Profession
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  1. 68 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Dans l'imaginaire collectif, le latiniste est un érudit qui travaille exclusivement à la littérature religieuse et mystique du Moyen Âge. Bien que cette représentation ne soit pas tout à fait erronée, comment comprendre, toutefois, que l'auteure d'Harry Potter ait décidé de faire traduire les sept volumes de la série en latin et même en grec ancien? De la traduction à l'usage moderne du latin, cet essai nous dévoile les facettes inconnues et fascinantes de ce métier.Jean-François Cottier est professeur au Département des littératures de langue française et directeur du Centre d'études médiévales de l'Université de Montréal.

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Informations

1
Comment peut-on être latiniste ?
« Ah ! ah ! Monsieur est Persan ?
C’est une chose bien extraordinaire !
Comment peut-on être Persan ? »
Montesquieu, Lettres persanes, 1721, lettre XXX
Invité, il y a quelques mois, à un dîner chic où se côtoyaient le monde diplomatique et celui des arts et du théâtre, je fus interrogé par mon hôte, avec un sourire vaguement inquiet, sur la nature exacte de mes occupations universitaires : « J’ai dit à tout le monde que vous étiez latiniste, mais j’ai dû me tromper, plus personne n’apprend le latin n’est-ce pas ? » Habitué à cette incrédulité de plus en plus généralisée, et ayant pris depuis longtemps le parti d’en sourire pour mieux la confondre, je confirmai à mon hôte, embarrassé jusqu’à la rougeur, que j’étais bien latiniste, que c’était ma profession et que, contrairement aux idées reçues, le latin s’enseignait toujours. D’abord pour lui-même, parce qu’on a écrit et pensé en latin pendant vingt siècles et que la littérature latine classique, médiévale et moderne représente des centaines d’auteurs et des milliers de pages, mais aussi dans le cadre des études d’histoire, de philosophie ou de littérature, puisqu’en Occident tout ce qui a pu être considéré comme important à une certaine époque a d’abord été publié dans la langue de Cicéron et d’Érasme.
Devenu, par ces seuls mots, aussi étrange aux autres invités que les Persans de Montesquieu aux Parisiens du XVIIIe siècle, il me semblait entendre leurs murmures : « Ah ! ah ! Monsieur est latiniste ? c’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être latiniste ? » Circonstance aggravante, je n’avais rien, moi, d’admirable dans ma physionomie : ni la délicate onctuosité d’un vieil ecclésiastique érudit, ni la raideur glaciale d’un philologue compassé. Rien ne permettait à mes interlocuteurs de m’identifier à l’idée qu’ils se faisaient du représentant forcément désuet d’une culture oubliée… et quelque peu suspecte ! Une fois l’effet de surprise passé, on me demanda alors d’expliquer mon métier de latiniste et son utilité, ainsi que l’itinéraire qui m’avait conduit à venir enseigner au Québec la langue et la littérature latines.
Humanités gréco-latines
Ma chance fut de naître et de grandir en Belgique, pays tolérant et progressiste, qui a su préserver tout l’apport des études classiques dans un enseignement résolument ouvert par ailleurs sur le monde moderne. Un des grands bienfaits de cette formation fut un apprentissage des langues anciennes s’étalant sur la longue durée, puisque, dès la première année du secondaire, le programme des cours prévoyait neuf heures hebdomadaires de latin, cinq de français et trois d’histoire, à côté de deux langues vivantes et d’un enseignement exigeant en mathématiques et en sciences. L’année d’après et jusqu’en terminale nous suivions chaque semaine, outre tous les cours habituels et trois langues vivantes, cinq heures de latin et quatre de grec dans un programme qui portait le titre ancien et glorieux d’humanités. Il s’agissait en effet tout autant de nous former à l’intelligence des « Belles-lettres », dans une progression raisonnée qui nous faisait passer en français, en latin et en grec de l’étude des (belles) histoires des légendes grecques ou romaines aux philosophes, en passant par les poètes et les orateurs, que de nous permettre de mieux maîtriser notre langue et notre pensée en les frottant aux grands textes de la tradition classique. Tout cela demandait certes de la rigueur et une certaine discipline, mais nous aimions ces enseignements pour tout ce qu’ils nous apportaient de réflexion sur l’humain et parce qu’ils nous faisaient grandir en nous donnant le sens de l’histoire et en nous inculquant un certain art de vivre.
Par ailleurs, et contrairement à ce qu’un lecteur d’aujourd’hui, peut-être incrédule, pourrait croire, nous aimions beaucoup nos cours de langues anciennes. Grâce à la qualité particulière des professeurs qui les donnaient, souvent aussi bons philologues qu’excellents pédagogues, grâce aussi à l’intérêt des textes auxquels nous avions ainsi accès et qui donnaient l’occasion à notre imaginaire de se déployer. Si j’ai tant aimé l’Iliade ou l’Odyssée d’Homère, l’Énéide de Virgile ou les Histoires de Tite-Live, c’est en partie pour le désir d’une Grèce ou d’une Italie rêvées que ces textes ont su faire naître en moi, pour l’exotisme des noms anciens et des voyages fabuleux qu’ils me permettaient de réaliser, mais c’est aussi pour la richesse de ces deux langues qui m’ont aidé à mieux appréhender la mienne. Une fois qu’on les a traduits mot à mot, vers à vers, ligne à ligne, je crois qu’on se souvient pour toujours du rire perlé de larmes d’Andromaque disant adieu à Hector (Iliade, VI, 369-503), de la folie téméraire d’Hannibal traversant les Alpes au son du barrissement effrayé de ses éléphants (Tite-Live, XXI, 26-33), du souffle épique de Lucrèce expliquant l’univers sur le mode épicurien (Sur la nature des choses) ou de cette petite phrase de Sénèque qui nous enseigne qu’« aimer, c’est avoir quelqu’un pour qui mourir » (Lettres, IX, 10).
La première carte routière… Roma caput mundi ! Rome et l’Italie centrale en 393, dans la table de Peutinger (Bibliothèque nationale d’Autriche), copie réalisée au XIIIe siècle d’un document antique qui fut probablement élaboré sur plusieurs siècles sous l’empire romain.
Le latin comme instrument pour voyager
Plus tard, au moment où, mes études secondaires achevées, j’hésitais entre le Conservatoire supérieur de musique et les études classiques, c’est un roman qui fit pencher la balance. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans…, mais c’est aussi la chance de la fin de l’adolescence que de pouvoir se laisser enflammer par un livre. En effet, après avoir étudié en classe de terminale L’œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, la lecture estivale des Mémoires d’Hadrien couronna en quelque sorte mes humanités classiques en fondant sur le mode idéal mon désir de me consacrer à l’étude de l’Antiquité et des langues anciennes.
Bien sûr, il fallut s’habituer au goût un peu âcre de l’érudition et du savoir. Cependant, mes quatre premières années d’université furent une période d’intenses découvertes, dues en particulier à l’enseignement d’un de mes professeurs, Jacques Poucet, véritable « père spirituel » des études classiques à Bruxelles et à Louvain. Son cours de littérature latine ouvrait grands les horizons. Lecture dumézilienne des récits consacrés à la Rome royale, rapports entre littérature et archéologie, introduction aux théories modernes de la littérature, travail formel sur la poésie : il multipliait les éclairages pour comprendre et apprécier les textes anciens. Il enseignait également l’histoire romaine et les sciences auxiliaires de l’Antiquité, première introduction à l’épigraphie, à la papyrologie, à l’ecdotique (édition des textes anciens) et à l’archéologie. Mais davantage peut-être que le contenu, c’est sa personnalité et son ouverture personnelle qui nous marquaient comme étudiants, et nous comprenions grâce à lui la grandeur d’une discipline dont les implications humaines dépassaient largement les murs d’Athènes ou de Rome !
Les années me conduisant à la maîtrise me permirent d’autres explorations, comme la littérature antique chrétienne, la linguistique comparée, l’étruscologie, la paléographie, une introduction au sanskrit et aux anciennes langues bibliques, explorations qui correspondaient parfaitement à la définition initiale que j’avais reçue à Louvain des études de philologie classique : « Science des manifestations de l’esprit humain dans toutes les sphères de son activité durant la période classique, de la Grèce homérique à l’Humanisme occidental, en vue de l’enseignement des humanités. »
Deux ans plus tard, un voyage à Oxford m’ouvrit de nouvelles portes, celles des bibliothèques précieuses où sont conservés les ouvrages du Moyen Âge. La rencontre avec les manuscrits et l’univers médiéval anglo-normand fut une véritable révélation et, m’installant à Paris, je décidai d’entamer une thèse à la Sorbonne consacrée à la tradition des textes de dévotion du Moyen Âge central (XIe-XIIe siècle). Durant sept années, je me suis mis à étudier plus d’une centaine de manuscrits conservés essentiellement en France, en Angleterre et en Italie, en m’intéressant non seulement à leur contenu, mais aussi à leur composition, à leur réalisation, à leur ornementation et à leur conservation. Ce rapport direct aux témoins contemporains des œuvres étudiées est d’ailleurs un des aspects qui distinguent le plus les études médiévales des études classiques : les plus anciens manuscrits ayant conservé des œuvres antiques ne remontent guère au-delà du IXe siècle et de la Renaissance carolingienne ; pour le Moyen Âge, non seulement nous travaillons sur des manuscrits souvent très proches de l’original, mais il n’est pas rare d’être en présence de textes autographes !
Une fois ma thèse achevée, et alors que je commençais une carrière universitaire, l’Université de Genève me proposa de collaborer à l’édition internationale des Opera omnia d’Érasme de Rotterdam († 1536) en me confiant deux de ses Paraphrases sur les Évangiles. J’acceptais avec d’autant plus d’enthousiasme que cette nouvelle avancée chronologique, du Moyen Âge à la Renaissance, du temps des manuscrits à celui des premiers livres, me permettait d’explorer de nouvelles méthodes de travail et de me familiariser avec de nouveaux outils. Mon intuition première était par ailleurs ainsi confirmée : le lat...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page titre
  3. La collection
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. 1 - Comment peut-on être latiniste ?
  8. 2 - Nos ancêtres les Romains…
  9. 3 - Le latiniste au travail
  10. 4 - Le latin au Québec et en Nouvelle-France
  11. Conclusion
  12. Lectures complémentaires