À contre-langue et à courre d'idées
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À contre-langue et à courre d'idées

Étude du vocabulaire étranger francisé et du discours polémique dans l’œuvre de Jacques Ferron

  1. 287 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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À contre-langue et à courre d'idées

Étude du vocabulaire étranger francisé et du discours polémique dans l’œuvre de Jacques Ferron

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De Jacques Ferron on connaît bien sûr les écrits (romans, contes, poèmes, pièces de théâtre) et les prises de position politique (Parti Rhinocéros). Dans cet ouvrage, Richard Patry a choisi d'étudier l'oeuvre de cette figure marquante du paysage littéraire québécois selon deux angles bien précis: le vocabulaire francisé et les écrits polémiques. Le premier, qui avant aujourd'hui n'a jamais fait l'objet d'une étude exhaustive, est ici analysé en détail (« Nouillorque » [New York], « chéquenne » [shake hand]), tant de façon quantitative que qualitative. Le second se présente sous forme d'études de cas et regroupe les écrits à caractère historico-politique et les essais moins connus de l'auteur.

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Chapitre 1

Jacques Ferron à la croisée
des chemins langagiers

J’avais un rêve pour la France: que ses habitants puissent
parler paisiblement la plus belle langue du monde.

Talleyrand


Dans cette introduction à la première partie de l’ouvrage, il sera surtout question de la langue au Québec et dans la littérature québécoise. Il n’est pas ici question de refaire l’histoire d’une problématique richement documentée, mais d’en mettre en évidence un certain nombre d’aspects qui permettront de mieux situer le contexte culturel large dans lequel Jacques Ferron a commencé sa carrière d’écrivain et la façon spécifique dont il a répondu aux interrogations qui travaillaient la conscience collective de son époque sur le plan de la langue, de la culture et de l’identité nationale.
Ce chapitre présente enfin le phénomène langagier sur lequel porteront les cinq chapitres suivants, soit celui des mots étrangers francisés.

Jacques Ferron en littérature

Jacques Ferron a fait ses études de médecine à l’Université Laval, à Québec, de 1940 à 1945. Dès ce moment, il voulait devenir écrivain, et s’était ouvert de son intention au professeur Louis Berger, à qui il avait répondu à une question concernant son avenir: «Le médecin sera mon mécène. J’entends faire de la littérature1». À la fin de ses études, il s’engage comme médecin dans l’armée canadienne durant une année. C’est durant cette année de 1945 qu’il écrit un premier roman, La gorge de Minerve2, qui est refusé par plusieurs éditeurs et qui, finalement, ne sera jamais publié. Auparavant, Jacques Ferron avait écrit de nombreux textes pour des revues étudiantes3, mais le véritable début de sa carrière littéraire coïncide avec cet engagement à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
À la suite de sa démobilisation, Jacques Ferron exerce la profession médicale pendant deux ans (1946-1948) en Gaspésie, à Petite-Madeleine puis à Rivière-Madeleine. Ce séjour gaspésien prend fin à la suite de la profession de foi communiste de l’auteur qui a eu pour conséquence le retrait de son allocation par le Ministère de la colonisation. Il vient par la suite s’établir sur la rue de Fleurimont à Montréal où les débuts sont difficiles et la clientèle rare.
L’auteur récapitule ces premières années de vie professionnelle dans un beau passage de Du fond de mon arrière-cuisine (p. 204)4:
Après ce cours classique, j’allai étudier en médecine à Québec, puis, reconnu docteur à vingt-quatre ans, je fus capitaine dans l’armée de juillet 1945 à 1946, une année de fainéantise et de voyages par tout le Canada qui me sera fort utile mais que je devrai rembourser au bon Dieu quand j’allai m’installer ensuite à la Madeleine dans Gaspé-Nord, desservant soixante milles de côtes. Deux ans et demi après, malade et ne le sachant pas, m’étant par contre déclaré communiste tout en ignorant les saints livres, je fus plus ou moins chassé de ma tanière par Duplessis et les curés, comme s’ils eussent voulu mon bien, et revins à Montréal sur la foi du docteur Daniel Longpré qui avait écrit dans Combat qu’il y manquait au moins mille médecins. Je le crus et vins ouvrir un cabinet au coin de Fleurimont et Saint-Hubert où sans les visites que Longpré me refilait, la nuit, je serais mort de faim dès le premier mois.
À la suite de cette expérience difficile du quartier Rosemont, Jacques Ferron s’installe sur la Rive-Sud de Montréal, à Ville Jacques-Cartier, ville qui est plus tard fusionnée avec Longueuil. C’est là qu’il réalise l’essentiel de son œuvre littéraire. C’est là également qu’il pratique la médecine jusqu’à la fin de sa vie «en oubliant ou en refusant souvent de se faire payer», comme le souligne Pierre Vallières dans le bel hommage qu’il rend dans Nègres blancs d’Amérique5 au modèle d’humanité que représente à ses yeux le docteur Ferron.
C’est durant cette année suivant son arrivée à Ville Jacques-Cartier que Jacques Ferron publie son premier ouvrage: L’ogre, pièce de théâtre publiée à compte d’auteur aux Éditions de la file indienne6. Par la suite, sa carrière littéraire se met véritablement en branle, et c’est durant les années 1950 que Jacques Ferron publie l’essentiel de son théâtre, ainsi que plusieurs courts récits dans diverses revues, qui seront par la suite réunis dans le recueil Contes dans la première édition de 19687. Les séjours respectifs dans l’armée canadienne et en Gaspésie auront fourni l’essentiel de la matière de ce recueil, qui est encore aujourd’hui l’œuvre emblématique de l’auteur.

Le Ferron du «Pays incertain»

Au moment où il s’est mis à la littérature, Jacques Ferron était tout à fait conscient des nombreux angles aigus entourant la problématique de la question nationale au Québec, et ce même si la forme de celle-ci, dont les contours allaient se préciser dans la conscience collective de la deuxième moitié du XXe siècle, était encore confuse et le plus souvent indistincte. Il ne faut pas l’oublier, au moment où Jacques Ferron écrivait La gorge de Minerve et Les rats, il restait encore au Québec à traverser dix longues années de règne duplessiste, et les velléités nationalistes nées dans la foulée de la Révolution tranquille étaient encore enfouies dans les limbes d’un devenir en puissance. Pourtant, Jacques Ferron avait dès lors perçu la tache de naissance qui marquait collectivement ses concitoyens; cette extrême angoisse identitaire générée chez les siens par le fait d’être francophones sans être Français et Nord-Américains sans être anglophones.
Cette impossible quadrature du cercle initiale s’était d’ailleurs compliquée sur le plan historique du fait que les habitants français du Québec avaient été vaincus militairement et colonisés par un occupant presque trois siècles auparavant. Le Québec, qui était alors le Bas-Canada, ne figurait pas véritablement dans les projets de la Couronne britannique, et consistait plus ou moins en un vaste territoire de richesses naturelles à exploiter où était parqué un surplus humain constitué principalement d’Amérindiens et de francophones. L’avenir politique se trouvait du côté du Haut-Canada, ce que le pacte confédératif ne manqua de prouver dans la suite des événements. Le Bas-Canada y perdit progressivement ses pouvoirs et vit l’ensemble des autres provinces s’angliciser massivement. Mal à l’aise, les «Canadiens» de Philippe-Aubert de Gaspé se rebaptisèrent «Canadiens-français» dans la première moitié du XXe siècle afin de se distinguer de cette marée montante anglophone, puis, de guère lasse, se firent enfin «Québécois» dans la deuxième moitié du siècle; dénomination qui marque doublement une rupture définitive de ce pacte confédératif sur le plan symbolique et une corrélation stricte de l’identité avec le territoire qui délimite son extension.
Le Canada est donc hostile. Les États-Unis constituent un voisinage anglophone trop puissant pour notre modeste stature. Enfin, la France est éloignée sur le plan géographique et le Québec en est séparé sur le plan culturel depuis trop longtemps. Ceci constitue l’extension de cette impossible quadrature du cercle dont il était question précédemment, et tout impossible qu’elle soit, c’est pourtant sur ces trois piliers chancelants et mal assortis que s’est construite l’identité du peuple québécois, et cela en grande partie par déterminisme historique: tout d’abord sur le plan de la causalité, parce qu’on ne peut refaire l’histoire (même si on peut la réinterpréter), ensuite sur le plan de la géographie, parce qu’on ne peut déménager de pays et qu’on ne peut changer de voisins, enfin sur le plan culturel, parce qu’on ne peut changer de langue sans y perdre quelque chose de son âme.
Jacques Ferron connaissait bien les termes de cette problématique de l’identité et de la survie collectives. Il venait d’une famille de notables de Louiseville. Son père, qui était notaire, participait activement à la vie politique de sa région comme organisateur libéral lors des campagnes électorales. L’auteur lui-même s’intéressait aussi à la politique, intérêt qui l’a amené à militer dans plusieurs partis à tendance sociale-démocrate et à fonder le Parti Rhinocéros, dont il était le Président. Jacques Ferron s’intéressait aussi à l’histoire, sujet sur lequel il a d’ailleurs abondamment écrit, ce qui lui valut d’être nommé membre de la Société historique de Montréal en 1965.
Au moment où Jacques Ferron écrivait La gorge de Minerve et Les rats, en 1949, plus de la moitié de la population du Québec vivait encore en milieu rural, et le mouvement d’urbanisation massif, qui allait pousser cette population vers les villes, surtout vers la grande ville de Montréal, n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements. Jacques Ferron a bien perçu la conséquence principale de cette transformation majeure dans laquelle s’était engagé le Québec de l’après-guerre: l’effondrement des assises identitaires traditionnelles du Québec rural, francophone et catholique, et l’inévitable période de dérive qui allait s’ensuivre en attendant que ce vide soit comblé8.
Les cinquante années qui se sont écoulées depuis lors nous permettent un regard rétrospectif sur cette période. Nous sommes maintenant en mesure de constater que le vide n’a pas été véritablement comblé. Ce qui s’est plutôt produit, c’est une cristallisation autour de la seule valeur identitaire que l’après-guerre n’ait pas soufflée: la langue.

«Pays incertain», «Pays symbolique»

La langue a toujours figuré en tête du palmarès des valeurs identitaires québécoises, ce qui est tout à fait compréhensible compte tenu du fait qu’elle constitue un élément distinctif dont la saillance est très élevée et dont la perception est immédiate dans un contexte nord-américain très majoritairement anglophone. Ce qui surprend davantage cependant, c’est la façon très ambivalente par laquelle elle s’exprime dans la communauté: tantôt sur le mode positif de la valorisation et de l’affirmation, tantôt sur le mode né...

Table des matières

  1. Avant-propos
  2. I
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Chapitre 4
  7. Chapitre 5
  8. Chapitre 6
  9. II
  10. Chapitre 7
  11. Chapitre 8
  12. Chapitre 9
  13. Chapitre 10
  14. Chapitre 11
  15. Chapitre 12
  16. Annexe 1
  17. Annexe 2