Profession médecin de famille
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Profession médecin de famille

  1. 74 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Profession médecin de famille

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À propos de ce livre

«?Médecin de famille?» L'expression en dit beaucoup plus qu'on ne l'imagine. Cette figure est chargée de symboles, de souvenirs d'enfance, d'émotions intenses et d'expériences de vie marquantes. Elle véhicule son poids d'histoire et de réalité contemporaine. Et, parce que l'expression est riche, il est difficile d'en faire le tour en quelques mots ou quelques pages. Marc Zaffran raconte ici comment la médecine générale est devenue, sous ses yeux, une spécialité à part entière qui exige de hautes compétences scientifiques et relationnelles, ainsi qu'une ouverture d'esprit et une créativité importantes. On ne naît pas médecin de famille, on le devient. Le livre est dédié à tous les étudiants en médecine, dans toutes les spécialités, à leurs professeurs, et aussi au grand public qui connaît, et aime, les livres de Martin Winckler.Né en Algérie et médecin de formation, Marc Zaffran a exercé en France comme médecin de famille en milieu rural et en milieu hospitalier. À partir de 1987, il publie sous le pseudonyme de Martin Winckler des ouvrages dans des styles très différents: romans, récits autobiographiques, contes, recueils de nouvelles, articles scientifiques, analyse filmique de séries télévisées, essais sur le soin, manuels médicaux pour le grand public. Il vit maintenant à Montréal, avec sa famille.

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Informations

Découverte

J’ai treize ans et je suis aux anges.
Assis à la place du passager dans une Renault 4L, j’accompagne mon père dans une de ses tournées. On est en mai 1968 et, bien que nous ne vivions qu’à quatre-vingt kilomètres de Paris, les jets de pavés et de grenades lacrymogènes entre étudiants et policiers me semblent se dérouler sur une autre planète. La route qui défile devant nous est plate comme la main, tout comme les champs de céréales qu’elle traverse. Nous sommes en Beauce, le «grenier à blé» de la France. La 4L tangue, vibre et ondule, mais je n’ai pas le mal de mer, je suis heureux.
Mon père, Ange Zaffran, me parle en conduisant.
J’adore mon père. Il ressemble un peu à Edward G. Robinson dans ses rôles de truands, mais il ne m’a jamais fait peur. À mes yeux, il est la bonté incarnée.
Il est médecin généraliste dans une petite ville française de 10000habitants, Pithiviers. Il s’y est installé en 1963 après avoir exercé la médecine en Algérie pendant près de vingt ans. Son cabinet médical est situé au rez-de-chaussée de notre logement, une «maison de docteur» depuis plusieurs générations, mais dans laquelle nous vivons depuis cinq ans seulement. Chaque jour à 17heures, quand je rentre du lycée, je le trouve assis dans son bureau, la porte ouverte, après le départ du dernier patient. En attendant de sortir faire ses visites à domicile, il lit l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné ou un hebdomadaire de courses hippiques: comme des millions de Français, il joue au tiercé tous les dimanches. Lorsque j’apparais à la porte de son bureau, il me demande comment s’est passée ma journée; je commence à lui dire ce que j’ai appris et je m’assieds sur le divan d’examen sur lequel des patients se sont allongés quelques minutes ou quelques heures plus tôt. Il m’écoute et, au détour d’une question — j’ai toujours des questions à lui poser —, il se met à me parler de son enfance, de la ville où il a grandi, de l’école qu’il a fréquentée.
Le téléphone sonne; c’est l’épouse d’un de ses patients. Elle aimerait savoir quand il va passer le voir. À la manière dont Ange lui répond, je comprends qu’elle a déjà appelé, qu’elle est inquiète. Il dit qu’il part sur-le-champ et, comme il n’a pas fini de me raconter son histoire, il me propose de l’accompagner.
Il remet les lunettes qu’il essuyait pensivement quelques instants plus tôt, se lève, saisit une petite sacoche posée sur un meuble, sort du bureau, se plante au pied de l’escalier et appelle ma mère pour la prévenir qu’il part en tournée.
Il lui dit le nom des patients qu’il va voir, afin qu’elle puisse le joindre si quelqu’un d’autre demande une visite entre-temps. Les cellulaires n’existent pas encore, et nombre de gens n’ont pas le téléphone chez eux, mais ma mère sait toujours chez qui le joindre.
Beaucoup de patients de mon père vivent hors de Pithiviers, dans un rayon de vingt kilomètres. Même s’il n’a que quelques visites à faire, si c’est aux quatre coins du canton, la tournée peut durer trois heures. Nous rentrerons seulement passé l’heure du souper.
Quand j’accompagne mon père, nos conversations ont toujours deux versants. En partant vers le domicile d’un patient, il continue l’histoire qu’il avait commencé à me raconter: comment un prof de violon, après l’avoir écouté poser la première fois un archet sur des cordes, a préféré l’emmener à la pêche. Ou comment, lorsqu’il était enfant puis adolescent, il jouait au foot avec un camarade de classe nommé Albert Camus. Ça, c’est le versant drôle, épique, coloré.
Puis il guide la voiture sur un chemin étroit, pénètre dans une cour de ferme où un chien nous accueille en aboyant et il se gare devant un bâtiment d’habitation. Il allume la radio pour que je ne m’ennuie pas et, saisissant la petite sacoche posée sur le siège arrière, il sort à la rencontre de la femme qui va le guider vers le malade.
Je ne regarde pas les poules, les oies ou le chien qui tourne autour de la voiture. Je sors un livre et je lis, ou un cahier et j’écris. Je ne vois pas le temps passer.
Quand mon père ressort, quarante minutes ou une heure plus tard, son visage est sombre. Il me demande si j’ai faim, si je veux qu’il me dépose à la maison avant d’aller voir le patient suivant. Il est prêt à faire trente kilomètres de plus pour que je soupe à une heure correcte, mais je préfère rester avec lui.
Lorsque la voiture quitte la cour de ferme, je l’entends soupirer.
— Quelle misère. Quel malheur. Il y a vraiment des gens qui n’ont pas de chance.
Je sais qu’il parle du patient très malade qu’il vient de voir et d’écouter, de sa femme qu’il a tenté de réconforter de son mieux, des enfants qui vont peut-être bientôt perdre leur père. Je n’en saurai pas plus, car il ne me décrit jamais ce qu’il a vu ou entendu. Il me parle de ses sentiments, il évoque des histoires similaires, vécues pendant ses études de médecine; il vitupère les hôpitaux sans âme, les praticiens sans délicatesse, l’administration sans pitié, les créanciers sans scrupules.
Dans la maison, là-bas, autour de l’homme abattu par la maladie, une famille souffre et s’inquiète.
Mon père est médecin généraliste, mais, dans le couloir de la maison, j’entends souvent les patients parler de lui en disant «mon médecin de famille». Dans mon esprit de préadolescent, je crois comprendre qu’il entretient avec eux une relation intime. Je ne comprends pas bien la nature de cette relation, mais elle ne me surprend pas. Après tout, mon père est aussi le «médecin de la famille» — notre famille. Médecin de la famille, médecin de famille. Je suis loin, alors, de saisir la subtilité et la richesse de ce qui sépare et unit simultanément les deux expressions.

Figure

Depuis toujours, j’ai le sentiment que, parmi les humains, des individus sont «faits pour soigner». Le comportement de «soignant» n’est d’ailleurs pas spécifique de l’espèce humaine. Comme d’autres comportements instinctifs — nourrir ses petits, lancer des signaux d’avertissement à la vue d’un prédateur ou indiquer la présence d’une source de nourriture —, les soins existent chez de nombreuses espèces, y compris chez les grands primates, dont nous sommes les proches cousins.
Il est plausible que, bien avant le développement de l’agriculture et l’invention de l’écriture, au sein des petits groupes de chasseurs-cueilleurs du paléolithique, des hommes et des femmes aidaient déjà les femmes à accoucher, réchauffaient les nouveaux-nés, donnaient à manger ou à boire à ceux qui avaient un membre cassé ou de la fièvre.
Certains, ayant remarqué que des animaux pansaient leurs plaies avec de l’argile ou mastiquaient des plantes quand ils étaient malades, ont essayé à leur tour; ceux qui ont survécu et guéri ont transmis leur découverte à un descendant, à une disciple.
D’autres ont eu l’idée de faire des attelles, d’arracher des dents douloureuses ou même de trépaner le crâne d’un des leurs pour en faire sortir l’esprit ou le démon qui, pensaient-ils, le faisait convulser.
D’autres encore, réputés capables d’entrer en contact avec l’au-delà et d’accéder aux secrets de la vie et de la mort, écoutaient et prédisaient une rechute ou une guérison. Parfois, leurs prédictions tombaient juste et leur valaient une confiance et un respect souvent mêlés de crainte. Ceux-là étaient sorciers, prêtres, chamanes. À leur manière, avec leurs moyens, ils soignaient. Ils mettaient leur expérience ou leur intuition au service d’une communauté qui les gratifiait en retour, à la mesure de ses attentes, plus encore que de leurs résultats.
Il me semble qu’à cet égard rien n’a vraiment changé. Aujourd’hui, dans les pays développés tels le Canada ou la France, les personnes malades se tournent peu vers les prêtres. Mais le respect, la confiance et la déférence que la population porte aux médecins ont quelque chose de sacré.
J’ai eu de la chance: je n’ai pas grandi dans la crainte des médecins ou dans l’idée qu’ils étaient des individus supérieurs à d’autres. Même si j’avais pour lui une admiration sans bornes, le médecin qui me soignait, m’éduquait et me racontait des histoires ne me semblait en rien surhumain. Je l’entendais souvent exprimer ses doutes, et son souhait d’être «moins ignorant». Il me parlait des articles qu’il venait de lire, des choses qu’il apprenait et qu’il ne connaissait pas. Mais jamais il ne m’a laissé entendre qu’il savait ou pouvait tout.
Malgré ses doutes, il était habité de puissantes convictions et, en particulier, celle que tout soignant est l’allié de la personne qu’il soigne. Sans complaisance, mais sans conditions.
J’ai naturellement assimilé le médecin à une figure paternelle bienveillante. Pour cette raison, il m’a fallu, beaucoup plus tard, combattre ce paternalisme dans mes propres attitudes. Car un médecin n’est ni un juge, ni un directeur de conscience, ni un père.

Études

J’ai dix-huit ans et j’entre à la Faculté de médecine de Tours, en France. Je viens de passer un an dans une famille et une high school nord-américaines. Là-bas, lorsque j’ai confié vouloir être médecin et écrivain (j’écris depuis l’adolescence), mes interlocuteurs m’ont répondu: ce sont deux bons métiers. Six mois plus tard, tel n’est pas l’avis des étudiants en médecine français et de leurs enseignants. Pour eux, la formation médicale prime le reste. Et elle a ses dogmes: il y a des disciplines nobles — la chirurgie, l’obstétrique, la médecine interne — et d’autres qui ne le sont pas. La médecine générale est alors à peine une di...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Crédits
  4. Page de titre
  5. Préambule
  6. CHAPITRE 1: Découverte
  7. CHAPITRE 2: Figure
  8. CHAPITRE 3: Études
  9. CHAPITRE 4: Modèles
  10. CHAPITRE 5: Lectures
  11. CHAPITRE 6: Dilemme
  12. CHAPITRE 7: Contact
  13. CHAPITRE 8: Terrain
  14. CHAPITRE 9: Questions
  15. CHAPITRE 10: Inquisition
  16. CHAPITRE 11: Confusions
  17. CHAPITRE 12: Formation
  18. CHAPITRE 13: Posture
  19. CHAPITRE 14: Attitude
  20. CHAPITRE 15: Emploi du temps
  21. CHAPITRE 16: Partages
  22. CHAPITRE 17: Écritures
  23. CHAPITRE 18: Fictions
  24. CHAPITRE 19: Instruments
  25. CHAPITRE 20: Engagement
  26. Lectures complémentaires
  27. Table des matières
  28. Quatrième de couverture