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L'injustice au travail au Canada

  1. 358 pages
  2. French
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L'injustice au travail au Canada

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Table des matières
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À propos de ce livre

Les débats sur les inégalités dans l'emploi adoptent habituellement un point de vue économique en se concentrant sur la distribution des revenus plutôt que sur les processus de différenciation sociale. Pourtant, avant d'être un facteur de production, le travail est foncièrement un rapport social, essentiel à l'intégration des individus. La question des inégalités dans l'emploi doit donc être approchée d'un point de vue sociologique. C'est ce que propose cet ouvrage qui, tout en s'inscrivant dans les débats en cours sur la justice sociale, offre une synthèse remarquable des perspectives théoriques, historiques et comparatives sur les inégalités dans les relations d'emploi. Se fondant sur un ensemble de données statistiques récentes, l'auteur décrit les forces qui animent le champ de l'emploi et qui contribuent à définir le statut social au Canada, et dégage ainsi le rôle décisif des politiques publiques dans ce domaine.

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Informations

PARTIE 1

La sociologie des inégalités
et des injustices
dans le champ de l’emploi

CHAPITRE 1

La perspective sociologique

Comment caractériser la perspective sociologique d’analyse du travail et des inégalités qui lui sont associées? Une des manières de procéder est de comparer la perspective sociologique avec la perspective qui lui est concurrente, celle de la science économique, pour souligner, par contraste, sa spécificité et sa valeur heuristique. Trois traits spécifiques semblent pouvoir être dégagés, ils se rapportent à l’analyse du travail, à celle de la dynamique des relations d’emploi et à celle des inégalités dans l’emploi. D’abord, le sociologue aborde le travail non comme un facteur de production, mais comme un rapport social. Ensuite, il aborde le lieu de la dynamique des relations de travail non comme un marché, mais comme un champ de forces. Enfin, l’approche sociologique aborde les inégalités non comme la résultante des différences interindividuelles, mais comme des processus de différenciation sociale.

Le travail comme rapport social

En économie, le travail est vu comme un facteur de production. Mais comment l’économiste définit-il la production? Dans quelle mesure les variations des représentations du travail rendent-elles inopérante toute tentative de définition? Comment la sociologie aborde-t-elle les frontières entre le travail et le non-travail ainsi que les variations des représentations du travail à travers le temps?

Une définition économique du travail productif

Une des définitions économiques de référence de l’activité productive recourt au critère de la «tierce personne»: la production est un processus physique de création ou de transformation de biens et services qui sont susceptibles d’être fournis par une autre personne ou unité économique1. Ainsi sont exclues des frontières de la production certaines activités telles que dormir, se nourrir, s’instruire ou se divertir, par exemple en lisant ou en regardant la télévision. Toutes les autres activités entrent dans le domaine de la production, en particulier les activités domestiques (préparation des repas, entretien de la maison), les activités de soins (apportés aux enfants, aux vieillards, aux handicapés), les activités bénévoles, et tous les déplacements liés à ces activités.
L’intérêt de cette définition économique du travail productif est qu’elle ne restreint pas le travail à sa forme marchande et permet ainsi d’ouvrir la voie à l’évaluation de la contribution du travail non marchand à l’économie. Concourt à la production non marchande tout travail non rémunéré exercé par un membre du ménage pour le ménage, résultant en la création d’un bien ou d’un service nécessaire au déroulement de la vie quotidienne et pour lequel il existe un substitut marchand (service disponible sur le marché ou tierce personne rémunérée). Cette contribution peut ainsi être évaluée, soit en prenant le prix de marché des substituts de l’activité non marchande (approche dite par les outputs), soit en imputant une valeur financière au travail non marchand et en utilisant des données d’enquête sur les emplois du temps (approche dite par les inputs).
L’évaluation des activités non marchandes modifie substantiellement l’analyse que l’on peut faire des inégalités sociales entre les hommes et les femmes dans la mesure où les femmes contribuent davantage à l’économie non marchande2. Cela change aussi l’évaluation de la richesse: de nombreux économistes, un des premiers étant l’économiste et statisticien américain d’origine russe Simon Kuznets3, ont ainsi pu être amenés à considérer une grande partie de la croissance du produit intérieur brut comme un artefact ne résultant que d’un problème de comptabilisation des activités productives dans le produit intérieur brut, c’est-à-dire s’expliquant avant tout par la marchandisation d’activités productives qui étaient auparavant non marchandes et essentiellement réalisées par les femmes.

La porosité des frontières
et les variations des représentations

Cependant, dans la pratique, l’application du critère de la tierce personne se heurte à la porosité des frontières entre le travail et le non-travail ainsi qu’au fait que la plupart des activités se pensent et se vivent par rapport aux pratiques et normes sociales courantes: ce qui est considéré comme travail pour certaines personnes ne le sera pas pour d’autres; de même, ce qui est considéré comme travail à tel moment et dans tel lieu ne l’est plus à d’autres moments ou en d’autres lieux. L’étude de ces frontières et variations conduit à critiquer l’idée même de fournir une définition du travail permettant de ranger les activités, soit dans le travail, soit dans le non-travail. Plutôt que de fournir une définition du travail, la sociologie s’intéresse ainsi plutôt aux contours du travail et du non-travail ainsi qu’aux variations des formes et des représentations du travail dans l’espace et dans le temps.
D’abord, un certain nombre d’activités ne peuvent pas se ranger de manière claire dans le travail ou dans le non-travail. Entre le travail et les études, on trouve un ensemble de statuts intermédiaires, des situations d’études qui intègrent des temps en situation professionnelle, tels que l’apprentissage, les stages ou les formations professionnelles, ou des situations d’emploi qui comportent des dimensions formatrices pouvant être valorisées sous forme de crédits de cours par la suite4. Alors que du point de vue de l’employeur, le stagiaire ou l’apprenti représente souvent une main-d’œuvre qualifiée à moindre coût, du point de vue de la personne en formation, il s’agit de trouver préalablement un employeur pour pouvoir être autorisé à s’inscrire à la formation et à faire reconnaître ultérieurement sa qualification. Il en va de même pour la frontière entre le travail et les loisirs: on trouve une constellation d’activités que le sociologue canadien Robert Stebbins range dans la catégorie des «loisirs sérieux» et qu’il divise en trois types: l’amateurisme, l’activité de hobby et le bénévolat professionnel5. Les frontières qui régissent les relations entre les catégories du travail, des études et des loisirs sont transformées en permanence par l’évolution des politiques publiques, des pratiques individuelles et des représentations collectives.
Par ailleurs, l’inclusion de toutes les activités non marchandes dans la sphère de la production ou du travail peut donner lieu à des anachronismes. Selon la sociologue française Dominique Méda, il ne faut pas projeter sur le passé «une catégorie profondément moderne» telle que le travail: c’est parce que le travail rémunéré est devenu noble qu’on y a progressivement inclus, sous l’influence des mouvements féministes, les formes d’activité non marchandes jugées essentielles comme les tâches domestiques, le bénévolat, l’éducation des enfants ou l’engagement militant6. Avant le milieu du XXe siècle, ces activités étaient plutôt considérées comme improductives, et ce, même si le critère de la tierce personne pouvait s’appliquer.
À l’inverse, certaines activités dorénavant considérées comme non susceptibles d’être fournies par une autre personne n’ont pas toujours été des activités «improductives». C’est le cas, par exemple, du lavage corporel et de l’habillement. En effet, dans le passé, des domestiques étaient employés pour laver et habiller des adultes en bonne santé. La relation sociale qui existait entre les maîtres et les domestiques se caractérisait par un ordre inégalitaire dans lequel les domestiques étaient considérés comme des êtres inférieurs à qui les maîtres ne reconnaissaient aucun droit d’expression. Un incident illustratif, qui est repris par Norbert Elias dans La société de cour, est rapporté par le secrétaire de Voltaire, Longchamp, à propos de l’ancien valet de chambre de son amie, la marquise du Châtelet: «La marquise ayant profondément troublé son valet de chambre en lui dévoilant, au bain, sa nudité, lui reproche sur un ton insouciant d’être négligent et de ne pas l’arroser convenablement d’eau chaude7.» Dans cette relation sociale entre le domestique et sa maîtresse, le domestique n’est pas reconnu comme un être humain sensible pouvant être ému par la nudité d’une femme: cette absence de reconnaissance est corrélative de la possibilité de la délégation de l’activité intime. Aujourd’hui, dans la quasi-totalité des milieux sociaux, se laver apparaît comme une activité trop intime pour pouvoir être déléguée à d’autres, du moins pour ce qui concerne les adultes qui ne sont pas en perte d’autonomie.
L’évolution des pratiques relatives à l’allaitement fournit également un bon exemple des variations dans le temps des formes de relations sociales prises par le travail. Dans le lointain passé, seuls certains groupes privilégiés faisaient appel à des nourrices pour allaiter leurs enfants: les reines égyptiennes, les Romaines aisées, les dames de la noblesse française aux XVIe et XVIIe siècles, et les bourgeois de la même époque qui en avaient les moyens. Cependant, au XVIIIe, on observe une nette massification de ce comportement, les populations urbaines envoyant massivement leurs enfants en nourrice à la campagne: sur les 2100 bébés nés à Paris en 1780, 90% sont envoyés deux ans ou plus en nourrice à la campagne, 5% restent avec leur mère et 5% sont allaités par une nourrice au domicile des parents8. Ces nourrices ont pourtant maintenant disparu dans les sociétés contemporaines qui préconisent un allaitement maternel ou au biberon, ce qui s’explique à la fois par des progrès techniques (lait en poudre), mais aussi par l’évolution de la psychologie enfantine. Notons cependant l’apparition dans certains pays (comme au Canada) de nouveaux métiers connexes tels que ceux d’accompagnatrice périnatale ou de conseillère en lactation.

L’analyse sociologique des rapports sociaux

Dans ces variations, il apparaît, comme le rappelle le sociologue Michel Lallement, que le travail est «en transformation […] car le travail ne préexiste pas aux rapports sociaux, il est rapport social9». Cela signifie que ce n’est pas seulement le contexte social qu’il s’agit de comprendre, mais la relation que le travail institue et qui définit elle-même le contexte. En fait, il est utile de distinguer deux approches du travail comme rapport social, une davantage anthropologique et l’autre plus strictement sociologique. Comme le note Marie-Noëlle Chamoux dans une synthèse sur les représentations du travail, ce sont deux manières complémentaires d’appréhender les rapports sociaux10.
La première approche, plus anthropologique, part des catégories indigènes, celles qui sont reconnues par les groupes étudiés, pour mettre en cause des catégories tenues au départ pour évidentes ou universelles, y compris la frontière même qui distingue le travail du non-travail. Cette approche nous apprend d’abord que les notions de travail et de non-travail sont soit absentes – c’est le cas dans de nombreuses sociétés tribales, comme chez les Maenge d’Océanie ou les Achuars d’Amazonie –, soit éclatées en divers termes comme chez les Grecs – ponos désignant l’effort, ergon la tâche ou l’œuvre, et techne la connaissance technique – ou chez les Romains –...

Table des matières

  1. INTRODUCTION
  2. REMERCIEMENTS
  3. PARTIE 1
  4. CHAPITRE 1
  5. CHAPITRE 2
  6. CHAPITRE 3
  7. PARTIE 2
  8. CHAPITRE 4
  9. CHAPITRE 5
  10. CHAPITRE 6
  11. PARTIE 3
  12. CHAPITRE 7
  13. CHAPITRE 8
  14. CHAPITRE 9
  15. CHAPITRE 10
  16. TABLE DES MATIÈRES