PREMIÈRE PARTIE
ÉTAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE SUR LE TRANSFERT DES CONNAISSANCES
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Émergence de la première « équipe de recherche en partenariat sur le transfert des connaissances dans le domaine social »
Christian Dagenais, en collaboration avec l’ensemble des membres de l’équipe
Notre équipe a obtenu en avril 2009 une subvention d’équipe de recherche en « émergence » sur le transfert de connaissances (TC) dans le domaine social. Ce type de subvention sert à développer une programmation de recherche d’équipe qui pourrait faire l’objet d’une demande de subvention d’équipe en « fonctionnement ». Ces subventions permettent de soutenir les travaux de l’équipe de recherche pour une période de quatre ans et sont renouvelables. En d’autres mots, l’obtention de ce type de subvention vise à consolider l’infrastructure de recherche mise en place au cours de la période d’émergence des équipes.
La journée du 21 juin 2011 a servi à regrouper les points de vue des trois sous-groupes de participants qui composent l’équipe, en vue de préparer notre demande de financement au concours du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQ-SC) de l’automne 2011. Cette équipe de recherche en partenariat constitue le premier regroupement transdisciplinaire québécois consacré à la recherche sur le TC dans les secteurs sociaux, éducatif, sociosanitaire et communautaire. Lors de cet événement, chacun des partenaires de l’équipe a partagé son expérience en lien avec le TC et les questions de recherche qu’il juge prioritaires. Sandra Nutley de l’Université d’Édimbourg, spécialiste du TC de réputation internationale, fut présidente d’honneur de cet événement. Ce sont les résultats de cette journée d’échanges qui sont aujourd’hui publiés dans cet ouvrage collectif.
Notre équipe se donne comme objectifs principaux de produire des connaissances scientifiques dans le but d’améliorer la compréhension du TC et de permettre à ses partenaires d’adopter des stratégies de transfert plus efficaces pour soutenir la prise de décision et l’intervention dans leurs milieux respectifs.
Pertinence d’une équipe de recherche sur le TC
Les efforts pour rendre accessible la quantité phénoménale de nouvelles connaissances scientifiques produites ont pavé la voie au développement d’un domaine de recherche en pleine effervescence : le transfert des connaissances. Au cours des deux dernières décennies, ce domaine a connu une croissance impressionnante (Dagenais, Ridde, Laurendeau et Souffez, 2009). Ce développement rapide a donné lieu à un foisonnement de nouveaux termes pour le qualifier ainsi qu’à une certaine confusion. Notre équipe retient l’expression « transfert de connaissances » (TC), telle que définie dans le Plan d’action en matière de transfert de connaissances du Fonds de recherche québécois – société et culture : « Ensemble des efforts consentis pour contribuer à faire connaître et reconnaître les activités et les résultats de recherche en sciences sociales et humaines, en arts et en lettres en vue de leur utilisation par les milieux de pratique, les décideurs et le grand public, que la démarche soit interactive ou non » (FRQ-SC, 2011, p. 9).
Les travaux réalisés pendant la période « d’émergence » de notre équipe ont notamment permis de tisser des partenariats étroits avec neuf organisations activement impliquées dans des activités de TC. Ces liens se sont créés à partir d’une réflexion commune menée par les membres de l’équipe sur la pertinence sociale des activités de recherche sur le TC. Plusieurs constats ont émergé : 1) il existe au Québec plusieurs organismes très dynamiques qui mènent des activités de TC dans le domaine social et qui veulent mieux comprendre la portée de leurs activités et en améliorer l’efficacité ; 2) ces organismes n’ont pas toujours l’expertise et les ressources nécessaires pour évaluer scientifiquement leurs activités de TC et éprouvent des difficultés à mobiliser les chercheurs autour de ces questions ; 3) les chercheurs sur le TC ont, par leur objet même de recherche, la volonté que leurs travaux contribuent non seulement au développement de nouvelles connaissances scientifiques, mais aussi à l’amélioration des pratiques de TC et des stratégies mises en œuvre en ce sens. Une équipe de recherche en partenariat constitue de ce fait la meilleure configuration possible pour faciliter la rencontre entre les chercheurs sur le TC et les organismes impliqués dans des activités de TC.
Les connaissances issues de la recherche sont reconnues comme une source d’informations permettant d’améliorer les pratiques sociales (Davies et Nutley, 2008). Les premières publications sur l’utilisation de la recherche dans le domaine sociopolitique remontent aux années 1970 (voir à ce sujet Weiss, 1977). Mais depuis l’émergence du mouvement de l’Evidence-Based Medicine dans les années 1990, la tendance à fonder les pratiques et la prise de décision sur des données probantes a connu un essor remarquable (Evidence-Based Practice, Chambless, Sanderson, Shoham, Bennet Johnson. et al., 1996 ; Thyer 2004). Malgré tous les efforts consentis depuis, l’écart entre les connaissances scientifiques disponibles et leur utilisation persiste (Abrami, Dagenais, Janosz, Bernard et Lysenko, 2008 ; Dagenais et Nutley, 2010 ; Dagenais, 2010 ; Dagenais et Dutil, 2011 ; Davies et Nutley, 2008 ; Nutley, 2011 ; Glasgow, Lichtenstein et Marcus, 2003 ; Estabrooks, Floyd, Scott-Findlay, O’Leary et Gushta, 2003). Ainsi, comme l’affirme Nutley (2011) : « Research has the potential to improve policy and practice, yet, often it does not. We need to understand more about when, how and under what conditions research impacts policy and practice ». Plusieurs auteurs soulignent le fait que, malgré la mobilisation grandissante des chercheurs, les écrits scientifiques sur le TC dans le domaine social présentent encore peu de données probantes sur les processus qui mènent à l’utilisation des connaissances et encore moins sur les effets des différentes stratégies de TC (Estabrooks, 2007 ; Mitton et al., 200...