexité sociale passe par un contact direct avec les acteurs et l’étude objective de leurs pratiques. Grâce à ces connaissances, les événements sportifs et culturels ont été investis selon deux perspectives: au quotidien et sur le long terme.
Selon la terminologie utilisée par Patricia et Peter Adler (1987), qui distinguent trois types de rôle («périphérique», en contact mais sans participation; «actif», avec participation et prise de responsabilité; «immergé», comme un membre naturel avec les mêmes sentiments et poursuivant les mêmes buts que les acteurs du champ), je me suis placé entre les rôles «actif» et «immergé». «Actif», car à partir de 2000, c’est la posture de salarié, avec plus ou moins de responsabilités et en ayant des relations de collègue à collègue, qui a été endossée; «immergé», car plus qu’un travail salarié, l’événementiel pousse les gens à se dépasser, à adhérer à des idées, dans l’unique but que le spectacle ait lieu.
Par ailleurs, pour limiter le parti pris, le manque d’objectivité ainsi que la distance de l’observateur, j’ai occupé des postes variés et des niveaux hiérarchiques différents dans chacun des cas étudiés. Cela m’a également permis de mieux comprendre les points de vue des divers acteurs de la sécurité, et notamment les différences entre ceux des institutions publi­ques et des organisateurs privés. La multiplication des terrains, qui plus est sur de courtes périodes, m’a permis d’affiner mon analyse et de reprendre rapidement une distance par rapport à chacun. Hughes (1996: 275) souligne qu’«une autre manière de résoudre cette difficulté consiste à être participant et observateur à temps partiel, à être participant en privé et observateur en public, ou participant en public et observateur en privé». Cette méthode d’observation in situ présente l’avantage de réduire les distances sociales entre le chercheur et le professionnel. La difficulté a alors été de mettre en pratique ces remarques et de penser aux conditions de réalisation d’une observation participante.
Si ce dispositif a certes facilité l’accès aux données, il a néanmoins mis en exergue le risque de ne considérer qu’un point de vue (celui de l’organisateur) et, dès lors, de devoir à un moment donné mettre l’objet à distance pour le voir comme un observateur et non plus comme un acteur.
En quelques années, je suis ainsi passé de simple agent de sécurité affecté à la surveillance d’une barrière, à coordonnateur de la sécurité de grands événements festifs comme le festival des Vieilles Charrues de Carhaix en 2001 et 2002, les Mondiaux de natation en 2005 et le Grand Prix de Formule 1 du Canada de 2007 à 2014.
Pour le Printemps de Bourges, j’ai successivement été régisseur des commissions de sécurité puis régisseur de lieu. Sur le terrain des Eurockéennes de Belfort, j’ai été agent de sécurité puis agent d’interpellation de dealers sur le site. Plus tard, au Québec, les compétences et expériences acquises en France ont permis de me faire reconnaître en tant qu’acteur de la sécurité à part entière et de devenir conseiller en mesures d’urgence pour le Festival international de jazz de Montréal. Année après année, manifestation après manifestation, je suis passé du poste d’observateur à des postes très peu qualifiés (agent de sécurité), puis de postes très peu qualifiés à des postes à responsabilités (régisseur de lieu, coordonnateur de la sécurité).
L’expérience est fondée sur cinq caractéristiques principales: le changement d’activité, la multiplication des terrains, la distanciation recherche active/travail théorique, le quotidien et le long terme. Au-delà des exemples cités plus haut et pour mieux se rendre compte des différentes fonctions occupées, il s’agit de comprendre la trajectoire et son évolution, la part entre le hasard et les stratégies délibérées dans le choix des positions occupées, ainsi que les contraintes imposées par les fonctions.
Dans le choix des terrains, ma stratégie a été motivée par quatre critères principaux: la manifestation est susceptible de réunir un grand nombre de personnes; l’événement fait l’objet d’enjeux (médiatiques, économiques, politiques, sportifs et culturels) importants; les sites et les spectacles sont considérés comme des références en matière de gestion de la sécurité; le calendrier sportif et culturel entre 1998 et 2014. Le hasard certainement présent au début de la recherche s’est estompé au fil des années où la personnalité, l’expérience et les motivations ont permis davantage de liberté dans le choix des fonctions.
J’ai ainsi cherché à occuper des postes me permettant de mieux saisir les enjeux liés à la sécurité passive (structures, architecture, gradins, etc.) sur un événement (Printemps de Bourges 2000 et 2001) en tant que régisseur de lieu et régisseur des commissions de sécurité. À ce titre, j’ai servi d’intermédiaire entre la commission et les régisseurs de lieu pour faire respecter toutes les règles applicables en matière de sécurité incendie, de risque de panique et d’accessibilité au public, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Le régisseur de lieu est quant à lui responsable de la gestion humaine et logistique d’un espace.
J’ai cherché également à me rapprocher des enjeux liés à la sécurité active en tant qu’agent de sécurité et étant tour à tour gardien de matériel, agent de sécurité d’un espace «VIP», agent d’interpellation des dealers, assistant du coordonnateur (Eurockéennes de Belfort de 1999 à 2002) et coordonnateur (Vieilles Charrues à Carhaix de 2001 à 2002, Mondiaux de natation à Montréal en 2005, Grand Prix de Formule 1 du Canada de 2007 à 2014). Ce rôle de coordination implique plusieurs tâches: création des procédures d’urgence, sélection des agences privées, définition et répartition des rôles, gestion des budgets, etc. Il a surtout pour finalité, de coordonner les acteurs en présence au moyen de plusieurs réunions en petits comités ou collectives avec l’ensemble des partenaires.
Finalement, j’ai approché d’autres terrains pour mieux comprendre les enjeux liés aux interactions et négociations entre acteurs privés et publics (Aurillac 2000 et 2001; Festival international de jazz et Francofolies de Montréal de 2004 à 2014).
Ces différentes expériences, outre une recherche d’exhaustivité des fonctions touchant à la sécurité dans le champ privé, soulignent l’importance du changement de point de vue. «Les chercheurs étudiant des populations ou des situations qui leur sont familières doivent substituer à l’attitude de participation immédiate qui était antérieurement la leur, le point de vue de l’observateur désintéressé, dégagé des jugements et des normes qui vont de pair avec la position qu’ils occupaient […]. Selon Hughes, c’est en partie à certaines singularités de leurs trajectoires sociales que l’on peut attribuer la capacité à adopter une attitude d’objectivation vis-à-vis de leurs sujets d’étude» (Chapoulie, 1984: 597-598).
Un autre avantage est d’avoir étudié ces différentes manifestations à partir de positions hiérarchiques différentes. Il peut être opposé le piège d’une observation active avec la possibilité de prise de décision (qui reste cependant faible au regard des contraintes des fonctions et du nombre d’acteurs représentés). En ce sens, il est pertinent de soulever l’idée d’une marge de manœuvre de moins en moins importante du fait notamment de la confidentialité des informations recueillies en fonction de la position dans la hiérarchie. Or, le poids des responsabilités n’enlève rien à la capacité de réflexion une fois la manifestation passée.
Il reste qu’en tant que décideur et partie prenante à la négociation, il est possible de perdre une forme de neutralité. Afin d’atténuer le piège de cette position, j’ai pris le parti d’œuvrer davantage en tant que conseiller, en laissant le soin à des décideurs d’agir. C’est notamment cette position qui a été adoptée sur le Festival international de jazz et les Francofolies de Montréal à partir de 2004.
Comme toute recherche qui porte sur des individus et des groupes sociaux, sur les acteurs et leur pratique, ce travail a soulevé des problèmes éthiques et déontologiques. En m’intéressant aux acteurs, aux institu-tions de sécurité tant privées que publiques et en devenant un acteur à part entière du champ de la sécurité, j’ai dû me résoudre à certains compromis.
Lors de la présentation des résultats, j’ai dû composer entre autres avec des questions de confidentialité, en plus de devoir répondre à des exigences différentes selon l’auditoire (professionnel ou universitaire). Mais le but de la recherche étant bien défini dès le départ, les choses ont toujours été claires avec les interlocuteurs, même dans le cas d’une relation employeur-employé. Ma présence au sein de ces organisations avait pour unique finalité de construire une mémoire collective. Attaché à un centre universitaire, mon objectif est de pouvoir tirer des enseignements et de développer, par exemple, des modes de partenariat plus tangibles.

Intégrer le cadre légal et l’incident

Que ce soit dans un s...

Table des matières

  1. Préface
  2. Avant-propos
  3. Introduction
  4. Première partie
  5. Chapitre 1
  6. Chapitre 2
  7. Deuxième partie
  8. Chapitre 3
  9. Chapitre 4
  10. Troisième partie
  11. Chapitre 5
  12. Chapitre 6
  13. Conclusion
  14. Bibliographie