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Problématiques matérialistes des Lumières françaises (1650-1780)

  1. 332 pages
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Problématiques matérialistes des Lumières françaises (1650-1780)

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Oser penser par soi-même. Voilà le mot d'ordre des écrivains matérialistes des Lumières qui n'ont pas hésité à récuser l'existence de Dieu, à mettre en jeu la réalité d'une « substance spirituelle » — oxymore absurde s'il en est — et à illustrer l'aliénation de ceux qui adhèrent à ce qui mène inévitablement au théofascisme.Si Dieu est une chimère et les religions des « folies humaines », la matière, en revanche, existe par elle-même, travaillée par des forces qui rendent compte du monde tel qu'il existe. Du « frayage » des particules élémentaires au transformisme, en passant par la théorie des probabilités, les thèses matérialistes ont pu éclore parce que des « philosophes » ont abandonné le paradigme mécaniste au profit d'une conception complexe de l'organisme, fondée sur l'irritabilité et la sensibilité du tissu animal. L'auteur de Matières incandescentes analyse les conditions d'apparition et de développement des problématiques matérialistes des Lumières (1650-1780) dans une synthèse impeccable qui souligne les liens qui se sont tissés entre réflexion philosophique et avancées scientifiques.Professeur émérite de l'Université d'Ottawa, Pierre Berthiaume est spécialiste de la littérature française du xviiie siècle et des relations de voyage en Amérique du Nord. Sa bibliographie comprend nombre d'ouvrages et d'articles qui couvrent les deux domaines de recherche.

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Informations

Chapitre 1

Avoir raison de Dieu

Pourquoi y a-t-il plutôt quelque chose que rien?1
Dieu constitue la «pierre de l’angle d’un vaste édifice qui s’écrouleroit si cette pierre pouvoit être arrachée2»; l’affirmation de l’éternité et de l’autonomie de la matière passe par la ruine du concept de Dieu; de là la nécessité pour les écrivains matérialistes de récuser la «Révélation» à travers laquelle la divinité se serait manifestée aux hommes, d’invalider les «preuves» de son existence et d’illustrer les incohérences de ses attributs.
* * *
Si les hommes sont obligés de croire une chose uniquement parce qu’elle a été révélée, il faut au moins qu’ils soient bien surs qu’elle ait été divinement révélée3.
La «Révélation» est la communication que le dieu des religions monothéistes a faite de lui-même aux hommes. En même temps qu’elle émane de lui, elle le manifeste; elle constitue un message dans lequel le signifiant et le signifié se confondent. Comme le signifié est, par essence, un être infiniment parfait, le message doit porter les traces de cette perfection. «Par sa nécessité même», écrit François Xavier de Feller, «un Dieu sage & bon n’a pu refuser à son plus bel ouvrage», à l’être humain, «une lumiere nécessaire à sa félicité & à la connoissance des devoirs envers son Auteur4». Pour ce, la «Révélation» doit remplir trois conditions: être universelle, être claire et ne rien dire de contradictoire sur la divinité, en principe parfaite. Or, elle ne répond à aucune des conditions.
Pour être universelle, la «Révélation» «devroit être écrite en un langage qui pût être entendu de tous les hommes5». La langue dans laquelle elle a été transmise est, au contraire, à peu près inintelligible à cause de ses caractéristiques linguistiques et du figurisme auquel étaient enclins les Hébreux. «Le langage de l’Ecriture n’est pas naturel»; il répond au «goût et au style Orientaux. L’Ecriture n’est donc pas pour nous, elle n’est que pour eux6». Le dieu des religions révélées est un «Dieu caché» qui «n’a jamais parlé que d’une façon énigmatique & mystérieuse», écrit d’Holbach7. Il n’a fait que «donner & retenir», autrement dit, «parler pour n’être point entendu». La langue et le caractère sibyllins de la «Révélation» impliquent qu’elle ne s’adresse qu’à une partie de l’humanité, ce qui met en jeu et le signifiant et le signifié8: une «révélation particulière annonce un dieu partial9», donc partiel, c’est-à-dire une créature qui ne possède pas les attributs d’un être parfait. Au moment même où la «Révélation» est censée faire connaître l’existence de l’Être suprême, elle la nie: puisque «la révélation d’un dieu bon aurait dû être universelle […] toute révélation exclusive anéantit évidemment la bonté et la justice du père commun des mortels10». Privé d’attributs sans lesquels il n’est pas parfait, le dieu judéo-chrétien ne peut être l’Être absolu.
En outre, au lieu de faire connaître la divinité, la «Révélation» divulgue «des mystères, c’est-à-dire des choses inaccessibles à l’esprit humain». Dieu ne se manifeste «que pour n’être point compris». Sa conduite est «aussi ridicule qu’insensée». Dieu ne se serait «révélé que pour demeurer inconnu, pour nous cacher ses voies, pour dérouter notre esprit, pour augmenter notre ignorance et nos incertitudes11». Le message voile ce qu’il est censé dévoiler: il se nie lui-même. Semblable à la théologie qui ne parvient pas à donner une idée cohérente de la divinité, la «Révélation» ne «peut être regardée que comme un projet d’anéantir l’existence de l’être suprême12». Parce qu’elle révèle des ténèbres, la «Révélation» met en scène un dieu que son propre verbe contredit; elle pousse les hommes à douter de l’existence de l’être qu’elle entend faire connaître.
Elle implique enfin une contradiction fondamentale. Elle n’existe que parce que la divinité, en principe immuable, a été inconstante: «si Dieu s’est révélé dans le temps, il a cessé dès lors d’être immuable: il a voulu dans un temps ce qu’il n’a point voulu dans un autre13». En s’inscrivant dans l’histoire, la «Révélation» induit un dieu qui change d’avis en même temps qu’elle l’affirme immuable. Elle renferme une contradiction intrinsèque: son existence exclut celle de la divinité immuable qu’elle annonce, si bien qu’elle s’annule elle-même.
* * *
La lecture de la Bible est la plus propre de toutes [les lectures] à désabuser un chrétien de son respect pour la Bible14.
Irrecevable à cause de ses contradictions, la «Révélation» l’est aussi par la façon dont elle a été transmise aux hommes. Biblos, en grec, signifie «livres saints», mais ceux-ci n’ont rien de saints, montrent les écrivains matérialistes à travers une «histoire» de ceux-ci, plus précisément à travers une enquête sur leur paternité, sur le prophétisme qui leur sert de fondement, sur leur véracité historique et sur l’herméneutique chrétienne. En mettant en lumière les conditions de production des textes saints et leur facture humaine, ils visent à annuler leur sanctitas, leur caractère sacré et divin.
Dans la mythologie judéo-chrétienne, les prophètes sont les porte-parole de la divinité, inspirés qu’ils sont par elle. À titre de truchements de Dieu, ils garantissent l’authenticité de sa parole. Si ceux à qui on attribue les «livres saints» n’en sont pas les vrais scribes, la «Révélation» est une supercherie. Or, la paternité des textes sacrés a fait problème. Bien avant Richard Simon, Thomas Hobbes montre, en se fondant sur des anachronismes, que Moïse ne peut être l’auteur du Pentateuque, qui lui est pourtant attribué15. Le cas du Pentateuque n’est pas unique; d’autres livres de l’Ancien Testament n’ont pu avoir été écrits par ceux à qui on les attribue. «Que le livre de Josué fût, lui aussi, écrit longtemps après l’époque de Josué, c’est ce qui ressort de nombreux passages du livre lui-même», constate Hobbes. «Josué avait élevé douze pierres au milieu du Jourdain en souvenir de leur traversée», écrit le rédacteur du texte, qui ajoute qu’«elles y sont jusqu’à ce jour; jusqu’à ce jour est en effet une expression renvoyant à une époque révolue, située au-delà de la mémoire humaine», observe Hobbes16. On trouve la même expression ou des expressions semblables dans le livre des Juges, dans ceux de Ruth, de Samuel, d’Esdras-Néhémie et d’Esther, tout comme dans les livres des Rois et dans les Chroniques, ou Paralipomènes: tous ces livres ont manifestement été écrits après la disparition des rédacteurs à qui on les attribue17. Thomas Hobbes n’est pas seul à relever les incohérences des «livres saints». Spinoza, qui maîtrise la langue hébraïque, constate lui aussi que le Pentateuque n’a pu être écrit par Moïse18, que le livre de Josué n’a pas été rédigé par celui-ci, ni le livre des Juges par ces derniers19. Dans tous les cas, il s’agit de textes vraisemblablement réunis par Esdras au Ve siècle20. Il n’y a «presque aucun [livre de l’Ancien Testament] qu’on puisse assurer être l’ouvrage de celui dont il porte le nom», écrit le rédacteur de La Religion chrétienne analysée21. La Bible, avance l’auteur anonyme de La Vie et l’esprit de Mr Benoit de Spinosa, «n’est composé que d’un tissu de Fragmens cousus ensemble en divers tems, & donnez au Public à la fantaisie des Rabbins, qui ne les ont produits, qu’après avoir approuvé les uns & rejetté les autres, suivant qu’ils les ont trouvé ou conformes, ou répugnans à la Loy de MOYSE22». Ce n’est pas Dieu qui a donné forme et sens aux livres sacrés, mais des hommes qui ont amalgamé des «fragments» de textes anciens en fonction de leurs convictions et d’enjeux religieux. En même temps que la figure du messager divin se brouille, le message céleste perd ses assises. Si ceux qui se disent les apocrisiaires de Dieu sont suspects, leur discours perd toute valeur.
Il en perd d’autant plus que le prophétisme, en plus d’être commun à «toutes les religions du monde23», ne peut être garant de la vérité d’un discours, quel qu’il soit. «Chacun sait que chez les Hébreux il y avait de vrais et de faux prophètes», rappelle d’Holbach. Comment «les distinguer», puisque «les uns et les autres disaient que Dieu leur avait fait connaître sa volonté par des visions ou par des songe24»? Impossible, en effet, «de discerner les pretendus veritables prophet...

Table des matières

  1. Abréviations
  2. Introduction
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Chapitre 4
  7. Chapitre 5
  8. Chapitre 6
  9. Chapitre 7
  10. Conclusion
  11. bibliographie1